Cartes et données. D'où viennent les milliardaires et où vivent-ils dans le monde ?


Wesley Stubenbord (Université Cornell à New York) propose une carte interactive Migration des milliardaires. Elle représente les flux migratoires de 3106 milliardaires, avec leur lieu de naissance et leur lieu de résidence. Les points rouges sur la carte indiquent les lieux de naissance ; les points bleus les lieux de résidence actuelle (sachant que les lieux de résidence secondaire ne sont pas pris en compte). Les arcs en bleu clair représentent les flux migratoires entre les lieux.

D'où viennent les milliardaires et où vivent-ils ? (source : Migration des milliardaires)



Cette datavisualisation représente les migrations de plus de 3 100 milliardaires à partir de la Base de données internationale sur les élites économiques et leur patrimoine (IDEE Wealth), un nouvel ensemble de données qui suit le patrimoine et les caractéristiques sociales de l'élite économique mondiale à partir de sources publiques. En reliant les données de résidence de Forbes sur la période 2010 à 2025 aux données démographiques issues des médias, des administrations et d'autres sources, la visualisation illustre les flux migratoires des individus les plus riches du monde. Le résultat décrit les origines variées et la concentration spatiale d'une élite possédant environ 2,5 % de la richesse mondiale en 2024. Cette application s'avère utile pour l'étude des élites, des inégalités de richesse et pour les débats contemporains sur la politique fiscale. La carte met bien en évidence les flux migratoires de l'élite économique à l'échelle mondiale.

Chemins de migration des milliardaires sur la période 2010-2025 (source : Migration des milliardaires)



L'application permet de filtrer les résultats par pays en distinguant par lieu de naissance et/ou par lieu de résidence. En cliquant sur une ville au choix, on peut afficher plus spécifiquement les flux migratoires à partir d'elle. On peut aussi faire apparaître le nombre de milliardaires et la part qui en est originaire. 

Sans surprise, les milliardaires sont plus nombreux à être originaires et à vivre dans les pays du Nord en particulier aux États-Unis et en Europe, mais aussi au Japon et en Chine. Beaucoup de milliardaires sont attirés par les Etats-Unis, alors que ceux originaires de Chine ont tendance à y rester. Au delà de l'appartenance nationale, la carte permet de mettre en évidence le degré d'attractivité des grandes métropoles à travers les flux migratoires de l'élite économique. Paris compte 42 milliardaires dont 14% en sont originaires. A Moscou, on dénombre pas moins de 129 milliardaires dont 25% originaires de la ville. On peut comparer New York (118 milliardaires dont 44% originaires) avec San Francisco (70 milliardaires dont 14% originaires) ou Los Angelès (51 milliardaires dont 16% originaires), la Californie attirant plus de grandes fortunes qu'elle n'en produit. 

Lieux d'origine des milliardaires résidant à Paris (source : Migration des milliardaires)


Lieux d'origine des milliardaires résidant à New York (source : Migration des milliardaires)


Lieux d'origine des milliardaires résidant en Chine (source : Migration des milliardaires)


Lieux d'origine des milliardaires résidant à Singapour (source : Migration des milliardaires)


En raison du biais de sélection introduit par l'exclusion des cas où le lieu de naissance ou de résidence est indisponible, les tendances et les statistiques présentées ne doivent pas être considérées comme représentatives de l'ensemble des milliardaires ou d'une élite économique plus large. Elles décrivent plutôt une élite restreinte, significative en soi compte tenu de l'immense richesse qu'elle contrôle. Les 64,2 % de milliardaires représentés ici détiennent 2,5 % de la richesse nette privée mondiale et 84,1 % de la richesse totale des milliardaires. 

La carte interactive reproduit les caractéristiques de la carte statique, avec des fonctionnalités supplémentaires telles que des statistiques au niveau de la ville sur le nombre de milliardaires nés et résidant dans la même ville, la possibilité d'isoler les flux migratoires vers une ville, un pays ou un État et un affichage textuel au survol de la souris indiquant l'origine, la destination et le nombre de milliardaires pour un flux migratoire donné. La version interactive a été développée avec d3.js (une bibliothèque JavaScript) et utilise les mêmes données géocodées projetées sur une projection Natural Earth. 

Le code de réplication des cartes statique et interactive est disponible sur Github sous licence CC BY-NC-ND 4.0 avec le jeu de données au format csv (les données sont géolocalisées par lieu de naissance et de résidence avec l'indication du pays d'origine et de résidence actuelle).

Wesley Stubenbord est doctorant au département de sociologie de l’université Cornell, spécialisé dans les domaines de la stratification sociale et de la sociologie économique. Ses travaux actuels portent sur la description et l’explication des tendances liées à la concentration des richesses et à la composition de l’élite économique aux États-Unis et à l’échelle internationale. 

Références

Wesley Stubenbord (2025). Mapping the Migration Patterns of the Global Economic Elit [Cartographie des migrations de l'élite économique mondiale], Département de sociologie, Université Cornell, https://osf.io/preprints/socarxiv/6a93z_v1

Felix Bühlmann, Caroline Ahler Christesen, Bruno Cousin & al. (2025). Varieties of Economic Elites? Preliminary Results From the World Elite Database (WED) [Diversité des élites économiques ? Résultats préliminaires de la base de données mondiale sur les élites (WED)], The British Journal of Sociology, https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/1468-4446.13203

Bases de données 

World Elite Database (WED)
https://worldelitedatabase.org/

La base de données mondiale sur les élites (WED) est un projet coopératif de données et d'analyse mené par un consortium international de chercheurs, qui collaborent à l'élaboration d'un système de données standardisé pour étudier et partager des données sur les élites. L'objectif est de résoudre le problème de la comparabilité et de l'hétérogénéité dans l'étude des structures de pouvoir nationales. La WED combine trois critères de sélection interdépendants pour définir les positions de pouvoir économique. Le critère 1 concerne les présidents et directeurs généraux des sociétés cotées en bourse ainsi que les présidents et directeurs généraux des plus grandes sociétés non cotées, notamment les entreprises privées ou publiques. Le critère 2 identifie les individus qui figurent sur les listes nationales des personnes les plus riches. Le critère 3 concerne les dirigeants des organisations qui exercent un pouvoir réglementaire. Il sélectionne les élus, les hauts fonctionnaires, les dirigeants de groupes d'intérêt (organisations patronales, groupes de pression, syndicats), les principaux intermédiaires (par exemple, les consultants en gestion, les banquiers d'affaires et les avocats) et les investisseurs institutionnels.

World Inequality Database (WID)
https://wid.world/fr/accueil/

La Base de données sur les inégalités mondiales a pour objectif de proposer un accès ouvert et pratique à la plus vaste base de données actuellement disponible sur l’évolution historique de la répartition mondiale des richesses, à la fois au sein d’un pays donné et entre les pays. Les 1 % les plus riches détiennent aujourd’hui 24 % du patrimoine national, contre 16 % en 1984. Et l’héritage joue un rôle croissant dans la constitution des fortunes puisqu’il représente aujourd’hui environ 60 % du patrimoine total, contre 35 % dans les années 1970.

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Rapport sur les inégalités mondiales 2022 (World Inequality Lab)

Où sont les grands propriétaires terriens aux États-Unis ?


Cartographier les inégalités en France à partir des données carroyées de l'INSEE

Utiliser l'Atlas statistique du canton de Genève et de la région transfrontalière


L'Office cantonal de la statistique (OCSTAT) met à disposition un Atlas statistique du canton de Genève et de la région transfrontalière. L'application cartographique (Géoclip) comprend de nombreux indicateurs concernant la population, l'espace et l'environnement, le travail, les entreprises et l'emploi, l'agriculture, la construction et le logement, la mobilité et les transports, l'administration et les finances publiques. L'Atlas transfrontalier réunit des statistiques qui sont d'habitude disjointes du fait qu'elles relèvent de deux pays différents. Si l'on se refère uniquement au territoire genevois, le nombre d'indicateurs est d'ailleurs plus important.

Atlas statistique du canton de Genève et de la région transfrontalière  (source : statistique.ge.ch)


Le principal intérêt de cet Atlas est de couvrir plus de 1000 communes à cheval sur la Suisse et la France dans une région transfrontalière qui est aujourd'hui en pleine expansion. Le Grand Genève comprend plus d'un million d'habitants sur près de 2000 km² avec une densité assez forte qui dépasse les 500 hab/km². La volonté des autorités est de favoriser la mobilité en transport public afin de diminuer la dépendance des véhicules motorisés individuels, notamment en favorisant le développement de réseaux de transports publics à l'échelle de l'agglomération. L'Atlas couvre aussi le canton de Vaud qui entretient des liens étroits avec Genève et où la polarisation est également assez forte.

Plusieurs indicateurs permettent de saisir les liens qui unissent les espaces situés de part et d'autre de la frontière. Si l'on prend par exemple la part des résidents étrangers, on s'aperçoit qu'elle est assez forte des deux côtés. En raison du coût élevé de l'immobilier côté suisse, beaucoup de résidents suisse préfèrent s'installer en France. Inversement de nombreux actifs côté français vont travailler dans le canton de Genève où les salaires sont plus élevés qu'en France.

Part des résidents étrangers de part et d'autre de la frontière (source : statistique.ge.ch)


Part des actifs transfrontaliers travaillant dans le canton de Genève (source : statistique.ge.ch)


Pour obtenir davantage de données et les importer dans l'application cartographique, il est possible de se reporter au Statistiques du canton de Genève ainsi qu'au Portail de données ouvertes de la Suisse. Pour accéder à des cartes à différentes échelles, voir le Géoportail de la Confédération qui fournit un grand nombre de ressources cartographiques.

Pour compléter

« La Côte : et si l’accès à la propriété révélait une fracture profonde de notre société ? » (Le Temps). L’accès à la propriété échappe désormais à toute une génération. Ce qui était autrefois un projet naturel pour les familles de la région est devenu un parcours du combattant.

