Mapping Diversity, une plate-forme pour représenter la diversité des noms de rues en Europe


Mapping Diversity est un projet journalistique à grande échelle pour découvrir la représentation de la diversité des noms de rues en Europe et pour susciter un débat sur ce qui manque dans nos espaces urbains. Le site analyse plus de 145 000 rues à travers 30 grandes villes européennes dans 17 pays. « Plus de 90% d'entre elles portent des noms d'hommes. Où sont passés tous les autres habitants de l'Europe ? Le manque de diversité dans la toponymie en dit long sur notre passé et contribue à façonner le présent et l'avenir de l'Europe ». Le site est très facile à prendre en main. Voici les principales étapes à suivre.

Étape 1 : le choix d'une ville

On choisit d'abord une ville parmi les 30 villes européennes proposées : Athènes, BarceloneBerlin, Bruxelles, Bucarest, Budapest, Chisinau, CracovieCopenhague, Debrecen, GdanskGênes, KatowiceKyiv, Lisbonne, LodzLyonMadrid, MilanParis, PalermePrague, Rome, SévilleStockholmTurin, VarsovieWroclawZagreb.

Carte interactive pour découvrir des noms de rues à Paris (crédit : Mapping Diversity)



Étape 2 : l'affichage des données statistiques

La plateforme calcule aussitôt le nombre de rues et de places. On dénombre par exemple plus de 7000 noms de rues et de squares à Paris dont 4135 (59%) sont dédiés à des personnes. Parmi eux, 3766 (91,1%) portent des noms d'hommes alors que seulement 356 (8,6%) portent des noms de femmes. Une barre horizontale donne au bas de l'écran les domaines dans lesquels ils ou elles sont investi.e.s (culture, politique, religion, militaire ou autres domaines...). 

Carte interactive pour découvrir des noms de rues à Paris (crédit : Mapping Diversity)


Étape 3 : l'utilisation de la carte interactive

En déplaçant la souris sur la carte interactive, on peut faire apparaître le nom de la rue et obtenir un lien sur Wikipedia pour en savoir plus sur le personnage. Précision importante qui peut être source de biais : toutes les rues ne portent pas des noms d'hommes ou de femmes. On y trouve des objets, des événements historiques, des lieux géographiques. « Rue de la gare » est par exemple le nom de rue le plus répandu en France. 

Carte interactive pour découvrir des noms de rues à Paris (crédit : Mapping Diversity)


Étape 4 : la comparaison avec d'autres villes

Il est possible de comparer les villes entre elles. Outre les capitales, le site propose la deuxième plus grande ville et quelques autres villes supérieures à 500 000 habitants. Vienne, Varsovie, Kyiv ou Copenhague font partie des villes ayant le moins de noms féminins (moins de 5%). Gênes, Lyon, Bucarest ou Madrid figurent parmi celles qui en ont le plus (plus de 20%), même si la part des noms de femmes y est là aussi minoritaire.

Carte des lieux de naissance des femmes ayant des rues à leur nom en Europe (crédit : Mapping Diversity)


Étape 5 : l'analyse des données à partir des noms ou professions

Un tableau récapitulatif affiche les noms de toutes les femmes ayant des noms de rues dans ces villes, avec possibilité de faire des recherches sur leur nom ou leur profession. Certains noms apparaissent dans plusieurs villes : ce sont principalement des figures religieuses ou des reines, mais aussi des noms de femmes scientifiques comme Marie Curie.

Les femmes ayant des noms de rues dans les 30 villes proposées (crédit : Mapping Diversity)



Les données utilisées proviennent principalement des données géographiques OpenStreetMap mises à disposition sur Geofabrik et des données de Wikidata pour les personnes. Un travail minutieux de contrôle de la qualité a été effectué à différentes étapes, à la fois automatiquement et manuellement, en s'appuyant souvent sur des informations fournies par des sources externes. De nombreux cas d'homonymies ont ainsi pu être résolus. Sur Wikidata, le champ « sexe ou genre »  n'est pas défini par un choix binaire (voir la liste des nombreuses options disponibles). Mapping Diversity s'est appuyé sur le prénom pour attribuer le genre aux personnes pour lesquelles il n'existait pas d'information sur Wikidata : ce champ doit être interprété comme « identité de genre attribuée à la naissance ». Pour une discussion des limites de cette approche, on peut se référer au travail sur le genre de Lincoln Mullen et à ce chapitre de l'ouvrage Data Feminism de Catherine D'Ignazio et Lauren Klein. Les limites des villes font référence aux limites des unités administratives locales (UAL) distribuées par Eurostat, à l'exception de Bruxelles et de Lisbonne où les communes et freguesias concernées ont été fusionnées. La méthodologie est expliquée en détail sur le site Medium.

Mapping Diversity est un projet collaboratif entre Sheldon.studio et OBC Transeuropa, au sein du réseau European Data Journalist Network (EDJNET). Le projet ne se contente pas de sensibiliser par le biais de données, mais tente de responsabiliser le public.

Mapping Diversity n'est pas le premier projet à traiter des données sur la représentation des genres dans les villes. Par exemple, en Italie, le groupe Toponomastica Femminile a recensé les rues portant des noms de femmes, parallèlement à des initiatives éducatives et militantes pour exiger plus de représentation des femmes dans le paysage urbain. À l'échelle mondiale, on trouve aussi d'autres projets comme par exemple EqualStreetNames, Streetnomics ou encore Las Calles de las Mujeres. Divers projets journalistiques ont par ailleurs examiné les noms de rues sous divers angles nationaux ou locaux. On peut citer, par exemple, Las calles de ellas sur l'Espagne, Straßenbilder sur l'Allemagne, Nevek és terek sur Budapest, Ruas do Género sur Porto, le projet du Figaro Ce que révèlent les rues de Paris ou encore le projet d'iRozhlas sur les villes tchèques.

Une des spécificités du projet Mapping Diversity est de s'inscrire dans le cadre des communs numériques. Bien que les données soient souvent publiques et officiellement accessibles, elles nécessitent généralement un ensemble de compétences diverses pour les transformer en quelque chose de pertinent pour un large public. L'ouverture des données est la première étape dans la conception des biens communs numériques et renvoie précisément à cet acte de traduction : des lignes et des colonnes d'un tableur aux éléments d'information significatifs qui sont pertinents dans la vie de tous les jours. Les biens communs numériques sont plus que des référentiels de connaissances : une fois que les données sont représentées et reliées, elles peuvent nourrir les débats et donner envie au public de contribuer et de s'engager sur le sujet. Les biens communs numériques fournissent des outils qui facilitent et permettent au public d'agir. Qu'il s'agisse de déboulonner des statues, de les peindre en rose, de renommer ou de contextualiser des rues - les biens communs numériques tels que la plateforme Mapping Diversity constituent des outils pour faciliter un débat éclairé. En mai 2023, des ateliers ont par exemple été organisés pour connecter les communautés locales aux données toponymiques de leur ville. 

