La carte, objet éminemment politique. Les manifestations « No Kings » aux États-Unis et dans le monde


Des millions d'Américains ont manifesté le samedi 18 octobre 2025. Rassemblées autour du mot d’ordre « No Kings » (Pas de rois), environ 7 millions de personnes, selon les organisateurs, ont défilé pour dénoncer le pouvoir autoritaire du président Donald Trump. Plus de 2 700 rassemblements se sont tenus dans les grandes villes américaines ainsi que dans des petites villes du centre des États-Unis, et des bourgades d’Etats républicains. Le mouvement de contestation s'est également étendu à quelques grandes villes en Europe. 

L'appel à l'action a été lancé à partir d'une carte publiée sur le site No Kings, largement diffusée sur Internet et dans les journaux. Les cartes de manifestations jouent souvent un rôle central dans la naissance et la propagation des mouvements sociaux, en raison du fait qu’elles sont conçues dès le départ pour être diffusées et reproduites à la fois par les médias et par les sites Internet. Ces cartes, souvent associées à des textes, des images ou des slogans, participent d’une forme de contre-pouvoir, voire de contre-culture. De la carte-slogan à l'action politique, voyons comment cette carte a circulé dans les médias et sur les réseaux sociaux et comment elle peut être interprétée en lien avec d'autres symboles.

I) Au départ, une simple carte d'appel à l'action

La carte publiée sur le site No Kings est assez classique. Elle s'inscrit dans le répertoire d'actions utilisé aujourd'hui pour sensibiliser l'opinion publique et encourager à l'action. Il s'agit, pour les organisateurs, de répertorier les lieux prévus de manifestations plusieurs jours ou semaines avant qu'elles n'aient lieu. Elle a vocation au départ à informer pour trouver le lieu de rassemblement le plus proche de chez soi. Plus de 2500 rassemblements, réunions ou événements sont annoncés le 14 octobre dans 1700 villes des États-Unis. Même si cette « protest map » relève seulement d'un appel, elle a vocation à mobiliser un maximum de manifestants contre la politique autoritaire de Trump, y compris en Europe. L'accumulation de gros points sur la carte accrédite l'idée d'un mouvement d'ampleur.

La carte d'appel à l'action sur le site No Kings - 2500 lieux de manifestation prévus le 14 octobre 2025



La mobilisation « No Kings » du 18 octobre s'inscrit dans une certaine continuité puisqu'il s'agit d'une deuxième journée de manifestation. Les premiers rassemblements No Kings ont eu lieu le 14 juin en réponse à un défilé militaire que Trump avait prévu pour le 250e anniversaire de l'armée américaine et son 79e anniversaire. Selon les estimations, la première manifestation avait réuni entre 2 et 4,8 millions de personnes au cours de 2 150 actions à l'échelle nationale. Elle était déjà elle-même supérieure aux manifestations « Hands Off » du 5 avril, qui avaient également  mobilisé un nombre important de personnes, entre 919 000 et 1,5 million de personnes.

Il convient de noter que, par rapport à la première carte qui comptait 2 000 points de rassemblement, la nouvelle carte en compte 500 de plus. Il s'agit de montrer que le mouvement de contestation prend de l'ampleur. Cette nouvelle vague de manifestations survient dans un contexte de frustration croissante et d'opposition généralisée à la répression militaire du président Trump contre les villes dirigées par les démocrates à travers l'Amérique. Autre point de différence : lors de la manifestation du 14 octobre, la décision d'organiser des événements No Kings dans toutes les villes sauf Washington D.C correspondait au choix délibéré de mettre l'accent sur le contraste par rapport aux cérémonies officielles (cf forme de contre-événement) et de ne pas donner à l'administration Trump l'occasion d'attiser le conflit et de le mettre en avant. Lors de la manifestation du 18 octobre, toutes les villes sont concernées y compris Washington D.C.

La carte interactive « No Kings » n'est pas particulièrement intéressante en soi, si ce n'est comme visualisation de l'ampleur géographique du sentiment anti-Trump aux États-Unis. Il s'agit en apparence d'une simple carte interactive indiquant les lieux des manifestations contre l'autoritarisme croissant de l'administration Trump. Pourtant si on l'observe de plus près, on s'aperçoit qu'elle donne lieu à quelques variations. Ainsi en Europe notamment pour Londres, Madrid, Porto ou Stockohlm, le slogan "No Kings" a été remplacé par "No Tyrants" ou "No Dictators", de manière à élargir la contestation à toute forme de pouvoir autoritaire voire dictatorial. Le trumpisme ne concerne pas que les États-Unis. La montée de l'autoritarisme et la restriction des libertés concernent beaucoup d'autres pays dans le monde. Ce qui ferait de l'Amérique un symbole d'un mouvement de contestation beaucoup plus large à l'échelle mondiale.

La carte d'appel à l'action sur le site No Kings pour la partie Europe - "No Tyrants, No Dictators"


II) Le message et sa diffusion sur les réseaux sociaux

A l'heure d'Internet et des réseaux sociaux, la carte entend faire passer un message. Elle n'est pas seulement destinée à informer sur les lieux de rassemblement les plus proches. Elle a vocation à être reprise et diffusée sur les réseaux sociaux. On la retrouve aux côtés d'autres images ou slogans destinés à renforcer le message. 

La carte des rassemblements accompagnée du slogan "No Thrones, No Crowns, No Kings"
(« Pas de trônes. Pas de couronnes. Pas de rois »)



La diffusion de la carte est le fait d'activistes, mais aussi de simples manifestants ou sympathisants du mouvement. Cette diffusion est variable en fonction des réseaux sociaux et mériterait une étude plus poussée. On remarque par exemple une diffusion bien moindre sur le réseau Twitter contrôlé par Elon Musk, proche du président républicain.

Ces rassemblements, nés à Portland avant de s’étendre au pays entier, marquent le retour d’une opposition organisée. "Les démocrates montrent enfin de la colonne vertébrale", souligne Ezra Levin, cofondateur du mouvement Indivisible (une carte recense les nombreuses actions conduites par ce groupe). Plus de 200 organisations se sont engagées comme partenaires des manifestations du 18 octobre ; aucune n'a abandonné par crainte d'une réaction négative de Trump. L'Union américaine pour les libertés civiles (American Civil Liberties Union), association de défense des droits civiques, est partenaire, tout comme le groupe de défense Public Citizen. Des syndicats, dont la Fédération américaine des enseignants (American Federation of Teachers) et le SEIU, font partie de la coalition. Le nouveau mouvement de protestation 50501, né auparavant d'un appel à manifester dans les 50 États sur une seule journée, est également partenaire. Parmi les autres partenaires figurent la Human Rights Campaign, MoveOn, United We Dream, la League of Conservation Voters et Common Defense.

