Visualiser les flux aériens et les aéroports avec Openflights


Le site Openflights.org constitue une référence incontournable si l'on souhaite visualiser et analyser les trafics aériens dans le monde, les aéroports et les compagnies : http://openflights.org/. Ce sont plus de 5500 aéroports disponibles pour 3500 villes. Voici quelques pistes pour prendre en main l'application. 

Le site Openflights.org fournit une interface relativement intuitive qui permet de chercher une ville, un aéroport ou une ligne aérienne. Les données s'affichent directement sur la carte avec possibilité de filtrer les données en fonction d'un aéroport ou d'une compagnie au choix. Un tableau sous la carte récapitule le nombre de liaisons par aéroports avec les compagnies aériennes et les appareils. 

Interface de consultation du site Openflights.org


En cliquant sur un aéroport ou sur une ville ayant plusieurs aéroports, il est possible de faire apparaître ses caractéristiques et de cartographier ses liaisons aériennes. Voici par exemple l'aéroport international de Dubaï qui compte 365 liaisons aériennes. La liste de toutes les destinations à partir de Dubaï s'affiche avec la durée des vols, leur distance et la date où ils ont été mis en place.

L'aéroport international de Dubaï et ses 365 liaisons aériennes (source : Openflights.org)


Toutes les données sont téléchargeables sur la page Openflight data. Le plugin Flowmapper permet de réutiliser ces données dans le logiciel QGIS. Voici un lien pour télécharger les données avec la matrice de flux ainsi que les explications à suivre pour la procédure.

Si l'on ne souhaite pas exploiter la base de données, il est possible de télécharger deux cartes en haute résolution (au format PNG). La première concerne les aéroports dans le monde, la deuxième les liaisons aériennes

 

Un blog est également disponible en complément du site Openflight afin de donner des précisions : voir par exemple comment visualiser les flux dans Google Earth ou comment calculer des distances de routes aériennes.

Les problèmes posés par la représentation des flux aériens sont analysés et discutés par Françoise Bahoken qui a travaillé dans sa thèse sur les matrices de flux. Concernant Openflight, elle évoque notamment les questions liées aux sources de données et au choix des projections cartographiques dans un billet Exploration cartographique de relations mondiales sur le blog Néocarto.

Relations inter aéroports de l’Openflightdata, dans une projection polaire
(source : F. Bahoken sur le blog Néocarto)

Parmi les problèmes de représentation inhérents à la cartographie des flux on trouve "l'effet spaghetti". Dans un article de M@ppemonde paru en 2015, Françoise Bahoken explique l'effet spaghetti à partir d'une définition empruntée à Breukelmann et al. (2009): « S’il y a beaucoup de flux, sur une carte, entre les origines et les destinations, leur tracé peut entraîner un motif ‘spaghetti’; tous les types de flux étant dessinés les uns sur les autres, brouillant les motifs généraux. Pour être en mesure de produire une carte lisible, seuls les principaux flux seront par exemple représentés ». Un bon exemple est fourni par la cartographie établie par Matthieu Totet sur sa page IataMap Airports. Pour information, le code IATA (en français AITA) est le code international qui permet d'identifier n'importe quel aéroport dans le monde à partir d'un identifiant à trois lettres.

Cartographie des liaisons aériennes par Matthieu Totet (source : IataMap airports


Pour éviter ces problèmes de surcharge graphique, on peut cliquer sur un aéroport au choix afin de faire apparaître les lignes aériennes en provenance ou à destination de ce noeud. Voici par exemple les destinations pour l'aéroport de Francfort, grand hub à l'échelle européenne et internationale.

Francfort, un hub international pour les liaisons aériennes (source : IataMap airports)


Un dégradé de couleur (du bleu clair au bleu foncé) permet de distinguer l'importance du hub ainsi que le nombre de compagnies aériennes par destination. Voici par exemple l'aéroport de Chicago (en bleu foncé car il constitue un hub important aux Etats-Unis en lien avec le Canada tout proche).