Pour compléter 

Matteo Moretti & Alice Corona (2023). Who’s on the Map ? Using Data to Reimagine Street Name Diversity. Nightingale.

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Qui habite où ? Compter, localiser et observer les habitants réels en France


Source : Lévy, J., Coldefy, J., Piantoni, S., & François, J. (2023). Who Lives Whereb? Counting, Locating, and Observing France’s Real Inhabitants (Sciences Advanced, mai 2023).

Résumé

Il n'est pas facile de savoir combien de personnes il y a dans une localité, un quartier, une ville. On dispose d'une part des recensements, lorsqu'ils sont fiables, et d'autre part des enquêtes de mobilité. Le monde numérique offre de nouvelles sources, mais elles restent fragmentaires dans ce domaine. La principale faiblesse des recensements est qu'ils reposent sur une hypothèse implicite : que l’emplacement de la résidence principale d’un répondant est prédictif de l’emplacement permanent de cette personne. Tel n'est pas le cas. Les individus se déplacent, venant parfois de très loin, circulant entre de nombreux lieux au cours de la journée, et pouvant passer la nuit dans un autre lieu. Les enquêtes de mobilité contribuent à enrichir le tableau, mais elles présentent aussi plusieurs faiblesses. 

Pour la première fois, des données téléphoniques massives, fiables, collectées et vérifiées avec un haut niveau de précision spatiale et temporelle et couvrant l'ensemble du territoire français ont été utilisées pour répondre à ce questionnement. L'article soulève la question de la qualité et de la pertinence des données et propose un cadre qui se concentre sur l'habitant, et non seulement sur le résident ou le navetteur. Le traitement de ces données permet de mieux estimer les habitants résidant vraiment sur leur lieu de résidence et de proposer une nouvelle approche. Deux nouveaux indicateurs (habitant année et indice d'attractivité) ont été conçus pour rendre compte de la réalité des pratiques spatiales individuelles et pour appréhender les multiples modes d'habiter. Les cartes réalisées à partir de ces données sont produites et analysées dans l'article.

Cartogramme représentant la densité d'habitants à l'année en France (source : Lévy & al., 2023)


Les résultats présentés dans cet article ne constituent que la première phase d'un projet de recherche qui comprend au moins cinq phases. L’étude des mobilités, la construction d'une typologie des unités spatiales, la redéfinition des aires urbaines pertinentes et l'exploration des rythmes (journaliers, hebdomadaires, annuels) sont encore en cours. Une comparaison des situations avant et après la pandémie, grâce au traitement de deux ensembles de données distincts (données de téléphonie Orange 2019-20 et 2022-23), permettra l'analyse de cet événement. Les futurs traitements de données permettront de tirer parti des tableaux de contingence qui fournissent des informations limitées mais utiles concernant les profils de personnes. Tous ces « chantiers » sont fondés sur le même principe simple : on peut désormais connecter les gens et les lieux et explorer la richesse de ce que signifie être un habitant. Les premiers résultats suggèrent qu'il est temps de changer de paradigme. La qualité des données fournies par les opérateurs téléphoniques sera certainement encore améliorée pour atteindre le même niveau de fiabilité que les recensements. Les données disponibles permettent déjà un traitement approfondi, ce serait encore plus le cas si un dialogue entre opérateurs, offices statistiques et chercheurs devait avoir lieu.

Pour aller plus loin 
Données et analyses INSEE

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Une carte animée des densités en France (1876-2018)

La carte, objet éminemment politique : Poutine exhibe une carte française du XVIIe siècle pour nier l'existence de l'Ukraine


Le Kremlin a publié le 23 mai 2023 une vidéo de propagande dans laquelle Poutine reçoit le président de la Cour constitutionnelle de Russie, Valery Zorkin. Ce dernier lui montre une carte datant du XVIIe siècle censée prouver que l’Ukraine n’existait pas à l'époque. Sauf que lorsqu'on zoome sur la carte, le nom d'« Ukraine ou pays des Cosaques » apparaît bien. Ce n'est pas la première fois qu'un chef d'État vient produire un narratif en instrumentalisant la carte. Au delà de la mise en scène, il s'agit pour le président de la Russie de justifier l'invasion de l'Ukraine. Ce billet vient identifier, analyser et décrypter cette carte française du XVIIe siècle que l'on peut consulter sur le site Gallica de la BNF.

Poutine et Zorkin devant une carte française du XVIIe siècle (crédit : kremlin.ru)

« Nous avons trouvé la copie d'une carte datant du XVIIe siècle, créée durant le règne de Louis XIV au milieu du siècle. Pourquoi est-ce que je l'ai amenée ? Il n'y a pas d'Ukraine », explique Valery Zorkin.« Le gouvernement soviétique a créé l'Ukraine soviétique (...) Jusqu'alors, il n'y a jamais eu d'Ukraine dans l'Histoire de l'humanité », assure de son côté Vladimir Poutine. Pour le président de la Russie, l'Ukraine n’est qu’une création artificielle de Lénine. Après la révolution d'octobre, le gouvernement soviétique a créé l'Ukraine soviétique, avant cela il n'y avait pas d'Ukraine selon Poutine.

Au premier abord, il peut paraître surprenant de ressortir une carte aussi ancienne. Le but est de justifier l'invasion actuelle de l'Ukraine en lui déniant toute existence antérieure. La preuve par la carte et par l'histoire, en quelque sorte. Largement commentée dans les médias et sur Internet, cette mise en scène politique a été tournée en dérision sur les réseaux sociaux.

Poutine suscite les moqueries en ne voyant pas marqué "Ukraine" sur une carte française du XVIIe siècle (BFM-TV)


Le journaliste Sébastien Gobert (@SebaGobert) s'est livré à un travail d'investigation pour identifier la carte en question. En observant plus en détail le document, on peut remarquer que la carte est signée du « Sieur Sanson, géographe ordinaire du Roy ». Ce qui peut renvoyer à Nicolas Sanson (1600-1667) ou à un de ses deux fils, Adrien (1639-1718) ou Guillaume (1633-1703), tous géographes et cartographes au service du Roi. Voir ce fil Twitter : 

Un recherche plus approfondie sur le site Gallica de la BNF permet de retrouver la source exacte. Il s'agit de la carte de Guillaume Sanson intitulée : « La Russie blanche ou Moscovie divisée suivant l'estendüe des royaumes, duchés, principautés, provinces et peuples qui sont présentement sous la domination du czar de la Russie, connû sous le nom de grand duc de Moscovie », éditée en 1690-1699 par Hubert Jaillot avec « privilège du Roy » et « présentée à Monseigneur Le Dauphin ».