III) Le traitement de l'information par les médias

Les médias ont également relayé la carte publiée par le site No Kings. Mais à la différence des réseaux sociaux, ils ne reprennent pas la carte telle quelle. Afin d'éviter de servir de relais de propagande et sans doute aussi par souci d'assurer un traitement de l'information, les médias proposent en général des versions reconstruites à partir des données fournies par le site officiel No Kings, qui reste malgré tout la source des données. Cela peut aller de la simple carte par points afin de conserver une certaine neutralité ou lisibilité de l'information jusqu'à un traitement plus poussé mettant en lumière les hauts-lieux de la contestation. Ce faisant, le but des organisateurs de voir largement circuler le message via les medias est en partie atteint. 

Le journal The Guardian diffuse une carte par points uniformes en ajoutant quelques noms faisant ressortir les zones concentrant le plus de rassemblements. Le message se veut assez neutre, nonobstant le titre qui ne prend pas la précaution de mentionner qu'il s'agit seulement des lieux prévus pour les rassemblements. 

« Les manifestations No Kings aux États-Unis » (source : The Guardian)


La chaîne d'information CNN s'en tient à une carte également assez minimaliste indiquant le nombre de manifestations prévues par comté, ce qui a tendance à uniformiser l'information à l'échelle du territoire. Les cercles sont pourtant proportionnels au nombre d'événements (de 1 à 30). Mais ils sont de taille beaucoup plus petite que sur la carte du site officiel No Kings. Sous la carte est ajoutée une note : « L'ampleur et la portée de chaque événement prévu sont inconnues et le site web du groupe indique qu'il s'engage à mener une action non violente ». De fait, CNN semble avoir conscience du risque de répression et de la peur éventuelle que peut inspirer ce type de carte (d'où aussi la volonté de neutraliser le message et de lisser l'information).

« Des manifestants se rassemblent contre l'administration Trump lors d'événements No Kings  à travers le pays » (source : CNN)


A partir des mêmes données, Axios propose une carte rapportant le nombre d'événements par ville (voir la carte déjà réalisée pour la manifestation du 14 juin). On y voit ressortir les grandes métropoles du Nord-Est et de la côte ouest des États-Unis qui ont voté contre Trump, mais aussi des villes de rang plus modeste.

« Rassemblements, réunions et événements de mise en visibilité No Kings prévus le 8 octobre 2025 » (source : Axios)


On retrouve parmi les lieux de rassemblement les places symboliques de défense des droits civiques, notamment Grant Park à Chicago, ville surveillée par la Garde nationale et où la mobilisation est particulièrement forte. « Même dans les villes où les troupes sont déployées, des millions de personnes devraient manifester contre le président dans le cadre d'une 2e manifestation... Nous ne nous laisserons pas intimider » (The Guardian).

IV) De la carte-slogan à son interprétation par rapport à d'autres symboles

Les Républicains ont décrié les manifestations No Kings en tant que « rassemblements de haine contre l'Amérique », en les assimilant à des terroristes ou au mouvement antifa (voir le témoignage de Mark Bray, menacé de mort pour ses travaux sur l’antifascisme et qui a fui les États-Unis pour l'Europe). Les manifestants ont répliqué avec des panneaux « We love America » comme symbole de défense de la liberté et de la démocratie ou encore « l'Amérique appartient à son peuple et non aux rois ». À Austin (Texas), le gouverneur Greg Abbott a déployé la Garde nationale, la division des Texas Rangers, des policiers d'État et le Département de la sécurité publique du Texas avant le rassemblement, avec le soutien d'avions et d'autres moyens tactiques. Il a déclaré dans un communiqué que « la violence et la destruction ne seront jamais tolérées au Texas » et qu'il avait donné l'ordre à tous les agents des forces de l'ordre et à toutes déployé toutes les ressources nécessaires pour assurer la sécurité des habitants ». Cette décision a suscité de vives critiques de la part des Démocrates. 

Face à l'administration Trump qui souhaite réprimer les manifestations, le mouvement No Kings entend montrer qu'il s'agit de la « plus grande manifestation pacifique de l'histoire américaine ». Des manifestants ont rempli Times Square à New York, où la police a déclaré n'avoir procédé à « aucune arrestation liée aux manifestations », alors même que plus de 100 000 personnes se sont rassemblées pacifiquement dans les cinq arrondissements. De l'avis général, les manifestations étaient essentiellement festives, avec souvent des personnages gonflables et des manifestants costumés. La foule, d'une population diversifiée, comprenait des parents poussant des enfants en poussette, des retraités et des personnes accompagnées d'animaux de compagnie. Les manifestations reflètent le malaise croissant de nombreux Américains face à des événements tels que les poursuites pénales contre les ennemis politiques perçus de Trump, sa répression militarisée de l'immigration et l'envoi de troupes de la Garde nationale dans les villes américaines - une mesure qui, selon Trump, visait à lutter contre la criminalité et à protéger les agents de l'immigration.


Par son pouvoir performatif, la carte est à interpréter conjointement avec d'autres symboles brandis pendant les manifestations. Dans les dessins et caricatures, on trouve de nombreuses références à la Déclaration d'indépendance de 1776, événement fondateur de la constitution et de la démocratie américaine.

« Trump et Johnson ignorent clairement l'histoire américaine. No Kings par Rob Rogers - Tinyview (©)


Lors des manifestations à travers les États-Unis, certains manifestants portent du jaune – un symbole d’unité et une référence à d’autres mouvements de résistance non violente, selon les organisateurs. « Tout au long de l'histoire, les personnes qui se sont rassemblées pour protester contre les régimes autoritaires ont utilisé une couleur facilement reconnaissable parmi des milliers de personnes », peut-on lire sur un tract publié sur le site web No Kings. « Le jaune est un rappel éclatant et sans équivoque que des millions d'entre nous sommes unis par la conviction que l'Amérique appartient à son peuple, et non aux rois ». Le site du mouvement évoque également Hong Kong, où les manifestants portaient des parapluies jaunes, déclarant que les rubans jaunes sont des symboles d'espoir, de responsabilité et de réforme. Le mouvement des rubans jaunes des Ukrainiens est un signe de résistance à l'agression russe. On pourrait aussi faire allusion au mouvement des Gilets jaunes, bien que la symbolique soit quelque peu différente. Partout en Europe, des manifestations ont également eu lieu à Berlin, Madrid et Rome, en signe de solidarité avec leurs homologues américains. À Londres, plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés devant l'ambassade des États-Unis.

