La carte des ZAD en France : entre cartographie militante et recensement des projets contestés


L'abandon du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes ne signe pas la fin des ZAD, ces "zones à défendre" occupées par des militants opposés à des projets d'aménagement qu'ils jugent aberrants.

Avant même le mouvement de manifestation des Gilets jaunes, les médias ont cherché à cartographier les lieux de la contestation en répertoriant les principaux conflits territoriaux. Le journal La Nouvelle République dresse par exemple une liste de 14 ZAD en France en 2018. Chaque projet est accompagné d'une notice descriptive. On retrouve le même type de cartes publiées par Le Parisien ou par BFM TV.

Les ZAD en France selon le recensement du journal Le Parisien (janvier 2018)
Cliquer sur les icônes pour accéder aux projets contestés



Le site Novethic, qui oeuvre pour une économie responsable, dénombre davantage de ZAD en France estimant qu'une 50e de sites sont sous la surveillance des services de renseignements et que ce sont près d'une 100e de projets qui sont en réalité contestés (sans qu'il y ait forcément occupation de la zone par des militants).

Carte des ZAD en France : qui succédera à Notre-Dame-des-Landes ? (source : Novethic)



Comme le rappelle le site Zadnadir.org dans sa rubrique Carto ZAD consacrée à la ZAD historique de Notre-Dame-des-Landes, "la Zad est un endroit multiple qui évolue constamment, il y a donc de nombreuses façons de l’appréhender, le comprendre et le défendre... Ici le territoire change perpétuellement. Il est différent en temps calme et lors de risque d’expulsion, il change au grè des apparitions, transformations et parfois disparitions de lieux de vie et de constructions plus ou moins défensives ainsi qu’en fonction des cultures qu’on y trouve."

Depuis les premiers jours de l’occupation de la ZAD, des cartes de toutes sortes ont été produites, tantôt manuscrites, tantôt sous forme d’extraits annotés de cartes IGN (voir l'article de Frédéric Barbe, La « zone à défendre » de Notre-Dame-des-Landes ou l’habiter comme politique, Norois, 2016/1-2). Voici par exemple la carte de Notre-Dame-Des-Landes après les expulsions de juin 2018 (à télécharger en haute résolution) :


La carte de Notre-Dame-Des-Landes, rebaptisée non sans humour "zone à disparaître" par Libération, mérite d'être comparée aux cartes précédentes lorsque les militants occupaient la zone (à consulter sur Carto_ZAD ou avec Edugéo avec ce mode d'emploi). Devenue un lieu de vie et un laboratoire d'expérimentation pour des modes d'habiter alternatifs, cette ZAD a inspiré des réalisations graphiques aussi belles sur le plan artistique qu'intéressantes sur le plan géographique. La cartographie a pu aussi être utilisée comme moyen logistique pendant l'occupation policière.




La cartographie a par ailleurs servi à recenser les projets contestés et à les regrouper en fonction des motifs ou des effets de la contestation. Le site de défense de l'environnement Reporterre a lancé dès 2016 une carte des "grands projets inutiles" donnant lieu à un classement en 3 catégories (projets en cours, réalisés ou abandonnés). La carte a fait l'objet d'une mise à jour en octobre 2019 :


Voir en plein écran


En collaboration avec les associations locales de France Nature Environnement qui ont fait remonter les informations, France Info a proposé en 2014 une carte interactive de tous les projets contestés sur le territoire français et sur les territoires d'outre-mer. Ces projets surnommés "Grands projets inutiles et imposés" (GPII) concernent aussi bien des centres commerciaux, des lignes ferroviaires que des centres d'enfouissement de déchets, des sites miniers ou industriels, etc... Ils suscitent une opposition locale croissante, évoluant parfois vers des ZAD.

A l'opposé de ces projets jugés inutiles, le site de France Info a mis en avant des projets salués comme "bénéfiques selon les associations environnementales". Ces projets sont répartis en 5 thèmes : biodiversité, énergie renouvelable, ferroviaire, environnement, barrage-retenue (cliquer ici pour agrandir et récupérer le fichier kmz). On peut y voir une sorte de contre-cartographie avec la volonté de mettre en avant des contre-projets. Zoomer sur la carte pour faire apparaître les différents projets.

