Philippe Rivière qui est journaliste-programmeur-cartographe, co-anime avec Philippe Rekacewicz le site Visionscarto. Leurs travaux et leurs productions cartographiques s'inscrivent dans une cartographie critique et engagée. Face aux mécanismes de domination, de ségrégation, de violence physique ou symbolique, ils déconstruisent les discours et explorent les voies d'une cartographie capable d'exercer un contre-pouvoir et de penser un autre monde (voir à propos de la "crise" des migrants leur cartographie d'un monde sans visa).
Le mouvement des Gilets jaunes, qui a donné lieu à des affrontements entre la police et les manifestants, a largement été relayé par les réseaux sociaux. Si la violence s'est exercée des deux côtés, certains sites ont voulu pouvoir montrer et dénoncer plus spécifiquement la violence policière qui s'est exercée contre les manifestants.
Philippe Rivière a retranscrit ces violences sur une grande carte-poster téléchargeable : Cartographie de la répression
Nouveau sur @visionscarto— Agnès Stienne (@odilon72) May 17, 2019
Allo place Beauvau - Cartographie de la répression.
Le poster téléchargeable et imprimable icihttps://t.co/0YKYqDARaK@davduf @recifs pic.twitter.com/ohK96pYmMG
La série de cartes qu'il donne à voir sur ce poster s'appuie sur le décompte réalisé par le journaliste indépendant David Dufresne, qui compile sur son fil Twitter les violences policières depuis le début du mouvement des Gilets jaunes (lire son témoignage). Des centaines de faits ont été ainsi répertoriés et recoupés, d’abord sur Twitter, puis regroupés et contextualisés dans une base de données associée à une visualisation publiée sur le site de Médiapart.
Les chiffres, établis de manière indépendante, ne correspondent pas souvent à ceux donnés par le ministère. Philippe Rivière accompagne son poster qui a valeur d'affiche politique d'un long texte qui vient expliquer sa démarche :
"L’ampleur des chiffres décrit cette mobilisation inédite d’un mouvement social qui s’étend, de samedi en samedi, sur plus d’une vingtaine d’« Actes ». Le choix fait de recourir à une « collection de cartes » (small multiples) permet à la visualisation de tenir dans la durée. La méthode (qui n’est certes pas inédite), offre une vue à la fois synthétique et chronologique, qui ne s’englue pas dans l’accumulation de points dans les villes de Paris, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Montpellier...On y remarque en particulier l’Acte IV, le 8 décembre 2018, qui a transformé les Champs-Élysées en champ de bataille. L’épisode a ébranlé le pouvoir, mais aussi provoqué une rupture traumatique pour nombre de participant·es dont c’était souvent la première manifestation. La carte correspondante indique bien l’augmentation impressionnante des signalements à Paris et alentours pour cette date. Mais on remarque sans peine que des dérives similaires ont eu lieu, ce même samedi, sur l’ensemble du territoire."
Pour réaliser la collection de cartes de la répression policière, Philippe Rivière a voulu une représentation "minimaliste, voire brutaliste par le choix du jaune sur fond noir (les couleurs les plus contrastées qui soient)". Il rappelle toutefois "le rôle d’outil" de cette carte. Sur le site, chaque petite carte conduit en effet à une page consacrée à l’Acte en question, avec une carte de plus grand format qui permet à chacun·e d’aller visualiser précisément ce qui s’est passé dans telle ou telle ville, à chaque stade. L’ensemble cartographique, tout comme les autres visualisations du projet, se met à jour de façon automatique au fur et à mesure que de nouveaux signalements sont ajoutés à la base de données".
Dans le cadre d'une réflexion plus large sur les formes de pouvoir et de contre-pouvoir que peuvent constituer les cartes, il peut être intéressant d'utiliser cette affiche-poster pour étudier le mouvement politique et social des Gilets jaunes. La carte assume ici un double rôle : rendre compte le plus précisément possible du nombre de victimes et délivrer en même temps un message politique que l'on peut analyser et discuter. Comme nous le défendons sur ce blog, l'éducation à la citoyenneté passe aujourd'hui plus que jamais, dans la société de l'information et de la communication qui est la nôtre, par une "éducation à l'image et à l'information numériques". Ce type de carte a vocation à être analysée, déconstruite et confrontée à d'autres documents, d'autres sources pour la mettre en perspective.