« La Russie blanche ou Moscovie divisée suivant l'estendüe des royaumes, duchés, principautés... » (1690-99)
par Guillaume Sanson. Source : BNF-Gallica



Les cartes de la Moscovie par les Sanson père et fils sont nombreuses et ont fait l'objet de plusieurs éditions avec quelques modifications mineures. Elles évoquent « les royaumes, duchés, principautés, provinces et peuples présentement sous la domination du tsar de Russie », en référence au partage de ces territoires entre la Russie et la Pologne. Sur le site Gallica, on en trouve au moins cinq versions publiées entre 1674 et 1717, dont une très belle version en couleur de 1695 destinée au Duc de Bourgogne (dont seul le nom de l'éditeur H. Jaillot est reproduit). La version montrée à Poutine semble être celle de 1690-99, reconnaissable par ses motifs décoratifs légèrement différents au niveau du titre et de l'échelle :
Poutine ne sait pas forcément lire le français ou simplement n'a-t-il pas cherché à regarder vraiment la carte, qui semble servir ici plus de document prétexte que de source historique. Poutant si l'on remonte à la source, la mention de l'Ukraine apparaît distinctement. Quelle que soit la date d'édition, elle est mentionnée comme « Ukraine ou pays des Cosaques » (inscrite à l'époque dans les « Estats de la couronne de Pologne »). On trouve aussi la mention "Ocraina" au nord de la Crimée (alors intégrée dans la Moscovie). Le nom de la province "Ocraina" apparaît aussi dans le titre qui énumère la liste des duchés, provinces et peuples très nombreux et divers dans cette partie orientale de l'Europe. 




La carte du XVIIe siècle exhibée par Poutine prouve-t-elle que l’Ukraine n’existait pas ? (CheckNews, Libération).

Au XVIIe siècle, l'Ukraine ne forme pas encore un État avec des frontières établies. Elle est associée aux hetmans cosaques et forme une marche entre la Russie et la Pologne. Le Hetmanat cosaque est créé en 1648 par Bohdan Khmelnytsky, à la suite d'une révolte armée contre la République des Deux Nations. Durant sa brève existence (1648-1660), le hetmanat alterne entre suzeraineté russe et polonaise. En 1654, le hetmanat est admis au sein de l'Empire russe. En 1667, le traité d'Androussovo reconnaît à la Russie la suzeraineté de la partie de l'hetmanat située sur la rive gauche (orientale) du Dniepr, y compris Kiev. Les cosaques de l'Ukraine occidentale, eux, restent sous domination polonaise. L'Ukraine commence alors à constituer une nation (mais de fait divisée entre plusieurs possessions). C’est aussi à cette époque que la "Moscovie" change son nom en "Russie".

Pour Voltaire, « l'Ukraine a toujours aspiré à être libre, mais étant entourée de la Moscovie, des États du Grand-Seigneur et de la Pologne, il lui a fallu chercher un protecteur, et par conséquent un maître dans l'un de ces trois Etats. Elle se mit d'abord sous la protection de la Pologne, qui la traita trop en sujette ; elle se donna depuis au Moscovite, qui la gouverna en esclave autant qu'il le put » (extrait de l'Histoire de Charles XII, roi de Suède, 1731). Le texte de Voltaire montre que, déjà au XVIIe, l'Ukraine est ballotée entre l'Orient et l'Occident. Voltaire voit les Cosaques comme un peuple libre et farouche, un peu sauvage même. L'épisode de Mazeppa dont il fait un récit épique symbolise la révolte de l'Ukraine contre le tsar de Russie (Quand Voltaire parlait des indomptables Ukrainiens). On peut cependant noter que, dans son Histoire de Charles XII, Voltaire écrit toujours "Ukraine" et "Moscovie", et non encore "Russie". Le terme d'Ukraine est lui-même associé davantage à un peuple qu'à un pays. Ce qui montre que l'idée d'Etat-nation est encore en développement à l'époque, rendant un peu vaine toute lecture récursive de l'histoire et de la carte à partir de nos catégories actuelles.


Pour compléter

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Cartographier les données des tests PISA : quelle lecture géographique des inégalités en matière d'éducation ?


Source : Sarah Gust, Eric A. Hanushek & Ludger Woessmann, Global Universal Basic Skills : Current Deficits and Implications for World Development (National Bureau of Economic Research, mai 2023).

Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves, souvent désigné par l'acronyme PISA, est un ensemble d'études menées par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) afin de mesurer les performances des systèmes éducatifs des pays membres et non membres. Selon une étude réalisée par le National Bureau of Economic Research à partir des données de tests PISA niveau 1, les deux tiers des jeunes dans le monde manquent de compétences de base. Combler l'écart équivaudrait à 700 000 milliards de dollars au cours du siècle restant (5 fois le PIB mondial actuel), soit 11,4 % du PIB futur actualisé à l'horizon 2100.

Part des enfants n'ayant pas atteint les compétences de base dans le monde (source : Gust, Hanushek & Woessmann, 2023)

Résumé

Le monde parvient-il à assurer les conditions pour que chaque enfant acquière les compétences de base nécessaires pour être compétitif au niveau international ? Et si cet objectif était atteint, qu'est-ce que cela signifierait en termes de développement à l’échelle mondiale ? Sur la base des microdonnées de rendement internationaux et régionaux des tests PISA niveau 1, les auteurs ont cartographié les résultats sur une échelle commune. Ils ont ensuite estimé la part d'enfants qui n'acquièrent pas les compétences de base pour 159 pays, soit 98,1% de la population mondiale et 99,4% du PIB mondial. Ils constatent qu'au moins deux tiers des jeunes dans le monde n'atteignent pas les niveaux de compétences de base, les proportions variant de 24 % en Amérique à 89 % en Asie du Sud et 94 % en Afrique subsaharienne. Cette analyse économique suggère que la valeur actuelle de la production économique mondiale perdue du fait que l'objectif d'acquérir les compétences de base n'est pas réalisé, s'élève à plus de 700 000 milliards de dollars, soit 11 % du PIB actualisé à l'horizon 2100. Les données ayant servi à l'étude sont accessibles dans l'article.

Principaux résultats de l'étude

Les résultats montrent que le monde a un long chemin à parcourir avant d'atteindre les compétences de base pour tous les jeunes à l'échelle mondiale.