Chicago et ses liaisons aériennes vers les Etats-Unis et le Canada (source : IataMap airports)


L'intérêt de l'application créée par Matthieu Totet est de permettre de faire des recherches par aéroport, par compagnie aérienne et par pays (code à saisir dans la barre d'adresse qui propose une aide à la saisie). Un fois affichée à l'écran, la carte interactive permet de se déplacer de noeud en noeud et de faire apparaître le réseau des destinations. Voici par exemple les destinations de la compagnie British Airways dans le monde.

Les destinations de la compagnie British Airways dans le monde (source : IataMap airports)



En complément, il est possible de consulter cette autre carte montrant de manière très explicite l'interconnexion des aéroports américains en 2008.

A partir de la même source de données Openflights.org, Martin Grandjean, un historien suisse spécialiste dans le domaine des humanités numériques, a conçu une carte qui s'efforce de rendre plus explicite l'organisation des réseaux en les regroupant par zones géographiques. Sur son site, il est possible de télécharger la carte en haute résolution.


D'autres jeux de données par pays sont disponibles en accès libre sur le site Data.world.

Pour télécharger des données sur la France, il peut être utile de consulter le site Data.gouv.fr. Le site fournit des données sur les aéroports et sur leurs trafics aériens.

Le site Airline Route Maps permet de télécharger des cartes plus classiques de liaisons aériennes à partir de différents pays et aéroports.

On comptabilise en moyenne chaque jour plus de 80 000 vols commerciaux dans le monde. Pour une vue du trafic aérien en temps réel, consulter le site Flightradar24. Le site Radar virtuel offre également un suivi du trafic en France et dans le monde.  Pour les 100 ans de l'aviation civile, le site The Guardian a mis en ligne une carte animée des flux sur 24h pour l'année 2014.

Visualiser le trafic aérien en temps réel dans le monde (source : Flightradar 24)


Pour appréhender l'inégale densité des flux aériens selon les régions, voici une reconstitution vidéo proposée par le site World Traffic Worldwide. Il s’agit d’une simulation du trafic aérien mondial sur 24 heures réalisée par des chercheurs de l'Ecole des Sciences Appliquées de Zurich. La carte utilise les données de Flightstats.com et superpose leur position sur une projection cylindrique de Miller. Le même type de simulation en défilé plus rapide est disponible avec l'alternance jour/nuit sur 72h.

Le trafic aérien dans le monde sur 24h (source : World Traffic Worldwide)


Ces cartes valent surtout pour leur valeur esthétique. ESRI aborde cette dimension esthétisante sur sa page Global Air Traffic As Data Art et propose une storymap à ce sujet. La couleur bleu clair utilisée pour représenter les 58 000 liaisons aériennes sur un fond de carte noir permet d'obtenir un contraste élevé et de produire un impact visuel assez fort.

Trafic aérien et data art à travers 58 000 routes aériennes (source : ESRI Airflow Pro)



Certaines data visualisations très esthétiques ont été élaborées à l'échelle de régions ou de villes comme par exemple cette vidéo montrant le trafic aérien intense des 5 aéroports de Londres. Il convient de souligner que ces cartes ne permettent pas vraiment de saisir la hiérarchie des flux aériens ni l'importance des aéroports. Comme le rappelle Françoise Bahoken, les données sont souvent pauvres sur le plan sémantique. Il s'agit d'une cartographie de relations (relation maps) et non d'une cartographie de flux (flow maps). Pour saisir les logiques de connexité qui sont à l'oeuvre dans l'organisation des réseaux aériens, il convient de recourir à la théorie des graphes. Saglietto & Lévy (2005) montrent par exemple comment la théorie des graphe permet de comprendre les stratégies des compagnies aériennes réunies au sein d'alliances en coopétition.

D'autres applications permettent de construire des cartes de flux. Voir par exemple le projet ICAO Traffic Flow Chart 2015 avec une carte de flux à télécharger en haute résolution au format PDF. Il fournit également une cartographie des émissions de CO2 produits par le trafic aérien. Le site ICAO donne des liens vers d'autres applications de visualisation des flux aériens en ligne.

