« Nous avons demandé à une IA de cartographier nos histoires à travers New York »


Créée en 2019, l'agence de presse non lucrative et non partisane The City souhaite être « au service de tous les New Yorkais ». Elle s'est donné pour priorité de garder à l'esprit la diversité géographique lorsque ses rédacteurs et journalistes attribuent, écrivent, photographient ou éditent des articles. Afin de pouvoir vérifier cette égalité de couverture dans le traitement de l'information, la plateforme numérique a demandé à ChatGPT de trouver et de cartographier tous les emplacements mentionnés dans ses articles depuis 2019. 

Le résultat est Where AI Mapped Our Stories, une carte interactive des 2 773 emplacements identifiés à partir de 4 159 articles du journal en ligne The City. La carte présente deux vues principales : une vue choroplèthe montrant la densité de couverture par quartier et une vue en mode points localisant les 2 773 lieux cités dans le journal sur la période 2019-2023.
   
Densité de couverture par quartier entre 2019 et 2023  (source : Where AI Mapped Our Stories)


Localisation détaillée des articles de The City par année (source : Where AI Mapped Our Stories)


Selon l’analyse produite par l'IA, les articles publiés semblent couvrir l'ensemble de la ville de New York et ne pas se limiter aux quartiers aisés qui ont tendance à attirer le plus l’attention des médias. Cependant certains quartiers sont moins mentionnés que d’autres, l’est du Queens et Staten Island étant relativement absents. La densité de couverture journalistique est particulièrement forte dans le CBD, ce qui reflète la centralité de la presqu'île de Manhattan. 

Il est à noter que ChatGPT n'a pas été en mesure de géolocaliser toutes les histoires. Il n'a pu reconnaître que les lieux explicitement nommés dans les articles. Il a fait des erreurs sur certains lieux indistincts ou au contraire en multipliant les lieux lorsque ceux-ci apparaissaient dans le même article sans que l'histoire s'y réfère précisément. L'analyse s'est heurtée aussi au problème des noms de quartiers correspondant à des limites géographiques assez floues. Le New York Times en a fait une carte qui donne une représentation de ce phénomène de frontières fluides entre quartiers (An Extreme Detailed Map of New York). Il a donc fallu procéder à des vérifications et recourir en complément à des méthodes plus traditionnelles. Pour autant, le recours à l'IA a permis de gagner du temps par rapport à l'écriture d'un code spécifique dans une application dédiée. Cela nécessite cependant de soigner l'écriture des instructions qui doivent être claires et explicites. Voici le prompt qui a été donné à ChatGPT :

Vous êtes un data scientist et un cartographe. A partir de ce texte, effectuez une analyse sémantique et renvoyez les données géographiques : 'Quartier :', 'Nom de la rue :', 'Landmark :', 'Coordonnées géographiques :'. Pas d’autres textes s’il vous plaît

Le recours à l'agent conversationnel ChatGPT d'OpenAI a été jugé globalement positif par The City d'après l'article qui présente le détail de cette expérience : « À une époque où le journalisme considère l'IA comme un substitut potentiel aux coûts des reportages produits par l'homme, en tant que rédaction à but non lucratif, nous considérons les technologies comme un moyen de remplir notre mission : l'IA générative peut aider à créer des outils comme cette carte qui nous permet d'être plus réactifs envers les communautés que nous servons ». Il est vraisemblable que l'IA va se développer considérablement dans les années qui viennent pour chercher, sélectionner et représenter des données géolocalisées. Non sans entraîner des changements profonds pour le métier de data journaliste et pour de nombreux autres métiers manipulant du code informatique et des données géonumériques.

Lien ajouté le 8 mars 2024
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Des cartes du monde dans le style d'artistes célèbres créées par intelligence artificielle





Climate Change Explorer, un outil cartographique pour visualiser les projections climatiques


L'application en ligne Climate Change Explorer offre la possibilité de visualiser les projections climatiques dans sa ville pour les décennies à venir. Les analogies sont calculées en comparant les climats prédits à un endroit avec les climats connus pendant la période 1970-2000.

Explorateur du changement climatique (source : Climate Change Explorer)


Pourquoi cette application web ?

« Imaginer ce que nous ressentirons sur notre lieu de vie dans le futur est difficile, même pour une climatologue ! Comment mes 2°C de plus en moyenne annuelle vont-ils se manifester ? Les analogies me permettent de développer cet imaginaire, d'aller voir et ressentir aujourd'hui, ailleurs, le climat que j'aurai chez moi demain » (Nathalie De Noblet-Ducoudré, climatologue)

« Limiter le changement climatique et s'y adapter est sans doute le grand défi de ma génération au niveau mondial. Il est important de se rendre compte du champ des possibles, tant pour se motiver à limiter ce changement que pour se préparer à la part qui est déjà inévitable  »  (Corentin Barbu, leader du projet)

Climats historiques de référence

L'application utilise les données climatiques fournies par WorldClim version 2.1 pour la période des années 1970-2000. Les valeurs rapportées sont des moyennes sur des périodes de 20 ans (2021-2040, 2041-2060, 2061-2080, 2081-2100) et pour différents scénarios d'émissions de gaz à effet de serre tels que définis par le CMIP6. Il est possible de choisir entre 4 scénarios (très limité -  limité - tendanciel et maximum si rien n'est fait). Une fois ces options choisies, la carte affiche par une flèche noire la ville actuelle qui a des caractéristiques climatiques équivalentes à celles qu'aura dans un futur plus ou moins proche le lieu qu'on a choisi. Des graphiques d'évolution permettent de faire des comparaisons assez précises entre ces villes jusqu'en 2100.

La possibilité de disposer d'une aide

Une aide graphique est fournie pour la prise en main du logiciel. La rubrique méthodes donne accès aux méthodes de calcul et aux données utilisées.

Aide graphique pour prendre en main l'application en ligne  (source : Climate Change Explorer)

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Quels sont les États qui ont le plus contribué au réchauffement climatique dans l’histoire ?