  1. Au moins deux tiers des jeunes du monde n'acquièrent pas les compétences de base.
  2. La part des enfants n'atteignant pas les compétences de base dépasse 50% dans 101 pays et est supérieure à 90 % dans 36 d'entre eux.
  3. Même dans les pays à revenu élevé, un quart des enfants ne possèdent pas les compétences de base.
  4. Les déficits de compétences atteignent 94 % en Afrique subsaharienne et 89 % en Asie du Sud, 68 % au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, 65 % en Amérique latine.
  5. Les écarts de compétences sont plus apparents pour les jeunes qui ne fréquentent pas le secondaire (environ un tiers dans le monde). Mais 62 % des élèves fréquentant l'enseignement secondaire n'atteignent pas non plus les compétences de base. 
  6. La moitié des jeunes du monde vivent dans 35 pays qui ne participent pas aux tests, pour lesquels on manque donc d'informations régulières et fiables sur les performances fondamentales (ce qui oblige à recourir à d'autres données).

Commentaire 

La carte qui accompagne cette publication est intéressante à plus d'un titre. Elle vient d'une part souligner les inégalités et les retards en matière d'éducation. Elle interroge d'autre part sur l'indicateur utilisé (tests PISA complétés par d'autres données lorsqu'elles sont manquantes) et sur la notion de "compétences de base", s'agissant de jeunes évoluant dans des contextes sociaux et culturels très différents les uns des autres. La carte vient de fait réifier des réalités socio-économiques qui ne concernent pas que l'éducation. Plus largement, l'étude pose la question d'une approche strictement économique des performances scolaires appréhendées dans le cadre d'une "compétitivité au niveau mondial" (sic).

Pour compléter

Accès aux données des études PISA conduites par l'OCDE :
https://www.oecd.org/pisa/data/

Accès à l'explorateur et visualiseur de données PISA :
https://pisadataexplorer.oecd.org/ide/idepisa/

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Publication des données Parcoursup en open data sur le site Data.gouv.fr

Une erreur de recensement révèle des détails surprenants sur les hispaniques et les latinos américains aux Etats-Unis

 
SourceA census mistake reveals surprising details about U.S. Hispanics and Latinos (Washington Post, 19 mai 2023)

Qui sont les Hispano-Américains ? D'où viennent-ils et où vivent-ils ? Le service données du Washington Post publie un article très intéressant qui livre une série de cartes détaillées et interroge la manière de recenser les populations de « latinos » aux Etats-Unis.

Répartition de la population hispanique aux Etats-Unis selon l'origine (source : Washington Post)


Les questions d'identité peuvent être extrêmement compliquées à prendre en compte dans les statistiques de recensement. Depuis les années 1970 et pendant plus de 30 ans, le Census Bureau américain a demandé qui se considérait comme hispanique. L'item « latino » a été ajouté seulement dans les années 2000, du fait que certaines personnes d'origine hispanique ne s'identifiaient pas au terme d'hispanique. Dans une enquête de 2013 qui demandait aux hispaniques ou latino-américains comment ils se décrivaient, le Pew Research Center a montré que le terme « hispanique » était deux fois plus populaire que celui de « latino ». Les mots décrivant une origine nationale spécifique – « cubain », « mexicain » ou « dominicain » – venaient cependant bien avant ces deux termes. Une partie de la complexité découle de la décision de l'Administration américaine de traiter l'ethnicité (hispanique ou latino) comme quelque chose de séparé et distinct de la race (noir, amérindien, blanc) et même de l'ascendance (d'origine allemande, égyptienne, américaine...). Cette étrange approche tripartite du melting-pot oblige les gens à jongler entre différentes questions qui se chevauchent lorsqu'ils remplissent l'enquête de recensement. A charge ensuite aux employés du Census.gov d'essayer de démêler les résultats... et de découvrir parfois des erreurs de traitement comme cela a été le cas lors du recensement de 2020.

Sous l'administration Obama, il y a eu un mouvement favorable à l'idée de réunir la race et l'ethnicité en une seule catégorie et d'élargir cette catégorie afin d'inclure les personnes originaires du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Les partisans de cette mesure ont fait valoir qu'elle permettrait de dresser un tableau plus clair et plus utile de la population des Etats-Unis. L'idée a été abandonnée sous l'administration Trump qui craignait que cette décision ne conduise à réduire encore davantage une population blanche déjà en diminution. La plupart des Américains originaires du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord étaient considérés comme blancs et, jusqu'à une période récente, avant que les changements conduisent à prendre en compte les personnes se considérant comme métisses, environ les deux tiers des Américains hispaniques étaient également considérés comme blancs. Sous le président Biden, la proposition de réunir la race et l'ethnicité a été relancée par le Bureau de l'administration et du budget de la Maison Blanche. Elle semble en bonne voie pour être adoptée en 2024. Telles qu'elles sont actuellement proposées, les modifications élimineraient la nécessité pour les Hispaniques ou les Latinos de sélectionner une race distincte telle que « blanc », tout en ayant toujours le choix d'indiquer plusieurs origines.

Bien qu'ils soient nombreux à se déclarer  « hispaniques » ou « latinos », les Brésiliens continuent de fait à être exclus des statistiques. En tant qu'ancienne colonie portugaise, le Brésil ne répond pas à la définition gouvernementale. Cela changerait la donne s'ils étaient officiellement classés comme Latinos, l'un des groupes démographiques les plus influents d'Amérique.  Les habitants du Belize - une ancienne colonie britannique où l'anglais est la langue officielle - et de quelques autres pays non espagnols, principalement dans les Caraïbes, ne sont pas non plus retenus dans les statistiques officielles. Le lieu de naissance et la langue sont des critères tout aussi importants à prendre en compte. La plupart des Américains d'origine hispanique sont nés aux États-Unis (68%) et, si beaucoup parlent l'espagnol à la maison, un tiers d'entre eux ne parlent que l'anglais (32 %).

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La suppression de la Racial Dot Map et la question sensible de la cartographie des données ethniques aux Etats-Unis

Etats-Unis : les États qui gagnent de la population ou qui en perdent au recensement de 2020


Découvrir les structures cachées du paysage grâce au lidar (Cesbio)


Simon Gascoin (@sgascoin) consacre un billet sur le site Cesbio à l'affichage de données de relief lidar en parallèle à des orthophotos de l'IGN, sans rien avoir à télécharger. Avec l’ouverture des données de l’IGN le 1er janvier 2021, le RGE ALTI à 1m de résolution est devenu public, ce qui a permis à Guillaume Attard et Julien Bardonnet (AGEOCE) de l’ajouter au catalogue de Google Earth Engine. A son tour, cela a permis à Simon Gascoin de réaliser une application web qui affiche le hillshade de ce modèle numérique de terrain et le fond de carte « satellite » de Google. 