Le site de Sciences Po a produit une carte des 50 premiers aéroports internationaux en 2008 ainsi qu'une carte des flux de passagers par route aérienne en 2010 qui montre bien l'importance des liaisons nationales malgré l'internationalisation du trafic. Les données sont issues de l'étude de Huang et al. (2015), An Open-Access Modeled Passenger Flow Matrix for the Global Air Network in 2010. Dans cet article, les auteurs montrent l'importance de pouvoir disposer de données libres sur les déplacements nationaux et internationaux de manière à en comprendre les implications socio-économiques, environnementales et épidémiologiques. Ils proposent d'élaborer une matrice de flux à partir du nombre estimé de passagers.

Flux de passagers estimés à partir de l'aéroport d'Atlanta (source : Huang et al., 2015)


Le site Diploweb propose une carte des 150 premiers aéroports dans le monde en fonction du fret passager en 2013-2014. Les données utilisées sont issues du site Top Airlines Ranking qui livre des statistiques sur le classement des aéroports, des flux et des compagnies. A compléter par l'émission Le Dessous des cartes Aéroports : la guerre des hubs (2019).

Le site Airinfo fournit un classement des 20 premiers aéroports dans le monde en 2016, en fonction du trafic global, du trafic international et des mouvements. Dubaï, Londres, Hong Kong, Amsterdam, Paris arrivent dans les 5 premiers rangs en termes de trafic international, alors qu'Atlanta, Chicago, Los Angeles, Dallas, Pékin arrivent en tête concernant le nombre de mouvements. 25% des aéroports concentrent 83% du trafic mondial. 5 plateformes concentrent 1/3 des flux du fret aérien et les 15 premières 70%. Il en ressort une interconnexion en réseau très hiérarchisé comme le montre la carte de Carroué et al. publiée dans leur ouvrage sur la mondialisation. 

Gilles Palsky esquisse une réflexion sur la manière de cartographier ces flux  dans un article publié en 2013 sur le site Géoconfluences Carte à la une : visualiser les flux aériens. La carte ou l'icône ? Il peut s'avérer plus efficace d'adopter une cartographie schématique et de produire des graphes simplifiant la lecture des flux. Dans un article publié en février 2018 dans la revue M@ppemonde, Françoise Bahoken propose des solutions pour produire une cartographie par matrices de flux  en agrégeant les données et en simplifiant les tracés.

Concernant l'organisation en réseau des grandes compagnies aériennes et leur regroupement en grandes alliances à l'échelle mondiale, Hervé Théry a réalisé une synthèse très complète dans un article de la revue M@ppemonde publié en janvier 2017 : Les ailes de la centralité, réseaux aériens planétaires et mondialisation. Il y reprend notamment la carte issue du projet Mapping the World’s Biggest Airlines qui montre la forte concentration du réseau aérien autour de quelques grandes compagnies exerçant une forte emprise à l'échelle de grandes régions continentales.

Les principales liaisons aériennes des 7 premières compagnies aériennes mondiales (source : Spatial.ly)


Comme le montre Hervé Théry, il peut être intéressant d'utiliser les cartes réalisées par les compagnies aériennes pour analyser leurs dessertes à différentes échelles et pour décrypter les logiques à l'oeuvre entre héritages historiques et culturelles et stratégies de conquête de nouveaux marchés. Le site Airline Route Maps fournit de nombreuses cartes pour conduire ce type d'analyse (à compléter en consultant les sites des compagnies aériennes elles-mêmes).

A l'échelle de l'Océan indien, voici par exemple la route map d'Air India comparée à celle d'Air Kenya, d'Air Mauritius, d'Air Seychelles ou d'Air Austral. Même si les échelles des cartes diffèrent, l'analyse des destinations permet d'établir des comparaisons intéressantes.

