L'Agence France Presse propose une infographie intéressante pour aborder la question de l'inégalité des pays face au changement climatique. Est-ce à dire que les pays développés, notamment l'Europe, les Etats-Unis ou l'Australie, seraient véritablement plus épargnés que les pays en développement ?
L'exposition des pays au changement climatique (source : AFP)
Si on remonte à la source des données de cette infographie, il sagit d'un rapport publié en juillet 2022 par le cabinet Verisk Maplecroft spécialisé dans l'analyse de risques (surtout pour les entreprises) et qui montre l'impréparation globale de la plupart des pays.
Source de l'étude : World "unprepared" for magnitude of cascading climate risks Environmental Risk Outlook 2022. Will Nichols and Dr Richard Hewston, 20 July 2022.
Le rapport de recherche (téléchargeable après remplissage d'un formulaire) contient plusieurs graphiques intéressants, notamment un schéma sur les "risques en cascade" face à la situation climatique, y compris pour des grands pays émergents comme le Brésil, le Mexique ou la Russie.
Schéma simplifié des "risques en cascades" (source : Verisk Maplecroft)
L'étude prend en compte 32 indicateurs répartis en 5 groupes (vulnérabilité au changement climatique, développement économique, santé, risque politique et problèmes sociaux). Il en ressort 3 groupes de pays : « protégés », « précaires » et « vulnérables ». Comme le montre l'étude, de petits changements dans les facteurs de risque pourraient faire basculer les pays « précaires » dans le groupe « vulnérable ». Plusieurs pays sont pris à titre d'exemples : le Brésil, le Mexique, la Russie, l'Ukraine, la Chine, le Vietnam.
Un monde divisé en trois types de pays face au risque (source : Verisk Maplecroft)
Cette carte a tendance à reproduire celle du niveau économique des pays. On peut s'étonner par exemple que les Etats-Unis ou l'Australie, très touchés par la sécheresse et les incendies de forêt, soient classés comme pays « protégés ». Certes il s'agit d'une approche globale intégrant tous les types de risque et on peut penser que les puissances industrielles ont une plus forte capacité d'adaptation. Mais la méthodologie utilisée n'est pas très détaillée dans le rapport. Il est question d'"analyse en grappes" et de "modèle de résilience aux risques climatiques en cascade (CCRRM)". Comme souvent pour des indicateurs agrégés et des études de cabinets privés, on n'a pas accès au mode de traitement des données.
Si l'étude montre l'intérêt d'une vision holistique des risques, il s'agit surtout pour les entreprises d'éviter l'effet "boule de neige" entre eux. L'anamorphose qu'en tire l'AFP a tendance à ramener implicitement le risque au problème de (sur)population.
Le rapport publié par le cabinet Verisk Maplecroft corrèle plutôt la résilience des pays face au changement climatique à la pauvreté. Il est effectivement difficile pour les pays en développement ayant des programmes d'éradication de la pauvreté d'adopter une politique carbone exigeante.
Indice du cadre réglementaire environnemental
versus indice de pauvreté (source :
Verisk Maplecroft)
Sans tomber dans le scénario catastrophe, "l'effet domino" et les points de bascule sont également à prendre en considération pour aborder aujourd'hui les conséquences du changement climatique.
Un terrible "effet domino" menace de transformer notre planète en une étuve
(source :
Sciences et Avenir)
A propos des "rétroactions auto-renforçantes" et des "cascades de basculement potentielles", voir cette étude parue en 2018 : Trajectories of the Earth System in the Anthropocene.
L'étude explore le risque que des rétroactions auto-renforçantes puissent pousser le système terrestre vers un seuil planétaire qui, s'il est franchi, pourrait empêcher la stabilisation du climat à des hausses moyennes de température et provoquer un réchauffement continu, même si les émissions humaines sont réduites. Le franchissement du seuil conduirait à une température moyenne mondiale beaucoup plus élevée que n'importe quel interglaciaire au cours des 1,2 million d'années passées et à des niveaux de la mer nettement plus élevés que pendant toutes les périodes de l'Holocène.