Lucas Michalet montre que La Côte, entre Genève et Lausanne, concentre un marché résidentiel parmi les plus chers du pays. Avec plus de 12 960 €/m² et des maisons dépassant 1,6 million €, l’accession à la propriété devient hors de portée pour des ménages au revenu médian de 7 560 €.  L’auteur insiste sur la fracture territoriale. Les 20% d’apport exigés impliquent 324 000 € de capital. Sans héritage même les jeunes biactifs peinent. Le marché se referme entre propriétaires et héritiers, renforçant les inégalités patrimoniales évoquées par Piketty. Ce verrouillage immobilier interroge l’égalité des chances. L’accès au logement conditionne trajectoires sociales et stabilité résidentielle. Sur La Côte, la rareté devient structurelle et la méritocratie s’efface derrière la transmission familiale du capital. Cette pression foncière pèse aussi sur la démographie. Avec 1,29 enfant par femme en 2024, la Suisse est loin du seuil de renouvellement. Le manque d’espaces adaptés ralentit les projets familiaux. Même un quatre pièces devient inaccessible pour nombre d’habitants. L’auteur décrit une captation générationnelle. Les baby boomers détiennent une majorité de logements peu occupés. Le marché se fige, l’offre n’évolue plus. Adapter, partager ou diviser ces maisons permettrait d’augmenter l’offre sans étendre l’urbanisation. La Côte doit agir localement. Coopératives, foncier public, logements modulables et innovation architecturale peuvent rouvrir le marché. 

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Méridiens. Mesurer, partager, dominer le monde


Fabrice Argounès (2025). Méridiens. Mesurer, partager, dominer le monde, CNR éditions (site de l'éditeur).

Tout le monde dépend du méridien de Greenwich. Le moindre coup d’œil sur nos smartphones en révèle l’importance. Il est essentiel à la cartographie numérique qui nous guide, à pied ou en voiture, et à l’origine de notre organisation du temps : notre heure et nos fuseaux horaires. Reliant le pôle Nord au pôle Sud, comme tous les méridiens, il sert d’abord de référence, de méridien 0°, pour la mesure des longitudes. Mais avant Greenwich, des dizaines d’autres ont émergé au cours du temps, à Alexandrie, Bagdad, Paris, Pékin, Madras, Washington ou au cœur de l’Atlantique. Partout, ces lignes imaginaires ont été projetées sur la Terre pour mieux la mesurer, l’explorer et la cartographier, mais aussi pour la dominer, la partager et l’annexer. Partout, des méridiens ont structuré nos représentations, centré nos mappemondes, inventé nos modernités politiques et tracé des milliers de kilomètres de frontières à travers la planète.

D’Ératosthène à Christophe Colomb, de Louis XIV à l’empereur Kangxi, d’Inô Tadataka à Jules Verne, des académiciens français aux pandits indiens, de l’invention du mètre à celle des fuseaux horaires, de la mainmise sur le Far West au partage de l’Antarctique, ces lignes de référence dessinent une autre histoire du monde, géographique, politique, décentrée et plurielle, qui nous raconte aussi comment nous sommes devenus globaux. Ce livre présente une histoire globale de la géographie autant qu’une histoire de la géographie globale, en interrogeant également ce qui fut oublié ou écarté, hommes comme méridiens, les silences des cartes, ou encore la puissance et la violence des nationalismes et des impérialismes. «  Ce livre répond à une question majeure : comment nous sommes devenus globaux ». L'ouvrage peut être appréhendé comme une géohistoire décentrée des centralités car tracer des méridiens ce n'est pas que tracer des lignes imaginaires. C'est aussi partager et dominer le monde. De vraies lignes de pouvoir en quelque sorte... 

Fabrice Argounès, enseignant à l'Université de Rouen (INSPÉ), est spécialiste dans le domaine de la géopolitique, des relations internationales et de l'histoire des savoirs. Il est l'auteur de l'ouvrage Théories de la puissance publié en 2018, qui analyse les différents usages et différents statuts d'une notion protéiforme, plus complexe et mystérieuse aujourd’hui que par le passé. Il a été l’un des commissaires de l’exposition « Une autre histoire du monde » présentée au MuCEM de Marseille en 2023-2024. Il a publié avec Pierre Singaravélou Le Monde vu d’Asie. Une histoire cartographique, paru en 2018 et qui a donné lieu à une exposition au musée Guimet.

Pour en savoir plus

«  Fabrice Argounès : Les méridiens ont servi à se situer dans le monde et contrôler des territoires » (France 24). Derrière leur apparente neutralité scientifique se cache un projet : celui de mesurer des territoires pour mieux les contrôler (voir l'interview sur le site de France 24).

«  Pour un roi, tracer un méridien de référence, c'était placer sa capitale au centre de l'univers » (Le Monde). De l'Antiquité à la colonisation et jusqu'à la fixation des fuseaux horaires au XIXe siècle, ces repères longitudinaux ont été imposés et contestés, jouant un rôle clé dans notre perception du monde... En questionnant l'apparente neutralité de la standardisation des normes, l'ouvrage met aussi en lumière les tracés concurrents et les systèmes géographiques écartés. Il montre comment les ambitions scientifiques de la cartographie moderne ne sont pas toujours aussi rationnelles qu'on l'imagine, mais disent notre rapport au monde, et la nécessité de l'interroger.

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Latitudes et longitudes géographiques dans l’Encyclopédie de Diderot et d'Alembert

La carte, objet éminemment politique. Les terres agricoles aux États-Unis sont-elles aux mains des capitaux chinois et étrangers ?


Le 8 juillet 2025, la secrétaire d'État à l'Agriculture Brooke Rawlings a tenu une conférence de presse devant le siège du ministère de l'Agriculture, mettant l'accent sur la protection de la sécurité foncière américaine. Elle a annoncé la mise en place d'un « Plan d’action national pour la sécurité agricole ». Il s’agit d’une série de mesures prises pour protéger l’approvisionnement alimentaire des États-Unis, directement reliée ici à la question de la défense nationale. Selon ce plan, le gouvernement fédéral devra collaborer avec les États afin d'empêcher les capitaux chinois et étrangers d'acquérir de nouvelles terres aux États-Unis et de renforcer la surveillance des terres agricoles appartenant déjà à des étrangers. La prise de position et la carte qui l'accompagne s'inscrivent dans le cadre de l'affirmation d'un véritable nationalisme économique face à la Chine et au reste du monde :

« L’agriculture américaine ne se résume pas à nourrir nos familles, mais vise également à protéger notre pays contre les adversaires étrangers qui achètent nos terres agricoles, volent nos recherches et créent de dangereuses vulnérabilités dans le système qui assure nos moyens de subsistance... Interdisons (au PCC) d'acheter des terres agricoles américaines. » (Brooke Rawlings, secrétaire d'État à l'Agriculture, 8 juillet 2025).

Comtés des États-Unis avec des terres agricoles détenues par des Chinois (source : USDA)

La carte publiée par le ministère américain de l'Agriculture montre en jaune les terres déjà acquises par des entreprises chinoises et en rouge les bases militaires situées à proximité. Les entreprises chinoises possèdent 265 000 acres de terres, dont une grande partie serait située à proximité d'installations militaires sensibles. En réalité, la carte est trompeuse car elle indique non pas les terres agricoles appartenant à des Chinois mais les comtés où des Chinois possèdent des terres (ce qui n'est pas tout-à-fait la même chose en termes de superficie réelle). De fait, la Chine possède moins de 1% des terres agricoles détenues par des étrangers.

D'après le New York Post, la Chine possèderait des terres agricoles à proximité de 19 bases militaires américaines à travers le pays, ce qui ferait craindre des actes d'espionnage et de sabotage de la part d'agents communistes. Les bases adjacentes aux terres appartenant à la Chine comprennent certaines des installations les plus importantes sur le plan stratégique, notamment Fort Liberty à Fayetteville en Caroline du Nord, Fort Cavazos à Killeen au Texas, la base du Corps des Marines de Camp Pendleton à San Diego en Californie ou encore la base aérienne de MacDill à Tampa en Floride. « La proximité de sites stratégiques est préoccupante », a déclaré au Washington Post le général de brigade Robert S. Spalding spécialiste des relations sino-américaines. « Ces lieux peuvent servir à installer des centres de collecte de renseignements et leurs propriétaires peuvent exercer une influence considérable sur la politique locale, comme nous l'avons constaté par le passé... Il est alarmant de constater l'absence de lois empêchant les Chinois d'acquérir des biens immobiliers aux États-Unis. » Selon les sources du Washington Post, les propriétaires terriens chinois pourraient utiliser l'agriculture comme couverture pour repérer les bases, installer des technologies de suivi, effectuer des reconnaissances et tenter de faire voler des drones au-dessus des installations.

La propriété étrangère des terres agricoles américaines est recensée en vertu de l'Agricultural Foreign Investment Disclosure Act (AFIDA), qui oblige depuis 1978 les entités étrangères à déclarer leurs propriétés foncières au Département de l'Agriculture des États-Unis (USDA). Si les agriculteurs américains restent les principaux propriétaires, la propriété étrangère des terres agricoles n’a cessé d’augmenter soulevant des questions complexes concernant l’utilisation des terres, la sécurité nationale et la production alimentaire. Le site Landvalues note à cet égard trois éléments importants :

1. Les énergies renouvelables et le bois sont le moteur des acquisitions foncières
La principale motivation derrière les acquisitions foncières étrangères réside dans les énergies renouvelables. Entre 2018 et 2023, 76 % de la croissance des terres agricoles détenues par des étrangers était liée à des projets éoliens ou solaires. Parallèlement, les terres forestières détenues par des étrangers aux États-Unis gagnent en popularité en raison de leur valeur sur les marchés du carbone et pour la diversification des portefeuilles. Ces actifs jouent un rôle stratégique dans les tendances d'investissement liées au climat et sur les marchés fonciers ruraux.