La route map d'Air India

 


La route map de la compagnie Air Kenya



La route map de la compagnie Air Seychelles 


La route map de la compagnie Air Austral
 


Liens ajoutés le 19 février 2019

Trois chercheurs du MIT Senseable's Lab, à Singapour, ont créé une carte interactive indiquant le vol le moins cher vers toutes les villes du monde, à une date donnée, depuis l'aéroport le plus proche. Great Escape permet, en cliquant sur un marqueur de ville, d'afficher la liste complète des vols à destination de cette ville. Une manière pratique de comparer l'offre de destinations en fonction des villes.
http://greatescape.co/



Le site Metrocosm fournit une animation en 3D qui permet de visualiser tous les vols commerciaux sur un an (plus de 30 millions de vols commerciaux et 2,8 milliards de passagers en 2010). Les flux de passagers aériens sont représentés par 1,4 million de particules, chacune représentant 2 000 passagers. Les aéroports sont représentés par des cercles en violet, leur taille indiquant le trafic total de passagers en 2010. Déplacer le globe et zoomer sur la carte interactive pour agrandir.
http://metrocosm.com/globe-air-traffic-particles/

Lien ajouté le 2 mars 2019

Flightradar24 est devenu une source incontournable pour rechercher des données de vol, notamment lors d'événements  qui perturbent le trafic aérien dans le monde. En mars 2019, le New York Times a utilisé les données de FlightRadar24 pour visualiser le clouage au sol de Boeing 737 dans le monde après le crash du vol 302. Reuters a utilisé la même source pour visualiser les tensions entre l'Inde et le Pakistan. Le 26 février 2019, l’Inde a affirmé avoir mené une frappe préventive contre un camp d’entraînement terroriste au Pakistan. Une affirmation que le Pakistan a contesté, affirmant que les bombes ont été larguées dans une zone inhabitée. Le lendemain de la frappe aérienne indienne, le Pakistan a annulé tous les vols commerciaux et fermé son espace aérien. Reuters a utilisé les données de FlightRadar24 pour créer des cartes montrant comment le trafic aérien dans la région a été perturbé par la fermeture de l'espace aérien du Pakistan.


Lien ajouté le 18 mars 2019

Les ambitions de la Chine en matière de transport aérien civil : entre instrument de développement régional et outil de projection d’influence à l’international par Julien Lebel. Site Diploweb, 17 mars 2019 : http://www.diploweb.com/Les-ambitions-de-la-Chine-en-matiere-de-transport-aerien-civil-entre-instrument-de-developpement.html



Lien ajouté le 24 mars 2019

Planefinder a été créé en 2009 au Royaume Uni pour permettre de suivre les vols en direct à partir d'une application disponible sur Appel Store. Depuis, l'application est devenue accessible à travers un navigateur sur Internet et fournit une base de données importante sur les vols, les aéroports, les lignes aériennes et les types d'avions. Une carte mise à jour régulièrement permet de visualiser en direct la densité du trafic aérien.
http://planefinder.net/


Great Escape est un moteur qui recherche les vols les moins chers à partir d'une ville au choix et qui affiche l'ensemble des destinations sur un planisphère. Une manière efficace d'étudier les liaisons aériennes par continents, pays ou villes. Les résultats peuvent être raffinés en fonction de différents critères : budget disponible, vols directs ou non, visas nécessaires, popularité...
http://greatescape.co/


Les vols en provenance ou à destination de quelques grandes villes affichées sur un globe 3D (en temps réel) : http://stamen.github.io/here-xyz-tutorials/radar-frontend/

Comment visiter tous les pays du monde sans prendre l'avion (Map Porn) :
http://www.reddit.com/r/MapPorn/comments/b5rbc2/visiting_every_country_without_using_airplanes/


Liens ajoutés le 15 mai 2019

Le site Urban Age fournit une carte des liaisons aériennes entre les pays africains. L'Afrique a connu une explosion des vols intra-continentaux gérés par des compagnies aériennes africaines et largement ouverts désormais aux liaisons internationales. Addis-Abeba et Nairobi ont connu une croissance importante, parallèlement à des hubs plus anciens comme Johannesburg ou Le Caire, ainsi que des connexions en Asie, en particulier en Chine et en Inde, avec une croissance continue vers des hubs au Moyen-Orient. Alors que l’Afrique ne représente que 1% du marché mondial du transport aérien, la route la plus fréquentée d’Afrique entre Le Cap et Johannesburg se classe parmi les dix premières routes mondiales. 

