Quand Israël et la Palestine « disparaissent » des cartes scolaires. Le cas de l'Arabie saoudite

 

Les manuels scolaires cristallisent souvent des débats politiques. Un rapport d'étude publié en mai 2024 par l'ONG israélienne IMPACT-se (Institut pour le suivi de la paix et de la tolérance culturelle dans l’éducation scolaire) s'intéresse aux dernières évolutions des manuels scolaires saoudiens. Des mots considérés comme hostiles à Israël ont été supprimés à plusieurs endroits du programme, en particulier des termes tels que « ennemi » ou « ennemi sioniste », ainsi qu'une grande partie du contenu académique qui mettait en garde contre les ambitions israéliennes dans la région et les tentatives d'expulsion des Palestiniens de leurs terres. « Israël » n'est toujours pas mentionnée sur les cartes, mais le nom « Palestine » a aussi été supprimé de la plupart des cartes sur lesquelles il figurait auparavant, laissant ce territoire dans le vide et l'indétermination. Toutefois comme le précise le rapport, les pays n’ayant pas de frontière avec l’Arabie saoudite ne sont en général pas mentionnés nominalement sur ces types de cartes qui ont tendance à faire apparaître l'Arabie saoudite comme une « île » entourée d'espaces vierges. La question se pose de savoir si cette « disparition » du nom d'Israël et de la Palestine dans les manuels scolaires correspond à un simple choix pédagogique ou à une volonté politique de normalisation de la part de l'Arabie saoudite par rapport à Israël et au reste du monde ? 

Extrait d'un manuel  de sciences humaines de 5e année montrant la Palestine sans nom sur l'édition de 2023 contrairement à l'édition de 2022 (source : rapport d'étude IMPACT-se de mai 2024)

« Polémique. Les cartes des nouveaux manuels scolaires saoudiens ne mentionnent ni Israël ni la Palestine » (Courrier International)

Un rapport annuel récemment publié par une ONG israélienne montre les dernières évolutions des manuels scolaires saoudiens. Nombre de médias arabes s’offusquent : les nouveaux manuels s’emploieraient à biffer la Palestine “pour faire plaisir à Israël”. Qu’en est-il en réalité ?

« L’Arabie Saoudite supprime la "Palestine" des cartes de ses programmes scolaires. La normalisation approche-t-elle ? »  (Arabi21)

L’Arabie Saoudite se dit ouverte à une normalisation avec « Israël », mais à la condition de reconnaître un État palestinien. Le Royaume d’ Arabie Saoudite a supprimé la « Palestine » des cartes de plusieurs manuels scolaires, laissant l’espace vide, alors que les discussions se multiplient sur l’approche d’une normalisation israélienne avec Riyad, qui l’obligerait à reconnaître l'« État d’Israël » sur la majeure partie des territoires occupés et à l’inclure dans ses programmes.

« Quand la "Palestine" disparaît de certaines cartes scolaires en Arabie saoudite » (L'Orient le Jour)

En 2023 déjà, l’Institute for Monitoring Peace and Cultural Tolerance in School Education rappelait dans un rapport que « presque tous les exemples décrivant les chrétiens et les juifs de manière négative » ont été supprimés des manuels scolaires saoudiens. Ce n’est pas la première fois que les programmes scolaires saoudiens sont soumis à des modifications pour des raisons politiques. Ils ont fait l’objet d’un examen minutieux en Occident après les attentats du 11 septembre, au cours desquels 15 des 19 pirates de l’air étaient saoudiens. Depuis, le royaume a progressivement supprimé les contenus radicaux de ses manuels. 

Pour télécharger le rapport d'étude d'IMPACT-se : Updated Review  Saudi Textbooks 2023–2

Ce rapport IMPACT-se sur les manuels scolaires saoudiens 2023-24 examine les changements curriculaires au cours des cinq dernières années. Un examen complet de 371 manuels scolaires publiés entre 2019 et 2024 révèle une évolution vers la paix et la tolérance selon les normes de l'UNESCO. Les représentations négatives des infidèles et des polythéistes, ainsi que les représentations des pratiques chiites et soufies comme hérétiques, ont diminué. Les exemples problématiques promouvant le jihad et le martyre ont été supprimés ou modifiés, et des améliorations notables ont été constatées en matière de représentation des genres et de réduction des contenus homophobes, bien que les rôles traditionnels de genre et l'interdiction du travestissement demeurent. Le programme montre un fort dévouement à la cause palestinienne, mais avec des représentations révisées d’Israël et du sionisme, éliminant le contenu qui définissait auparavant le sionisme comme un mouvement « raciste ». Malgré ces changements, Israël n’est toujours pas reconnu sur les cartes, les références à la « Palestine » ont été réduites, l’Holocauste est absent et Israël est qualifié d’« occupation israélienne » ou d’« occupants israéliens » en ce qui concerne la guerre de 1948.

A titre de comparaison, un rapport d'IMPACT-se sur les manuels scolaires israéliens : Arabs and Palestinians in Israeli Textbooks 2022‒23

Ce rapport IMPACT-se offre un aperçu des principaux thèmes liés aux Arabes et aux Palestiniens dans les manuels scolaires israéliens en langue hébraïque approuvés par le gouvernement couvrant l'éducation civique, la géographie, les études hébraïques, l'histoire, la patrie, la société et l'éducation civique, les études israéliennes, la pensée juive et la culture judéo-israélienne. La recherche explore comment des leçons, des images et des exercices spécifiques décrivent et façonnent les attitudes envers les Palestiniens et les Arabes issus de divers horizons au sein de la société israélienne et de la région. Il évalue la représentation des conflits arabo-israéliens et israélo-palestiniens, du processus de paix et de l’Autre arabe et palestinien – vivant en tant que citoyens d’Israël, à Jérusalem, en Cisjordanie, dans la bande de Gaza et ailleurs. Cette analyse porte sur 107 manuels scolaires enseignés dans les écoles publiques et religieuses approuvées par le ministère israélien de l’Éducation pour l’année scolaire 2022-2023. Il s’agit notamment de l’intégralité du corpus des huit manuels d’éducation civique approuvés par l’État (parmi lesquels les écoles pouvaient choisir), ainsi que de la majorité des manuels d’histoire traitant des périodes du conflit israélo-arabe. Ce faisant, ce rapport se concentre sur six catégories thématiques : « Éducation à la paix », « L'expérience palestinienne », « Diversité et valeurs démocratiques », « Introspection, violence et injustice », « Har Bracha : perspective de Cisjordanie, » et « Cartographie ». Le rapport montre que de nombreuses cartes reconnaissent les localités des Palestiniens et des Arabes israéliens, marquant notamment la Ligne verte et indiquant les territoires contrôlés par l'Autorité palestinienne. Cependant, ces cartes sont souvent incohérentes en ce qui concerne la représentation de la Cisjordanie. La plupart des cartes représentent les zones A et B, représentant divers degrés de contrôle palestinien (conformément aux accords d'Oslo) ; d'autres ne montrent que la zone A ; certaines ne montrent aucune différenciation spatiale entre les territoires israéliens et palestiniens. La zone C (essentiellement contrôlée par Israël) n’est généralement pas indiquée sur les cartes, mais expliquée dans les textes qui l’accompagnent.

Liens ajoutés le 2 juin 2024

Lien ajouté le 3 juin 2024

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