Double visualiseur permettant d'afficher les données lidar et les images satellite de Google (source : Earth Engine App)


Outre sa très bonne résolution, l'un des avantages du lidar est de rendre visible des structures souvent cachées dans le paysage, en raison notamment de la végétation ou d'autres phénomènes (exemple ici du fort de Belleville près de Verdun). Ce qui fait que les données lidar sont très utiles par exemple pour l'archéologie.

A noter : dans cette application, le relief est éclairé depuis le nord, ce qui n'est pas conforme à la réalité. Il s'agit d'un standard utilisé en géographie pour visualiser plus facilement les formes de relief (voir cet article).

Dans le même article sur le site Cesbio, Simon Gascoin indique comment ajouter le RGE ALTI et son ombrage dans le logiciel QGIS. Le recours à un SIG permet d'utiliser les données de la BD ORTHO de l'IGN, qui sont plus précises que les données satellites de Google. 

Dans ce fil Twitter, il donne par ailleurs une série d'exemples montrant l'intérêt du lidar pour découvrir des structures cachées du paysage : 

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Des images Lidar pour rendre visible l'invisible. L'exemple de l'archéologie

Les anciens millésimes de la BD Topo disponibles en téléchargement sur le site de l'IGN

La NASA publie un nouveau modèle numérique d'élévation (février 2020)




Blancs des cartes et boîtes noires algorithmiques


Matthieu Noucher, chargé de recherche au CNRS a le plaisir d'annoncer la sortie du livre Blancs des cartes et boîtes noires algorithmiques aux Éditions CNRS. Cet ouvrage, qui correspond à la version remaniée du volume 1 de son dossier d’HDR, se compose de six chapitres. Les deux premiers sont théoriques. Prenant le contrepied des discours techno-enthousiastes sur le « déluge de données », ils dressent l’état de l’art et montrent l’actualité du blanc des cartes à l’ère de l’inégale géonumérisation du Monde. Ils permettent également d’inscrire la démarche dans le champ des critical data studies. Trois études de cas proposent ensuite une exploration par leurs blancs, leurs vides, leurs omissions cartographiques, de trois systèmes métrologiques : autour de la détection de l’orpaillage illégal, de la mesure de la biodiversité et de la cartographie des habitats informels. Elles sont centrées sur l’Amazonie avec, à chaque fois, un zoom sur la Guyane. Une discussion propose enfin une réflexion sur diverses formes de résistance au comblement des cartes contemporaines. La contre-cartographie et la fugue cartographique sont ainsi évoquées comme deux logiques d’action alternatives. Un cahier central vient compléter l’ensemble. Patchwork d’une douzaine de visuels, il propose un voyage à travers une série de « silences cartographiques ».

Résumé 

Toute cartographie présente ses propres blancs, ses lacunes ou ses oublis, volontaires ou inconscients. Les historiens de la cartographie ont souligné les enjeux politiques de ces silences cartographiques, en particulier durant les périodes de conquête coloniale. L’hypothèse au cœur cet ouvrage est que les blancs des cartes, loin d’être obsolètes, ont aujourd’hui encore, un potentiel heuristique pour analyser les enjeux politiques de l’information géographique numérique. Alors que l’État n’a plus le monopole pour blanchir ou noircir la carte, comment les vides cartographiques sont-ils mobilisés par les différentes parties prenantes ? Quels enjeux de (dé-)régulation informationnelle sont mis en évidence dès lors qu’on s’intéresse aux logiques d’omission aujourd’hui à l’œuvre ? Face à l'illusion d'un « déluge de données », comment explorer les boites noires algorithmiques qui masquent l'inégale géonumérisation du Monde ? Pour tenter de répondre à ces questions, l’Amazonie, plus particulièrement la Guyane, se révèle être un terrain privilégié. Historiquement et symboliquement marquée par les blancs des cartes, cette marge territoriale peut, à bien des égards, être aussi considérée comme une marge cartographique. Les enquêtes menées au sein de trois dispositifs métrologiques autour de la détection de l'orpaillage illégal, de la mesure de la biodiversité et de la cartographie des habitats informels permettent d’explorer des systèmes issus des sphères institutionnelle, scientifique, citoyenne et autochtone. En défendant l’importance de l’empirie pour rester au plus proche des acteurs (producteurs et utilisateurs), des systèmes (codes et données) et des méthodes (in situ et à distance) et en développant une approche à la fois multi-située et interdisciplinaire associant géographie, sciences de l'information géographique et études des sciences et techniques (STS), cette recherche, abondamment illustrée, s’inscrit dans le champ émergent des critical data studies. En s’appuyant sur ces études de cas, elle débouche sur une réflexion transversale sur les deux principales modalités de résistance au comblement des blancs des cartes observées des rives du Maroni aux confins de l'Oyapock : la contre-cartographie et la fugue cartographique. Ce faisant, ce livre permet d'envisager, d'une part, une géographie des ignorances géonumériques qui révèle des savoirs oubliés, masqués ou détruits et, d’autre part, une géographie des résistances géonumériques qui rende visible des alternatives aux représentations spatiales dominantes. Considérées ensemble, ces deux logiques d'indiscipline carto-graphique permettent d’appréhender les blancs des cartes contemporaines comme une opportunité de diversifier nos manières de voir le Monde. 

Résumé, sommaire, extraits, manifestations et articles associés à cette sortie sont disponibles à l’adresse suivante : http://patiencesgeographiques.org/bcbna/

Matthieu Noucher est géographe, chercheur au CNRS au sein du laboratoire PASSAGES à Bordeaux, et directeur-adjoint du réseau français de recherche en sciences de l’information géographique (GdR MAGIS). Il a publié Les petites cartes du Web en 2017 aux Éditions de la rue d’Ulm et co-dirigé l’Atlas Critique de la Guyane sorti en 2020 aux Éditions CNRS. Blancs des cartes & boîtes noires algorithmiques est une version remaniée et enrichie du volume inédit du dossier d'Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) qu'il a soutenu le 7 décembre 2022, à l'Université Bordeaux Montaigne.


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« Personne n'habite ici » ou comment cartographier le vide ?

Cartographie imaginaire. Les îles de la planification écologique


Comment se prépare la « planification écologique » promise par Emmanuel Macron pendant sa campagne présidentielle ? Depuis sa réélection en 2022, les journalistes de @Contexte observent l'organisation que le gouvernement met en place. Pour s'assurer que la France tienne ses objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre, la machine administrative française s'active : un nouveau secrétariat général, des feuilles de routes, des chantiers, des stratégies, une programmation pluriannuelle. Yann Guégan (@yannguegan) et Victor Roux-Goeken (@_Victor_RG_) ont imaginé de produire une carte du Tendre à la manière de François Chauveau au XVIIe siècle. Ils se sont inspirés également des atlas imaginaires de Jules Grandin et Clara Dealberto. Pour la réalisation graphique, ils ont fait appel aux talents de Camille Beuron (@CamilleBeurton), graphiste d'information. 