Les stations de montagne face au changement climatique (rapport de la Cour des comptes)

Un atlas mondial pour estimer les volumes d’eau des glaciers

Atlas climatique interactif Copernicus


Au sujet du pouvoir émotionnel des cartes : « nous avons tous une carte en nous »

 

Ana Lucía González Paz, d'origine colombienne et visual journaliste à la BBC, explore le pouvoir émotionnel des cartes. Selon elle, « nous avons tous une carte à l'intérieur, un ensemble de coordonnées... qui fait de vous qui vous êtes ». Dans un très beau flipbook qu'elle a présenté au forum Geomob, l'auteure retrace sa géographie personnelle à partir de la cordillère des Andes et de la ville de Bogota où elle n'habite plus, mais dont elle a gardé le souvenir en elle.

« We all carry a map inside » écrit et cartographié par Ana Lucía González Paz (source : a-map-inside.webflow.io)

L'occasion de nous livrer un beau texte sur la carte comme support de mémoire et repère de vie : 

« Car oui, les cartes sont imparfaites.
Les grilles et les coordonnées
ne peuvent pas démêler
les lignes mutilées de la mémoire.
Mais elles me permettent d’être
à la fois voyageur et observateur
de ces lieux, de rendre 
 le passé et le présent visibles.
Elles racontent l'histoire 
des chemins que j'ai empruntés 
et de ceux que je n'ai pas empruntés. 
Des mauvais virages que j'ai pris 
et de ceux que je n'ai pas pris. »

Si vous souhaitez découvrir des entretiens avec des cartographes et des artistes réalisant des cartes, n'hésitez pas à écouter leurs témoignages (en anglais) sur le forum Geomob. Vous y trouverez notamment Chloé Bolland et ses cartes fantastiques, James Cheshire et son Atlas de l'Invisible, John Nelson et sa cartographie audacieuse... et bien d'autres surprises.

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Le monde luso-hispanique à travers les cartes : un guide de la Bibliothèque du Congrès

 

Ce guide de ressources, proposé par la Bibliothèque du Congrès à Washington, fournit une sélection de cartes manuscrites réalisées par des cartographes espagnols et portugais, ou dans des zones liées à l'Espagne et au Portugal. Il est issu de l'ouvrage The Luso-Hispanic World in Maps : A Selective Guide to Manuscript Maps to 1900 in the Collections of the Library of Congress, publié en février 1999 par John R. Hébert et Anthony P. Mullan. Une version en ligne de ce guide a été proposée en 2011. Elle a donné lieu à une mise à jour en 2024 de manière à intégrer les cartes cataloguées et numérisées depuis la première publication de cette bibliographie. Ce guide comporte aujourd'hui plus de 1000 documents accessibles sur le site de la Bibliothèque du Congrès : l'occasion de s'interroger sur la délimitation et a définition de ce "monde luso-hispanique" ainsi que sur l'imago mundi produite par ces cartes. S'il existe aujourd'hui une américanisation du monde, la mondialisation au XVIe siècle passait d'abord par son hispanisation. 

Atlas mondial (1630) de Joao Teixeira, cosmographe du roi du Portugal (source : Bibliothèque du Congrès)


Les cartes élaborées par les Portugais et les Espagnols

De nouvelles découvertes et explorations ont entraîné la nécessité d'améliorer les cartes au moment où le monde luso-hispanique commençait à se former au début du XVIe siècle. De vastes étendues des Amériques, de l’Asie, des océans Atlantique, Indien et Pacifique ont été découvertes et explorées permettant une compréhension du monde entier. L'Espagne et le Portugal étaient à l'avant-garde de cette expansion, permettant ainsi le passage progressif d'une Europe tournée vers l'intérieur à une Europe en quête de territoires et d'échanges commerciaux à l'échelle mondiale.

Cette poussée ibérique nécessitait des cartes soigneusement construites et précises concernant de vastes régions du monde restées jusqu’alors inconnues. Dès le début, les Espagnols et les Portugais ont été contraints, pour des raisons pratiques, de créer des agences spécialisées de cartographie pour fournir des informations précises qui puissent être mises régulièrement à jour. La volonté des deux puissances ibériques d’élargir les limites de la connaissance européenne du monde atlantique reposait sur des efforts importants, propres à chacun des deux royaumes. Au début du XVe siècle, Henri le Navigateur du Portugal a réuni les meilleurs cosmographes, navigateurs et cartographes pour compiler des informations sur le monde atlantique et la côte africaine. En 1507, le roi Ferdinand d'Espagne a établi le bureau du Piloto Mayor dans la Casa de Contratación à Séville pour rassembler les dernières données géographiques et cartographiques des terres nouvellement découvertes depuis le voyage de Colomb en Amérique en 1492. L'Espagne et le Portugal étaient à l'avant-garde de la connaissance géographique. Cet héritage s’est transmis tout au long de la période coloniale et se reflète dans les cartes élaborées par les Portugais et les Espagnols.

Le monde luso-hispanique correspond aux pays et régions du monde gouvernés par l’Espagne et le Portugal à l’apogée de leur puissance. Selon cette définition, toute l'Amérique latine, les Caraïbes, des parties importantes des États-Unis et du Canada actuels, diverses îles du Pacifique et de l'océan Atlantique, certaines parties de l'Asie continentale, les Philippines, des parties importantes des régions côtières d'Afrique et de la péninsule ibérique - en d'autres termes, une grande partie du monde peut être considéré comme faisant partie du monde luso-hispanique (non réductible uniquement aux régions parlant le portugais et l'espagnol).

Guide pour consulter les documents

Le Guide est construit sur la base d'un découpage géographique correspondant à la façon dont les Portugais et les Espagnols (se) représentaient le monde à l'époque. S'y ajoute un classement propre aux auteurs qui ont cherché à répertorier et classer les cartes à partir des pays actuels. De fait le Guide proposé par la Bibliothèque du Congrès participe à construire un regard et à s'interrroger sur ce que l'on qualifie de "monde luso-hispanique".