L'idée de porter des costumes d'animaux gonflables farfelus lors des manifestations a fait son chemin après que Seth Todd, un membre de la communauté mexicaine d'Amérique, a été aspergé de gaz lacrymogène par un agent fédéral alors qu'il portait un costume de grenouille gonflable lors d'une manifestation devant un centre de l'ICE à Portland, dans l'Oregon. Banderoles géantes, fanfares et pancartes ont envahi les rues. Une immense bannière reprenant le préambule de la Constitution américaine a circulé pour être signée, symbole d’un sursaut civique et d’une réaffirmation démocratique face à la concentration du pouvoir (voir les images des manifestations populaires relayées par The Guardian). 

Sur son réseau Truth Social, Donald Trump a repris à son compte le statut de roi dénoncé par les manifestants dans plusieurs vidéos générées par l'intelligence artificielle. Sur une vidéo, il s'imagine en Tom Cruise à bord de son avion de chasse - siglé King Trump - comme dans Top Gun. Alors que la bande originale du film résonne, Donald Trump survole les manifestants sur lesquels il largue un liquide brun qui ressemble à de la boue ou à des excréments. De son côté, Scared Ketchup a composé le clip  No Kings 2.0 en soutien aux manifestants (On ne s'arrêtera pas tant que la liberté n'aura pas sonné. Pas de rois ! Pas de couronnes ! Pas de trônes ! Hors de question !).

Seth Abramson a réuni plus de 250 photographies lors de la 1ère manifestation « No Kings » du 14 juin 2025. Son but est de rassembler le plus grand nombre possible de photos de foules lors des manifestations qui ont lieu aux États-Unis, mais aussi dans le monde. Ces photos sont accessibles à travers une interface cartographique qui permet de les consulter par lieux. Une performance artistique a été réalisée sous la forme de banière humaine reproduisant le slogan « No Kings » sur la plage de San Francisco lors de la manifestation du 14 juin. La performance a été renouvelée le 18 octobre avec le slogan « No Kings Yes On 50 », en référence à la California proposition 50, un amendement constitutionnel visant à revoir le découpage électoral. La proposition, si elle est votée, entraînerait l'entrée en vigueur de la loi sur la lutte contre la fraude électorale, qui permettrait à l'État de Californie d'utiliser un nouveau découpage électoral établi par la législature pour les élections de 2026, 2028 et 2030. Les Démocrates souhaiteraient compenser le récent redécoupage électoral du Texas par les changements proposés en Californie.

Bannière humaine réalisée à Ocean Beach (San Francisco) le 14 juin (source : Seth Abramson)


La même performance artistique réalisée le 18 octobre avec le slogan « No Kings Yes On 50 »

Selon l'étude d'Erica Chenoweth, Soha Hammam, Jeremy Pressman et Christopher Wiley Shay qui ont analysé les données à partir de décompte de foules de manifestants, les manifestations « No Kings » pourraient bien faire partie des plus grandes journées de protestation de l’histoire des États-Unis. Le nombre de participants et l’étendue géographique des manifestations sont des signes de l’opposition populaire persistante à la deuxième administration Trump. Leurs estimations suggèrent qu'entre 2 et 4,8 millions de personnes ont participé à plus de 2 150 actions à l'échelle nationale lors de la journée du 14 juin. 

Avec 7 millions de personnes (estimations), la 2e journée de manifestation organisée le 18 octobre constitue une mobilisation encore plus importante. « Alors que l'attention des médias se concentre souvent sur les acteurs qui se plient aux exigences de Trump, dans la rue, le mouvement de protestation populaire continue de s'opposer à l'administration avec une persistance notable au fil du temps [...]. La mobilisation populaire par la protestation ne constitue ni l'intégralité de l'opposition à l'administration Trump, ni ne suffit à elle seule à imposer un changement. Pourtant, historiquement, le grand public, de concert avec d'autres acteurs sociétaux tels que les opposants politiques, les avocats, les syndicats et les tribunaux, continuera probablement à jouer un rôle crucial aux États-Unis et ailleurs dans la défense de l'État de droit et des normes démocratiques. » Dana Fisher, professeure à l'Université de Washington DC et autrice de plusieurs livres sur l'activisme américain, estime que les marches du 18 octobre pourraient constituer l'une des plus grandes manifestations de l'histoire récente des États-Unis. Pour elle, ces manifestations « ne vont pas changer la politique de Trump, mais elles pourraient enhardir  à tous les niveaux les élus qui s'opposent à Trump ». Un vent de résistance se lève, sera-t-il durable ?

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Utiliser l’outil de cartographie infracommunale de l’INSEE


Un outil de visualisation très pratique

L'outil de cartographie infracommunale de l'Insee permet de visualiser des données fines à l'échelle des ilots Iris et des données carroyées de 200m et 1km de côté pour l'ensemble du territoire français (hexagone et outre-mer). Cet outil est très pratique dans la mesure où il évite d'avoir à télécharger les données. Il fournit un outil de visualisation directe et permet de croiser avec d'autres informations, notamment l'implantation des principaux équipements des communes dans les domaines de la santé, de l’enseignement ou du commerce.

Outil de cartographie infracommunale (source : Insee)



Les cartes proposées représentent des données issues du recensement de la population, de la source Filosofi et de la base permanente des équipements : population par âge, par lieu de résidence, part des ménages pauvres, niveau de vie des individus, équipements et services accessibles à la population. L'outil sera enrichi ultérieurement d'autres indicateurs et sources de données.

Exemples d'utilisation

Cela reste un visualisateur : il n'est pas possible de choisir les couleurs des symboles ni de seuiller les données (pour cela il vaut mieux utiliser l'outil Statistiques locales proposé par l'INSEE). Malgré tout, les exemples ci-dessous montrent tout l'intérêt de pouvoir croiser des informations issues de différentes bases de données. 

Part des personnes âgées de 65 ans ou plus et implantation des médecins généralistes en France (source : INSEE)



Part des ménages pauvres et implantation des collèges à Marseille (source : INSEE)



Part de la population diplômée du supérieur et psychologues à Lyon (source : INSEE)



Documentation sur les Iris et les données carroyées

Cartographier les inégalités en France à partir des données carroyées de l'INSEE

L'inégale accessibilité financière au logement au sein des régions de l'Union européenne (projet House4All - Espon)


Le projet de recherche européen « Accès à un logement abordable et de qualité pour tous » (House4All) propose des données immobilières qui mettent en évidence la crise du logement ainsi que l'inégale accessibilité au logement en fonction des pays et des régions de l'UE.