De Notre-Dame-des-Landes à Bure, comme le note Philippe Subra, la décennie 2008-2017 aura été la folle décennie des "zones à défendre" (Hérodote 2017/2 n° 165). La diversité des lieux de conflits n'empêche pas un réseau de solidarités à travers des comités de soutien, des discours, des affiches... et des cartes partagées sur Internet. "Pour maîtriser cette communication et par méfiance envers les médias traditionnels, les zadistes se sont dotés de leur propre média sur Internet (c’est la stratégie de l’« automédia ») avec le site zadnadir.org qui sert de vitrine au mouvement zadiste et de plateforme aux différentes ZAD et à d’autres conflits. Ce site propose des informations, des ressources vidéo, des argumentaires, des cartes, des petites annonces militantes."

En 2017, l'association France nature environnement (FNE) a regroupé sur une même carte la liste des projets nuisibles et celle des projets bénéfiques pour l'environnement (cliquer ici pour agrandir et récupérer le fichier kmz). Zoomer sur la carte pour faire apparaître les projets bénéfiques (en rouge) et les projets contestés (indiqués par d'autres couleurs). La carte joue le rôle de portail d'informations pour aller naviguer vers d'autres sites donnant des précisions sur chaque projet.

Dans son ouvrage Zones à défendre, de Sivens à Notre-Dame-des-Landes (2016), Philippe Subra, qui enseigne à l'Institut français de géopolitique, donne une définition des ZAD, zones d'aménagement différé, rebaptisées "zones à défendre" par leurs occupants. Au sens strict, c'est l'occupation permanente qui fait la ZAD. Plus largement, le terme désigne l'opposition à de grands projets pour des raisons environnementales et autour d'une même base idéologique.

Bien que très discutables sur le plan sémiologique, ces cartes permettent de recenser les projets contestés et de faire des typologies. Entre la cartographie militante dressée par des sites associatifs et les différents recensements effectués par les médias, il semble intéressant de pouvoir discuter de la nature et de l'évolution de ces projets contestés, qu'il s'agisse ou non de ZAD à proprement parler. Le statut et l'usage politique des cartes s'en trouvent également interrogés.


Pour compléter

Frédéric Barbe, La « zone à défendre » de Notre-Dame-des-Landes ou l’habiter comme politique, Norois, 2016/1-2. 
https://www.cairn.info/revue-norois-2016-1-page-109.htm

This Is Not An Atlas. A Global Collection Of Counter-Cartographies : un atlas original, contestataire et critique qui aborde le rôle politique et social de la cartographie, notamment à travers les conflits environnementaux. Beaucoup d'exemples à travers différents pays (à télécharger : attention 91 Mo !)
http://www.transcript-verlag.de/media/pdf/ee/cd/a6/oa9783839445198rdm6WYzYrGYBe.pdf

"Counter-mapping : cartography that lets the powerless speak". Comment la contre-cartographie donne la parole à ceux qui n'ont pas de pouvoir
http://www.theguardian.com/science/blog/2018/mar/06/counter-mapping-cartography-that-lets-the-powerless-speak

Cartes tactiques des “cibles” capitalistes par Nicolas Lambert (Blog Néocarto)
http://neocarto.hypotheses.org/3453

 
Liens ajoutés le 6 mai 2019

Un an après l'abandon du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-landes : que peut-on apprendre de la ZAD et de ses mondes ? Conférence présentée par Frédéric Barbe au laboratoire PACTE le 12 février 2019.
https://www.pacte-grenoble.fr/actualites/un-an-apres-l-abandon-du-projet-d-aeroport-de-notre-dame-des-landes-que-peut-on-apprendre-de-la-zad





Lien ajouté le 21 octobre 2019

Le site Reporterre a mis à jour sa carte des grands projets inutiles et dévastateurs en octobre 2019. Rebaptisée carte des luttes locales, celle-ci entend montrer que des collectifs citoyens se mobilisent pour défendre leur environnement et "inciter ceux qui veulent s'engager à rejoindre ces collectifs". La carte recense 127 luttes réparties en 7 catégories : bétonnage (28), transport (31), énergie (5), industrie (14), agriculture (16), déchets (10), commerce.