  • Introduction
    L'introduction présente les auteurs et la portée de ce guide, ce que l'on peut entendre par "monde luso-hispanique" et comment les cartes, par leur richesse et leur diversité, contribuent à la représentation de ce monde.

  • Atlas (1-9)
    Cette section contient des descriptions d'atlas (entrées numérotées de 1 à 9), principalement des portulans.

  • Cartes du monde (10-15)
    Cette section contient des cartes de l'océan Atlantique et de l'océan Pacifique.

  • Hémisphère oriental (16-26)
    Cette section contient des cartes de l'Asie et de la Méditerranée, alors considérées comme faisant partie de l'hémisphère oriental (Ancien Monde).

  • Hémisphère occidental (27-126)
    Cette section contient des cartes des Amériques, des Caraïbes et du Pacifique, alors considérés comme faisant partie de l'hémisphère occidental (Nouveau Monde).

  • Pays, États et villes (127-1006)
    Cette section présente des cartes de pays, d'États, de villes et de régions en conservant l'ordre numérique original de la cartobibliographie publiée par The Luso-Hispanic World in Maps. Chaque page couvre cinq pays classés par ordre alphabétique, à l'exception de la page relative aux États-Unis, qui comprend des cartes générales des États-Unis ainsi que des sections pour plusieurs États.

  • Documents divers (1007-1011)
    Les cartes de cette section montrent des lieux non identifiés, ne rentrant pas parfaitement dans les autres catégories. La plupart sont des cartes d’entraînement militaire.

  • Bibliographie sélectionnée
    La bibliographie sélective renvoie aux auteurs utilisés pour réaliser le guide.

  • Utiliser la Bibliothèque du Congrès
    La section présente le fonds documentaire de la Bibliothèque du Congrès qui possède des collections parmi les plus importantes au monde et donne des informations sur les conditions d'accès aux documents sous forme numérique ou en salle d'accès à la bibliothèque.

La Bibliothèque du Congrès propose d'autres guides de ressources classés par discipline et centres d'intérêt. Ces guides fournissent un moyen pratique d'accéder à des collections de cartes classées par époque, auteur ou thématique. Nous donnons ci-dessous la liste des guides concernant la rubrique "Géographie". En même temps qu'ils répertorient des ressources et favorisent un accès direct aux documents, ces guides construits par des conservateurs de bibliothèque contribuent à façonner notre imago mundi.

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Utiliser le lion pour politiser la géographie (blog de la Bibliothèque du Congrès)

La carte, objet éminemment politique. Carte-caricature et dispositif narratif


Ce billet est consacré à la présentation et l'analyse d'une carte humoristique extraite de la vidéo « Bienvenue en 2027 ». Produite par les Marioles (Blast), cette animation à caractère satirique met en scène Emmanuel Macron et Vincent Bolloré dans un bunker en 2027. L'occasion de mettre en évidence la place centrale des cartes dans le dispositif narratif. 

Extrait de l'animation vidéo « Bienvenue en 2027 » (source : Les Marioles - Blast

La vidéo repose sur une vision dystopique et parodique de la France à la veille des prochaines élections présidentielles :

"Nous sommes en 2027, la France est à feu et à sang et tous les cauchemars d’aujourd’hui se réalisent. La température grimpe, les révoltes fracturent la France, l’économie chute. Emmanuel Macron se réfugie dans son bunker de l’Élysée où Vincent Bolloré l’a rejoint. Les deux hommes communiquent avec l’extérieur grâce à des moyens rudimentaires."

La carte de France apparaît une première fois subrepticement au début de la séquence après un monologue du président invitant tous les Français à le rejoindre dans une Union sacrée. Comme il est réfugié dans un bunker, il leur demande de le suivre à distance sur Radio 49.3.

Extrait de l'animation vidéo « Bienvenue en 2027 » (source : Les Marioles - Blast, 2mn 10s


Cette carte de France en noir & blanc (plutôt prosaïque) contraste avec le planisphère en couleurs qui montrait dans un plan précédent l'emprise mondiale de la Macronie depuis son bunker sous le palais de l'Elysée. Le planisphère est titré comme s'il s'agissait d'un jeu vidéo virtuel "Projet PC Jupiter 2024".
 
Extrait de l'animation vidéo « Bienvenue en 2027 » (source : Les Marioles - Blast, 1mn 38s)

Une troisème représentation cartographique intervient dans l'animation vidéo. Il s'agit d'un plan de Paris représenté sous la forme d'un plan de bataille, une sorte de jeu de plateau avec des troupes concentrées autour du palais de l'Élysée. Le plan est accompagné du dialogue suivant :
    - « La vraie France, la nôtre, ne se résume plus qu'au 8e et au 16e arrondissement de Paris" (Macron)
    - « Comme toujours non ?" (Bolloré)
    - « Bien sûr" (Macron)

Extrait de l'animation vidéo « Bienvenue en 2027 » (source : Les Marioles - Blast, 7mn 56s)

Puis la vidéo revient sur la carte de l'Hexagone qui est montrée cette fois en gros plan. La carte joue un rôle central dans le dispositif narratif au moment où Vincent Bolloré essaie de convaincre Emmanuel Macron (desespéré de ne plus arriver à se maintenir au pouvoir) d'une stratégie politique pour reconquérir le pays :
« Là et là, pas d'intérêt...»
« Ici 4 millions d'islamo-gauchistes, écolos, communistes enragés, irrécupérables...»
« Là 6 millions de bons chrétiens, ton coeur de cible...» 