Le projet House4All et son contexte

L'Europe est actuellement confrontée à une crise du logement, car de plus en plus de personnes peinent à faire face à la hausse du coûts des loyers. C'est particulièrement vrai dans les grandes villes, où de nombreuses personnes rencontrent des difficultés. Dans l'UE, les prix des logements ont augmenté plus vite que les revenus ces dernières décennies. La pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine ont aggravé la situation et, à court et moyen terme, l'insécurité du logement et les difficultés économiques pourraient s'accentuer. Il est donc difficile pour les habitants de payer leur logement, et certains risquent même d'être expulsés et de se retrouver sans abri. Globalement, la pénurie croissante de logements abordables dans un grand nombre d'États membres est un facteur indéniable d'aggravation des inégalités, qui devient par conséquent une préoccupation majeure pour la poursuite des objectifs de cohésion territoriale.

Le projet de recherche européen « Accès à un logement abordable et de qualité pour tous » (House4All) vise à fournir une vue d'ensemble complète et comparative de la mise en œuvre des politiques de logement et à élaborer une définition exhaustive de l'accessibilité au logement à l'échelle de l'UE, en tenant compte d'un large éventail d'indicateurs et de la diversité des territoires européens et de leurs spécificités. Par ailleurs, le projet étudie et cartographie les politiques publiques actuelles en matière de logement abordable et de qualité en Europe. Il met en évidence leur degré de coordination à différents niveaux géographiques et d'intégration dans les politiques d'aménagement du territoire et de développement territorial, ainsi que leur alignement sur les stratégies de développement territorial.

Sélection des données

Actuellement, il n'existe pas de données systématiques à l'échelle européenne sur l'accessibilité au logement à l'échelle régionale, issues de sources de données traditionnelles. Les auteurs du projet se sont donc tournés vers la collecte de données web pour obtenir une indication des coûts du logement, tant à l'achat qu'à la location. L'accessibilité financière étant également une question de revenu, ils ont complété les données collectées par scraping avec des sources de données traditionnelles afin de calculer plusieurs indicateurs d'accessibilité financière. Cette approche permet ainsi de produire une carte paneuropéenne de l'accessibilité financière au logement.

Les cartographies d'accessibilité financière qui sont proposées dans le cadre du projet s'appuient sur deux sources principales : les annonces immobilières collectées par scraping web et les données administratives sur les revenus obtenues auprès d'Eurostat. L'unité spatiale d'analyse est la région NUTS 3. Les prix sont des moyennes par région, calculées à partir d'un ensemble de données collectées le 7 mars 2024.

Après nettoyage des données (suppression des valeurs aberrantes et des annonces incomplètes), le revenu est estimé à partir du PIB par habitant en euros, qui apparaît actuellement comme le meilleur indicateur disponible de manière constante au niveau NUTS3. Il convient de noter que les données sont actuellement lacunaires pour la Slovénie, la Finlande, la Hongrie et la Lituanie, mais elles seront bientôt disponibles dans leur intégralité. Les territoires ultramarins sont également incomplets.

Analyse des résultats

La carte ci-dessous synthétise les résultats de manière provisoire (work in progess). Plusieurs étapes doivent être vérifiées avant une version finale (nettoyage et harmonisation des données, données manquantes à compléter). Malgré tout, la carte permet de mettre en évidence des écarts significatifs à l'échelle européenne, nationale et locale.

Pourcentage du revenu mensuel nécessaire pour louer 100 m² par région européenne (source : House4All)



La Pologne, la Bulgarie et la Roumanie semblent présenter des niveaux d'accessibilité très faibles, ce qui pourrait s'expliquer par le caractère restreint du marché locatif dans ces systèmes de logement. Les régions entourant des capitales telles que Paris, Berlin, Lisbonne et Madrid sont souvent moins abordables que le reste du pays. De plus, les régions côtières ont tendance à être moins abordables que les régions de l'intérieur, notamment en Espagne et en France. En Italie, on observe une différence substantielle entre la côte ouest et la côte est.

Les zones rurales et périphériques présentent un marché immobilier moins dynamique, avec des durées d'annonces de vente plus longues, ce qui peut indiquer une inadéquation entre l'offre et la demande, dans certains cas liée à des défis structurels tels que le déclin démographique, les pénuries de main-d'œuvre et une offre de services limitée.

Il convient de rapporter ces écarts à la part des propriétaires qui varie grandement d'un pays à l'autre de l'UE. Ainsi la Pologne connaît des loyers très élevés, mais une grande partie de la population est déjà propriétaire de son logement (plus de 80%), ce qui n'est pas le cas de l'Allemagne où les loyers sont moins élevés mais concernent plus de personnes (moins de 50% des Allemands sont propriétaires). La France occupe une position médiane.

Le rapport House4All-Espon contient d'autres cartes qui permettent de rapporter l'effort financier à la part de salaire et au nombre d'années nécessaires pour acheter un logement :

Un logement pour tous : Accès à un logement abordable et de qualité pour tous (Rapport House4All - Espon) à télécharger en anglais.

Dynamiques du marché immobilier en Europe - Suivi de la durée des annonces pour les locations et les ventes au niveau local

Portail de données et de connaissances ESPON

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L’inégale abordabilité du logement dans les villes européennes (Cybergéo)

Un quart des ménages en France vivent dans un logement en sous occupation très accentuée

Données géospatiales de recensement agricole à l'échelle de l'Europe (Eurostat)


Eurostat, le site de statistiques officielles de l'Union européenne, poursuit sa publication de données par mailles d'1 km² à travers son application cartographique GridViz. Cette fois, il ne s'agit pas de données de population, mais de données agricoles acquises dans le cadre de l'Enquête européenne sur la structure des exploitations agricoles (ESEA).

Pourquoi ces statistiques sont-elles utiles ?

Les données géospatiales du recensement agricole fournissent des informations sur la localisation géographique des exploitations, par exemple l'emplacement des principaux bâtiments, le lieu d'exercice des principales activités ou le village le plus proche. Elles offrent également des informations plus détaillées sur la structure et le nombre d'exploitations, les surfaces cultivées, le cheptel ou la main-d'œuvre agricole. Ceci est très utile pour les utilisateurs qui souhaitent analyser ces données à des niveaux de résolution spatiale élevés.

Données géospatiales de recensement agricole au niveau de l'UE (source : Eurostat)



Pourquoi sagit-il de données expérimentales ?