Carte globale des cascades de basculement potentielles (source : PNAS, 2018)
Ces documents fournissent l'occasion d'aborder "l'effet domino" dans la géographie des risques qui peut être une notion ambiguë. Le terme est pris ici comme synonyme de "cascade climatique". Voir par exemple :
L'expression "effet domino" est généralement employée dans un sens différent pour désigner une catastrophe "naturelle" qui entraîne en chaîne une série de catastrophes technologiques (cf définition donnée sur le site
Géoconfluences).
Lien ajouté le 23 mai 2023
Lenton, T.M., Xu, C., Abrams, J.F.
et al. (2023). Quantifying the human cost of global warming. Nat Sustain 6, 1237–1247,
https://doi.org/10.1038/s41893-023-01132-6Les coûts du changement climatique sont souvent estimés en termes monétaires, mais cela soulève des questions éthiques. Dans cet article "Quantifier le coût humain du réchauffement climatique", les chercheurs ont choisi d'exprimer ces coûts en termes de nombre de personnes laissées en dehors de la « niche climatique humaine », définie comme la distribution historique à conserver de la densité relative de population humaine par rapport à la température annuelle moyenne. Ils montrent que le changement climatique a déjà placé environ 9 % de la population (> 600 millions) hors de cette niche. D'ici la fin du siècle (2080-2100), les politiques actuelles conduisant à un réchauffement climatique d'environ 2,7 °C pourraient laisser un tiers (22-39 %) de la population hors de cette niche. Réduire le réchauffement climatique de 2,7 °C à 1,5 °C pourrait permettre de diviser par cinq environ la population exposée à une chaleur sans précédent (température annuelle moyenne ≥ 29 °C). Les émissions sur toute une vie de 3,5 habitants moyens du monde aujourd'hui (ou d'environ 1,2 habitant moyen des États-Unis) exposent une personne future à une chaleur sans précédent d'ici la fin du siècle. Cette personne vient d'une région où les émissions actuelles représentent environ la moitié de la moyenne mondiale. Ces résultats soulignent la nécessité d’une action politique plus décisive pour limiter les coûts humains et les inégalités liés au changement climatique.
Lien ajouté le 5 mars 2025
« Terres cultivées : les régions qui seront les plus affectées par le réchauffement climatique » (
Reporterre)
Blé, maïs, riz, pommes de terre, soja, lentilles, tomates, sorgho... Des chercheurs de l’université Aalto, en Finlande, ont analysé l’évolution des 30 principales cultures mondiales, selon l’intensité du
changement climatique. Résultat : dans les latitudes basses (Moyen-Orient et Afrique du Nord surtout) jusqu’à 31 % de la production de ces cultures pourrait ne plus bénéficier de conditions climatiques adéquates, dès 2 °C de réchauffement global. Le chiffre pourrait monter à 48 % à 3 °C de réchauffement. Leur étude, publiée le 4 mars dans la
revue Nature Food, définit les cultures comme étant soumises à un « risque considérable » lorsque 25 % des zones où elles sont cultivées perdent leurs conditions climatiques actuelles (de précipitations, température, aridité). Selon cette définition, les chercheurs notent que les régions tropicales et subtropicales sont particulièrement vulnérables à ce genre de risques considérables. À 3 °C de réchauffement, 69 % des terres cultivées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, et 60 % des terres cultivées en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne seraient soumises à de tels risques, alertent-ils.
Lien ajouté le 5 novembre 2025
« Rapport sur l'écart d'émissions 2025. Objectif non atteint - L'inaction collective persistante met en péril l'objectif de température mondiale » (
PNUE).