Extrait de l'animation vidéo « Bienvenue en 2027 » (source : Les Marioles - Blast, 8mn 40s)

Cette carte-caricature très réductrice est censée représenter la France d'en bas ("Les Ploucs", "Crétins des Alpes"), mais aussi les enjeux politiques et environnementaux qui menancent la France. Apparaissent pêle-mêle sur la carte "Le Pen" "Méluchon" "Les Chouans" "Sahara", mais aussi "terra incognita" (?) pour la Bretagne. 

Présentée comme "de loin le meilleur épisode depuis le début de la série des Marioles", la vidéo de Blast est l'objet de commentaires mitigés sur Youtube. Émission satirique basée sur des marionnettes, elle constituerait un timide remake des Guignols de l'info. Concernant l'authenticité des personnages, l'utilisation de l'IA peine parfois à convaincre, malgré des voix assez ressemblantes. Le scénario est un peu poussif avec une vidéo qui dure tout de même 14mn. La chute finale avec l'irruption de Sandrine Rousseau et les discours aux connotations contradictoires sur le plan idéologique viennent un peu obscurcir le message. D'aucuns soulignent malgré tout le ton corrosif conforme à l'engagement militant de Blast qui se réclame d'un journalisme critique et indépendant, « accessible au plus grand nombre pour aiguiser l’esprit critique et donner envie de résister et d’agir ».

Dans cette animation, on peut remarquer le rôle central joué par les représentations cartographiques. Au delà de son côté humoristique, cette carte de France vient inverser le référent en disant le réel, celui du monde "du dessus", par opposition à la vision "du dessous" à l'intérieur du bunker où sont reclus les décideurs coupés du monde réel. Une belle inversion des rôles par rapport à l'opposition classique entre la "France d'en haut" et la "France d'en bas". 

Cette vidéo de Blast fournit un bon exemple de l'utilisation des cartes à des fins politiques et témoigne de leur place souvent centrale dans le dispositif narratif. Les cartes satiriques sont utilisées depuis longtemps pour critiquer le pouvoir politique en place. En cela l'exemple n'a rien de véritablement original. Il semble cependant que le genre se renouvelle avec le pouvoir de l'IA qui rend le dispositif narratif plus efficace et avec les réseaux sociaux qui participent à la diffusion massive de ces cartes animées. A l'heure de la désaffection pour les médias traditionnels, la satire politique serait-elle devenue, en France comme aux Etats-Unis, l'infodivertissement dont raffolent les milléniaux ?

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La carte, objet éminemment politique


Carte des travaux et oeuvres d'art réalisés par le New Deal (Living New Deal)


Living New Deal a pour objectif de faire connaître le New Deal et son vaste programme de lutte contre les effets de la Grande Dépression aux États-Unis dans les années 1930. Le site propose beaucoup d'informations (textes, images, chronologies, programmes, acteurs...) avec également des ressources pédagogiques disponibles de la maternelle au niveau K12 (Terminale).  

Le New Deal reposait sur des dizaines de programmes et d’agences créés par l’administration Roosevelt et le Congrès américain. Certains de ces projets ont été créés par la loi, d’autres par décret ; certains sont bien connus, d’autres non ; certains ont changé de nom ou ont été modifiés en cours de route ; certains n’ont duré que quelques années, d’autres existent encore. Le site recense une liste complète des programmes, avec pour chacun un résumé de la loi, son agence, ses objectifs et ses réalisations, ainsi que ses acteurs clés et son héritage. Cette recension s'appuie en grande partie sur des sources primaires qui sont citées.

Une carte interactive montre les travaux publics et les œuvres d'art du New Deal. Chaque site est signalé par un point, ce qui donne une idée de l'ampleur des travaux lancés à l'époque (avec une concentration plus grande dans les villes). 

Cartographie des travaux et oeuvres d'art réalisés par le New Deal (source : Living New Deal)

Les sites sont classés par catégorie et par agence. Un clic sur la légende permet de sélectionner une catégorie :

  • Archéologie et histoire
  • Oeuvres d'art
  • Installations civiques
  • Éducation et santé
  • Établissements fédéraux
  • Foresterie et agriculture
  • Infrastructures et services publics
  • Sécurité militaire et civile
  • Parcs et loisirs
Le site comporte des fiches d'information détaillées sur chaque projet. Il s'agit d'un site contributif ouvert à l'envoi de compléments. Le site se veut également militant : il invite à "reconstruire l'Amérique" et à proposer un nouveau New Deal pour le XXIe siècle.

Pour compléter

En complément, voici une carte de 1935 qui faisait déjà à l'époque la promotion des travaux du New Deal. Intitulée P.W.A in Action, la carte est à découvrir dans la collection Persuasive Maps de la Bibliothèque de l'Université de Cornell (également téléchargeable sur le site du Leventhal Map & Education Center Map). La Public Works Administration ou PWA (Agence des Travaux publics) était un organe gouvernemental créé en juin 1933 dans le cadre du National Industrial Recovery Act de la politique de New Deal, instituée par le président Roosevelt. Remplie d'images colorées, cette carte picturale met en avant les projets financés par l'Administration fédérale. Dans le cadre du New Deal, l'Administration des Travaux Publics a dépensé plus de 6 milliards de dollars en projets entre 1933 et 1938. Le texte qui figure au bas de la carte vaut en soi programme politique : 

Off relief rolls on to pay rolls
A map showing how the Public Works program is Building a Greater Nation - Making jobs for Men and Factories - How it Conserves Resources and Harnesses Rivers - How Finer Transportation is being Created and Land Saved for Better Use 
["Des listes d'aide aux listes de travail. Une carte montrant comment le programme de travaux publics construit une nation plus grande, crée des emplois pour les hommes et les usines, comment il préserve les ressources et exploite les rivières, comment des transports plus performants sont créés et des terres préservées pour une meilleure utilisation"]

Le titre de cette notice "Off relief rolls on to pay rolls" renvoie à l'idée qu'il est préférable de gagner de l'argent par son travail que de voir son nom inscrit sur des listes pour obtenir de l'aide. La carte elle-même montre un large éventail de projets dans presque tous les États de l'Union, avec la construction de barrages, de ponts, de systèmes d'égouts, d'écoles, de musées, d'autoroutes, d'hôpitaux, etc. Des étiquettes apparaissent à côté de chaque projet, certaines ayant valeur de slogans : 

« LOGEMENT – Autrefois bidonvilles sordides d'Atlanta, maintenant appartements modernes à loyer modique »
« SANTÉ – ​​Le plus grand chantier d'ingénierie sanitaire jamais réalisé – les égouts et les usines de traitement de Chicago »,
« ÉCOLES – Pas d'école buissonnière ici : les jeunes de l'Utah étudient dans de nouvelles salles de classe joyeuses ».