Qui comprend en quoi consiste la planification écologique ? Pour mieux naviguer dans les méandres des organismes, textes et objectifs liés à cet ovni politique, la revue Contexte a cartographié les îles de la planification écologique, un récit cartographique façon "scrollytelling". « Vous allez visiter, étape par étape, un monde que dont vous ne soupçonniez pas l'existence, celui de la planification écologique à la française. Profitez-en, le voyage est gratuit ! ».

« Les îles de la planification écologique » (source : Contexte)

 

« Ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas ! » (Emmanuel Macron, Meeting d’entre deux tours, avril 2022)

« Le périple commence par l’immense continent de l’exécutif. Dominées par le mont Macron, qu’éclaire parfois un rayon de soleil, les plaines de Matignon sont la tête de pont d’un vaste hinterland, censé permettre toutes les manœuvres. Cette vaste étendue de terres est bordée sur son flanc oriental par l’épais marigot législatif de la réforme des retraites. D’aucuns disent qu’il est infranchissable...»

La carte est à découvrir en accès libre sur le site de la revue Contexte. Elle peut également être téléchargée en version pdf.

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La régate présidentielle ou course à l'Elysée 2022 en version carte imaginaire

Utiliser des générateurs automatiques de territoires imaginaires

Conférence Spatial Analysis and GEOmatics (SAGEO) 2023


SAGEO est la conférence internationale francophone en géomatique soutenue par le groupe de recherche CNRS MAGIS (https://gdr-magis.cnrs.fr/). L’objectif de SAGEO est de présenter les derniers travaux de recherche en géomatique et en analyse spatiale. En 2023, SAGEO est organisée à Québec, au Canada par le Centre de Recherche en Données et Intelligence Géospatiales (CRDIG) de l’Université Laval. En plus des conférences, le colloque SAGEO inclut des ateliers thématiques réunis dans la même journée et l’assemblée générale du GDR MAGIS.

Conférences invitées :

Thierry Joliveau : Techniques, pratiques et imaginaires de la géonumérisation. Les objets culturels en géomatique.

Il y a presque dix ans, lors d’une communication au colloque organisé à Québec pour les 25 ans du Centre de Recherches en Géomatique, je tentais de dessiner les défis conceptuels, méthodologiques et techniques que posait aux Sciences de l’Information Géographique la prise en compte de la dimension culturelle et imaginaire de l’espace. J’avançais que cela nécessitait un renouvèlement théorique et méthodologique, et que les usages liés à ces nouveaux objets, s’ils étaient difficiles à anticiper, seraient à coup sûr d’une très grande ampleur. La présente invitation à Sageo 2023 est l’occasion pour moi de revenir sur ces questions à partir d’un parcours de recherche de quelques trente années qui m’a conduit d’une géomatique topographique, environnementale et territoriale à l’exploration d’un « monde géonumérique » dans lequel la totalité des phénomènes localisés sur la surface terrestre, physiques aussi bien qu’immatériels, sont « géonumérisés » de manière à la fois systématique, automatique et toujours plus subreptice. Les œuvres et données culturelles apparaissent alors comme une des nouvelles frontières de cette géonumérisation. Celle-ci a d’ailleurs été prise en charge ces dernières années par le mouvement dit des Humanités numériques spatialisées, qui mobilise les techniques géomatiques pour des projets dans le domaine culturel de nature extrêmement diverse : scientifique, éducative, artistique, touristique, patrimoniale, territoriale, paysagère, promotionnelle... La composante formelle, méthodologique et technique de ce processus global de géonumérisation est bien entendu centrale. Elle déborde d’ailleurs largement de l’interdiscipline géomatique. Mais ses enjeux géographiques, sociaux et politiques ne peuvent être négligés et les spécialistes se doivent de contribuer à l’analyse critique des usages actuels et futurs de l’information géographique. L’émergence d’une géomatique des objets culturels est non seulement une occasion d’étendre la panoplie des méthodes et techniques disponibles de la géomatique mais aussi de décrypter les imaginaires qui accompagnent la géonumérisation. A partir de travaux de recherches récents, je proposerai quelques éléments pour contribuer à une réflexion collective en ce sens.

Conférencier #2: À confirmer

Sessions de conférences

Session 1 : 6 juin 10:30-12:00
  • HedgeTools : une boîte à outils pour caractériser automatiquement les haies en milieu agricole.
    David Sheeren, Gabriel Marques, Lewis Villierme, Jean-Baptiste Boissonnat, Guillaume Guebin, Marc Lang et Claude Monteil
  • Caractérisation spatiale multiscalaire des agricultures contribuant à l’approvisionnement alimentaire de proximité. Propositions méthodologiques pour l’accompagnement de l’action publique de planification alimentaire.Esther Sanz Sanz, Claude Napoléone et Michel Mouléry
  • Proposition méthodologique pour identifier la limite spatiale ville-agriculture : Caractérisation de la rugosité du contour. Michel Mouléry, Didier Josselin, Esther Sanz Sanz et Claude Napoléone
Session 2 : 6 juin 13:30-15:00
  • ORL : une Ontologie des Relations de Localisation pour l’aide à la localisation de victimes en montagne lors d’un appel aux secours. Mattia Bunel, Cécile Duchêne and Ana-Maria Olteanu-Raimond 
  • Qaujikairit, un outil d’information et d’alerte précoce sur les événements météorologiques pour les communautés nordiques du Nunavik. Charles Gignac, Thierry Badard and Stéphane Voyer-Boutet, Jacynthe Pouliot et Richard Fortier
  • Developing an Ontology-Based Framework to Select Geospatial Data for Natural Hazards Early Warning Systems (Case study: Nunavik, Québec, Canada). Amirhossein Vahdat, Jacynthe Pouliot, Thierry Badard and Richard Fortier
Session 3 : 6 juin 15:15-16:45
  • Cartographie lidar des biotopes terrestres, marins et intertidaux de l’atoll de Tetiaroa. Benoit Stoll, Poeiti Tuheiava, Moana Badie and Lila De Oliveira
  • Cartographie de la diversité spécifique forestière des milieux tempérés à partir d’imagerie hyperspectrale. Marc Lang, Max Ferriere, Florian De Boissieu, Xavier Briottet, Sophie Fabre, David Sheeren and Jean-Baptiste Féret 
  • Cartographier des trajectoires maritimes incertaines du XVIIIème siècle. Christine Plumejeaud-Perreau and Bernard Pradines 
Session 4 : 7 juin 10:30-12:00
  • Variation d’estimation de température selon les échelles administratives. Didier Josselin, Matthieu Vignal, Nicolas Viaux, Delphine Blanke and Céline Lacaux
  • Identifier le domaine public et son évolution : méthodologie d’analyse spatio-temporelle par traitements géomatiques en creux du cadastre. Thibault Lecourt, Laure Casanova Enault and Didier Josselin
  • Optimising the location of public services. Methodological development and application to the SUD region. Quentin Godoye and Cyrille Genre-Grandpierre
Session 5 : 7 juin 13:30-15:00
  • CentipedeRTK Le Real Time Kinematic collaboratif, low-cost et open source. Ancelin Julien, Ladet Sylvie and Heintz Wilfried  
  • Unlocking Insights into Business Trajectories with Transformer-based Spatio-temporal Data Analysis.
  • Muhammad Arslan and Christophe Cruz 
  • Estimer un potentiel de regroupement de mobilité à partir de données spatio-temporelles.
  • Louisette Garcin, Didier Josselin, Sonia Chardonel, Mathilde Vernet and Jean-Baptiste Chesneau
Session 6 : 7 juin 15:15-16:45
  • Cartographier pour le web avec `bertin`. Nicolas Lambert, Timothee Giraud, Matthieu Viry and Ronan Ysebaert
  • La partie immergée de l’information géographique : Analyse critique à travers le cas de la planification spatiale marine. Juliette Davret and Brice Trouillet
  • Pour un dialogue entre la géomatique et les humanités numériques : propositions pour contribuer à des pratiques géo-numériques critiques. Juliette Morel and Baptiste Hautdidier
Ateliers