L'orientation des pistes de décollage et d'attérissage traduit l'orientation des vents dominants comme le montre cette carte des pistes d'aéroports aux Etats-Unis, allant de l’axe nord-sud (en bleu) à l’axe est-ouest (en jaune) :


Liens ajoutés le 5 août 2019

Carte non officielle des lignes aériennes à partir de Dubaï (en lignes courbes) :
http://cargocollective.com/somethingaboutmaps/Flight-Map


Lien ajouté le 27 août 2019

Une carte en haute résolution du trafic aérien en 2018 (avec les villes et les principaux hubs) à télécharger sur le site de partage Map Porn : http://www.reddit.com/r/MapPorn/comments/cilyum/air_traffic_2018_19_mb/





Liens ajoutés le 1er septembre 2019

Routitude permet de choisir un vol en fonction de la période de l'année, du type de passeport, des  conditions climatiques. Ce qui donne à voir une représentation du monde et des espaces touristiques en fonction des lieux d'origine-destination :


Pour des raisons de sûreté, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) interdit ou restreint le survol de certaines zones de conflit aux compagnies aériennes françaises. Une cartographie de ces zones interdites ou restreintes est régulièrement mise à jour :
http://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/restrictions-survol

Lire : "Zones interdites de survol : le casse-tête des compagnies aériennes" (L'Obs)

Les plus longs vols au monde en temps et en distance (source : Statista)


Liens ajoutés le 14 décembre 2019

A partir de la base de données Openflightdata, Françoise Bahoken revient sur les problèmes posés par la cartographie des relations aériennes à l'échelle mondiale (effet-spaghetti, effet d'échelle, effet de projection...).
473 bases de données disponibles sur le transport aérien à télécharger sur le site World.data :
http://data.world/datasets/aviation


Liens ajoutés le 23 janvier 2020



Lien ajouté le 31 janvier 2020

Lien ajouté le 10 mars 2020

Lien ajouté le 31 juillet 2020


Liens ajoutés le 3 novembre 2020


Lien ajouté le 19 octobre 2021


Lien ajouté le 11 décembre 2021

Lien ajouté le 4 avril 2022

Lien ajouté le 13 juin 2022

Lien ajouté le 2 septembre 2022

Lien ajouté le 4 septembre 2022

Lien ajouté le 13 septembre 2022

Lien ajouté le 3 mai 2023

Lien ajouté le 22 décembre 2023

Articles connexes
 


Espace mondial : l’Atlas de Sciences Po 2018 en version numérique

La version numérique de l’Atlas 2018 est en accès libre et gratuit sur le site de Sciences Po. Même s’il comporte quelques limites, cet atlas est une mine d'informations et de cartes à utiliser et analyser avec des élèves ou avec des étudiants.

Les atlas publiés en cette rentrée sont nombreux comme en témoigne le recensement réalisé sur le site Géoconfluences, auquel il faudrait également ajouter l’Atlas de la mondialisation publié début 2018 par Laurent Carroué. Preuve que les atlas de géographie rencontrent un certain succès, même si leur multiplication ces dernières années finit par donner le tournis. L'Atlas de Sciences Po se distingue de cette production en proposant une version numérique et une version imprimée (voir le CR de Jean-Christophe Fichet sur Carto-lycée pour la version papier). Il faut dire que l’Atelier de cartographie de Sciences Po bénéficie d'une notoriété ancienne. Leur premier Atlas de la mondialisation date de 2006. Il est en grande partie renouvelé dans cette nouvelle version numérique. Les conditions d’élaboration de cet e-Atlas multimédia montrent que le projet éditorial s’inscrit dans une démarche collaborative. Pas moins de 6 géographes ou politistes et 4 cartographes ont collaboré pendant deux ans à sa réalisation. Le projet témoigne aussi de la volonté affirmée de toucher un public plus large et de fournir une sorte de « Web Book » en accès libre et gratuit. Pour juger du résultat, nous avons examiné cet atlas numérique selon trois critères : le choix des contenus, le choix des modes de représentation et le potentiel d’usages numériques.