Une rose des vents portant les initiales « PWA » apparaît en haut à droite, un soleil souriant surgit derrière les nuages ​​​​au large des côtes de Californie et des illustrations des scènes de quelques grands projets sont placées aux coins de la carte.  

Voir également cette affiche américaine de la campagne électorale de Roosevelt de 1940 montrant les réalisations du New Deal. Publiée par le Parti travailliste américain (ALP), l'affiche met en comparaison les scènes de misère de l'Amérique de Hoover en 1932 avec les scènes pleines d'espoir des réformes du New Deal, grâce à des salaires plus élevés, des loyers bas et une sécurité sociale. 

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Présentation de l'Opportunity Atlas et des problèmes d'interprétation qu'il pose


Découvrir le Paris de la Révolution française en arpentant la ville


Le « Parcours Révolution » proposé par la Ville de Paris se présente comme un parcours physique, reconnaissable à ses 16 lutrins positionnés dans divers quartiers de la capitale ainsi qu’à sa centaine de clous à bonnet phrygien, fichés dans le sol. Il est également conçu comme un parcours numérique, accessible via une application nomade téléchargeable sur Google Play et Apple Store. Ces dispositifs s’accompagnent de dépliants en papier destinés aux publics éloignés des cultures numériques. En tout, le Parcours propose 123 points d’intérêt répartis dans la ville. Situé à proximité d’une trace plus ou moins visible de la Révolution française, chacun d’entre eux propose de raconter l’histoire du lieu grâce à un petit texte, mais aussi à des images du XVIIIe siècle, toutes issues des collections du Musée Carnavalet-Histoire de Paris. Des photographies permettent, quant à elles, d’entrer dans les lieux inaccessibles au public ou de grossir des détails éloignés.

Sur les traces de la Révolution à Paris (Parcours Révolution - Ville de Paris)

À la demande d'Entre-Temps, Guillaume Mazeau, maître de conférences en histoire moderne à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, présente comment a été élaboré et développé cet ensemble de promenades qui dépaysent Paris, qui dépaysent la Révolution. 

« La Révolution française dans la rue, une expérience entre enquête et médiation » par Guillaume Mazeau : 

  • Épisode 1. Aux origines du parcours : ne pas refuser de jouer
    Dans un premier épisode, il revient sur les origines du projet. L'occasion de réfléchir à la place de l'historien·ne vis à vis des politiques de mémoire, de s'arrêter sur notre rapport aux lieux, à leur histoire et aux émotions qu'ils peuvent susciter.

  • Épisode 2. Réécrire l'histoire de la Révolution française entre historiographie et médiation numérique
    Il analyse dans ce 2e épisode comment il a été nécessaire de repenser les façons d'écrire cette histoire, au prisme de la crise de l'histoire "révolutionnaire" et des formats numériques du Parcours.

  • Épisode 3. Rouvrir l'histoire, à la recherche de nouveaux récits
    Au programme de ce 3e épisode, la mise en place et en texte des 120 points d'intérêt du Parcours. Quels lieux montrer ? Sur quelles figures insister ? D'un impact de boulet reconstitué place de la Bastille aux ossements de prêtres conservés à l'Institut catholique de Paris, de la citoyenne Lausanne du faubourg Saint-Antoine aux actions des libres de couleur sur la place Dauphine, le Parcours retrace un tableau tout en contrastes, dans l'espace et dans le temps.

  • Épisode 4. – Continuer à se déplacer
    Pour clore ce parcours réflexif, Guillaume Mazeau évoque les publics touchés par l'application, le site et les visites. Comment s'approprient-ils le récit qui leur est proposé ? Quels usages scolaires peuvent être faits du Parcours ? Et en quoi les participant·e·s aux visites guidées relancent et ravivent les questions que se pose l'historien sur la Révolution française ?
Une rubrique du site propose des parcours pédagogiques en fonction des programmes scolaires, ainsi que des ressources pédagogiques. Ces sorties scolaires, adaptées aux grandes lignes des programmes qui, dans leur diversité, s’attachent néanmoins aux « grandes figures », à l’expérience des événements ainsi qu’aux variations d’échelles, permettent d’incarner un peu plus les textes et les connaissances apprises dans la salle de classe.

Pour compléter

Ce parcours est l'occasion de signaler une ancienne carte murale de l'historien Jean-Paul Bertaud qui décrit Paris pendant la Révolution. Le centre de Paris densément bâti (en rose) y est opposé au Paris des faubourgs peu construits (en jaune) et aux villages et aux champs tout autour (en vert). Cette carte murale à usage scolaire éditée chez Armand Colin est sans doute largement inspirée de cartes de l'époque comme par exemple le Plan de Paris (1789) de M. Pichon, ingénieur géographe. On voit aussi nettement apparaître ce Paris intra muros de l'époque révolutionnaire sur un Plan de la Ville de Paris (1791) "avec sa nouvelle enceinte, levé géométriquement sur la Méridienne de l'Observatoire".

En 1989, au moment de la commémoration du Bicentenaire de la Révolution, François Jarraud à l'époque professeur d'histoire-géographie, avait conçu un logiciel sur le Paris révolutionnaire. Ce ludiciel en noir-et-blanc qui fonctionnait sous DOS appartient aujourd'hui à l'histoire de l'outil informatique. Pour les amateurs de oldies, on le trouve encore sur le site Abandonware (le logiciel nécessite Dosbox pour tourner sous Windows). 