1. De la fabrique de la donnée à son usage : les grands enjeux de recherche en géomatique appliquée aux espaces côtiers et marins. 5 Juin 2023 / Après-midi

Cet atelier vise à mieux définir les contours et la structure du domaine de la recherche en géomatique/information géographique s’intéressant aux espaces côtiers et marins et ses enjeux, approchant le sujet à travers l’ensemble du cycle de vie de l’information – de l’acquisition de données sur les environnements naturels et humains à leur traitement, gestion, échange, analyse et usage. L’atelier sera structuré sous la forme de deux tables rondes suivies de discussions avec l’ensemble des participants, avec des intervenants présentant de manière synthétique l’état du domaine et les grands enjeux scientifiques autour de leurs périmètres spécifiques de recherche. Les participants contribueront à alimenter cette réflexion et une synthèse sera ensuite faite et pourra mener à une contribution scientifique commune sur ce domaine. Cet atelier est co-organisé par l’action de recherche #11 du GdR MAGIS (CNRS) sur les espaces côtiers et marins et par l’Université du Québec à Chicoutimi.
Point de contact : Rodolphe Devillers (IRD), Vincent Lecours (UQAC), Cyril Ray (IRENav) et Brice Trouillet (LETG, U. Nantes)
Modalités de participation à l’atelier : l’atelier est ouvert à tout participant en lien avec le domaine de la géomatique appliqué aux espaces côtiers et marins. Aucune soumission n’est nécessaire.

2. Articulation de différents langages (R, JavaScript et Python) pour la géovisualisation avec Quarto. 5 Juin 2023 / Matin

Dans un contexte d’essor de carnets interactifs (Notebooks), l’objet de cet atelier consiste à montrer les possibilités offertes par Quarto, un système de publication scientifique et technique open-source basé sur Pandoc, qui permet d’articuler différents langages pour réaliser des géovisualisations reproductibles dans un seul et même document. Cet atelier proposera aux participants une prise en main des principales fonctionnalités offertes par Quarto, puis une mise en œuvre de chaînes de traitements de l’information géographique reproductibles avec R, Python et Observable JavaScript dans cet environnement.
Point de contact : Nicolas Lambert
Connaissances de base en R, Python et/ou JavaScript et installation en amont des logiciels nécessaires à la mise en place de l’environnement de développement (Quarto, R, Python, RStudio, Jupyter…). La liste des logiciels et bibliothèques nécessaires sera communiquée quelques semaines avant l’atelier. L’accès au support de formation sera communiqué aux participants au moment de l’atelier.

3. Innovation en géomatique : des pensées et des outils qui évoluent. 5 Juin 2023 / Matin

Ouverte à tou·tes, cette session organisée par un groupe de jeunes chercheur·euses franco-québécois rassemblera sous la forme d’une table ronde des intervenant·es francophones du monde Académique, Privé, Gouvernemental et Associatif qui partageront leurs visions de l’évolution des pensées et des outils en géomatique dans leurs domaines respectifs. Un sondage interactif réalisé lors de la séance ainsi qu’une modération assurée par les animateurs de l’émission populaire québécoise de podcast sur la géomatique “Le Spot” permettront des échanges interactifs entre le public et les intervenant·es.
Point de contact : Camille Scheffler
Modalités de participation à l’atelier : Participation ouverte à tou·tes

4. IOTA, une chaîne de traitements « open source » pour analyser des séries temporelles Sentinelles. 5 Juin 2023 / Après-midi

La chaîne de traitements « open source » iota², pour Infrastructure pour l’Occupation des sols par Traitement Automatique Incorporant les Orfeo Toolbox Applications (https://doi.org/10.3390/rs9010095), est une solution logicielle permettant d’analyser des séries temporelles d’images satellites à résolution décamétrique ou métrique à large échelle, telles que les séries optique et radar Sentinel ou encore les séries temporelles des satellites Landsat disponibles pour l’ensemble des surfaces continentales. Cette chaîne, développée par le CESBIO avec le soutien du groupe CS (https://pda.csgroup.space), permet d’automatiser le traitement massif de ces séries temporelles régulières sans nuage sur plusieurs tuiles.
Point de contact : Thierion Vincent
Pour participer à l’atelier, une connaissance de base du système d’exploitation Linux est nécessaire. Il sera aussi nécessaire de disposer d’un ordinateur avec Linux ou à défaut d’une machine virtuelle Linux (la solution WSL – Windows Subsystem for Linux – est à privilégier). Étant donné la durée courte de l’atelier, il est préférable que les participants arrivent à l’atelier avec la chaîne de traitements installée : https://docs.iota2.net/develop/HowToGetIOTA2.html
6. IDOMOG : représentation et gestion de l’Incertitude des Données et des Modèles en Géomatique. 5 Juin 2023 / Matin