Le rapport du PNUE sur l'écart entre les besoins et les objectifs en matière d'émissions pour 2025 : « Objectif non atteint » constate que les nouveaux engagements climatiques pris dans le cadre de l'Accord de Paris n'ont que légèrement réduit la hausse des températures mondiales au cours de ce siècle, laissant le monde se diriger vers une grave escalade des risques et des dommages liés au climat. La seizième édition du Rapport sur l'écart entre les besoins et les perspectives en matière d'émissions indique que les projections du réchauffement climatique pour ce siècle, fondées sur la mise en œuvre intégrale des contributions déterminées au niveau national (CDN), s'établissent désormais entre 2,3 et 2,5 °C, tandis que celles basées sur les politiques actuelles atteignent 2,8 °C. À titre de comparaison, le rapport de l'année précédente prévoyait des estimations de 2,6 à 2,8 °C et de 3,1 °C. Cependant, les mises à jour méthodologiques expliquent à elles seules 0,1 °C de cette amélioration, et le retrait prochain des États-Unis de l'Accord de Paris annulera 0,1 °C supplémentaires, ce qui signifie que les nouvelles CDN elles-mêmes n'ont eu qu'un impact minime. Les nations sont encore loin d'atteindre l'objectif de l'Accord de Paris, qui vise à limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2 °C, tout en poursuivant leurs efforts pour rester sous la barre des 1,5 °C. Pour respecter les trajectoires de l’Accord de Paris visant à limiter le réchauffement climatique à 2 °C et à 1,5 °C, respectivement, il faudra réduire les émissions annuelles de 35 % et de 55 % par rapport aux niveaux de 2019 d’ici à 2035. Compte tenu de l’ampleur des réductions nécessaires, du peu de temps disponible pour les mettre en œuvre et d’un contexte politique difficile, un dépassement plus important du seuil de 1,5 °C est fort probable au cours de la prochaine décennie. Le rapport conclut que ce dépassement doit être limité par des réductions plus rapides et plus importantes des émissions de gaz à effet de serre afin de minimiser les risques et les dommages liés au changement climatique et de maintenir l'objectif de 1,5 °C d'ici 2100 dans le cadre des possibilités – même si cela représente un défi de taille. Chaque fraction de degré évitée se traduit par des pertes moindres pour les populations et les écosystèmes, des coûts réduits et une moindre dépendance aux techniques incertaines de captage du dioxyde de carbone pour atteindre l'objectif de 1,5 °C d'ici 2100. Depuis l'adoption de l'Accord de Paris il y a dix ans, les prévisions de température ont diminué de 3 à 3,5 °C. Les technologies bas carbone nécessaires à une réduction significative des émissions sont disponibles. Le développement de l'énergie éolienne et solaire est en plein essor, ce qui réduit les coûts de déploiement. La communauté internationale peut donc accélérer l'action climatique, si elle le souhaite. Cependant, pour parvenir à des réductions plus rapides, il faudra composer avec un contexte géopolitique complexe, accroître considérablement l'aide aux pays en développement et repenser l'architecture financière internationale.
Lien ajouté le 6 novembre 2025
La crise pétrolière et gazière de 2022 a engendré des profits records pour les énergies fossiles à l'échelle mondiale, relançant le secteur, freinant la transition énergétique et contribuant à l'inflation. Cependant, l'ampleur et les bénéficiaires de ces profits restent mal connus. Cette étude présente l'importance de ces profits dans différents pays et leur répartition selon les groupes socio-économiques aux États-Unis, à partir des comptes de résultat des entreprises, de données exhaustives sur l'actionnariat et d'un modèle de réseau de propagation des profits via les participations. Les auteurs montrent qu'en 2022, le bénéfice net des seules sociétés pétrolières et gazières cotées en bourse a atteint 916 milliards de dollars américains. Les États-Unis en ont été le principal bénéficiaire, avec 301 milliards de dollars, soit plus que les 267 milliards de dollars investis par les États-Unis dans l'économie bas carbone cette année-là. Au sein d'un réseau d'actions américaines comptant 252 433 nœuds, incluant des sociétés américaines non cotées, 50 % des profits sont allés aux 1 % les plus riches, principalement via des participations directes et la propriété d'entreprises privées. À l'inverse, les 50 % les plus modestes n'ont perçu que 1 % des profits. Les profits supplémentaires tirés des énergies fossiles aux États-Unis en 2022 par rapport à 2021 ont suffi à augmenter le revenu disponible des Américains les plus riches de plusieurs points de pourcentage et à compenser une part importante de leur perte de pouvoir d'achat due à l'inflation cette année-là, aggravant ainsi les inégalités. Ces profits ont également renforcé les inégalités raciales et ethniques existantes, ainsi que les inégalités entre les groupes ayant des niveaux d'éducation différents. L'étude examine comment une taxe sur les superprofits pourrait être utilisée à la fois pour réduire les inégalités et pour accélérer la transition énergétique, alors que les tensions géopolitiques croissantes et les impacts climatiques menacent la volatilité des marchés pétroliers et gaziers.