2. La Chine n'est pas le seul pays à investir dans les terres agricoles américaines
Si les gros titres se concentrent souvent sur les terres agricoles appartenant à des Chinois, la Chine possède moins de 1 % des terres agricoles détenues par des étrangers aux États-Unis. Les principaux investisseurs étrangers sont en réalité originaires du Canada, des Pays-Bas, d'Italie et d'autres pays d'Europe occidentale.

3. La propriété foncière agricole étrangère répond à une stratégie d'investissement étranger
Les investisseurs étrangers considèrent généralement les terres agricoles américaines comme un actif stratégique à long terme. Bien que certains acheteurs paient jusqu'à 13,7 % de plus que les acheteurs nationaux, leur part totale reste trop faible pour pouvoir influencer la valeur des terres à l'échelle nationale. Néanmoins, les préoccupations liées à la sécurité nationale et à la propriété foncière étrangère ont alimenté le débat et conduisent à un examen plus approfondi des exigences de déclaration de l'AFIDA.

Dans le cadre de son Plan d’action national pour la sécurité agricole, le ministère de l'Agriculture des États-Unis (USDA) a publié une carte des acquisitions de terres agricoles par des étrangers. La carte montre la répartition des acquisitions foncières par des entités étrangères dans les 50 États, "ce que de nombreux élus considèrent en soi comme une menace pour la sécurité nationale". La carte indique quels pays possèdent des terres aux États-Unis et précise le comté où elles se situent. La carte réalisée à l'échelle des comtés ne permet cependant pas de conduire une analyse à l'échelle des parcelles agricoles. Le ministère de l'Agriculture des États-Unis (USDA) indique qu'il travaillera à l'amélioration continue des données afin de les rendre plus précises et en temps réel au cours des prochains mois.

Les acquisitions de terres agricoles par des étrangers aux États-Unis (source : USDA)


D'après le rapport de l'AFIDA du Département de l'Agriculture des États-Unis, 45,85 millions d'acres de terres agricoles étaient détenues par des investisseurs étrangers en 2023, soit 3,61 % de la superficie totale des terres agricoles privées aux États-Unis. Cela représente une augmentation de 1,58 million d'acres (3,6 %) par rapport à 2022 et de 5 millions d'acres (12,2 %) par rapport à 2021. Les investisseurs canadiens possèdent la plus grande part des terres agricoles américaines détenues par des étrangers, avec 33,5 % (15,35 millions d'acres) du total et 1,21 % de l'ensemble des terres agricoles américaines. Viennent ensuite les investisseurs néerlandais, italiens, britanniques et allemands, qui détiennent respectivement 0,41 % (5,2 millions d'acres), 0,22 % (2,7 millions d'acres), 0,11 % (2,6 millions d'acres) et 0,20 % (2,5 millions d'acres) des terres agricoles américaines.

Des entreprises et des investisseurs chinois possèdent plus de 277 000 acres de terres agricoles réparties dans 30 États. D'autres pays adversaires des États-Unis ont également acquis des terres agricoles et forestières américaines. Le Venezuela possède plus de 90 000 acres de terres dans 17 États, l'Iran en a acheté plus de 3 000 dans 10 États et le Pakistan possède 2 100 acres dans trois États. Sous l'administration Biden, une nouvelle réglementation a déja été mise en place afin d'obliger les ressortissants ou entreprises étrangères à obtenir l'autorisation du gouvernement américain avant de pouvoir acheter des terrains situés à proximité de huit bases militaires américaines. Il semble que sous l'administration Trump, le protectionnisme se soit largement renforcé. 

Pour Jason Lewris, le problème est beaucoup plus large et touche les investissements étrangers qui disposent d'un réseau sophistiqué de prospecteurs fonciers aux États-Unis, chargés d'acquérir des terrains avant leur prise de contrôle. L'auteur, qui étudie depuis cinq ans comment les gouvernements russe, chinois et iranien acquièrent des terres et des logements résidentiels aux Etats-Unis, a créé Parcl Labs, dont la mission est de rendre les données immobilières en temps réel, transparentes et accessibles.  Le site propose un jeu de simulation "Propriétés étrangères et menaces de drones". Le joueur choisit une plateforme de drones pour simuler des frappes tactiques contre des installations militaires sensibles situées à moins de 15 mn. Dans ce scénario de simulation de guerre, 36 % des 743 institutions militaires et de recherche américaines les plus sensibles se trouveraient à une distance de frappe de 15 minutes si elles sont lancées depuis des lieux ayant des liens potentiels avec des entités gouvernementales chinoises, russes ou iraniennes. "Cette simulation de jeu de guerre est basée sur des données et des renseignements matériels accessibles au public. Les résultats sont fournis à des fins éducatives, de recherche et de planification stratégique uniquement". Ce type de jeu de simulation entend favoriser une prise de conscience. Il contribue en même temps à alimenter la peur de la menace étrangère.

Propriétés étrangères et menaces de drones (source : Parcl Labs, une simulation de jeu de guerre)


Sources utilisées
  • Plan d’action national pour la sécurité agricole (USDA). Le plan fait de la sécurité alimentaire une question de sécurité nationale. Il fixe sept priorités : 1) sécuriser et protéger les terres agricoles américaines 2) renforcer la résilience de la chaîne d'approvisionnement agricole 3) Protéger le filet de sécurité alimentaire américain contre la fraude, les abus et les ingérences étrangères 4) renforcer la sécurité de la recherche 5) évaluer les programmes de l'USDA afin de garantir le respect des priorités américaines 6) préserver la santé des végétaux et des animaux 7) protéger les infrastructures critiques.
  • Les États-Unis interdisent les achats de terres agricoles par des entreprises chinoises, invoquant des raisons de sécurité nationale (The Washington Post).
  • Une nouvelle carte révèle la superficie des terres appartenant à des entités étrangères dans chaque comté (Nothernag).
  • Point saillant de la carte : la cartographie des terres agricoles appartenant à des étrangers (Landvalues).
  • Empreintes étrangères : Tendances en matière de propriété foncière agricole aux États-Unis (Fédération américaine des bureaux agricoles).
  • Rapport de l'AFIDA sur les propriétés étrangères de terres agricoles américaines au 31 décembre 2023 (USDA). Le rapport permet d'analyser les données d'acquisitions agricoles par comtés et par pays investisseurs étrangers.
  • Rapport : la Chine possède des terres agricoles à proximité de 19 bases militaires (Newsmax).
  • Démocrates et Républicains s'allient pour limiter les achats de terres agricoles américaines par les Chinois (NBCNews).
  • Simulation de jeu de guerre : propriétés étrangères et menaces de drones (Parcl Labs).

Articles connexes








Itiner-e : un nouvel ensemble de données sur les routes de l'Empire romain


Source :  Pau de Soto, Adam Pažout, Tom Brughmans & al. (2025). Itiner-e: A high-resolution dataset of roads of the Roman Empire, Nature Scientific Data, 12, 1731, https://www.nature.com/articles/s41597-025-06140-z (article en accès libre).

Une équipe de recherche internationale a créé une nouvelle cartographie des routes de l'Empire romain. La carte qui en résulte comprend près de 300 000 km de routes, soit près de deux fois plus que ce que l'on trouve d'habitude sur des cartes historiques. Cet immense réseau routier témoigne de la puissance de cet empire. Le site Itiner-e a pour objectif de proposer la base de données numériques ouverte la plus détaillée possible sur les routes de l'Empire romain. La création de ces données est un projet collaboratif de la communauté scientifique. Itiner-e permet de visualiser, d'interroger et de télécharger l'ensemble des données sur les voies romaines.

Le réseau routier de l'Empire romain en 150 après J.-C. (source : © Itiner-e)


Contexte

L'étude des routes de l'Empire romain est une quête séculaire. On dispose d'une abondante documentation sur les routes identifiées lors de fouilles et de prospections archéologiques, sur les bornes milliaires placées à intervalles réguliers le long des voies romaines, et sur des sources historiques telles que l' Itinéraire d'Antonin ou la Table de Peutinger, qui décrivent les principaux axes de communication entre les agglomérations, ainsi que des synthèses régionales détaillées sur les routes romaines. Cependant, la recherche et la localisation de cette diversité de travaux, ainsi que la localisation précise des routes elles-mêmes, restent entravées par l'absence d'une synthèse et d'une numérisation à l'échelle de l'Empire.

Il existait jusqu'à présent très peu de représentations numériques ouvertes du réseau routier de l'Empire romain. L' Atlas Barrington du monde grec et romain est l'atlas de référence principal pour le monde antique, et les routes qui y sont recensées sont accessibles gratuitement en ligne auprès de l'Ancient World Mapping Center et de Mapping Past Societies (anciennement l'Atlas numérique des civilisations romaines et médiévales). Ces deux numérisations sont très similaires et ne diffèrent que sur quelques points, la seconde incluant également des routes issues de la Tabula Imperii Byzantini pour la Grèce et l'Asie Mineure. Elles se sont révélées des ressources inestimables pour des études informatiques spatialement explicites du commerce et de la mobilité antiques, ainsi que comme références pour la compréhension de la structure globale du système de transport romain. Cependant, ces deux cartes présentent un niveau de détail spatial limité, car elles reflètent la résolution spatiale de l'Atlas Barrington (de 1/500000 à 1/1000000), ce qui a pour conséquence de négliger les corridors et les barrières naturelles. De plus, les sources utilisées pour créer les routes incluses dans l'Atlas Barrington ne sont disponibles que sous forme d'une courte liste de références pour l'ensemble des informations figurant sur la feuille cartographique, et non route par route. Les sources et les méthodes utilisées pour inclure les routes dans l'Atlas Barrington et tracer leurs itinéraires précis ne sont pas documentées, et une évaluation quantitative de la représentativité et de la fiabilité de cette ressource est impossible.