L’objectif de cet atelier est de contribuer à la réflexion sur la représentation, la gestion et l’usage de l’incertitude épistémique dans les données et les modèles en géomatique. En effet, un grand nombre de données utilisées en géomatique, de l’analyse à la modélisation et à la décision, sont entachées d’imperfections (imprécision, incomplétude, ambiguïté, etc.). L’incertitude épistémique provient du manque de connaissances complètes sur le phénomène considéré à laquelle sont associées différents types d’incertitude, présents dans les sources d’information, et notamment les données spatio-temporelles. Un but de l’atelier est donc de présenter des travaux récents qui s’inscrivent dans ce thème. L’atelier sera organisé sous la forme de présentations, ainsi que de discussions notamment pour voir si de nouvelles collaborations et projets peuvent être initiés entre le Canada et la France sur ce sujet. Le présent atelier s’inscrit dans le cadre de l’action « incertitude » du GDR MAGIS.
Point de contact : François Pinet – INRAE, Eric Desjardin – URCA, Mireille Batton-Hubert – École des Mines de Saint-Étienne, Didier Josselin – CNRS
Soumissions de proposition de présentation de 20-30 min (titre + courte description de la présentation)

7. Géographies numériques et approches sensibles de l’espace. 5 Juin 2023 / Après-midi

L’objectif de cet atelier est d’entamer un dialogue entre géographies numériques et approches sensibles de l’espace à partir de la présentation de différents projets de recherche menés d’un côté et de l’autre de l’Atlantique : par le Géomedia Lab de l’Université Concordia à Montréal ou par le projet Mobiles dans lequel intervient l’UMR EVS à Lyon-Saint-Etienne ou encore par les chercheurs intéressés à venir présenter à Sagéo des travaux qui transposent avec des interfaces numériques des expériences sensibles, qui hybrident les deux modes ou qui les mettent en dialogue.
Point de contact : Claire Cunty
Participation ouverte à tou·tes et soumission d’un résumé pour les chercheuses et chercheurs qui voudraient prendre part à cette discussion et présenter leurs travaux.

8. Portée et problématiques d’usage des traces géonumériques et de l’information géographique volontaire : crowdsourcing, qualité des données, gestion des espaces et usages des dispositifs de production. 5 Juin 2023 / Matin

Dans un contexte global de numérisation des mondes sociaux, marqué par le changement climatique, par le besoin de gérer l’aménagement de l’espace et l’accès à la nature ou encore par la montée des inégalités sociales et spatiales, où les traces géonumériques et l’information géographique volontaire (produites ou non dans le cadre d’initiatives de type crowdsourcing) offrent des perspectives très stimulantes en matière d’outils d’aide à la décision mais aussi de recherche fondamentale ou de recherche-action, cet atelier visera à identifier et proposer un espace d’échange ouvert à des chercheurs et des techniciens, à l’échelle nationale mais aussi internationale.
Point de contact : Marc Langenbach, Ana-Maria Olteanu-Raimond, Pascal Mao, Cyril de Runz, Hugues François, Robin Lesné
Appel à soumission d’un résumé de 500 mots ou 1 à 2 pages. Des travaux de recherches préliminaires, confirmés ou déjà publiés sont attendus.

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Annoter et partager des images et des cartes numériques en haute résolution en utilisant des outils IIIF


Cartes invisibles. Réflexions littéraires et cinématographiques sur l’image cartographique (colloque)


Le colloque « Cartes invisibles. Réflexions littéraires et cinématographiques sur l’image cartographique » est organisé dans le cadre du PDR  Littérature et cartographie. Il se tiendra à l'Université Saint-Louis (Bruxelles) du 25 au 26 Mai 2023. Ce rendez-vous sera l'occasion d'aborder les cartes invisibles, mentales, potentielles, et les autres approches contre-cartographiques en littérature et au cinéma, accompagnées d'une table ronde avec l’Ouvroir de cartographie potentielle (OUCARPO).

JEUDI 25 MAI 

9h15 –  Introduction par Aurélien d’Avout et Isabelle Ost

Session 1 – Cartes rêvées, cartes suggérées

9 h 30  – Alain Milon (Université Paris Nanterre), « La carte nous avertit : "Gare à l’assujettissement" ! »

10 h 15 – Guillaume Monsaingeon (chercheur et commissaire indépendant), « Le silence de Proust »

11 h 15  – Aurélien d’Avout (Université Saint-Louis - Bruxelles), « Les coulisses cartographiques de l’œuvre de Jean Giono »

12 h – Élodie Raimbault (Université Grenoble Alpes), « Apparition et disparition des cartes chez Rudyard Kipling : un jeu sur l’abstraction et la matérialité du territoire »

Après-midi

Session 2 – Contre-cartographies littéraires

14 h – Nepthys Zwer (historienne, membre du groupe de recherche visionscarto.net), « Trouble dans la cartographie »

14 h 45  – Cécile Chatelet (UMR THALIM), « Mettre au jour l’invisible sur la carte, contre-cartographier un lieu. L’exemple de la décharge de Staten Island dans Freskills. Recycler la terre (2019) de Lucie Taïeb »

15 h 45  – Juliette Morel (Université Paris-Est Créteil), « Les métaphores cartographiques chez Kateb Yacine, ou les ressorts de la récupération poétique d’un outil de domination colonial »

16 h 30 – Liouba Bischoff (ENS Lyon), « Escamoter les cartes : un gage de littérarité pour le récit de voyage »

 17h15 – « La contrainte, le potentiel et l’invisible. L’Ouvroir de cartographie potentielle (OUCARPO) à travers littérature, vidéo et arts plastiques ». Table ronde avec Gilles Palsky, Jean-Luc Arnaud, Guillaume Monsaingeon

VENDREDI 26 MAI 

Matinée

Session 3 – Apparitions et disparitions des cartes au cinéma 

 9 h 15 – Tom Conley (Harvard University), « L’inconscient cartographique du cinéma classique »

 10 h – Laurent Darbellay (Université de Genève), « Cartographies visibles et invisibles : La métropole berlinoise selon Fritz Lang » 

10h45 – Pause café

11 h – Laurent Van Eynde (Université Saint-Louis - Bruxelles), « Chemins et tableaux : la carte en suspens dans Tess de Roman Polanski »

 11 h 45 – Samuel Janssen (Université Saint-Louis - Bruxelles), « The Lost City of Z : cartographier l’espace, explorer le temps »

Après-midi

13 h 30 – Isabelle Ost (Université Saint-Louis - Bruxelles), « Des cartes “hyper visibles” aux cartes invisibles. De cinéma et de littérature »

 14 h 15 – Lucas Monsaingeon (Cergy Paris Université), « Les terrils du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, tas de déchets ou éminences géographiques ? Réflexions sur le mépris cartographique à partir de la Cabale des oursins, un court métrage de Luc Moullet »

Session 4 – Cartes et voyages

15 h 30 – Raphaël Luis (ENS Lyon), « Une carte qui ne mène nulle part : l’étrange train de Juan José Arreola »

16 h 15 – Sémir Badir (Université de Liège), « La carte du monde. Sur L’Usage du monde de Nicolas Bouvier »

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Rubrique Cartes et atlas imaginaires