La carte, objet éminemment politique. Quels niveaux de soutien ou de critique vis à vis de la Chine au niveau international ?


La situation des droits de l'homme en Chine a été examinée pour la quatrième fois par le groupe de travail sur « l'Examen périodique universel » (EPU) du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, lors d'une réunion à Genève le 23 janvier 2024. L'ambassadeur de Chine à Genève, Chen Xu, a dirigé une délégation d'une vingtaine de ministères chinois lors de cet examen. Il a souligné les progrès de la Chine dans l'éradication de la pauvreté, a déclaré que les citoyens participaient à des « élections démocratiques » et a assuré que la liberté de croyance religieuse était préservée en Chine. Les pays occidentaux ont profité de cet examen du bilan de la Chine en matière de droits de l'homme pour faire pression afin qu'elle respecte la liberté d'expression, les droits des minorités ethniques et qu'elle abroge une loi sur la sécurité nationale à Hong Kong. La Chine est accusée par Amnesty International de vouloir en retour faire pression sur les pays pour qu'ils vantent son bilan en matière de droits humains avant l'examen du Conseil des droits de l'homme (CDH) de l'ONU.

A partir de ces données, Nathan Ruser (@Nrg8000) a codé les déclarations des pays qui mentionnaient de manière positive ou négative la Chine à propos de diverses questions touchant aux droits humains, aux minorités ethniques au Tibet ou au Xinjiang, à la peine de mort, au travail forcé, à la liberté d'expression, à la liberté religieuse, etc. La carte donne une image du soutien ou au contraire de la défiance à l'égard de la Chine au niveau international. Au total, d'après les déclarations lors cet examen EPU 2024, 6 pays se sont montrés favorables à la Chine, 77 assez favorables, 32 neutres et 42 critiques. 

Niveaux de soutien ou de critique à l’égard de la Chine lors de l’EPU 2024 (source : Datawrapper)


La carte réalisée avec l'outil de cartographie en ligne Datawrapper repose sur un dégradé de couleurs du rouge au bleu, censé refléter le degré de critique ou de soutien vis à vis de la Chine. On peut noter que le dégradé pourrait être inverse (du bleu au rouge), sachant que la Chine comme la Russie ont longtemps été classées parmi les pays communistes. La carte aurait dans ce cas davantage ressemblé à celle de l'opposition Est-Ouest de la Guerre Froide. Mais en même temps le clivage Nord-Sud n'est pas absent comme grille de lecture de la carte, sachant qu'une bonne part des pays du Sud ont aujourd'hui une attitude de soutien sinon de neutralité par rapport à la Chine. 

Bien qu'il s'agisse d'une carte statistique, son objectif est de mesurer un sentiment global reposant sur plusieurs variables avec une dimension qualitative liée à l'appréciation des points attribués à chaque critère. On peut se référer au tableau de codage qui donne les indicateurs et les points attribués de manière positive ou négative. Ce tableau permet de comprendre la méthodologie utilisée par Nathan Ruser et de refaire la carte en distinguant chacun des indicateurs (éventuellement en les pondérant entre eux). On peut s'apercevoir que 51 pays ont salué les efforts positifs de la Chine en matière de réduction de la pauvreté et qu'aucun pays n'a critiqué la Chine sur ce plan. En revanche, 28 pays ont critiqué les droits de l'homme de la Chine au Xinjiang, contre 6 qui l'ont mentionné positivement. 32 pays ont exhorté la Chine à ratifier les traités relatifs aux droits de l’homme qu’elle ne respecte toujours pas. 19 pays ont critiqué le bilan de la Chine en matière de droits de l'homme à l'égard de Hong Kong (contre 4 qui l'ont salué). 28 pays ont critiqué le traitement réservé aux défenseurs des droits humains, aux journalistes et aux avocats – ou au système judiciaire en général (contre 8 qui en ont fait l'éloge). 12 pays ont évoqué les disparitions forcées par Pékin. 19 pays ont spécifiquement critiqué sa politique au Tibet, contre 1 (le Pakistan) qui l'a salué. 18 pays ont également critiqué son recours à la peine de mort.

Certains analystes estiment que le contexte mondial a évolué. La Chine apparaît en position de force lors de ce quatrième cycle d’EPU. Cela lui permet de faire taire les critiques, notamment de la part des pays du Sud, qui entretiennent des liens économiques étroits avec elle – notamment dans le cadre de l’initiative des « Nouvelles routes de la soie » – et qui craignent donc qu’une confrontation à l’ONU ne nuise à leurs relations bilatérales. En d'autres termes, il s'agirait plus d'une attitude de suivisme du Sud global qu'un véritable soutien à la politique conduite par la Chine en matière de droits de l'homme. Mais l'analyse mérite d'être conduite aussi à l'échelle nationale tant les positionnements politiques et idéologiques, les intérêts économiques ou les liens culturels avec la Chine peuvent varier d'un pays à l'autre.

Pour compléter

« À l’ONU, l’examen périodique de la Chine met sous pression les pays du Sud » (Swiss Info).

« La Chine tente de mettre le feu à la communauté internationale lors de l'examen des droits de l'homme par l'ONU » (Amnesty International).

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