Les données de localisation des exploitations agricoles sont collectées via l'Enquête européenne sur la structure des exploitations agricoles depuis 2010. La publication des données de grille, qui fournissent des informations sur un ensemble de variables telles que les cultures, l'élevage, l'irrigation et l'agriculture biologique, n'a pas été possible en raison de l'absence d'une méthodologie harmonisée appliquant un traitement de confidentialité et produisant des indicateurs fiables à l'échelle européenne. Les informations relatives aux exploitations agricoles ne peuvent être divulguées dans une grille à une résolution de 1 km que si celle-ci contient plus de 10 exploitations.

Afin de rendre les données géospatiales du recensement agricole accessibles aux utilisateurs, une nouvelle méthode a été développée pour garantir qu’aucune information confidentielle provenant d’une unité statistique individuelle ne soit divulguée. Les données sont expérimentales car il s’agit de la première tentative de publication de données géospatiales issues du recensement agricole à l’échelle européenne.

Comment sont-elles produites ?

Basée sur l'approche Quadtree (une méthode visant à conserver à la fois la précision et la confidentialité des données), une grille multirésolution est produite à partir des données du recensement agricole. Cette approche a été développée par Eurostat en collaboration avec le Centre commun de recherche. La grille contient des données géoréférencées d'une taille minimale de 1 km, imbriquées dans des grilles de résolution croissante, par exemple de 5 km, 10 km, 20 km, 40 km ou 80 km. La taille des cellules de la grille varie en fonction du respect des aspects de confidentialité statistique, tels que le seuil et la règle de concentration. Cette méthode garantit également la qualité des indicateurs en évaluant que le coefficient de variation estimé ou l’erreur standard relative se situe en dessous d’un niveau acceptable.

Pour plus de détails, veuillez consulter le note méthodologique ou les articles scientifiques publiés dans le Journal of Geographical Systems and Earth System Science Data.

Accès aux cartes et aux données

Les statistiques expérimentales sont présentées sous forme de carte statistique interactive et visualisées dans l'outil GridViz, conçu par le Système d'information géographique de la Commission (GISCO)

Pour télécharger les données, vous pouvez sélectionner l'ensemble complet de données ou choisir parmi des jeux de données individuels (taille de l'exploitation, zone agricole, agriculture biologique, terres irrigables, bétail, main d'oeuvre, âge du manager, formation de chef d'exploitation agricole, écart entre les sexes). 

Les données d'enquête ESEA pour la France sont disponibles sur Agreste. La taille totale de l’échantillon est comprise entre 60 et 80 000 exploitations agricoles tirées dans les 416 000 recensées en 2020 toujours actives et dans la population des exploitations agricoles créées depuis. En 4 ans, la France a perdu 40 000 exploitations. Il ne reste plus, en France métropolitaine, que 349 600 exploitations agricoles en 2023 : 40 000 de moins qu’en 2020 et 314 000 de moins qu’en 2000. L’effectif a fondu de 10,3% entre 2020 et 2023, affectant les micro-exploitations et dans une moindre mesure les petites, moyennes et grandes structures, et davantage l’élevage côté Otex. Avec une SAU moyenne de 93 ha, l’agrandissement se poursuit, tout comme le recours aux salariés et aux prestataires extérieurs.

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Image, le générateur de cartes statistiques d'Eurostat

EuroCrops, un ensemble de données harmonisées et en open data sur les parcelles cultivées au sein de l'UE

Estimation du PIB agricole à l'échelle mondiale sur une trame de 10x10km²

Publication des résultats du recensement agricole 2020

Un Atlas de la PAC pour une autre politique agricole commune

Cartes et données sur l'occupation des sols en France (à télécharger sur le site Theia)

Données et cartes sur l'artificialisation des sols en France

Carte de l'utilisation des pesticides en France

Étudier les mobilités en France à partir de données récentes (Statistiques locales de l'INSEE)


Le site Statistiques locales de l'INSEE permet de réaliser ses propres cartes de mobilité à partir de données récentes, à travers différents indicateurs (flux domicile - lieu de travail, flux domicile - lieu d'étude), mais aussi en fonction des modes de déplacement (voiture, vélo, transports en commun), sans oublier également les mobilités résidentielles qui peuvent être appréhendées à différentes échelles (par communes, départements ou régions). 

Voici pour commencer la carte des flux domicile - lieu de travail qui polarisent en grande partie le territoire. Elle dessine le contour des grandes aires d'attraction en France. Sur le site de l'INSEE, il est possible de zoomer sur un territoire pour appréhender la polarisation urbaine à différentes échelles.

Flux domicile-lieu de travail en 2022 (source : Statistiques locales de l'INSEE)


Schéma des mobilités par voiture à l'échelle de la région lyonnaise (source : Statistiques locales de l'INSEE)


Schéma des mobilités par voiture à l'échelle de La Réunion (source : Statistiques locales de l'INSEE)



Par comparaison, voici les flux domicile-lieu d'étude. La polarisation est également forte, bien que les élèves ou les étudiants aient tendance à rejoindre l'établissement scolaire ou l'université la plus proche.

Flux domicile-lieu d'étude en 2022 (source : Statistiques locales de l'INSEE)


Les données INSEE permettent aussi de comparer par modes de transport. Ici par exemple la voiture qui domine encore largement les déplacements domicile-travail (moyenne de 69,5% à l'échelle de la France avec des communes rurales ou péri-urbaines pouvant dépasser 82%). La voiture reste majoritaire pour les déplacements domicile-travail, même pour de courtes distances. Le trajet médian domicile‑travail a augmenté de moitié en vingt ans pour les habitants du rural. Sur le site, il est possible de croiser ces données avec la part des ménages ayant au moins une voiture (81,2% en moyenne). 

Part des actifs qui utilisent principalement une voiture pour aller travailler en 2022
(source : Statistiques locales de l'INSEE)


Par comparaison, la part du vélo pour les déplacements domicile-lieu de travail reste encore faible (3,3% à l'échelle nationale). Elle concerne surtout les villes-centres où la part peut dépasser 30% des déplacements. Même si beaucoup de villes font des efforts aujourd'hui pour développer leur réseau cyclable, on note des écarts importants. Certaines villes moyennes enregistrent des hausses spectaculaires.

Part des actifs qui utilisent principalement un vélo (y compris assistance électrique) pour aller travailler en 2022
(source : Statistiques locales de l'INSEE)


Les transports en commun irriguent davantage le territoire, laissant en creux les zones moins urbanisées. La part moyenne de 15,2% à l'échelle nationale ne signifie pas grand chose. Au sein des grandes métropoles, la part peut aller de 27 à 65%. Ce sont les grandes métropoles qui ont la capacité de développer des réseaux importants de transports en commun, les villes de rang inférieur ayant souvent un réseau moins étendu.

