Massées à la frontière, les forces armées turques ont commencé à envahir le nord-est de la Syrie le 9 octobre 2019. Leur objectif : repousser les combattants kurdes et instaurer une zone de sécurité. Cette intervention dénommée "Opération source de paix" risque en réalité de se traduire par une crise humanitaire pour le peuple kurde.
Le président
turc Erdogan présente la carte de la zone tampon qu'il entend créer en
Syrie. En jaune, le territoire autonome kurde de Syrie. La ligne rouge
fixe les limites de l'intervention turque. © DON EMMERT - AFP
Les Kurdes, qui ont été le fer de lance du combat contre Daesh, ont payé un lourd tribut lors de la guerre en Syrie. Ils sont à l'origine d'une expérience politique singulière dans le Rojava (Etat semi-indépendant du Kurdistan syrien constitué principalement de 3 cantons, Afrin, Kobané et Cezire). Mais Ankara considère les Unités de protection du peuple (YPG), une milice kurde syrienne comme « terroriste », en raison de ses liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
I) Les Kurdes, un peuple sans Etat
Entre 25 et 35 millions de Kurdes habitent les zones montagneuses
situées aux frontières de la Turquie, de la Syrie, de l’Irak, de l’Iran
et de l’Arménie. Ils constituent le quatrième groupe ethnique le plus
important du Moyen-Orient mais ils n’ont jamais obtenu un Etat national
permanent. La promesse d’un Etat kurde faite par le traité de Sèvres en 1920
après la Première guerre mondiale, sur les ruines d'un empire ottoman
vaincu et démembré, a été effacée par le traité de Lausanne de 1923. Depuis
toute velléité d’indépendance d’un Etat national kurde a été refusée par les différents Etats de la région.
Il est difficile de définir les limites et la configuration du ou plutôt des Kurdistans. Le Kurdistan autonome irakien a été créé en 1992 à la suite de la guerre du Golfe après l’invasion du Koweït par l’armée de Saddam Hussein. L’oppression des Kurdes dans les quatre États-nations (Turquie, Syrie, Irak, Iran), plus ou moins forte selon les circonstances, est un phénomène récurrent, variable selon les périodes.
Culture générale > Après l'indépendance manquée en 1920 (pourtant reconnue par le traité de Sèvres), les Kurdes se soulèvent massivement en 1925 : échos dans la presse française de l'époque (déjà parfois "à la une") 👇 https://t.co/4IgBg7PXeN— Victor Duruy (@VictorDuruy) October 14, 2019
(via @RetroNewsFR)
Ce petit graphique tout simple de @ReutersGraphics sur la repartition de la population kurde mérite la palme d'or de la clarté pic.twitter.com/2hxVH1dTHG— Jules Grandin (@JulesGrandin) October 15, 2019
Il est difficile de définir les limites et la configuration du ou plutôt des Kurdistans. Le Kurdistan autonome irakien a été créé en 1992 à la suite de la guerre du Golfe après l’invasion du Koweït par l’armée de Saddam Hussein. L’oppression des Kurdes dans les quatre États-nations (Turquie, Syrie, Irak, Iran), plus ou moins forte selon les circonstances, est un phénomène récurrent, variable selon les périodes.
Explication, en cartes et en images (vidéo Le Monde, 2017)
Carte : les Kurdes, un peuple à cheval sur quatre pays (BFM, 2014)
Michel Bruneau et Françoise Rollan, « Les Kurdes et le(s) Kurdistan(s) en cartes », Anatoli, 8 | 2017, mis en ligne le 22 mars 2018.
Les Kurdes et le Kurdistan par les cartes : du traité de Sèvres à la guerre contre l’État islamique (Les clés du Moyen-Orient, 2014).
Les Kurdes, éternels perdants de l’histoire (Courrier international, 23 octobre 2019).
La turquisation des noms de lieux et de villages kurdes (Wikipedia en français). Concernant les débats suscités par les changements de noms géographiques en Turquie, consulter les pages de Wikipedia en anglais et le site MapPorn.