Pour compléter :
Documentaire de Street Press : Gilets Jaunes, une répression d’État.
http://www.streetpress.com/sujet/1558444107-documentaire-gilets-jaunes-une-repression-etat
Lancé le 9 décembre 2009, Street Press est un site qui propose des enquêtes et des reportages à l'instar de Mediapart ou Rue89. Dans ce documentaire, il décrypte le tournant opéré dans la stratégie de maintien de l’ordre grâce aux témoignages de blessés, de militants, de sociologues, de journalistes, d’un avocat, d’un policier et d’un ancien ministre de l’Intérieur.
allo @Place_Beauvau - c'est pour une chronique - Six mois d’«Allô @Place_Beauvau » à travers 20 tweets (+1 en bonus).— David Dufresne (@davduf) May 17, 2019
D’abord le silence. Puis la prise de conscience. Et les chocs, mes indignations, l'évolution du projet. Chronique en accès libre. https://t.co/NTLUassSdC pic.twitter.com/o8aGkpeRQw
Les chiffres, établis de manière indépendante, ne correspondent pas souvent à ceux donnés par le ministère. Philippe Rivière accompagne son poster qui a valeur d'affiche politique d'un long texte qui vient expliquer sa démarche :
"L’ampleur des chiffres décrit cette mobilisation inédite d’un mouvement social qui s’étend, de samedi en samedi, sur plus d’une vingtaine d’« Actes ». Le choix fait de recourir à une « collection de cartes » (small multiples) permet à la visualisation de tenir dans la durée. La méthode (qui n’est certes pas inédite), offre une vue à la fois synthétique et chronologique, qui ne s’englue pas dans l’accumulation de points dans les villes de Paris, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Montpellier...On y remarque en particulier l’Acte IV, le 8 décembre 2018, qui a transformé les Champs-Élysées en champ de bataille. L’épisode a ébranlé le pouvoir, mais aussi provoqué une rupture traumatique pour nombre de participant·es dont c’était souvent la première manifestation. La carte correspondante indique bien l’augmentation impressionnante des signalements à Paris et alentours pour cette date. Mais on remarque sans peine que des dérives similaires ont eu lieu, ce même samedi, sur l’ensemble du territoire."
Pour réaliser la collection de cartes de la répression policière, Philippe Rivière a voulu une représentation "minimaliste, voire brutaliste par le choix du jaune sur fond noir (les couleurs les plus contrastées qui soient)". Il rappelle toutefois "le rôle d’outil" de cette carte. Sur le site, chaque petite carte conduit en effet à une page consacrée à l’Acte en question, avec une carte de plus grand format qui permet à chacun·e d’aller visualiser précisément ce qui s’est passé dans telle ou telle ville, à chaque stade. L’ensemble cartographique, tout comme les autres visualisations du projet, se met à jour de façon automatique au fur et à mesure que de nouveaux signalements sont ajoutés à la base de données".
Dans le cadre d'une réflexion plus large sur les formes de pouvoir et de contre-pouvoir que peuvent constituer les cartes, il peut être intéressant d'utiliser cette affiche-poster pour étudier le mouvement politique et social des Gilets jaunes. La carte assume ici un double rôle : rendre compte le plus précisément possible du nombre de victimes et délivrer en même temps un message politique que l'on peut analyser et discuter. Comme nous le défendons sur ce blog, l'éducation à la citoyenneté passe aujourd'hui plus que jamais, dans la société de l'information et de la communication qui est la nôtre, par une "éducation à l'image et à l'information numériques". Ce type de carte a vocation à être analysée, déconstruite et confrontée à d'autres documents, d'autres sources pour la mettre en perspective.