On voit ainsi que la notion de parcours pédagogique dans le Paris révolutionnaire peut emprunter différentes voies et que celles-ci peuvent venir considérablement enrichir les "pédagogies de l'histoire".

Articles connexes



L'histoire par les cartes : une cartographie historique du Paris populaire de 1830 à 1980



Atlas climatique interactif Copernicus


L'Atlas climatique interactif Copernicus (Atlas C3S) est une application web sur le changement climatique qui permet une exploration des tendances passées et des changements projetés du climat à l'échelle mondiale. L'Atlas C3S est organisé en trois panneaux principaux (information, sélection et affichage) :
  • le panneau d'information (a) affiche les informations (titre et description complète) de la sélection
  • le panneau de sélection (b) permet de sélectionner l'ensemble de données, la variable/l'indice et la dimension d'analyse
  • Le panneau d'affichage (c) affiche différents produits climatiques interactifs associés à la sélection, tels que des cartes montrant des informations spatiales ou des séries chronologiques, des bandes et d'autres produits affichant des informations régionales pour des périodes prédéfinies.

Interface de l'Atlas climatique interactif (source : Atlas C3S - Copernicus)

Le principal intérêt de cet Atlas est de faciliter l'évaluation changement climatique à l'échelle mondiale et par grandes zones régionales à partir d'indicateurs simples et pour différents périodes. L'Atlas C3S comprend des informations sur 30 variables et indices (extrêmes) organisés en différentes catégories (chaleur et froid, humidité et sécheresse, vent et rayonnement, neige et glace, océan et circulation). Il est possible d'envisager différents scénarios de réchauffement climatique (à +1,5°, 2°, 3° et 4°). Le choix « Tendances » permet de sélectionner deux périodes (1950-2020 et 1991-2020) comme références pour analyser des tendances à long ou moyen terme. 

Pour les jeux de données de projection climatique, outre les périodes historiques communes aux observations et aux réanalyses, la dimension « climatologie et changements » permet d'explorer les périodes futures (long, moyen et long terme, définies comme 2021-40, 2041-60 et 2081-2100) dans différents scénarios d'émissions (RCP ou SSP selon l'ensemble de données), avec des mois ou des saisons d'intérêt spécifique. Une dimension supplémentaire de l’analyse concerne les « niveaux de réchauffement planétaire » (GWL) pertinents pour les politiques, largement utilisés dans le rapport AR6 du GIEC. 

L'Atlas C3S s'inspire de l' Atlas interactif du GIEC (GIEC-WGI) et peut être considéré comme son héritier direct. 

Il est prévu que l’ensemble des données de l’Atlas climatique soit bientôt publié dans le Copernicus Climate Data Store. Voir en attendant les données déjà mises à disposition sur Github par l'Atlas du GIEC

Voir le Guide de l'utilisateur pour une prise en main plus approfondie. 


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Un atlas mondial pour estimer les volumes d’eau des glaciers

Une carte animée des opérations militaires en Europe pendant la 2nde Guerre mondiale

 

Cette cartographie animée reconstitue jour par jour les conquêtes territoriales de l'Allemagne hitlérienne puis, à partir de 1943, la poussée des armées alliées jusqu'à l'effondrement du IIIe Reich. Le principal intérêt de cette animation est de donner une représentation visuelle extrêmement précise des conquêtes territoriales en indiquant le nombre de soldats engagés et les faits marquants à chaque instant de la guerre : une sorte de récit visuel du conflit par la carte. La vidéo est agrémentée d'une bande sonore restituant des discours d'époque. Les couleurs tranchées permettent de reconnaître facilement les belligérants regoupés ici en trois camps (Allemagne nazie en noir, Américains en bleu, Soviétiques en rouge), alors que les Etats-Unis et l'URSS étaient encore alliés à l'époque. Ce faisant, la vidéo déroule un certain narratif autour de l'avancée rapide des Soviétiques à l'est par rapport aux Américains à l'ouest : une sorte de course à Berlin préfigurant les rivalités de la Guerre froide. 

World War II Every Day with Army Sizes (source : vidéo Youtube de @stoferr)

L'auteur de cette carte animée (@stoferr) dit avoir mis un an pour rassembler toutes les informations et réaliser le montage vidéo. Il est l'auteur d'autres timelapses à vocation informative sur la Seconde guerre mondiale qu'il met à disposition sur Youtube. Le grand nombre d'informations réunies dans cette vidéo n'empêche pas des erreurs ou approximations comme par exemple la Corse qui reste encore allemande en mai 1945 : un oubli certainement de l'auteur qui se dit prêt à faire des modifications si besoin. Cette dataviz animée met bien en évidence les grandes dynamiques, sans négliger certains encerclements que l'on aurait du mal à percevoir sans une carte animée. Il est possible de faire des arrêts sur image à des moments-clés du conflit et de s'interroger sur les pistes d'interprétation possibles générées conjointenement par l'animation graphique, les textes et la bande son (pas toujours convergents, en tout cas source de plusieurs lectures possibles). Ce type de cartographie grand public n'est pas sans poser des questions sur le message qui est délivré. 