Un contenu très riche avec des données récentes

Même si le titre « Espace mondial » peut sembler traditionnel (c’est le nom d’un cours phare de Sciences Po pour lequel cet atlas sert de support), le contenu est très riche et varié. Plus de 200 cartes sont proposées pour appréhender l’espace mondial contemporain. La plupart sont des créations originales des cartographes de Sciences Po, même si quelques cartes sont reprises à partir d’autres sources. Toutes les cartes sont construites à partir de données récentes. Elles s’ajoutent aux 2 000 cartes de la cartothèque de Sciences Po, un fond très utile pour disposer de cartes vierges et de cartes thématiques que les enseignants d'histoire-géographie connaissent en général assez bien.

Dans son introduction, l’Atlas présente les grands enjeux des espaces-temps du monde d’aujourd’hui. Il évoque également les problèmes de représentation liés aux cartes « qui ne sont qu’une interprétation du réel ». Les auteurs reconnaissent avec franchise qu’il n’est pas toujours aisé de « réunir les données pertinentes sur certains sujets ». Ils avouent également, face aux difficultés pour représenter la complexité des réseaux, qu’il y a finalement peu d’innovation de leur part dans ce domaine (voir cette carte classique des flux de pétrole assortie malgré tout d’une typologie intéressante). En dépit de ces défis cartographiques, ils ont cherché pour chacune des six grandes thématiques proposées à trouver « un équilibre entre une vision d’États juxtaposés et celle d’un monde de plus en plus transnational et global.... Au total, le décalage croissant entre abondance des données et complexité des processus en cours montre qu’approcher le monde mondialisé, global et local (glocal), transnational, aux acteurs multiples, avec des outils anciens ou partiels, est de plus en plus difficile ». Et de souligner très justement : « il faut aussi accepter que les cartes et les graphiques ne montrent qu’un compromis, à un moment donné, entre un questionnement, des données plus ou moins vérifiables et des choix de représentation ». C’est donc l’occasion d’interroger le choix des projections et des modes de représentation qui sont loin d’être neutres dans la construction de notre vision du monde.

Une volonté de varier les cartes et les modes de représentation

L'Atelier de cartographie de Sciences Po n’a pas ménagé ses efforts pour varier les types de cartes (fixes ou animées), les projections (souvent assez originales) et les graphiques (en interaction avec les cartes). Concernant les projections, l’Atlas utilise souvent la projection Bertin ou la projection Mollweide qui offrent des compromis intéressants entre respect des surfaces et des formes et compacité du dessin. La récente projection Natural Earth (plus respectueuse de l’équilibre entre contours et surfaces) est également utilisée. Elle figure d’ailleurs, aux côtés d’un grand nombre d’autres projections, dans l’outil cartographique Khartis développé et mis à disposition sur le site de Sciences Po. Cette variété de projections permet de jouer sur les points de vue et de favoriser les décentrements. Certaines cartes sont centrées sur le Pacifique témoignant d’un basculement du centre de gravité économique et financier, telle cette carte représentant les 2000 premières firmes multinationales. Tout en étant intéressant voire original, le choix de certaines projections pourra paraître un peu déroutant. Ainsi par exemple le choix de la projection Waterman pour figurer les organisations régionales ou encore le choix de la projection Atlantis pour représenter les Grandes découvertes et le premier partage du monde.