Résumé

La plateforme en ligne Itiner-e comble le manque de ressources concernant l’étude du monde antique. Ce projet présente une numérisation ouverte et à haute résolution spatiale des voies romaines, s’appuyant sur des informations historiques et archéologiques publiées, des cartes topographiques et des données de télédétection. Les sources utilisées pour la création de chaque segment de route sont citées, et chaque segment est identifiable de manière unique grâce à un URI (Uniform Resource Identifier) ​​lié aux URI de sites antiques voisins répertoriés dans le répertoire géographique Pléiades. Itiner-e couvre la zone de l’Empire romain à son apogée, vers 150 apr. J.-C., et inclut toute voie terrestre dont la localisation est avérée, conjecturée ou hypothétique dans les sources utilisées pour l’étude. Cela inclut toute route antérieure à la conquête romaine et qui a continué d’être utilisée à l’époque romaine.

La carte résultante comprend au total 299 171 km de routes sur une superficie de près de 4 000 000 de km², soit près du double de la longueur des autres ressources (l’Atlas numérique des civilisations romaines et médiévales couvre 188 555 km). Cette augmentation s’explique par une meilleure couverture routière (notamment pour la péninsule Ibérique, la Grèce et l’Afrique du Nord), mais aussi par le choix d’un jeu de données spatialement explicite qui adapte les itinéraires à la réalité géographique (c’est-à-dire que pour traverser une montagne, nos routes suivent un col sinueux plutôt qu’une ligne droite), ce qui se traduit par un plus grand nombre de sommets pour les lignes de route et une longueur totale plus importante. Le jeu de données comprend 14 769 segments de route et se compose de 14 composantes connexes, reflétant les masses terrestres contiguës (notamment l’Europe continentale, la Grande-Bretagne, l’Asie-Afrique du Nord et diverses îles méditerranéennes). Le réseau de transport terrestre romain était principalement constitué des routes principales, documentées par des bornes milliaires ou des sources historiques. Les données révèlent que ces routes couvraient 103 477,9 km (34,58 %), et ce chiffre ne devrait pas augmenter significativement, car il s'agit des routes romaines les mieux documentées et étudiées. Ces données permettent d'étudier comment ces routes principales ont structuré et facilité des phénomènes tels que la conquête et l'administration romaines. Elles incluent également 195 693,3 km (65,42 %) de routes secondaires, qui peuvent être étudiées pour comprendre la structure de la mobilité locale. De futures collectes de données, axées sur des zones sous-étudiées, pourraient accroître considérablement ce nombre. Less données révèlent pour la première fois que seulement 2,737 % de la localisation spatiale du réseau routier total est certaine, tandis que 89,818 % est conjecturée et 7,445 % hypothétique. Ceci révèle une divergence entre nos connaissances sur l'existence et la localisation des voies romaines : nous savons que toutes les voies répertoriées ont été utilisées à un moment ou un autre de la période romaine, mais leur emplacement précis demeure incertain. Nos cartes de confiance visualisent cette incertitude et la précisent en illustrant les différences, au sein de l'ensemble de données, de densité du réseau routier, de précision spatiale de la numérisation des voies et de fiabilité des sources.

Accès aux données

Les données routières ont été collectées par divers contributeurs et sont éditées par une communauté scientifique. La méthode de création des données varie selon la région et le contributeur, mais comprend généralement trois étapes : (1) l’identification des routes à partir des publications existantes, notamment les atlas, les synthèses régionales, les rapports d’arpentage, les rapports de fouilles, les répertoires géographiques et les bornes kilométriques ; (2) la localisation des routes à l’aide de photographies aériennes et satellitaires moderne et anciennes, ainsi que de cartes topographiques ; (3) la numérisation des routes et de leurs métadonnées, et le nettoyage des données. La méthode vise à numériser la position exacte de chaque segment de route en s'appuyant sur une grande variété de données historiques et archéologiques disponibles.

L'ensemble des données des routes de l'Empire romain est à télécharger en haute résolution sur Zenodo au format shp, geojson ou gpkg (au choix). Cet ensemble de données représente la version 2024 décrite dans la publication de de Soto, Pažout, Brughmans et al. publiée dans Nature Scientific Data (2025). Une version évolutive est hébergée sur le site Itiner-e. La plateforme Itiner-e permet à la communauté scientifique d'ajouter de nouvelles données routières dès leur disponibilité, ou de recommander des corrections et des interprétations alternatives des données existantes.

Données SIG affichées dans QGIS avec distinction entre voies principales et voies secondaires (source : Itiner-e)


Pour compléter

Données du Centre de cartographie du monde antique (AWMC)
L'un des objectifs du Centre de cartographie du monde antique (AWMC) est de fournir des données géospatiales gratuites très précises sur le monde antique. Les données culturelles contiennent des informations sur les aqueducs, les routes, les noms de régions. Les données physiques contiennent des informations sur les côtes, les eaux intérieures, les cours d'eau et autres caractéristiques physiques.

Omnes Viae
L'application Omnes Viae permet de calculer des itinéraires à partir du réseau de voies romaines. On peut dire que c'est un peu le "Google Maps de l'Empire Romain". Ce planificateurs d'itinéraires permet d'avoir une idée des distances-temps dans l'Antiquité. Il s'agit d'une cartographie reconstituée sur la base des informations fournies par la Table de Peutinger. Découverte à Worms au XVe siècle, la carte de Peutinger représente les principales routes jalonnées de cités sous la forme d'un rouleau de 6,8m x 0,34m. Les données SIG sont téléchargeables sur le Harvard dataverse. Thomas Gratier a fourni un code pour l'obtenir sous forme de fichier geojson.
http://omnesviae.org

Le modèle de réseau géospatial de Standford
L'Université de Standford a modélisé les réseaux de transport qui existaient dans l'empire romain de manière à donner une idée des temps de transport et des contraintes environnementales dans l'Antiquité.
http://orbis.stanford.edu/

Projet Al-Ṯurayyā
Al-Ṯurayyā Project est un répertoire géographique numérique du monde islamique pré-moderne. Il comprend plus de 2 000 localités avec leurs itinéraires géographiques allant de l'Andalousie et du Maghreb à l'ouest, à Samarcande et au Sind à l'est (lire ce billet). Le site est un peu l'équivalent du site Omnes Viae mais pour le monde islamique du début du Moyen-Age. 
http://althurayya.github.io/#home

Articles connexes

La route maritime de la soie. Connectivités mondiales, nœuds régionaux, localités (ouvrage en open edition)

L'histoire par les cartes : les routes commerciales au Moyen Age (déjà une route de la soie)

L'histoire par les cartes : comparer les cartes des empires coloniaux et des routes commerciales du XIVe au XVIIIe siècle

L'éducation en France, un service public vraiment pour tous ? La réponse en cartes et en graphiques


Source : Rapport sur l’état des services publics. Les besoins en services publics à l’échelle des territoires (Collectif Nos Services Publics, 5 novembre 2025).

Les services publics sont-ils prêts à "affronter les dynamiques multiples qui traversent le pays ?", s’interroge le 3e Rapport sur l’état des services publics, consacré aux besoins en services publics à l’échelle des territoires. En se focalisant sur six secteurs clés (guichets administratifs, santé, éducation, enseignement supérieur, logement, eau), le rapport met en lumière des dynamiques inégalitaires qui ne se réduisent pas aux évolutions démographiques et économiques. Il explore les résultats et les failles du modèle actuel d’accès aux services publics à partir des données de la statistique publique, d’analyses juridiques et historiques ainsi que, de la réalité vécue des citoyennes et citoyens, en leur donnant la parole sur leur expérience au contact des services publics sur le temps long, dans des zooms sur les territoires aux enjeux diversifiés du Jovinien (Yonne), de Saint-Paul (La Réunion), de Meylan (Isère) et de Villeurbane (Rhône). Un service public pour tous et toutes, vraiment ? L’objectif du rapport est d’alimenter le débat public en mettant en lumière les succès mais aussi les limites du modèle actuel de services publics en matière de lutte contre les inégalités. Par une analyse comparative rigoureuse des territoires, il s’agit de construire un consensus éclairé sur les priorités à définir dans un contexte en mutation rapide.

Le collectif Nos Services Publics à l'origine de ce rapport pointe les évolutions démographiques qui "redéfinissent les besoins sociaux, territoriaux et institutionnels", alors que l’éducation fait face à une forte baisse démographique. Or, ces dynamiques démographiques sont "souvent mises en avant pour expliquer les évolutions du service public, notamment lorsqu’il s’agit de fermer des établissements dans les territoires ruraux dont le nombre d’habitants se réduit", explique le rapport. L’enjeu est alors "d’accompagner ces évolutions sans affaiblir les moyens éducatifs de lutte contre les inégalités sociales dès la petite enfance", poursuit-il, alors que les débats dans le cadre du PLF 2026 se cristallisent autour des suppressions de postes qui accompagnent cette baisse démographique. Pour cette 3e édition, le collectif interroge particulièrement des "lectures territoriales souvent binaires, qui naturalisent des fractures entre territoires ruraux et urbains, entre QPV et gentrification urbaine, entre QPV et territoires ruraux, ou encore entre l’Hexagone et les territoires ultra-marins"

Le rapport comporte de nombreuses cartes pour étayer le raisonnement à l'échelle des bassins de vie qui est l'échelle utilisée par la DEPP considérant qu’il reflète les espaces dans lesquels les habitants réalisent l’essentiel de leur vie quotidienne. Pour ce collectif, le zonage du bassin de vie "ne rend pas compte de l’accessibilité effective". Il s’interroge sur la pertinence de ce zonage pour appréhender l’accès au service public d’éducation, et propose plutôt d’envisager "d’autres maillages territoriaux". 

Le chapitre 6 (p.162 et suivantes) concerne le service public de l'école qui est abordé à travers plusieurs dimensions :

- L’école républicaine pour lutter contre les inégalités sociales. Si historiquement, du moins depuis la IIIe République, le rôle de l’école apparaît comme le creuset de la citoyenneté en France, les inégalités s’accroissent depuis trente ans.