La carte animée a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux (notamment X-Twitter) et a suscité des avis très divergents, soit pour en célébrer la précision des informations et l'efficacité visuelle, soit pour en dénoncer le message simplificateur voire tendancieux. Elle pose la question des narratifs que l'on met derrière ce type de carte animée. Pour certains, elle permet de montrer l'essentiel de l'effort de résistance puis de reconquête par l'Armée Rouge. Même si le débarquement allié n'avait pas eu lieu, l'Allemagne battait déjà en retraite. Pour d'autres au contraire, la carte ne montre pas tout l'effort industriel américain. Elle occulte le débarquement en Afrique du Nord, l’effort anglo-américain sur l’Atlantique et l’aide matérielle des Etats-Unis à l’égard de l’Armée Rouge notamment au Moyen-Orient. Surtout elle se limite au front européen et ne montre pas le front dans le Pacifique, donnant une vue très partielle des opérations à l'échelle mondiale. Résumer une guerre mondiale par une carte européenne peut sembler un peu dérisoire. D'aucuns soupçonnent la vidéo de nourrir un certain révisionnisme poutinien vis à vis de la Seconde guerre mondiale. Il est probable que cela ne faisait pas partie des intentions de l'auteur, mais en circulant massivement sur Internet, la carte animée se voit accompagnée de nombreux commentaires et faire l'objet de détournements possibles.

Elle fournit en tout cas un bon exemple pour s'interroger sur l'intérêt et les limites de la cartographie animée pour rendre compte d'un conflit. Cela fait écho aujourd'hui au storytelling des cartes de suivi du front en Ukraine qui tentent de résumer le conflit aux pertes ou aux gains territoriaux réalisés chaque jour par les belligérants. 

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Les stations de montagne face au changement climatique (rapport de la Cour des comptes)

 

Source : Les stations de montagne face au changement climatique (Rapport de la Cour des comptes, février 2024)

Synthèse du rapport

Si la France est une destination majeure pour le tourisme hivernal (2e rang mondial après les Etats-Unis), le modèle économique du ski français s’essouffle. Ce phénomène est accentué par le changement climatique qui se manifeste en montagne de manière plus marquée qu’en plaine, avec une hausse des températures, en accélération depuis les années 2010. Inégalement vulnérables en fonction de leur exposition au risque climatique, du poids de l’activité économique et de la surface financière de l’autorité organisatrice, toutes les stations seront plus ou moins touchées à horizon de 2050. Quelques stations pourraient espérer poursuivre une exploitation au-delà de cette échéance. Celles situées au sud du massif des Alpes seront en revanche plus rapidement touchées que les autres. Avec une gouvernance centrée sur l’échelon communal et des regroupements insuffisants, l’organisation actuelle ne permet pas aux acteurs de la montagne de s’adapter aux réalités du changement climatique à l’échelle d’un territoire pertinent. Afin de permettre l’adaptation dans une approche non concurrentielle, les très fortes inégalités entre stations et le montant important des fonds publics déjà mobilisés justifieraient la mise en place d’une solidarité financière entre collectivités. Ainsi, devrait être mis en place d’un fonds d’adaptation au changement climatique destiné à financer les actions de diversification et de déconstruction des installations obsolètes, alimenté par la taxe locale sur les remontées mécaniques. 

Schéma systémique concernant l'altération du moteur de la croissance des stations de ski au début du XXIe siècle
(source : Rapport de la Cour des comptes, février 2024)


Récapitulatif des recommandations 

  1. Mettre en place un observatoire national regroupant toutes les données de vulnérabilité en montagne accessibles à tous les acteurs locaux (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). 

  2. Faire évoluer le cadre normatif afin que les autorisations de prélèvements d’eau destinés à la production de neige tiennent compte des prospectives climatiques (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). 

  3. Formaliser des plans d’adaptation au changement climatique, déclinant les plans de massifs prévus par la loi Climat et résilience (autorités organisatrices, ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). 

  4. Conditionner tout soutien public à l’investissement dans les stations au contenu des plans d’adaptation au changement climatique (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, régions, départements). 

  5. Mettre en place une  gouvernance des stations de montagne ne relevant plus du seul échelon communal (ministère de l’intérieur et des outremer, collectivités territoriales). 

  6. Mettre en place un fonds d’adaptation au changement climatique destiné à financer les actions de diversification et de déconstruction des installations obsolètes, alimenté par le produit de la taxe sur les remontées mécaniques (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère de l’économie et des finances et de la souveraineté industrielle et numérique). 


Données disponibles sur les stations de ski

S'il n'existe pas encore de véritable observatoire national permettant de regrouper toutes les données, le site du Stationoscope du massif des Alpes permet d'obtenir des informations sur les types de station, leurs altitudes moyennes, leurs remontées mécaniques, leur mode de gestion. Les données téléchargeables sous forme de fichier Excel concernent l'ensemble des massifs montagneux en France. 

Aperçu de l'interface de consultation du site du Stationoscope du massif des Alpes


Une base mondiale des stations de ski est disponible sur le site 
Openskimap, qui reprend les données collaboratives d'OpenStreetMap. Concernant les stations en Europe, l'Agence européenne de l'environnement fournit une cartographie des massifs montagneux en Europe (fichier shp à télécharger).

Voir également le site Esquiades.com qui rassemble les cartes de grands domaines skiables dans le monde.

Pour compléter

« Les stations de ski vont-elles disparaître avec le réchauffement climatique ? » (Huffington Post). Une nouvelle étude donne l’alerte sur l’avenir des stations de ski européennes avec le réchauffement climatique. L’étude publiée dans Nature Climate Change n’annonce rien de bon pour celles situées sur le continent européen. Elles représentent la moitié des stations de ski dans le monde et sont toutes menacées par la raréfaction de la neige à cause du réchauffement climatique. Dans un scenario à +4 °C, la quasi-totalité d’entre elles devraient faire face à un manque de neige malgré l’utilisation de la neige artificielle.

« Dans les Alpes, des vacances au ski de plus en plus élitistes » (Le Monde). Des résidences et des commerces plus luxueux, des forfaits de plus en plus chers, des prix de l’immobilier prohibitifs. Avec la « montée en gamme » des grandes stations d’altitude, la clientèle française ne cesse de se réduire.

« Les stations de ski fantômes : mythes et réalité d’un angle mort de la géographie du tourisme » par Pierre-Alexandre Metral (Les Cafés géographiques). La « fin touristique » : normalité ou anomalie ? Pourquoi un domaine skiable ferme-t-il ? Quelle est la géo-histoire du phénomène de fermeture ? Les stations fantômes sont-elles réellement des stations ? Une incarnation de la station fantôme : la friche touristique. Vers la fin des friches touristiques ? La reconversion des anciennes stations de ski. 