Lien ajouté le 12 novembre 2025« Rapport sur les inégalités climatiques 2025. Changement climatique : un défi majeur, pourquoi les politiques climatiques doivent s’attaquer à la question de la propriété » (
World Inegality Lab).
Les plus pauvres subissent 74 % des dommages économiques liés au climat, quand les plus riches sont responsables de plus de 50 % des émissions mondiales. La crise écologique devient le miroir des inégalités mondiales. Le Rapport sur les inégalités climatiques 2025 (WDI) révèle comment la richesse alimente la crise climatique et propose de nouvelles options politiques pour y remédier. Il s'appuie sur l'édition 2023 et sur deux années de recherches pionnières menées par le Laboratoire mondial des inégalités et des universités du monde entier.
Principales conclusions
- Les personnes fortunées alimentent la crise climatique par leurs investissements, plus encore que par leur consommation et leur mode de vie. À l'échelle mondiale, les 1 % les plus riches sont responsables de 15 % des émissions mondiales liées à la consommation, et de 41 % des émissions mondiales liées à la détention de capitaux privés.
- Le changement climatique peut aggraver les inégalités de richesse, tandis que des politiques bien conçues peuvent contribuer à les réduire. Les 1 % les plus riches pourraient voir leur part de la richesse mondiale passer de 38 % à 46 % d’ici 2050 s’ils possèdent les actifs à faible émission de carbone de demain .
- Pour relever le double défi de la crise climatique et des inégalités de richesse, le rapport explore trois pistes politiques :
- Une interdiction mondiale des nouveaux investissements dans les énergies fossiles
- Une taxe sur les investissements financiers basée sur le contenu carbone des actifs
- Des investissements publics majeurs dans les infrastructures à faibles émissions de carbone
Lien ajouté le 26 novembre 2025« Comment lutter contre le changement climatique sans creuser les inégalités entre Nords et Suds ? » (
The Conversation).
Alors qu'à Belém, la COP30 a échoué à accélérer la lutte contre le changement climatique, une question demeure, abyssale : peut-on lutter contre le changement climatique sans faire apparaître les inégalités entre les populations ? En d'autres termes, peut-on travailler à une transition juste ? Pour répondre à cette question, il faut tout à la fois revenir en arrière et ausculter les différentes dimensions de la justice climatique.
Lien ajouté le 2 décembre 2025
« Rapport 2025 sur l'écart d'adaptation
» (
PNUE).
Face à la hausse des températures mondiales et à l'intensification des impacts climatiques, le rapport 2025 du PNUE sur les lacunes en matière d'adaptation, intitulé « À bout de souffle », constate qu'un déficit abyssal de financement de l'adaptation pour les pays en développement met en péril des vies, des moyens de subsistance et des économies entières. Le rapport actualise le coût des financements nécessaires à l'adaptation dans les pays en développement, l'estimant à 310 milliards de dollars US par an en 2035, selon les coûts modélisés. Bien que loin d'être suffisants, des progrès notables sont accomplis pour combler le fossé entre la planification et la mise en œuvre. La plupart des pays disposent d'au moins une politique, une stratégie ou un plan national d'adaptation ; ils intègrent de mieux en mieux l'adaptation dans leurs plans nationaux de développement ; et ils ont fait état de plus de 1 600 actions d'adaptation mises en œuvre, principalement dans les domaines de la biodiversité, de l'agriculture, de l'eau et des infrastructures. Le soutien du Fonds pour le climat aux nouveaux projets d'adaptation a augmenté en 2024, même si les nouvelles contraintes financières rendent l'avenir incertain. Les financements publics et privés doivent s'intensifier pour renforcer l'adaptation, en veillant à ne pas accroître la part des instruments de dette utilisés par les pays vulnérables.
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