2) Pourquoi une zone de sécurité dans le nord de la Syrie ?
Le président Erdogan, inquiet de l'extension des zones kurdes à sa porte, a déjà mené entre 2016 et 2018 trois opérations militaires en Irak et en Syrie pour contrer les Kurdes. En janvier 2019, le président américain Donald Trump a twitté qu’il souhaitait créer une « safe zone de 20 miles », soit un peu plus de 30 kilomètres. Erdogan a accentué sa volonté de mettre en place une telle zone de sécurité, en avançant qu’elle pourrait permettre la relocalisation d’un à trois millions de réfugiés syriens, selon la taille de la zone. Le retrait annoncé par Trump des troupes américaines de Syrie semble désormais laisser le champ libre à une nouvelle intervention militaire de la Turquie qui s'est rapprochée de la Russie.
— Maxime Reynié (@Maxime_Reynie) October 13, 2019
Beaucoup craignent, à l’image du New York Times, que “si les Kurdes sont contraints de se défendre contre les Turcs, il est probable qu’ils déplaceront leurs forces qui se battent actuellement contre Daech”. Autre risque : “Les combattants kurdes qui surveillent les quelque 10 000 prisonniers islamistes qui se trouvent dans des centres de détention kurdes” risquent eux aussi d’être envoyés sur le front et de laisser ces djihadistes sans surveillance.
Les Kurdes face à Daech (L'Histoire).
Les jihadistes durablement renforcés par l’offensive turque en Syrie (Le Monde).
Les camps syriens, « bombes à retardement » jihadistes (Libération).
Vu d’Ankara, les trois fronts du conflit kurde (Le Monde, 2018).
L’accès à l’eau, enjeu de la guerre turque en Syrie (Reporterre, 16 octobre 2019).
3) Pourquoi les Kurdes n'ont jamais eu un État indépendant ?
Trump, Erdoğan, les Kurdes et la Syrie : les réalités derrière la rhétorique (Blog Limes on line, en italien avec une cartographie de Laura Canali qui permet de résumer les rapports de force sous forme de schéma systémique).
Vu d’Ankara, les trois fronts du conflit kurde (LM, 16/06/2018) #prépaECS pic.twitter.com/6HNp7ObdSS— Stéphane Bonmariage (@mrgoodwedding) June 23, 2018
L’accès à l’eau, enjeu de la guerre turque en Syrie (Reporterre, 16 octobre 2019).
Point de situation sur les #réfugiés en #Turquie, leitmotiv diplomatique du Président turc, par Emile Bouvier @emile_bouvier https://t.co/lDUrVOmNh5 pic.twitter.com/5LqgAlO9EC— Clés du Moyen-Orient (@LesclesduMO) November 25, 2019
3) Pourquoi les Kurdes n'ont jamais eu un État indépendant ?
Trump, Erdoğan, les Kurdes et la Syrie : les réalités derrière la rhétorique (Blog Limes on line, en italien avec une cartographie de Laura Canali qui permet de résumer les rapports de force sous forme de schéma systémique).
Géopolitique schématique de la Turquie : un organigramme du Monde diplomatique qui permet de restituer la complexité des relations entre les pays du Moyen-Orient.
Retrait des troupes américaines de Syrie : quelles conséquences ? Le point de vue de Didier Billion (IRIS)
Kurdes de Syrie : le crépuscule du Rojava (France Culture) avec une série de cartes montrant l'évolution depuis 2012.
En Turquie, le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) est considéré comme une organisation terroriste. Le PKK a des liens avec le Parti Démocratique des Peuples (HDP) qui a obtenu 14 % des voix aux élections législatives de 2015. Outre l'objectif de repousser les réfugiés syriens dans cette zone de sécurité, l'intervention turque en Syrie a également des visées de politique intérieure.