Pour compléter :
Documentaire de Street Press : Gilets Jaunes, une répression d’État.
http://www.streetpress.com/sujet/1558444107-documentaire-gilets-jaunes-une-repression-etat
Lancé le 9 décembre 2009, Street Press est un site qui propose des enquêtes et des reportages à l'instar de Mediapart ou Rue89. Dans ce documentaire, il décrypte le tournant opéré dans la stratégie de maintien de l’ordre grâce aux témoignages de blessés, de militants, de sociologues, de journalistes, d’un avocat, d’un policier et d’un ancien ministre de l’Intérieur.
Consulter le site de Philippe Rivière sur Illisible.net
Voir les projections cartographiques qu'il réalise avec D3.js pour décentrer notre regard sur le monde.
"Sous un gilet jaune, il y a... : pour une radioscopie de cette France qui se réveille".
Une série de portraits de Gilets jaunes publiée sur le site Visionscarto.
Interview de Philippe Rekacewicz sur la cartographie et le métier de cartographe pour des élèves du lycée international Marguerite Duras d’Ho Chi Minh Ville.
Outre Visionscarto, d'autres sites explorent les voies d'une cartographie engagée, militante, contestataire, que l'on désigne parfois sous le terme de "contre-cartographie" (mais le terme est discuté) :
The decolonial atlas :
L'atlas décolonial vise à donner une autre vision du monde, moins européo-centrée. Réalisé par des bénévoles, ce site a pour objectif d'interroger les relations entre la Terre, les hommes et l'Etat. L'Atlas decolonial défend des positions engagées, notamment en ce qui concerne la défense des minorités et la décolonisation des savoirs.
http://decolonialatlas.files.wordpress.com/
This Is Not An Atlas. A Global Collection Of Counter-Cartographies :
« Ceci n’est pas un atlas, une collection globale de contre-cartographies » (voir CR sur Visionscarto). Un atlas original, contestataire et critique sur de nombreux thèmes : conflits environnementaux, propriété de la terre, gouvernance mondiale...
http://www.transcript-verlag.de/media/pdf/ee/cd/a6/oa9783839445198rdm6WYzYrGYBe.pdf
Cartographie autochtone, activités extractives et représentations alternatives :
Le
réseau MappingBack a pour objectif de fournir du soutien cartographique
aux membres des communautés autochtones luttant contre les industries
extractives sur leur territoire. MappingBack cherche à utiliser la
cartographie comme un outil de résistance.
Atlas critique d'Internet :
L’objectif de cet atlas est d’utiliser l’analyse spatiale
comme clé de compréhension des enjeux sociaux, politiques et économiques
présents sur Internet.
http://www.internet-atlas.net/The "colonial cartography" par Apoorva Tadepalli. Un article sur la manière dont la cartographie hier comme aujourd'hui "colonise" nos représentations :
http://reallifemag.com/colonial-cartography/
"Counter-mapping : cartography that lets the powerless speak". Comment la contre-cartographie donne la parole à ceux qui n'ont pas de pouvoir :
http://www.theguardian.com/science/blog/2018/mar/06/counter-mapping-cartography-that-lets-the-powerless-speak
"Power and Responsibility : Maps and Journalism". Comment la cartographie et le journalisme ont le pouvoir d’informer et en même temps de façonner notre perception du monde : http://www.directionsmag.com/article/8799
"Researcher explores what causes maps to go viral on the web". Anthony Robinson, géographe à l'Université de Pennsylvanie, s'intéresse aux raisons pour lesquelles certaines cartes deviennent virales sur Internet :
https://phys.org/news/2018-08-explores-viral-web.html
Cartographie des violences policières aux Etats-Unis :
http://mappingpoliceviolence.org/
Lien ajouté le 4 avril 2022
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🔴 Manifestations Gilets Jaunes et Retraites : L’Observatoire des Street-médics publie son rapport d’enquête sur les victimes de #ViolencesPolicieres prises en charge par les secours inofficiels.https://t.co/2mg61CZkc8
— Observatoire des Street-médics (@obs_medics) April 4, 2022
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