Part des actifs qui utilisent principalement les transports en commun pour aller travailler en 2022
(source : Statistiques locales de l'INSEE)


L'application cartographique du site Statistiques locales de l'INSEE permet de réaliser d'autres cartes de flux, notamment sur les mobilités résidentielles. On peut croiser avec d'autres types de données.

Flux de migration résidentielle en 2022 à l'échelle des départements (source : Statistiques locales de l'INSEE)



Accès aux données pour effectuer des traitements ou les utiliser dans une autre application cartographique (type Magrit ou QGis) : 

On peut exporter les tableaux de données directement à partir du site Statistiques locales de l'INSEE en cliquant sur l'onglet Tableau, puis sur le menu Actions --> Exporter.

Pour des données plus précises sur les déplacements communes de résidence / communes de travail, il convient d'aller directement sur le site de l'INSEE. La base de données concernant les mobilités professionnelles contient 32 variables. Il est possible d'étudier les mobilités en fonction du sexe, de l'âge, du niveau d'études, du statut professsionnel, du mode de déplacement (voiture, vélo, transports en commun mais aussi la marche qui reste un mode de déplacement urbain important et que l'on peut étudier à l'échelle des arrondissements pour les grandes villes). L'INSEE fournit la liste des variables dans un fichier pdf.

Pour compléter

Le tableau de bord des mobilités durables fournit un accès simple et rapide à des indicateurs territorialisés de mobilité en cohérence avec les objectifs locaux de transition écologique afin de permettre aux acteurs de la mobilité de suivre les politiques de décarbonation des transports mises en œuvre et d'identifier les leviers d’actions pouvant être mobilisés : report modal, mobilité partagée, verdissement du parc automobile, modération de la demande, etc. La liste des indicateurs intégrés dans l’application est téléchargeable depuis le tableur Grist du site.

Lien ajouté le 14 octobre 2025

Carte pas inintéressante sur l'opposition est/ouest à Paris en ce qui concerne les usages respectifs auto/vélo A relativiser malgré tout car ce n'est ni l'auto ni le vélo qui arrivent en premier dans la plupart des arrondissements mais les transports en commun www.insee.fr/fr/statistiq...

[image or embed]

— Sylvain Genevois (@mirbole01.bsky.social) 11 octobre 2025 à 14:26

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Comparaison entre l'INSEE Statistiques locales et l'Observatoire des Territoires : deux sites de cartographie en ligne complémentaires

Galligeo, un outil en ligne pour géoréférencer les plans et cartes de Gallica


Le consortium Huma-Num Projets Time Machine (PTM) propose Galligeo, une application web qui permet de géoréférencer les cartes anciennes du site Gallica (BnF). 

Fruit d’un partenariat entre le BNF Datalab, Gallica, Huma-Num (CNRS) et le consortium PTM,  Galligeo, c’est :

  • la possibilité de contribuer sans compte ou, pour les chercheurs, via une connexion ORCID,
  • un outil ouvert à toutes et tous : chercheurs, enseignants, étudiants mais aussi grand public,
  • la constitution d’un fonds collaboratif de cartes et plans géoréférencés, librement consultables et réutilisables,
  • un dépôt simplifié sur Nakala pour assurer la pérennité et la citabilité des données,
  • la possibilité de créer et partager des atlas à partir des cartes géoréférencées.

    Interface de l'application en ligne Galligéo



Tutoriel vidéo sur Youtube 

D'autres projets tels Old Maps Online ou Chronoscope World visent à mettre à disposition des cartes géoréférencées en ligne. Le point commun de ces initiatives est de s'inscrire dans le cadre de  projets de science citoyenne.

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Géolocaliser les documents numérisés avec Gallicarte (BNF)


Données sur les bâtiments à l'échelle mondiale (Global Building Atlas)


GlobalBuildingAtlas est un jeu de données complet offrant une couverture mondiale des polygones de bâtiments (GBA.Polygon), des hauteurs (GBA.Height) et des modèles 3D de bâtiments de niveau de détail 1 (GBA.LoD1). Il s'agit du premier jeu de données ouvert à offrir des données de haute qualité, cohérentes et complètes sur les bâtiments, en 2D et 3D, à l'échelle mondiale. Ce jeu de données a été développé à l'aide de pipelines basés sur l'apprentissage automatique appliqués à l'imagerie satellite mondiale PlanetScope, offrant une résolution spatiale et une couverture sans précédent pour l'analyse des bâtiments.

Extrait de GlobalBuildingAtlas (GBA) sur Google Earth Engine

Le GlobalBuildingAtlas comble des lacunes critiques dans les bases de données mondiales existantes sur le bâtiment en fournissant des informations 3D complètes à l'échelle de chaque bâtiment, ce qui permet des applications en urbanisme, modélisation énergétique, évaluation des risques de catastrophe et recherche sur le changement climatique. Avec plus de 2,75 milliards de polygones de bâtiments dans le monde, ce jeu de données dépasse de plus d'un milliard le nombre de structures des bases de données mondiales existantes sur le bâtiment.

Avec plus de 2,75 milliards de polygones de bâtiments dans le monde, ce jeu de données dépasse de plus d'un milliard le nombre de structures des bases de données mondiales existantes sur le bâtiment. 

Visualisation des données sur Goggle Earth Engine :
https://sat-io.earthengine.app/view/gba

Référence :

Zhu, X.X., Chen, S., Zhang, F., Shi, Y., Wang, Y. (2025). GlobalBuildingAtlas : An Open Global and Complete Dataset of Building Polygons, Heights and LoD1 3D Models. Technical University of Munich (TUM). https://doi.org/10.14459/2025mp1782307

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Cartes et données sur la taxonomie urbaine en Europe


1) La taxonomie urbaine, qu'est-ce que c'est ?

La taxonomie urbaine est une classification du tissu bâti. Elle divise les villes en zones présentant des schémas urbains cohérents (architecture, agencement des bâtiments et des rues, compositions et configurations) et les relie par un arbre taxonomique. Ce dernier, à son tour, code les similarités entre les différentes zones. Cela permet de définir des morphotopes (les plus petites localités présentant un caractère distinctif par rapport à leurs voisines). Les trois premiers niveaux de la taxonomie sont nommés. La flexibilité de la hiérarchie permet de subdiviser une ville en plusieurs types selon vos préférences, de 2 (cohérent et incohérent) à des milliers, si vous le souhaitez. Vous pouvez consulter les noms et une brève description ci-dessous. Pour les visualiser, consultez la carte de Prague comme exemple.

