L’autosuffisance alimentaire est-elle possible pour l'île de La Réunion ?


Billen, G., Garnier, J., Pomet, A. et al. Is food self-sufficiency possible for Reunion Island ? Regional Environnemental Change, 24, 58 (2024). https://doi.org/10.1007/s10113-024-02226-3

Résumé

Dans un contexte d’instabilité politique et économique, l’autosuffisance alimentaire des pays et territoires devient un enjeu brûlant. La Réunion est un petit territoire français densément peuplé et isolé au milieu de l’océan Indien. Le modèle GRAFS, qui permet d’établir des bilans cohérents en utilisant l’azote (N) comme métrique commune pour toutes les cultures et denrées alimentaires, a été appliqué à La Réunion en considérant 11 sous-régions pour tenir compte de la variété des paysages. La Réunion consacre 87 % de sa production végétale en termes de protéines récoltées à l’exportation de sucre et de fruits tropicaux, tandis qu’elle importe 67 % de son approvisionnement alimentaire, 54 % de l’alimentation du bétail et 57 % de tous les apports d’azote fertilisant pour les sols agricoles. Au total, l’approvisionnement d’une tonne d’azote en alimentation nécessite l’importation de 2,7 tonnes d’azote en alimentation humaine, animale et fertilisante. Le modèle a également démontré que l'action simultanée sur trois leviers de changement permettrait d’atteindre l’autosuffisance en termes d’alimentation humaine, animale et fertilisante :

  1. la généralisation des rotations agroécologiques alternant légumineuses à grains et fourragères, céréales et autres cultures vivrières ; 
  2. la reconnexion de l’élevage à l’agriculture et un meilleur recyclage des fumiers ainsi que des excréments humains ; 
  3. une réduction drastique de l’alimentation animale dans le régime alimentaire réunionnais, jusqu’à 20 % des produits animaux dans l’apport protéique total par habitant, au lieu de la part actuelle de 60 %. La surface dédiée à la culture de la canne à sucre devrait être réduite à 15-25 % de sa valeur actuelle.

Le principal intérêt de l'article est de présenter différents scénarios afin que La Réunion puisse atteindre la souveraineté alimentaire. Cet objectif est incompatible avec la spécialisation actuelle de l’Île dans la production sucrière. L’autonomie du système agro-alimentaire de la Réunion, est biophysiquement possible, moyennant des bouleversements structurels considérables.

Pour accéder à un article plus simple et en français présentant les principales conclusions de l'article, voir : « L’île de La Réunion pourrait-elle atteindre la souveraineté alimentaire ? » (The Conversation)


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Datavisualisation sur les prix Nobel attribués depuis 1901


Kerri Smith & Chris Ryan (2024). How to win a Nobel prize. Nature.

Le prix Nobel a été décerné dans trois domaines scientifiques – la chimie, la physique et la physiologie ou médecine – presque chaque année depuis 1901, à l’exception de quelques interruptions dues principalement aux guerres. Nature a analysé les données concernant 346 prix et 646 lauréats (les prix Nobel peuvent être partagés par trois personnes maximum) pour déterminer quelles peuvent être leurs caractéristiques.

Pour avoir les meilleures chances de remporter un prix Nobel, l’idéal est de naître en Amérique du Nord et d’y rester (54 % des prix Nobel décernés).  Avec une chance légèrement inférieure, il est préférable de naître en Europe et d'y rester, ou de s'y installer. Les lauréats sont issus la plupart du temps de laboratoires d'autres lauréats.

Une analyse de 3 des 69 prix scientifiques décernés entre 1995 et 2017 révèle que quelques disciplines sont surreprésentées. Au cours du XXe siècle, seulement 11 prix Nobel ont été décernés à des femmes. Depuis 2000, 15 autres prix ont été décernés à des femmes. L'article comporte de nombreux graphiques ainsi qu'une datavisualisation animée qui montre bien les liens qui unissent ce réseau universitaire.