- Où sont les établissements scolaires ?
Les cartes d'implantation et d'accessibilité aux établissements scolaires témoignent d'inégalités croissantes entre zones urbaines, périurbaines et rurales, avec des temps de parcours parfois dix fois plus longs dans les départements en déprise scolaire. La cartographie des zones d’éducation prioritaire n’a été révisée qu’en 2014 et les situations dans l'Outre-mer sont souvent hors normes, particulièrement en Guyane et à Mayotte comme le montre la cartographie de l'IPS moyen des collèges. 

- Un accès au service public de l’éducation encore très inégal de la crèche à l’orientation post-bac
L'offre éducative est encore insuffisante pendant les premières années qui constituent une période décisive. Au collège et au lycée, les stratégies familiales inégalitaires sont de fait financées par les deniers publics. Les cartes illustrent la répartition de l’indicateur de ségrégation sociale entre collèges publics et collèges privés par département et parmi l’ensemble des collèges. Les fortes inégalités d’accès à l’orientation scolaire se maintiennent également. 

- Une qualité d’éducation inégale en fonction des conditions d’enseignement
Le niveau d’encadrement dans les établissements scolaires est hétérogène selon les territoires. En REP et en REP+, les primes perçues ne sont pas suffisantes pour compenser le manque d’attractivité, sauf exception. Pour mesurer les moyens dégagés pour les établissements selon l’encadrement, le ministère a développé l’indicateur H/E. La mise en relation de cet indicateur avec la mesure de la catégorie sociale de l’établissement (indicateur IPS pour « indice de position sociale ») permet de constater qu’il n’y a apparemment pas de corrélation entre le niveau socio-économique des familles des collégiens et les moyens alloués au service public de l’éducation.
 
- De programmes scolaires centralisés aux rapports de pouvoir entre parents, écoles, établissements publics et privés
Derrière ces différentes dyamiques, en particulier territoriales, des rapports de pouvoir se jouent qui peuvent e xpliquer les résultats contrastés du service public de l’éducation par rapport aux objectifs assignés. D’une part, le rôle des parents d’élèves est central dans les rapports de force entre le ministère et les autres acteurs de l’éducation, comme les collectivités. D’autre part, le faible poids, y compris médiatique, ou politique, et dans les associations de parents d’élèves, des populations et des collectivités concernées par l’éducation prioritaire, peut expliquer le non-renouvellement de la géographie de l’éducation prioritaire, du fait par exemple de leur stigmatisation

Le service public d’enseignement supérieur est traité dans le chapitre 6 (p.199 et suivantes). Les cartes et analyses montrent que l’origine sociale est un déterminant encore fort de l’accès à l’enseignement supérieur. Si des politiques de lutte contre les discriminations ont été mises en place, leur portée reste limitée face à des mécanismes d’exclusion plus diffus, liés à l’organisation même du système universitaire. Le développement rapide des établissements privés dans l’enseignement supérieur déstabilise les rapports de pouvoir préexistants.


Liens ajoutés le 13 novembre 2025

« Plus de 500 communes ne disposent pas d’une école publique : pourquoi certains parents se tournent vers le privé par dépit » (Libération). 

Une étude réalisée par l’Ifop et le Comité national d’action laïque (Cnal), publiée le 12 novembre 2025, dénonce un choix parfois contraint. Elle formule 39 préconisations pour assurer l’accessibilité et l’attractivité de l’enseignement public. « L’école publique devrait être accessible à tous. On constate aujourd’hui que ce n’est pas le cas », analyse Marie-Laure Tirelle, secrétaire générale du Cnal. La responsable de l’association de défense de l’école publique pointe une «inversion de paradigme » : « On parle toujours du choix de pouvoir placer ses enfants dans le privé. Mais les parents ont-ils réellement le choix d’aller vers l’école publique ? » 

« Public ou privé : enquête auprès des parents d’élèves sur leur choix entre l’école publique ou privée » (étude réalisée par l'Institut Ifop pour le Comité national d’action laïque).


Articles connexes





Évolution de la mixité sociale des collèges : des écarts croissants de composition sociale entre secteurs public et privé

La beauté cachée des cartes par Jean-Luc Arnaud


Jean-Luc Arnaud (2025), La beauté cachée des cartes, Autrement, 288 pages (à découvrir sur le site de l'éditeur).

La Beauté cachée des cartes est une invitation à porter un autre regard sur les cartes, à les observer de plus près, à plonger au cœur de leurs dessins et textes pour s’émerveiller de leur beauté ainsi révélée. ean-Luc Arnaud a minutieusement sélectionné plus de 200 morceaux choisis de cartes du monde entier. Extraits de la planche d’origine et de leur contexte, ces fragments deviennent, une fois agrandis, de véritables oeuvres d’art. Surgissent ainsi des paysages, des fleurs, des animaux ou des motifs géométriques, accompagnés de textes poétiques. Les cartes géologiques, météorologiques ou statistiques révèlent des détails insoupçonnés et créent une collection de tableaux abstraits qui transporte dans un voyage inédit et surprenant.

Extrait de l'introduction

« Ce livre propose de regarder les cartes suivant une proximité qui, depuis l’original, appelle une loupe. La loupe permet de distinguer plus de détails mais elle réduit l’étendue de la zone examinée. Ainsi, agrandir impose un resserrement du cadre. Il est souvent nécessaire de tailler dans le vif, en particulier dans les mots et dans les signes conventionnels. Sur une carte complète, le titre, les écritures ou bien les figures connues — périmètre d’un pays, forme d’un estuaire, boucle d’un fleuve... - permettent de repérer le lieu représenté de manière pratiquement instantanée. Plus localement, l’interprétation cartographique est une affaire de contexte. [...] Le resserrement du cadre ouvre les portes à la multiplication des interprétations envisageables. Certains extraits semblent alors figurer une rencontre, raconter une histoire, exprimer une troisième dimension à travers des plans successifs ou bien des lignes en perspective, voire, prendre la forme d’une peinture de paysage. Un cadrage serré ne réduit pas seulement le contexte graphique, il a également des effets sur les écritures ; il les coupe, voire les supprime. » 

Pour en savoir plus

« La beauté cachée des cartes. L'ouvrage présenté par son auteur Jean-Luc Arnaud » (Visionscarto).

Une belle carte, c’est presque un pléonasme tant elles sont le plus souvent considérées comme des documents à haute valeur esthétique. La beauté cachée des cartes, le nouveau livre de Jean-Luc Arnaud, conforte cette proposition ; ce livre associe des textes et des extraits de documents cartographiques pour le plaisir mais pas seulement. Sa préparation a été guidée par la recherche d’un lieu de rencontre entre imagination et connaissance. L’auteur le présente ici avec, en fin d’article, une galerie d’extraits de belles cartes. « Plus le cadre est serré, plus le champ des interprétations est vaste » (Jean-Luc Arnaud).

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Le Blanc des cartes. Quand le vide s'éclaire (Atlas Autrement)

Atlas de l'absence. Le patrimoine culturel du Cameroun en Allemagne

Forme du savoir, forme du pouvoir. Les atlas géographiques à l'époque moderne et contemporaine

Cartes et atlas artistiques

Cartes et atlas imaginaires

Cartes et atlas historiques

Cartes et données sur le cyclone Melissa en Jamaïque


Le cyclone Melissa est l'un des plus violents jamais enregistrés dans les Caraïbes avec des vents supérieurs à 300 km/h. Le nombre de victimes s'élève à 75 morts (dont plus de la moitié en Jamaïque) et le bilan devrait encore s'alourdir. Le cyclone Melissa a frappé la Jamaïque le 28 octobre 2025, en tant que cyclone de catégorie 5. Son intensification rapide au-dessus des eaux caribéennes exceptionnellement chaudes illustre une tendance que les scientifiques dénoncent depuis longtemps : le changement climatique alimente des phénomènes météorologiques de plus en plus violents et destructeurs. Melissa a frappé la Jamaïque seulement 16 mois après l’ouragan Beryl, laissant peu de temps aux communautés pour se remettre des pertes précédentes. 

Passage du cyclone Melissa le 28 octobre 2025 sur la partie ouest de l'île de la Jamaïque
(source : image NOAA/NESDIS/STAR GOES 19, National Hurricane Center)

Le cyclone a touché terre sur la côte sud-ouest de la Jamaïque, avec des vents soutenus atteignant 298 km/h en son centre et des rafales dépassant les 322 km/h. Ces vents violents, les pluies torrentielles et la forte onde de tempête ont causé d'importants dégâts sur l'ensemble de l'île, et plus particulièrement dans l'ouest de la Jamaïque. Il a traversé ensuite les Bahamas après avoir touché terre à Cuba, qui a subi d’importants dégâts et où environ 140 000 personnes se sont retrouvées isolées par la montée des eaux. Il a poursuivi sa route avec une intensité soutenue (catégorie 3) avant de s'affaiblir au nord des Caraïbes et de finir sa course dans l'Atlantique en tant que cyclone post tropicale. Près de 6 millions de personnes dans les Caraïbes ont été touchées par l'ouragan Melissa. 

Des équipes de secours et des fournitures arrivent du monde entier, notamment des États-Unis, du Canada, du Vénézuela, de la France et des Pays-Bas. Le gouvernement britannique a déployé un patrouilleur de la Royal Navy pour soutenir les efforts de secours en Jamaïque. Le département d'État américain a annoncé le 3 novembre qu'il fournissait une aide étrangère initiale de 11 millions de dollars (portée finalement à 24 millions) pour soutenir les communautés en Jamaïque, notamment des fournitures alimentaires d'urgence pour 40 000 personnes et l'installation de six systèmes de traitement de l'eau. Les dons versés sur le site officiel de dons de la Jamaïque approchent le million de dollars américains. Le Fonds central d'intervention d'urgence des Nations Unies (CERF) a par ailleurs alloué 4 millions de dollars pour renforcer les opérations humanitaires. Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) de l'ONU prévoit d'aider jusqu'à 200 000 personnes en Jamaïque afin de satisfaire les besoins alimentaires urgents. 