Comparaison de Prague et Vienne à la même échelle (source : Urban Taxonomy)

Légende des morphotopes :

  • Tissu interconnecté cohérent (en jaune)
    Un tissu interconnecté cohérent est typique des centres-villes historiques, où les bâtiments forment un ensemble dense. Dans ce secteur, la densité bâtie et la connectivité des rues locales sont élevées, tandis que les distances entre les bâtiments restent relativement faibles. Les bâtiments partagent souvent des murs, formant ainsi des structures plus vastes avec des cours le long de rues relativement courtes et étroites.

  • Tissu adjacent dense et cohérent (en vert foncé)
    Dans un tissu adjacent dense et cohérent, la densité bâtie et la connectivité des rues locales sont élevées, tandis que les distances entre les bâtiments restent relativement faibles. Les bâtiments partagent souvent des murs, formant ainsi des structures plus vastes le long de rues relativement courtes et étroites.

  • Tissu disjoint dense cohérent (en vert clair)
    Le tissu urbain dense et disjoint, cohérent, présente une densité de construction modérée à élevée et une connectivité locale des rues, avec des rues plus longues et plus larges que celles des autres quartiers denses. Les murs mitoyens entre les bâtiments sont moins fréquents et les distances intra-bâtiment sont modérées, reflétant un schéma de structures autonomes au sein d'un réseau viaire robuste.

  • Tissu homogène incohérent à grande échelle (en bleu foncé)
    Le tissu urbain homogène et incohérent à grande échelle se compose de grands bâtiments présentant des variations modérées de taille et de forme, ainsi que d'une connectivité routière faible à modérée et de rues larges. L'environnement qui en résulte est spacieux, avec d'importants espaces ouverts entre les structures, typiques de l'habitat moderniste, et certaines zones présentent un degré d'homogénéité relativement élevé, dû aux principes d'urbanisme sous-jacents.

  • Tissu hétérogène incohérent à grande échelle (en bleu clair)
    Ce tissu hétérogène à grande échelle et incohérent se compose de bâtiments imposants présentant des variations notables de taille et de forme, ainsi que d'une connectivité routière faible à modérée et de rues larges. La conception ne privilégie pas l'ensoleillement, créant des configurations larges mais moins raffinées, typiques des zones industrielles et autres zones de services.

  • Tissu compact incohérent à petite échelle (en rouge)
    Ce tissu urbain compact et incohérent présente une densité de construction et une connectivité des rues faibles à modérées. Les bâtiments présentent un alignement cohérent entre eux et le long des rues de longueur, de largeur et de linéarité variables. On observe également un nombre important de murs mitoyens entre les structures, typiques des villages plus traditionnels.

2) Accès aux données

La classification couvre actuellement six pays (Autriche, Tchéquie, Allemagne, Lituanie, Pologne et Slovaquie), et d'autres seront bientôt disponibles. L'ensemble du parc immobilier est réparti géographiquement sur la base des régions NUTS1 (2024) .

Tous les éléments du travail s'appuient sur des logiciels et des données libres, le code et les données résultants étant librement accessibles. Le code, accompagné de la spécification d'un environnement reproductible, est disponible sur github.com/uscuni/urban_taxonomy et archivé sur doi.org/10.5281/zenodo.17105270

Pour les données, voir la rubrique Données sur le site. Celles-ci sont disponibles au format parquet et json.

3) Article scientifique

Pour en savoir plus, lire l'article :

Martin Fleischmann, Krasen Samardzhiev, Anna Brázdová, Daniela Dančejová, Lisa Winkler (2025). The Hierarchical Morphotope Classification A Theory-Driven Framework for Large-Scale Analysis of Built Form [Classification hiérarchique des morphotypes : un cadre théorique pour l'analyse à grande échelle des formes bâties], arXiv:2509.10083, https://doi.org/10.48550/arXiv.2509.10083

L'environnement bâti, composé d'une multitude de modèles de bâtiments, de rues et de parcelles, influence profondément la perception et le fonctionnement des villes. Bien qu'il existe différentes méthodes de classification des modèles urbains, elles manquent souvent de fondement théorique solide, ne sont pas extensibles au-delà de l'échelle locale ou sacrifient le détail à une application plus large. Cet article présente la Classification Hiérarchique des Morphotopes (HiMoC), une méthode novatrice, théorique et évolutive de classification du bâti. HiMoC opérationnalise le concept de morphotope – la plus petite localité dotée d'un caractère distinctif – grâce à une méthode de régionalisation sur mesure SA3 (Spatial Agglomerative Adaptive Aggregation), afin de délimiter des localités contiguës et morphologiquement distinctes. Celles-ci sont ensuite organisées selon un arbre taxonomique hiérarchique reflétant leurs dissimilarités, basé sur le profil morphométrique des bâtiments et des rues extraits de données ouvertes. Cette classification permet une classification flexible et interprétable du tissu bâti, applicable au-delà de l'échelle d'un seul pays. La méthode est testée sur un sous-ensemble de pays d'Europe centrale, regroupant plus de 90 millions d'empreintes de bâtiments en plus de 500 000 morphotypes. Elle étend les capacités des analyses morphométriques disponibles, tout en offrant une perspective complémentaire aux produits de données à grande échelle existants, principalement axés sur l'occupation du sol ou la définition conceptuelle des types de tissus urbains. Cette méthode, fondée sur la théorie, reproductible, non supervisée et évolutive, facilite une compréhension fine de la structure urbaine et trouve de nombreuses applications en urbanisme, analyse environnementale et études socio-spatiales.

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Ségrégation socio-spatiale et mobilité humaine : une revue de données empiriques


Yuan Liao, Jorge Gil, Sonia Yeh, Rafael HM Pereira, Laura Alessandretti (2025). Socio-spatial segregation and human mobility : A review of empirical evidence [Ségrégation socio-spatiale et mobilité humaine : une revue des données empiriques], Computers environments and urban systems, 117, https://www.urbandemographics.org/publication/2025_ceus_segregation_and_human-mobility/