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« Notre planète suffoque, et nos cartes restent muettes » (Karine Hurel)


« Notre planète suffoque, et nos cartes restent muettes » (source : Libération)

Pour la géographe Karine Hurel, il faut réinventer notre façon de cartographier le monde, afin de mieux le comprendre et pour protéger les écosystèmes dont nous dépendons. Cette approche anthropocentrée de la cartographie a ainsi privilégié une vision du monde centrée sur l’humain, reléguant au second plan la représentation des écosystèmes qui nous entourent, leur richesse et leur complexité. Or comment par exemple traduire la richesse d’un sol quand nos conventions cartographiques nous poussent à voir le monde uniquement d’en haut ? Comment exprimer l’essence d’un lieu, ses vulnérabilités ou notre attachement à celui-ci, quand la norme cartographique privilégie l’analyse de données quantifiables ? Comment prétendre protéger ce que nous ne savons pas représenter ? Ce manque de représentation du monde vivant dans nos imaginaires collectifs a très probablement contribué à la faible considération que nous avons accordée à notre environnement et à la crise écologique que nous vivons. Pourtant, les cartes ont un rôle crucial à jouer pour nous montrer l’invisible, et nous reconnecter au vivant. Elles peuvent être les catalyseurs d’une prise de conscience collective, les boussoles qui guideront nos sociétés vers un avenir plus durable. A elles seules, elles ont le pouvoir de lanceuses d’alerte.

Pour compléter

Transition écologique : le temps des villes et des territoires (Libération)
« Comment réconcilier métropoles et campagnes, périphéries et centres-villes, écologie et habitat ? Plongée, en partenariat avec Popsu (Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines) dans les initiatives qui améliorent les politiques urbaines ». 

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Environnement et justice dans les paysages anthropisés. Une exposition virtuelle du Leventhal Center

Une cartographie réglementaire incohérente menace silencieusement les rivières et les ruisseaux


Messager M. L., Pella H., Datry T. (2024). Inconsistent Regulatory Mapping Quietly Threatens Rivers and Streams. Environmental Science & Technology. DOI : https://doi.org/10.1021/acs.est.4c01859

Les cours d’eau français, qui n’ont de définition officielle que depuis 2015, sont inégalement protégés d’un département à l’autre, où un même cours d’eau pourra successivement gagner ou perdre ce statut réglementaire. Des disparités qui peuvent affecter la santé des bassins versants. C’est ce que montre cette étude qui a voulu reconstituer la carte de tous les cours d’eau officiellement reconnus dans notre pays, une démarche unique au monde. Les chercheurs de l’Inrae dénoncent les failles d’un chantier qui « menace les rivières et les ruisseaux ».

Carte nationale des cours d'eau protégés par la loi sur l'eau en France métropolitaine en 2023 (source : Messager & al., 2024)



En comparant ces cartes à la base de données topographique de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), les auteurs estiment qu’environ un quart des tronçons hydrographiques précédemment cartographiés, les lignes bleues (pointillées ou non) sur les cartes topographiques, ont été qualifiés de non-cours d’eau. 

Cette analyse met également en lumière des variations géographiques frappantes dans l’étendue des cours d’eau protégés au titre de la loi sur l’eau. Si certains ruisseaux sont considérés comme cours d’eau dans un département, ils peuvent être considérés comme non-cours d’eau ou disparaître totalement de la carte dans le département voisin ! Ces variations reflètent une application inégale de la définition officielle du cours d’eau, et peuvent compromettre la continuité amont aval du réseau fluvial.

Pour évaluer les implications de la définition légale et de la cartographie des cours d’eau réalisée au titre de la loi sur l’eau à l’échelle nationale, les auteurs ont compilé et harmonisé 91 cartes départementales couvrant toute la France métropolitaine, sauf la Corse. Cette nouvelle carte nationale des cours d’eau comprend plus de 2 millions de tronçons couvrant 93 % de la France métropolitaine, le reste ayant été laissé de côté au cas par cas par certains départements.

L'hydrographie est sociale et politique, insistent les auteurs. « L'effacement d'un cours d'eau sur une carte réglementaire peut se traduire par son efficacement réel du paysage, en le rendant vulnérable au remblaiement, au creusement de fossés [...] ou aux prélèvements d'eau. » Cela montre bien qu'on ne peut pas détacher la dimension technique des données de la dimension politique de leur usage. Le traitement de l'information est un continuum politique.

L'hydrographie est sociale et politique (source : Messager & al., 2024).
 

Pour compléter

« Une cartographie inédite des cours d’eau officiels pointe les incohérences de la réglementation » (The Conversation).

« A cause d’une cartographie incohérente», les ruisseaux poussés dans le fossé » (Libération).

« Quand le gouvernement et la FNSEA redessinent la carte des cours d’eau » (Reporterre).

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