Face à une catastrophe de cette ampleur, il est important de proposer des pistes d'analyse scientifique et des ressources didactiques qui sortent du catastrophisme ambiant. Ce billet de recension n'a pas vocation à être exhaustif, mais seulement à proposer des ressources pour enseigner. Il vise tout d'abord à distinguer les dimensions de traitement médiatique d'une catastrophe, des pistes d'analyse scientifique en termes d'aléa / risque / vulnérabilité mais aussi d'enjeux (économiques, sociaux, politiques, environnementaux...). Il propose également de montrer l'usage (et les limites) des outils de cartographie numérique pour la mise en visibilité des zones à risques, l'organisation de l'aide humanitaire mais aussi la modélisation et la simulation pour d'autres cyclones dans les Caraïbes ou dans d'autres zones tropicales.

1) Traitement médiatique de la catastrophe

Les images de la catastrophe ont été largement diffusées par les médias et sur les réseaux sociaux. Ces images concernent d'abord le déplacement du cyclone et son renforcement au dessus de la mer des Caraïbes (à travers le plus souvent des images satellites et des cartes de trajectoire avec leurs inévitables cones d'incertitude), puis son impact sur les populations et sur les bâtiments (à travers des images au sol et des images aériennes souvent spectaculaires). Les prévisions sur son tracé ainsi que le nombre de victimes font l'objet d'estimations. Plusieurs journaux proposent des comparaisons d'images avant/après le passage du cyclone à partir des images mises à disposition par les agences d'observation (principalement NOAA et Copernicus).

Les images filmées dans l’œil de l’ouragan Melissa par l’US Air Force (Le Monde, 28 octobre). Le 53e escadron de reconnaissance météorologique de la réserve de l’US Air Force, les « Hurricane Hunters », a survolé l’ouragan Melissa lundi 27 octobre 2025 pour collecter des données vitales pour le Centre national des ouragans (NHC) américain. L'autre avion, un WP-3D Orion piloté par la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), est arrivé en planant vers le sud-ouest et a effectué plusieurs boucles autour du cyclone Melissa.

« L'ouragan Melissa s'apprête à frapper la Jamaïque, déjà trois morts recensés sur l'île » (France-Info, 28 octobre). L'ensemble de la population pourrait en subir les conséquences, selon la Croix-Rouge. L'inquiétude est d'autant plus grande que l'ouragan Melissa évolue à une vitesse très basse, de 4 km/h. Les pluies torrentielles et vents puissants pourraient donc s'éterniser sur les localités affectées.

« L’ouragan Melissa, un "monstre" avec des vents de 300 km/h, a traversé la Jamaïque et sème la désolation dans les Caraïbes » (Le Monde, 29 octobre). Après avoir causé des inondations meurtrières en République dominicaine et à Haïti, ce phénomène cyclonique se dirige désormais vers Cuba et les Bahamas. 

« La combinaison dangereuse qui a fait de Melissa un ouragan monstrueux » (The Washington Post, 29 octobre). La puissance de l'ouragan Melissa était indéniable, s'intensifiant plus rapidement que la plupart des tempêtes jamais enregistrées. Si Melissa est devenue une tempête aussi gigantesque, c'est en partie à cause du calme qui l'a précédée. Jusqu'à présent, les Caraïbes n'avaient connu aucun système cyclonique majeur durant toute la saison des ouragans. Des températures supérieures à la moyenne dans les Caraïbes ont alimenté la tempête. Mais plus frappant encore, la température de l'eau à plusieurs centaines de mètres sous la surface était également record, ce qui signifie que la violente tempête a brassé des eaux chaudes en profondeur, alors qu'elles sont généralement beaucoup plus froides.

« Ouragan Melissa : au moins 30 morts dans les pays touchés » (Reporterre, 30 octobre). Les premiers bilans commencent à tomber, alors que l’ouragan Melissa poursuit sa route meurtrière.

« À New River, Melissa laisse derrière lui des zones inondées infestées de bétail mort » (The New York Times, 31 octobre). La paroisse de Saint Elizabeth, peuplée de 150 000 personnes et « grenier à blé » de la Jamaïque, a été submergée. Plusieurs hôpitaux et d'innombrables autres édifices ont été endommagés : toits emportés par le vent, murs effondrés, maisons inondées, enclos pour les animaux et autres dépendances détruites.

« Des photos témoignent de l'impact de l'ouragan Melissa sur les Caraïbes » (Associated Press, 30 octobre). Il s'agit d'une galerie photo sélectionnée par les rédacteurs photo de l'AP. Les photos ne permettent pas de comparer par rapport à d'autres cyclones précédents. Melissa a largement épargné Kingston, avec ses vents les plus violents, à plus de 80 kilomètres de là.

« Des images satellites révèlent l'ampleur des dégâts causés par Melissa en Jamaïque » (Bloomberg Graphics, 1er novembre).
Bloomberg a cartographié les dégâts sur la Jamaïque en analysant les données traitées à partir du satellite Copernicus Sentinel-1 de l'Observatoire de la Terre de Singapour. Au moins 76 % des bâtiments ont été endommagés à Black River, une ville portuaire située près de l'endroit où l'ouragan a frappé la côte jamaïcaine. Une carte des dégâts a été élaborée à partir d'images radar à synthèse d'ouverture (SAR). La carte montre que la partie ouest de la Jamaïque est la plus touchée, tandis que la capitale Kingston plus à l'est a été quasiment épargnée.

Dommages estimés aux zones urbanisées, par communauté (source : Bloomberg Graphics)

Le réseau électrique jamaïcain figure parmi les infrastructures ayant subi des dégâts considérables. L'ouragan Melissa a abattu des poteaux électriques et plongé dans le noir près de 80 % des abonnés de Jamaica Public Service. Les habitations équipées de panneaux photovoltaïques semblent avoir mieux résisté. D'importants dégâts ont également été signalés sur le réseau d'adduction d'eau de l'île. Sur la rive nord, les conduites d'eau du système alimenté par le fleuve Great River ont été emportées. Sur les 763 réseaux d'adduction d'eau que compte l'île, 641 ont été mis hors service.

« L'ouragan Melissa a battu des records en Jamaïque » (Reuters). 
Habituée aux ouragans, la Jamaïque n'avait jamais été frappée de plein fouet par un ouragan de catégorie 4 ou 5 (Gilbert en 1988 avait touché terre en tant qu'ouragan de catégorie 3). Melissa a connu une intensification extrêment rapide en moins de 24 heures. À Montego Bay, une destination touristique jamaïcaine populaire, une habitante a déclaré que l'eau lui arrivait à la taille et que les sauveteurs avaient dû forcer la porte de sa maison pour la sauver, elle et son enfant. Cette tempête est désormais la quatrième des cinq ouragans atlantiques de cette année à connaître une intensification rapide. Le gouvernement a demandé une aide étrangère alors même qu'il se préparait à l'arrivée de Melissa. La dévastation en Jamaïque et dans les îles voisines devrait relancer les appels des pays en développement à une aide financière de la part des pays plus riches pour faire face aux conséquences croissantes du réchauffement climatique. Le Premier ministre jamaïcain Andrew Holness a déclaré que l'ouragan Melissa, la tempête la plus puissante jamais enregistrée à frapper ses côtes, a causé des dégâts aux habitations et aux infrastructures équivalents à environ 28 % à 32 % du Produit intérieur brut de 2024. Holness a déclaré que l'estimation de 6 à 7 milliards de dollars était prudente, compte tenu des dommages évalués jusqu'à présent, et que la production économique à court terme pourrait diminuer de 8 à 13 % (Reuters). D'autres analystes, qui ont prennent en compte les perturbations à long terme dans leur estimation préliminaire, estiment que les pertes économiques dues à l'ouragan Melissa pourraient atteindre les 52 milliards de dollars (Accuweather).

« Les ouragans deviennent si intenses que les scientifiques proposent une catégorie 6 » (Washington Post, 5 février 2024). 
Lorsque les météorologues ont commencé à utiliser l' échelle de Saffir-Simpson à cinq niveaux pour mesurer l'intensité des ouragans dans les années 1970, un ouragan de catégorie 5 symbolisait la destruction totale. Un tel cyclone, avec des vents soutenus d'au moins 253 km/h, pouvait raser n'importe quelle structure de l'époque ; il n'y avait donc aucune raison de fixer une limite supérieure à la catégorie des ouragans les plus violents. Mais avec le réchauffement climatique, les tempêtes dépassent de plus en plus les seuils autrefois considérés comme extrêmes, selon une étude publiée lundi . Deux scientifiques proposent désormais une nouvelle catégorie, la catégorie 6, qu'ils estiment déjà justifiée pour un nombre croissant de tempêtes. 

« Retour sur le débat concernant l'ouragan de catégorie 6 après l'ouragan Melissa » (Forbes, 1er novembre 2025). 
Marshall Shepherd exprime quelques réticences quant à l'ajout d'une catégorie 6. 
 Les ouragans engendrent de multiples conséquences, notamment le vent, les ondes de tempête, les précipitations, les tornades et d'autres effets en cascade. L'échelle de Saffir-Simpson, basée sur le vent, ne rend pas compte de toute l'étendue de ces impacts. Un autre problème de cette échelle est que le passage d'une catégorie à une autre n'entraîne pas une augmentation linéaire ou progressive du potentiel de dommages. Le dernier facteur concerne la communication des risques et le sentiment d'urgence. Une nouvelle catégorie 6 n'apporte pas grand-chose. C'est comme remplacer le panneau près de la cheminée « Attention, très chaud » par « Attention, extrêmement chaud ». » Toutefois, cette vision est peut-être trop simpliste. L'auteur conclut sur le sentiment général qu'une approche fondamentalement nouvelle de la communication sur les risques liés aux ouragans est nécessaire, tout en reconnaissant que le débat autour de la catégorie 6 s'appuie sur un discours important concernant les changements bien réels des phénomènes météorologiques extrêmes. 