Ces cartes au format « vertical » sont un peu difficiles à afficher au format horizontal d’un écran d’ordinateur (à moins de disposer d’un très grand écran). Faute de temps, nous n’avons pas pu analyser l’ensemble des 200 cartes proposées, mais il serait intéressant de chercher les critères qui ont pu présider au choix de telle ou telle projection en fonction du thème abordé et de la vision que les auteurs ont voulu en donner. On peut également s’interroger sur certains choix de sémiologie graphique (voir par exemple cette carte sur les attentats terroristes ou celle-ci sur les victimes de groupes armés). Même si les grandes questions de notre temps sont bien abordées (migrations, ressources, environnement, changement climatique…), les thèmes géopolitiques dominent dans cet atlas (conflits, (in)sécurité, stratégies d’acteurs… sans oublier pour autant les tentatives de régulation), ce qui est en soi logique venant d’un atlas de Sciences Po.

Un fort potentiel d’usages numériques malgré quelques limites

Le moteur de recherche permet d’interroger par mots-clés les cartes, les graphiques, les articles et le lexique. Il est très utile pour accéder directement à l’information recherchée. Par exemple en saisissant « globalisation », le moteur interne renvoie aussi bien à des termes du lexique (mégapole, mondialisation) qu’à un article sur les espaces-temps du monde ou à différentes cartes, comme par exemple cette carte des data centers au 1er janvier 2018. Un atout appréciable : les cartes et les graphiques ainsi que les photographies (d’une très grande qualité graphique) sont regroupés dans un dossier à part (Ressources) où figurent également des compléments (Focus). Les références proposées à la fin de chaque article comportent des liens sur Internet permettant de prolonger la réflexion. De même, les mots-clés fournis au bas de chaque page ainsi que les rubriques associées au thème permettent une navigation thématique qui rompt avec la consultation plus linéaire d’un atlas papier. S’agissant des possibilités de réutilisation des cartes et images, il est rappelé que toutes les informations ainsi que les cartes sont protégées par des droits de propriété intellectuelle. L'usage de ces cartes à des fins pédagogiques semble possible, mais on ne peut pas les republier (sauf à en demander l'accord explicite à Sciences Po). 

Les cartes sont téléchargeables en trois versions : version détaillée, simplifiée et très simplifiée. Ces trois versions de téléchargement ne sont pas très parlantes pour l’utilisateur : il s’agit en réalité de la dimension des images qui est déterminante si l’on veut pouvoir projeter ces cartes sur un vidéoprojecteur ou encore les visualiser sur un ordinateur, une tablette ou autres interfaces. Les dimensions en pixels de chacun de trois formats varient d’une carte à l’autre, ce qui ne simplifie pas le choix (parfois peu évident entre version simplifiée et très simplifiée). Si l'utilisateur ne peut qu'être satisfait de pouvoir avoir accès à des cartes et des graphiques en haute résolution, certains d'entre eux ont un format allongé verticalement. Il peut sembler un peu difficile de les utiliser dans le format horizontal et en basse résolution d’un vidéoprojecteur. Autrement dit, cet Atlas vaut plus par sa dimension interactive et multimédia que par ses possibilités de réutilisation par des utilisateurs dans des contextes variés. Malgré ces petits inconvénients, il convient de souligner la richesse et la profondeur des analyses ainsi que les possibilités multiples de navigation au sein de cet e-Atlas multimédia.


L'interface de navigation de l'Atlas de Sciences Po 2018



Cet atlas propose plusieurs niveaux de navigation. L'utilisateur peut choisir de consulter le site :
  • par un accès page par page en cliquant sur le petit triangle au milieu droit de la page (parcours linéaire article par article);
  • par le menu qui apparaît en cliquant en haut à gauche (parcours thématique en fonction du thème sélectionné) ;
  • par le moteur de recherche qui est accessible sur la page d'accueil ou en haut à droite de chaque article (parcours personnel) ;
  • par la rubrique ressources (parcours iconographique dans les cartes, les graphiques et les images).
Pour compléter cette présentation, vous pouvez lire l'interview réalisée par le site Diploweb concernant trois atlas géopolitiques parus en 2018 (dont l'Atlas de Sciences Po).