 La carte des luttes locales (Reporterre, octobre 2019)
Cliquer sur les icônes pour accéder aux projets contestés


Liens ajoutés le 1er décembre 2019


Liens ajoutés le 27 janvier 2020


Liens ajoutés le 17 mars 2020

 
 
Lien ajouté le 3 septembre 2020

Lien ajouté le 25 février 2021

Liens ajoutés le 5 avril 2023

« Où se trouvent les principales ZAD en France ? » (France Info). 
Gérald Darmanin l'a annoncé : il ne souhaite pas qu'une ZAD s'installe à Sainte-Soline, où les manifestants s'opposent à la création de méga-bassines. La carte recense les principales ZAD en activité en France. La France ne compterait que cinq ZAD actives en France au 1er novembre 2022. Les ZAD évacuées, ou dont les projets ont été abandonnés, ne sont pas recensées par France Info.



« Après Sainte-Soline, voici les sites qui peuvent causer des troubles. Les préfets surveillent comme le lait sur le feu 42 sites considérés comme des foyers de contestations possibles.  » (Journal du Dimanche).
Suite aux événements de Sainte-Soline (79) contre le projet des méga-bassines, le gouvernement a dressé une liste des potentiels sites à risque, liés à des projets d'infrastructures, qui peuvent devenir des foyers de contestation "plus ou moins chauds". La carte du JDD recense 42 "sites sous surveillance" sur la base des services de renseignement. Il s'agit donc plus d'une carte de surveillance que des ZAD véritablement actives. Parmi les sites répertoriés comme des foyers de contestation, on trouve aussi bien les retenues d'eau du marais poitevin que des bassins de rétention d'eau pour les canons à neige à La Clusaz, mais aussi des extensions d'infrastructures autoroutières ou d’aéroports, des grands parcs éoliens, des mines de lithium ou encore des lieux de stokage de déchets nucléaires.



« On ne dissout pas un mouvement social ! » (Bassines, non merci). 
Cette carte des "42 sites sous surveillance" et la cellule "Anti-ZAD" annoncé par Darmain est jugée comme "une déclaration de guerre au mouvement écologique et paysan dans son ensemble". Pour des  collectifs comme Bassines, non merci ou les Soulèvements de la Terre, c'est désormais les "ZADs" et, derrière ce terme, les luttes locales que le gouvernement prétend faire disparaître. Ces mouvements militants se défendent de vouloir rester sur le terrain en dehors du temps de la mobilisation. C'est, semble-t-il, cette stratégie de "Zads furtives" qui inquiète le gouvernement.

« Guerre de l’eau : la carte des bassines contestées en France » (Reporterre).
Pour informer les citoyens et organiser la résistance, les opposants aux bassines ont mis en ligne une carte participative des bassines existantes ou en préparation partout en France. « L’objectif de cette carte est à la fois de mener une veille sur l’avancement des projets et de fournir des données pour les personnes qui voudraient s’en saisir pour faire des recherches ». Plus d’une centaine de réserves de substitution sont référencées sur la carte, ainsi que des retenues d’eau destinées à créer de la neige artificielle, dans les Alpes. Les bassines existantes sont représentées par des points bleu foncé et celles en projet en bleu clair, orange ou rouge, selon leur état d’avancement.

« Météo Bassines. Carte de France pour répertorier toutes les bassines existantes et en projet » (Umap).
Les données sont téléchargeables dans différents formats (gpx, geojson et kml) pour réutilisation ou intégration à d'autres jeux de données.



Lien ajouté le 15 avril 2023

« Je suis Les Soulèvements de la Terre », par Philippe Descola anthropologue, professeur émérite au Collège de France (Nouvel Obs, 15 avril 2023). 
Pour l’anthropologue, la menace d’une dissolution du collectif, très actif contre les méga-bassines, a pour but de « criminaliser » une large partie du mouvement écologiste et d’empêcher de « mener des actions de protestation et de désobéissance civile ».