La ségrégation socio-spatiale désigne la séparation physique de différents groupes sociaux, économiques ou démographiques au sein d'un même espace géographique, entraînant souvent des inégalités d'accès aux ressources, aux services et aux opportunités. La littérature s'est traditionnellement concentrée sur la ségrégation résidentielle, examinant la répartition des lieux de résidence des individus selon différents attributs sociaux, tels que l'origine ethnique et le revenu. Cependant, cette approche néglige la complexité de la ségrégation spatiale dans les activités quotidiennes des individus, qui s'étend souvent bien au-delà des zones résidentielles. Depuis les années 2010, l'émergence de nouvelles sources de données sur la mobilité a permis une nouvelle compréhension de la ségrégation socio-spatiale en prenant en compte des activités quotidiennes telles que le travail, l'école, les courses et les loisirs. Des enquêtes traditionnelles aux trajectoires GPS, diverses sources de données révèlent que la mobilité quotidienne peut entraîner des niveaux de ségrégation spatiale différents de ceux observés pour la ségrégation résidentielle. Cette revue de la littérature se concentre sur trois questions cruciales : (a) Quels sont les points forts et les limites des recherches sur la ségrégation intégrant des données de mobilité exhaustives ? ​​(b) Quel est le lien entre les schémas de mobilité humaine et les niveaux de ségrégation résidentielle et ceux vécus par les individus ? et (c) Quels facteurs clés expliquent la relation entre les schémas de mobilité et la ségrégation vécue ? Notre revue de la littérature améliore la compréhension de la ségrégation socio-spatiale à l'échelle individuelle et clarifie les concepts fondamentaux et les défis méthodologiques du domaine. Elle explore les études portant sur des thèmes clés : la ségrégation, l'espace d'activité, la coprésence et l'environnement bâti. En synthétisant leurs résultats, les auteurs souhaitent proposer des pistes de réflexion concrètes pour réduire la ségrégation.

La ségrégation socio-spatiale de chaque individu est souvent mesurée de deux manières : en tant que résident (ségrégation résidentielle) et en tant que visiteur ou voyageur (ségrégation vécue). Une question importante est de savoir si la ségrégation vécue est inférieure ou supérieure à la ségrégation résidentielle. La littérature révèle des résultats contradictoires, indiquant que le déplacement hors des zones résidentielles peut entraîner des niveaux de ségrégation mesurés inférieurs ou supérieurs à la ségrégation résidentielle, variant considérablement selon les individus et les groupes. Des études basées sur des données GPS ont révélé que la ségrégation ressentie est influencée par le mode de vie des individus, tel que reflété par le type de lieux fréquentés au quotidien. Les modes de vie plus axés sur la socialisation, les week-ends de shopping et les sorties au café sont associés à une meilleure intégration sociale. En revanche, les personnes fréquentant les lieux de divertissement et les restaurants peuvent présenter des niveaux de ségrégation ressentie plus élevés, car ces lieux s'adressent à des groupes de revenus spécifiques, et leur coût ou leur contexte culturel peuvent exclure les personnes à faibles revenus. 

Les données montrent que les personnes résidant dans la même zone avec un logement et une accessibilité aux transports similaires peuvent avoir des niveaux de ségrégation ressentis différents en raison de la diversité de leurs exigences en matière d'activités et de leurs modes de vie. Les changements de mode de vie, tels que le télétravail, le commerce électronique, la livraison de repas, etc., peuvent influencer les niveaux de ségrégation ressentis par les individus. L'analyse de plus de 170 travaux de recherche révèle qu’une mobilité accrue permet aux individus d’être présents auprès de populations plus diverses, notamment en dehors de leurs quartiers résidentiels, offrant ainsi la possibilité de réduire le niveau de ségrégation ressentie. Les auteurs ont identifié plus de 70 études de référence utilisant des informations de géolocalisation issues de sources de données émergentes, telles que les dispositifs de localisation GPS, les GPS des téléphones portables, les enregistrements d'appels et les tweets géolocalisés, pour étudier la ségrégation socio-spatiale. 

L'abondance et la complexité des mégadonnées ont stimulé le développement de méthodes et d'outils analytiques innovants dans la recherche sur la ségrégation socio-spatiale. Par exemple, la théorie de l'homophilie de mobilité, confirmée dans de multiples régions, étend sa pertinence au-delà de la ségrégation résidentielle pour inclure les schémas de ségrégation des espaces d'activité. L'exploitation de sources de données émergentes permet d'intégrer de vastes données de géolocalisation de mobilité avec des données de réseaux sociaux, dévoilant des modèles auparavant inobservables à des échelles aussi fines. Les études utilisant des sources de données émergentes, telles que les applications mobiles et les services GPS, sont confrontées à quatre défis majeurs : les biais démographiques, l’échantillonnage inégal des lieux, l’association avec les données de recensement et la méthodologie de quantification de la ségrégation socio-spatiale.

Plusieurs études soulignent la corrélation entre les niveaux de ségrégation résidentielle et vécue, attirant l'attention sur le phénomène d'homophilie de mobilité. Généralement, le niveau de ségrégation d'un individu dans son espace d'activité est inférieur à celui mesuré dans son quartier résidentiel. Cependant, ces deux aspects ne sont pas nécessairement contradictoires. Les différences de richesse induisent des schémas de mobilité distincts. Dans les pays développés, les personnes ayant un statut socio-économique élevé pratiquent souvent des activités plus diversifiées et accèdent à divers lieux, ce qui dilue leurs niveaux de ségrégation vécue. À l'inverse, les personnes à faibles revenus ont généralement une mobilité plus localisée, intensifiant leurs niveaux de ségrégation vécue. Dans les pays en développement, l'effet inverse a été observé. Les différents groupes ethniques affichent des schémas de mobilité spécifiques, gravitant souvent vers des zones majoritairement occupées par leurs communautés ou y restant. 

Pour l'avenir, les auteurs préconisent trois axes de recherche essentiels, soulignant la nécessité d'une approche interdisciplinaire. Il s'agit notamment d'explorer la ségrégation vécue et de concevoir des explications spécifiques à chaque région. Premièrement, ils suggèrent que les approches spatiales d'activité alimentées par les mégadonnées géographiques soient intégrées à des sources de données supplémentaires quantifiant les systèmes de transport et les espaces urbains. Cette intégration permettrait une analyse plus complète des relations entre logement, accès aux transports, aménagement urbain et ségrégation individuelle vécue, maximisant ainsi le potentiel de l'effet d'échelle des mégadonnées. Deuxièmement, les études utilisant l'analyse de l'espace urbain pour favoriser l'intégration spatiale devraient intégrer des connaissances empiriques sur les comportements de mobilité des individus. Comme le montrent les données empiriques sur la mobilité, le défi de l'aménagement urbain pour promouvoir l'inclusion sociale pourrait résider dans la réduction de l'écart entre la coprésence intentionnelle et observée entre différents groupes de population. Troisièmement, il s'agira d'explorer les relations causales entre l'occupation du sol, les infrastructures de transport et la ségrégation vécue. L'étude de l'influence des variations des modes d'occupation du sol et des niveaux d'accessibilité sur la mobilité humaine pourrait apporter des éclairages précieux sur l'efficacité des interventions politiques visant à réduire la ségrégation socio-spatiale. Cette approche pourrait aider à identifier des stratégies pour renforcer la cohésion communautaire grâce à la planification urbaine et à la conception de politiques.

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