Kurdes : un combat pour l’indépendance (Les cartes du Monde)
Un croquis proposé par Christophe Chabert montre le "baril de poudre" qu'est devenu le Moyen-Orient (Mind the Map)
Avec l’intervention turque, comprendre le rôle des principaux acteurs en Syrie (Le Figaro). L'article propose un cartogramme qui montre l’évolution des rapports de force entre Washington, Ankara, Moscou et Téhéran.
Gérard Chaliand : « La revendication d’autonomie kurde s’est affirmée tardivement » (L'Humanité, 16 octobre 2019). Comment peut-on être kurde ? Il y a bien un Kurdistan géographique, cette forteresse naturelle qui va du sud-est au centre de l'Iran, mais les Kurdes se mêlent partout à d'autres peuples, Arméniens autrefois, Arabes ou Iraniens. (Gérard Chaliand, Les Kurdes et le Kurdistan. La question nationale kurde, 1978)
Syrie : « L’urgence pousse les Kurdes à se tourner vers Assad et la Russie ». La Turquie a déclenché, le 9 octobre, une offensive militaire visant à éliminer l’influence des forces à dominante kurde dans le nord-est syrien. https://t.co/vNVgFzxJcC pic.twitter.com/gFF59Q9LtX— delphinepapin (@Delphinepapin) October 14, 2019
Un croquis proposé par Christophe Chabert montre le "baril de poudre" qu'est devenu le Moyen-Orient (Mind the Map)
The Middle Eastern Powder Keg (october 2019) --> https://t.co/0fADWZZa5J pic.twitter.com/zYiah03GQS— Mind The Map (@cpchabert) October 14, 2019
Avec l’intervention turque, comprendre le rôle des principaux acteurs en Syrie (Le Figaro). L'article propose un cartogramme qui montre l’évolution des rapports de force entre Washington, Ankara, Moscou et Téhéran.
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Les Kurdes, d’un statut de peuple marginalisé à celui d’acteurs stratégiques incontournables (Les clés du Moyen-Orient, 2019).
Turquie, Irak, Iran et Syrie redoutent le rêve kurde (Le Monde diplomatique, 2009).
Saywan Barzani, « Géopolitique actuelle des Kurdes en Turquie, en Irak et en Iran » (EchoGéo, 2008) L’idée d’un Kurdistan est-elle complètement illusoire ? "Il semble
aujourd'hui que l’ensemble des forces politiques kurdes soient d’accord sur le
fait suivant : il faut régler le problème kurde dans le cadre des Etats
existants, à condition d’obtenir une autonomie politique dans le cadre des
frontières actuelles. Mais cela n’est possible qu’avec une démocratisation et
une stabilisation politiques et économiques des quatre pays concernés".
#makingoff de la carte géopolitique de cette semaine @lemondefr. La Syrie après huit années de guerre. Une première version de la carte devait mettre l’accent sur une Syrie fissurée. Nous sommes partis sur un fond mur avec les acteurs du conflit en majesté. pic.twitter.com/VvkVfcq9eF— delphinepapin (@Delphinepapin) 18 mars 2019
De la #Syrie à la #Libye, la #Turquie sur tous les fronts : résumé et analyse. Première partie : en Syrie, un statu quo défavorable aux Kurdes syriens @emile_bouvier https://t.co/DPzblHEDDR pic.twitter.com/ISoYQTDwl6— Clés du Moyen-Orient (@LesclesduMO) January 24, 2020
Syrian War and the end of ISIS, 2017 to 2020— I Fucking Love Maps (@IFckingLoveMaps) March 21, 2020
Source: https://t.co/IY8Nnovhja pic.twitter.com/vwlmNVkPPV
Il s'agit du manuel Belin Géo Terminale (p 173) qui reprend l'article du Monde du 21 octobre 2019 avec la carte montrant l'offensive turque en Syrie. Le titre "Les troupes américaines poursuivent leur retrait" a été changé en "La fin du Kurdistan syrien" https://t.co/gSG1oriCOk pic.twitter.com/sOKeJltklI
— Sylvain Genevois (@mirbole01) September 10, 2020
Lien ajouté le 3 octobre 2021
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— François Momboisse (@fmomboisse) October 2, 2021
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