« Dans les Hautes-Alpes, les stations de ski à l’épreuve du changement climatique » (The Conversation). Une diversification ski-centrée. Une diversification hésitante. Des usages spontanés par les usagers.

« Les stations de ski survivent au changement climatique. Avec plus d'argent et moins de neige » (Bloomberg). Les stations de ski disposant de plus de ressources financières, situées à une altitude plus élevée ou dont la plupart des pistes sont orientées vers le nord sont en principe mieux placées pour résister aux chocs du réchauffement climatique, selon une étude. Le changement climatique n’est donc pas la fin pour l’industrie, mais seuls les plus aptes survivront.

« Production de neige : le piège de la dépendance pour les stations de ski ? » (The Conversation). Dans un article scientifique récemment publié, les auteurs ont décrypté les mécanismes de dépendance présents dans l’industrie des sports d’hiver vis-à-vis de cette production de neige. Voici les principaux enseignements de notre recherche.

« On ne peut pas abandonner le ski" : dans les Pyrénées-Orientales, la station de Font-Romeu à fond sur la neige artificielle » (France Info). Dans un département confronté à une sécheresse historique, la station réalise une de ses meilleures saisons. Et compte sur ses canons pour survivre jusqu'en 2050.

« Les stations de ski, c’est fini ? » (France Culture). "Partir à la neige", c’est peut-être bientôt terminé. Changement climatique, disparition de la neige, sites inadaptés, la période de gloire des stations touche-t-elle à sa fin ? Et pourquoi les politiques de l’après-guerre ont-elles vendu à tout prix le rêve des fameuses vacances à la neige ?

« Avec les JO d’hiver 2030, les Alpes sont sur la mauvaise pente » (Libération). En concentrant les moyens sur une infime partie du massif pour seulement quinze jours de compétition, les Jeux risquent d’aggraver les fractures territoriales et freiner l’adaptation de la région au réchauffement climatique. Un total contresens, estime la présidente de l’ONG Mountain Wilderness France, Fiona Mille.

Du blanc sur beaucoup de vert, l'image des stations avec neige artificielle en hiver (France Inter).

« Dessinateur de pistes : un métier qui sent bon le sapin » (Graphein). Pierre Novat est le dessinateur de plans de pistes de ski français. De l'autre côté de l'Atlantique, même métier pour un seul et unique homme à l'origine des plans des meilleures pistes de ski américaines : James Niehues.

Cartes en 3D des grands domaines skiables dans le monde (Esquiades.com).


Articles connexes

Topomine, une application web pour visualiser des données relatives à la toponymie en France


Topomine est une application web permettant d'explorer et de visualiser des données relatives à la toponymie en France. Agrégeant plusieurs bases de données issues de différents producteurs, l'outil Topomine allie une recherche avancée par mots-clés qui permet de faire émerger et de révéler des logiques spatiales sous-jacentes à certains phénomènes d'études en histoire, en géographie, en études environnementales, en littérature, en études du genre ou encore en généalogie. Les données exploitables représentent plus de 5 millions de lieux interrogeables (communes, lieux-dits habités et non-habités, arbres singuliers, pics et sommets, grottes, etc...), 2,5 millions de voies nommées et 200 000 hydronymes en France.

Topomine a récemment été mis à jour avec de nouveaux fonds de cartes (cartes de Cassini, cartes d'état major et de l'IGN). Ainsi, il devient possible d’assembler des bases de données entières portant une information toponymique et de les rendre interrogeables pour l’ensemble du territoire français formant ainsi une mine de données à explorer. 

Application web Topomine (exemple de requête sur les toponymes ayant un suffixe en -ville)

Aujourd’hui, les bases de données relatives à la toponymie sont éparses et maintenues par différents producteurs de données thématiques, nationaux ou locaux : l’IGN, le Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, le SANDRE, l’École des Chartes, l’EHESS (voir par exemple l’application DicoTopo). La décentralisation et l’hétérogénéité de ces bases de données ne permet actuellement pas leur interrogation croisée de manière aisée, et de fait, leur comparaison et leur visualisation, en particulier cartographique. Cette interrogation est possible au prix d’une intégration parfois laborieuse et donc chronophage, puisque requérant des compétences multiples en matière de SIG, de programmation et de gestion de bases de données. C’est dans l’idée de pallier à ces multiples problématiques que l’application Topomine a été initialement pensée et conçue.

À ce jour, Topomine intègre 5 bases de données différentes :

  • un assemblage des noms de lieux présents dans plusieurs thèmes de l’ensemble des départements de la BDTOPO v3 de l’IGN, à l’exception pour l’instant des DROM-TOM ;
  • un assemblage des voies nommées issues également de la même BD TOPO v3 de l’IGN ;
  • la base de données Carthage du SANDRE pour l’hydronymie ;
  • la base de données FANTOIR qui ne  contient initialement pas d’éléments de géométrie mais un code de commune INSEE, qui a été joint avec la base de données GeoFla ;
  • la base de données de l’EHESS dite base de données démographiques Cassini : Des chefs-lieux de Cassini aux communes de France (1756-1999).
La vraie valeur ajoutée de Topomine tient dans l’aspect offert par les possibilités d’interrogation de la base de données (par préfixes ou suffixes, par opérateurs booléens, par expressions régulières ou regex...), accessibles à travers son outil de recherche avancée. Une fois les résultats obtenus, on peut les exporter sous forme de couche au format geojson. L’application et sa documentation sont disponibles ici. L'API est à récupérer à cette adresse.

Pour en savoir plus

Mermet, E, Grosso, E. (2023). Topomine une application web d'exploration itérative de la toponymie française, https://shs.hal.science/halshs-03931476/

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