« Après le passage de l'Ouragan Melissa en Jamaïque, la valse des avions et des hélicoptères chargés d'aide humanitaire pour les sinistrés » (Sud-Ouest).

« Plus de 700 000 enfants touchés par le passage de l'ouragan Melissa dans les Caraïbes » (UNICEF). 
La distribution des fournitures essentielles prépositionnées pour les enfants a déjà commencé, tandis que l'évaluation des besoins et la planification des interventions avec les partenaires se poursuivent. Cependant, de nombreuses communautés parmi les plus touchées sont extrêmement difficiles d'accès en raison des infrastructures endommagées et des inondations persistantes. Des familles sont piégées dans des quartiers inondés, sans électricité, ou sont restées dans des abris, et l'accès à l'eau potable et à l'assainissement est gravement compromis.

« Le bilan des victimes de l'ouragan Melissa s'élève à 67 morts, tandis que les pertes assurées en Jamaïque pourraient dépasser les 4 milliards de dollars » (NBC News).

« Comment reconstruire tout cela ? Les habitants de Black River évaluent les dégâts après le passage de l'ouragan Melissa » (The Guardian).

« Après le passage de l’ouragan Melissa en Jamaïque, les autorités alertent sur le danger des crocodiles » (20 Minutes). 
Chassés par les inondations, ils pourraient envahir les zones résidentielles du sud de l’île. En cas de rencontre, la SERHA demande de ne pas tenter de capturer ou blesser les reptiles et de signaler toute présence de l'animal à l'Agence nationale jamaïcaine pour l'environnement et la planification (NEPA). Cette dernière rappelle, de son côté, que les crocodiles américains - les seuls présents sur l'île - sont menacés d'extinction dans le pays. Les experts redoutent des semaines d’instabilité écologique avec des habitats détruits, des risques de coulées de boue et une eau potable contaminée (TF1-Info).

« Comment le changement climatique a alimenté l'ouragan Melissa – et pourquoi la situation ne fera qu'empirer : c'est notre nouvelle normalité » (Independent). 
La Jamaïque contribue très peu aux émissions mondiales de carbone, et pourtant, elle a été ravagée par une catastrophe dont elle pourrait mettre des décennies à se remettre. Un rapport de Deep Sky, un projet canadien visant à réduire les niveaux mondiaux de carbone, a révélé que la fréquence des pluies cycloniques extrêmes a augmenté de 300% au cours des quatre dernières décennies. Des chercheurs de l'Institut Grantham de l'Imperial College ont estimé que Melissa était 10 % plus forte et quatre fois plus probable en raison du réchauffement climatique. Le modèle IRIS estime que le changement climatique a accru l'intensité d'un ouragan de type « Melissa » jusqu'à une catégorie 5 exceptionnelle lors de son arrivée sur les côtes.

« Des vidéos truquées générées par IA montrant les inondations causées par l'ouragan Melissa sur les réseaux sociaux » (Associated Press).
Une vidéo virale montre ce qui semble être quatre requins nageant dans la piscine d'un hôtel jamaïcain, alors que les eaux de crue, prétendument provoquées par l'ouragan Melissa, submergent la région. Une autre vidéo prétend montrer l'aéroport de Kingston, en Jamaïque, complètement ravagé par la tempête. Or, aucun de ces événements ne s'est produit : il s'agit simplement de désinformation générée par une intelligence artificielle qui circule sur les réseaux sociaux depuis le passage de l'ouragan dans les Caraïbes cette semaine. Ces vidéos, parmi d'autres, ont cumulé des millions de vues sur les plateformes de médias sociaux , notamment X, TikTok et Instagram. Certaines séquences semblent être des montages ou des extraits d'images d'anciennes catastrophes. D'autres semblent avoir été entièrement créées par des générateurs vidéo basés sur l'intelligence artificielle. Les experts affirment qu'il deviendra de plus en plus difficile de faire la différence entre la réalité et les deepfakes à mesure que la technologie progressera.

« Ouragan Melissa : Comment les agences spatiales du monde entier aident les pays sinistrés pour l’après » (20 Minutes). Face aux catastrophes comme l’ouragan Melissa, qui touche les Caraïbes, un dispositif permet aux pays touchés de recevoir gratuitement des données satellites et des cartes afin de cartographier les dégâts et organiser les secours.

2) Pistes d'analyse scientifique en termes d'aléa / risque / vulnérabilité et enjeux

La méthode d'analyse à partir d'images radar à synthèse d'ouverture (SAR) que l'on retrouve notamment dans l'article de Bloomberg est empruntée directement d'un article scientifique concernant les séismes, pour lesquels les activités de reconnaissance post-catastrophe sont également essentielles pour recueillir des informations cruciales sur l'étendue et la nature des dommages :

Valentina Macchiarulo, Giorgia Giardina, Pietro Milillo, Yasemin D. Aktas & Michael R. Z. Whitworth (2025). Integrating post-event very high resolution SAR imagery and machine learning for building-level earthquake damage assessment [Intégration d'images SAR à très haute résolution post-événement et d'apprentissage automatique pour l'évaluation des dommages sismiques au niveau des bâtiments], Bulletin of Earthquake Engineering, volume 23, pages 5021–5047, https://link.springer.com/article/10.1007/s10518-024-01877-1

Michael F. Wehner, James P. Kossin (2024). The growing inadequacy of an open-ended Saffir–Simpson hurricane wind scale in a warming world [L’inadéquation croissante de l’échelle de Saffir-Simpson pour la mesure des vents des ouragans, qui est ouverte, dans un monde qui se réchauffe], Environmental Sciences, February 5, 2024, 121 (7) e2308901121, https://www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.2308901121

Michaelf Wehner et Jim Kossin présentent dans cet article les arguments scientifiques en faveur d'un cyclone de catégorie 6. L'ouragan Melissa est devenu la 6e tempête de l'histoire à franchir le seuil. Les conditions propices à ces tempêtes sont en augmentation. Le réchauffement climatique accroît l'énergie thermique sensible et latente disponible, augmentant ainsi l'intensité potentielle thermodynamique des vents des cyclones tropicaux. Ce phénomène, étayé par la théorie, les observations et la modélisation, entraîne une modification de l'intensité moyenne des cyclones tropicaux, qui se manifeste généralement le plus clairement aux intensités les plus élevées. L'échelle de Saffir-Simpson, utilisée pour catégoriser les dommages en fonction de l'intensité des vents des cyclones tropicaux, a été introduite au début des années 1970 et demeure l'indicateur le plus couramment utilisé pour communiquer au public le niveau de risque lié au vent d'un cyclone tropical. Cette échelle étant ouverte et ne s'étendant pas au-delà de la catégorie 5 (vitesse du vent supérieure ou égale à 70 m/s), le niveau de risque qu'elle indique reste constant, quelle que soit l'intensité du vent au-delà de 70 m/s. Ceci peut être considéré comme une limite de l'échelle, d'autant plus que le potentiel destructeur du vent augmente de façon exponentielle. Les auteurs examinent comment cette limite est amplifiée dans un monde qui se réchauffe, en analysant les augmentations passées et futures des vitesses de vent maximales des cyclones tropicaux les plus intenses. Une simple extrapolation de l'échelle de Saffir-Simpson est utilisée pour définir une catégorie 6 hypothétique. Ils décrivent la fréquence des cyclones tropicaux, passés et projetés dans le contexte du réchauffement climatique, qui appartiendraient à cette catégorie. Les auteurs constatent que plusieurs tempêtes récentes ont déjà atteint l'intensité de cette catégorie 6 hypothétique et, sur la base de multiples données indépendantes examinant les vitesses de vent maximales simulées et potentielles, prévoient une augmentation du nombre de ces tempêtes à mesure que le climat continue de se réchauffer.

« Comment la Jamaïque a souscrit une assurance pour elle-même, et pourquoi elle est sur le point de porter ses fruits après l'ouragan Melissa » (CBC News).

En 2024, la Jamaïque a souscrit une sorte d'assurance nationale contre les ouragans, avec des indemnisations basées sur les seuils de pression atmosphérique de la tempête si celle-ci frappe certaines régions de l'île. Melissa a frappé avec des pressions bien supérieures aux seuils requis. Avec une pression cyclonique descendue à 892 millibars, la Jamaïque devrait recevoir 150 millions de dollars. Le versement intégral devrait être effectué au pays et non aux investisseurs, en fonction de la gravité de l'ouragan. Ce versement commence à 30 % et peut atteindre la totalité du montant de l'obligation. Les seuils de déclenchement dépendent de la pression atmosphérique au centre de l'ouragan et des régions qu'il traverse. C’est ce qui distingue cette assurance des autres formes d’assurance : au lieu d’être basée sur l’ampleur des dégâts ou le coût de la reconstruction, l’assurance indemnise en fonction de la gravité de la tempête. Une carte de la Banque mondiale illustre les conditions de déclenchement des obligations catastrophes de la Jamaïque. Les chiffres indiquent le niveau de pression atmosphérique au centre d'un ouragan au-dessus de différentes régions de la Jamaïque qui doit être atteint pour déclencher un versement au titre de ces obligations. Selon les analystes, la stratégie de la Jamaïque pourrait servir de modèle au reste de la région et à d'autres pays vulnérables au changement climatique pour accéder rapidement à des fonds après une catastrophe.

Carte illustrant les conditions de déclenchement des obligations catastrophes en fonction des seuils de pression atmosphérique (source : Banque mondiale)

Une étude menée en 2022 ("Association entre les cyclones tropicaux et la mortalité au niveau des comtés aux États-Unis") a porté sur les décès consécutifs aux cyclones aux États-Unis. Parmi les comtés américains qui ont subi au moins un cyclone tropical entre 1988 et 2018, chaque jour de cyclone supplémentaire par mois était associé à des taux de mortalité légèrement plus élevés dans les mois suivant le cyclone pour plusieurs causes de décès (blessures, maladies infectieuses et parasitaires,  maladies cardiovasculaires, affections neuropsychiatriques et maladies respiratoires).

Une autre étude conduite en 2025 à une échelle plus large à partir de 217 cyclones tropicaux sur 9 pays et territoires ("Risques de mortalité spécifiques associés aux cyclones tropicaux dans plusieurs pays et territoires") note des risques plus élevés de décès liés aux cyclones. Les auteurs  constatent également que les personnes vivant dans des communautés plus pauvres sont beaucoup plus susceptibles de mourir de diverses causes après le passage de cyclones tropicaux.

3) Cartes et données SIG à visualiser en ligne ou à télécharger

Image satellite en haute résolution acquise par la mission Copernicus Sentinel-3 le 26 octobre 2025 montrant l'ouragan Melissa à environ 175 km au sud de Kingston en Jamaïque (Copernicus). Image à découvrir également en mesure de température sur le site de l'ESA.

Sentinel-2 a capturé une image saisissante de l'œil de l'ouragan Melissa (Copernicus). L’image a été prise par le satellite le 28 octobre à 16h55 (heure de Paris, 15h55 UTC), quelques heures seulement avant que le cyclone ne touche la côte sud de la Jamaïque. Les images satellites du phénomène suggèrent qu’il s’agit d’un ouragan à mésovortex, particulièrement violent (HuffPost). Avec un pic de 699 éclairs par minute juste avant de toucher terre, Melissa a probablement établi le record de la plus forte activité orageuse jamais enregistrée au cœur d'un ouragan dans l'Atlantique.

Le parcours complet du cyclone Melissa à travers les Caraïbes et l'Atlantique du 22 au 31 octobre 2025 (CIRA). Animations satellites à télécharger en mp4 montrant la transformation rapide de la tempête en cyclone tropical ainsi que les coupures d'électricité (cf zones plongées dans le noir visibles de nuit).

Comment l'IA contribue à améliorer les prévisions des cyclones tropicaux (Google DeepMind). Weather Lab est le nouveau modèle expérimental d'intelligence artificielle de Google DeepMind pour la prévision des cyclones. La NOAA collabore avec Google pour évaluer son efficacité. Il est possible de visualiser le tracé prévu par Google DeepMind avec ses cones d'incertitude sur le Weather Lab. Déjà en 2023, l'algorithme Graph Cast de Google DeepMind avait été capable d'indiquer l'endroit exact où l'ouragan Lee a frappé la Nouvelle-Écosse avec plusieurs jours d'avance sur les modèles utilisés par les météorologues.

Campagne d'images aériennes réalisées par la NOAA entre le 31 octobre et le 3 novembre 2025 afin de soutenir les opérations de secours en Jamaïque. Les dernières informations concernent les axes routiers surveillés afin de soutenir les opérations de recherche et de sauvetage. Les images de tous les vols sont disponibles en sélectionnant les calques en haut à droite pour afficher des vols spécifiques ou visualiser les images MAXAR.

Le service de gestion des urgences Copernicus (CEMS) a été activé afin d'évaluer l'étendue des inondations et leurs impacts (EMSR847).

Évaluation des dommages causés aux bâtiments en Jamaïque (The Humanitarian Data Exchange - HDX) entre Black River et Montego Bay. Le Centre de données humanitaires d'OCHA et de l'Humanitarian Data Exchange (HDX) met à disposition, lors de chaque grande catastrophe, des données SIG concernant le degré d'endommagement des bâtiments afin de guider les interventions.

Jeux de données disponibles sur la plateforme HDX concernant la Jamaïque. Indépendante depuis 1962, la Jamaïque constitue un petit État insulaire de la mer des Caraïbes. Avec 2,8 millions d'habitants et un PIB de 11 700 dollars par habitant, le pays vit principalement de l'agriculture et du tourisme avec également comme ressource minière la bauxite. Il y a une forte corruption et criminalité en lien avec la pauvreté. Sa position géographique en fait l'une des plaques tournantes pour le trafic de drogue. La Jamaïque est soumise à des risques naturels (ouragans, tremblements de terre), sanitaires en raison des maladies transmises par les moustiques (dengue, chikungunya, Zika) et routiers (axes urbains et secondaires mal entretenus, absence de services de secours pouvant intervenir rapidement en dehors des zones urbaines). La Jamaïque a depuis une vingtaine d’année diversifié sa relation exclusive avec les Etats-Unis, qui demeurent cependant un interlocuteur incontournable, notamment du fait de la diaspora, du tourisme et des échanges commerciaux. 

Premier état des dommages sur bâtiments suite au passage de l'ouragan Melissa dans l'ouest de la Jamaïque
Carte établie par Josselin Thonnelier à partir des données HDX

Le Centre des Nations Unies pour l'analyse satellitaire (UNOSAT), qui fait partie de l'UNITAR, fournit des cartes d'évaluation des dommages. Il s'agit d'analyses préliminaires à partir d'images satellites à très haute résolution WorldView-2 qui n'ont pas encore évaluées sur le terrain. Les données sont disponibles au format pdf et shp pour les paroisses de Sainte-Élisabeth et Whitehouse.

Évaluation des dommages aux bâtiments à White House Village , district de Whitehouse, paroisse de Westmoreland, au 31 octobre 2025 (source : UNOSAT)

Map Action, qui fournit de l'expertise géospatiale dans les situations humanitaires afin d'améliorer le sort des populations touchées, propose des cartes de situation régulières ainsi que des cartes d'évaluation des dommages à partir les données d'images satellites d'ICEYE (format jpeg et pdf).

Ouragan Melissa - Aperçu de la situation au 5 novembre 2025 (Map Action)

Fonds de carte de la Jamaïque à différents niveaux administratifs à télécharger au format SIG sur AidData ou sur Geoboundaries.

L'Institut de géoinformatique (MGI) de l'Université des Antilles à Mona fournit des ressources et des analyses sur l’impact du cyclone Melissa. Une application SIG sous forme de tableau de bord (MonaGis) permet d'étudier les différents risques naturels en Jamaïque, leur histoire ainsi que leur répartition par paroisses.

Tableau de bord et application SIG sur les risques naturels en Jamaïque (source : MonaGis)


Données statistiques fournies par l'Institut statistique de la Jamaïque, principal fournisseur de statistiques officielles sur la situation économique, sociale, démographique et environnementale du pays. Voir notamment la carte des conditions de vie quelque peu ancienne mais qui montre le pourcentage de population vivant dans la pauvreté en 2012 (issue du rapport Mapping Poverty Indicators. Consumption Based Poverty in Jamaica). Le site fournit également des statistiques sur la criminalité, l'éducation, l'économie et social ainsi que l'environnement.

Scénario de submersion marine en Jamaïque proposé par le National Hurrican Center. Des cartes des risques de submersion marine au format Geotiff sont disponibles pour le Texas, le Maine, Porto Rico, les Îles Vierges américaines, Hawaï, la Californie du Sud, Guam, les Samoa américaines, Hispaniola et la péninsule du Yucatán. Ces cartes peuvent être visionnées directement dans une application en ligne, qui propose différents scénarios de submersion selon les catégories de cyclone (de 1 à 5).

La carte des zones les plus exposées aux inondations en Jamaïque (Reliefweb) a été publiée au moment du passage du cyclone Matthew en 2016, accompagnée par une carte des risques de glissement de terrain. La Jamaïque présente un risque relativement faible de submersion marine, car ses zones côtières basses sont peu nombreuses, Affirmation toutefois à nuancer : en 2004, l'ouragan Ivan, qui a traversé la partie centrale de la Jamaïque (de catégorie 4 avec des vents de 240 km/h) avait tout de même détruit les dunes de sable au sud de l'aéroport de Kingston, inondant et bloquant la route d'accès. En 2007, l'ouragan Dean, qui a traversé la Jamaïque centrale à environ 35 km au sud, également en tant qu'ouragan de catégorie 4 avec des vents de 235 km/h, a eu un impact similaire, entraînant la fermeture de l'aéroport. Depuis, la construction d'un enrochement au sud de l'aéroport de Kingston a permis d'améliorer sa résistance aux fortes vagues de tempête. L'ouragan Gilbert (de catégorie 3), qui a frappé la Jamaïque en 1988, est l'ouragan le plus coûteux jusque là enregistré. Il a causé des dégâts estimés à 1 milliard de dollars (2,7 milliards de dollars en 2025), soit 26 % du PIB jamaïcain. Son parcours d'est en ouest, le long de l'île, n'a pas engendré de forte onde de tempête sur la côte sud, où se situe Kingston (Yale Climate Connections). Dans la ville touristique de Black River rasée par l’ouragan Melissa en octobre 2025, on observe sur la plage que « tout le sable est parti sur une épaisseur de plus de 1 mètre » (Le Monde). Santa Cruz a connu le même sort. À Montego Bay plus au nord, le port a été submergé.

Bulletins d'information émis par les services OCHA (Reliefweb). Le gouvernement a déclaré l'état de catastrophe nationale, activé la coordination par l'intermédiaire de l'ODPEM et lancé la plateforme « Soutenir la Jamaïque ». Le Centre national des opérations d'urgence demeure au niveau 3 afin de coordonner les interventions vitales, en donnant la priorité au rétablissement de l'électricité, de l'eau et des transports. Les trois aéroports internationaux sont ouverts aux opérations de secours, bien que les aéroports Norman Manley et Sangster aient subi des dommages. L'IFRC lance un appel d’urgence en réponse à l’ouragan Melissa. La distribution de l’aide est bien en cours.

De nouveaux liens et ressources seront ajoutés au fur et à mesure des publications...

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Carte de répartition des risques naturels en France métropolitaine (IGN)