Professeurs à l'Université Princeton, J. Richard Gott et Robert
Vanderbei ont travaillé avec David Goldberg pour créer une
nouvelle projection originale : elle tient sur un disque recto-verso
qui peut être inséré dans un manuel ou être rangé à plat. Selon les auteurs, elle fournirait des distances plus précises que la plupart des
cartes planes existantes, tout en minimisant les distorsions. Mais cette projection est-elle vraiment nouvelle ?
Source : Princeton astrophysicists re-imagine world map, designing a less distorted, ‘radically different’ way to see the world (Princeton University)
Cette nouvelle carte recto-verso est ronde comme un disque de phonographe ou un disque vinyle. Pourquoi ne pas avoir une carte recto-verso qui montre les deux côtés du globe ? "C'est une carte que vous pouvez tenir dans votre main", déclare Richard Gott. En 2007, Goldberg et Gott ont inventé un système de notation permettant de mesurer six types de distorsions introduites par les cartes planes : formes locales, zones, distances, degré de flexion (des grands cercles à partir de la ligne droite qu'ils forment à la surface de la Terre), asymétrie (déséquilibre) et coupes aux limites (écarts de continuité). Selon ce système, la meilleure projection plane serait la projection Winkel-Tripel, avec un score Goldberg-Gott de 4,563. Mais elle pose le problème de la « coupure des frontières », de la division de l'océan Pacifique et l'illusion d'une grande distance entre l'Asie et Hawaï. La projection de Winkel-Tripel, choisie par le National Geographic pour ses cartes du monde, représente les pôles avec plus de précision que la projection Mercator, mais elle déforme beaucoup l'Antarctique.
De toute évidence, une approche complètement nouvelle était nécessaire. L’inspiration est venue du travail de Richard Gott sur les polyèdres. Les cartes polyédriques n'ont rien de nouveau. En 1943, Buckminster Fuller a découpé le monde en polyèdres réguliers et a fourni une méthode pour les assembler en un globe unique. De manière à conserver les formes des continents, Fuller a morcelé les océans et augmenté certaines distances, comme celle entre l'Australie et l'Antarctique. Il a créé la projection polyédrique « Dymaxion » basée sur un icosaèdre déplié. Dans un article de 2019, Richard Gott a commencé à envisager des « polyèdres d'enveloppe », avec des formes régulières qu'on pouvait assembler dos à dos, ce qui a conduit à l'idée de la carte recto-verso. Celle-ci peut être affichée avec les hémisphères est et ouest des deux côtés, ou selon l’orientation préférée de Gott, les hémisphères nord et sud, ce qui permet de représenter l’équateur sur le bord du cercle. En tous les cas, il s'agit d'une carte sans limites puisqu'on peut passer d'une face à l'autre. Pour mesurer les distances, on peut utiliser une ficelle ou un ruban allant d'une face à l'autre du disque.
La carte en disque double de Gott, Goldberg et Vanderbei minimise les six types de distorsions vus plus haut. Les auteurs ont utilisé une projection azimutale équidistante. Ce type de projection est bien connu. Elle constitue un compromis et, comme la Winkel-Tripel, elle comporte des défauts. Son principal avantage est de permettre de représenter l'Antarctique et l'Australie avec plus de précision. Les distances à travers les océans ou entre les pôles sont plus précises et faciles à mesurer (score d'erreur Goldberg-Gott : 0,881). La carte peut être imprimée en recto-verso sur une seule page de magazine, prête à être découpée. Les trois cartographes imaginent imprimer leur carte sur du carton ou sur du plastique, puis les empiler comme des documents, pour être stockées ensemble dans une boîte ou mises sur des couvertures de manuels.
Flat Maps that improve on the Winkel Tripel. Par J. Richard Gott, David M. Goldberg, Robert J. Vanderbei.
http://arxiv.org/abs/2102.08176v1
http://observablehq.com/@d3/azimuthal-equidistant-hemispheres
Les auteurs affirment que, jusqu'à aujourd'hui, "personne n'avait encore créé des cartes recto-verso avec autant de précision. Le recueil de près de 200 projections cartographiques publié en 1993 par Chicago Press n'en contient aucune et il ne semble pas y avoir de brevets pour ce type de cartes". Pour autant, les cartes binoculaires ne sont pas nouvelles, elles étaient fort courantes autrefois. Matthew Edney (@mhedney) a écrit un article critique en deux parties pour montrer que la projection azimutale en deux hémisphères créée par les astrophysiciens de Princeton n'avait rien de révolutionnaire.
Matthew Edney, A "Radical Different" World Map ?
http://www.mappingasprocess.net/blog/2021/2/17/a-radically-different-world-map
Mais pour le coup, il s'agit de couper la Terre en 2 hémisphères Nord et Sud, ce qui se faisait déjà au XVIIIe https://t.co/BN24MSisoV pic.twitter.com/HKTYccLlkU
— Sylvain Genevois (@mirbole01) February 18, 2021
Effectivement, Reclus, en 1868 déjà, dans La Terre. pic.twitter.com/808gm0ui6f
— Vincent Capdepuy (@VCapdepuy) February 21, 2021
Elisée Reclus avait à coeur de mettre les cartes au service d'une éducation populaire https://t.co/VrXY3GkSAC Vuillemin a produit des cartes binoculaires coupant également la Terre en deux hémisphères Est-Ouest pic.twitter.com/vhl09U9ztP
— Sylvain Genevois (@mirbole01) February 21, 2021
La 1ere Mappemonde pour école élémentaire (1825) de Vuillemin reposait sur une carte binoculaire. Lorsqu'il la réédite en 1875 sous la forme d'un planisphère + classique, il n'a pas abandonné la représentation en carte binoculaire (deux globes juxtaposés) https://t.co/rhskIY7QlG pic.twitter.com/8sioBSZ9pL
— Sylvain Genevois (@mirbole01) February 21, 2021
Une sélection de cartes azimutales à double hémisphère pour montrer l'intérêt pédagogique de ces projections qui sont utilisées depuis fort longtemps https://t.co/eXErO9AgkT
— Sylvain Genevois (@mirbole01) February 22, 2021
C'est exactement la tension qui est au cœur des cartes en étoile. Le problème est qu'elle reporte la discontinuité sur l'hémisphère S. Inutile de souligner la domination européenne que cela implique, même si les connexions se trouvent historiquement en maj. dans l'hémisphère N.
— Vincent Capdepuy (@VCapdepuy) February 22, 2021
Cela me rappelle le Fold-O-Globe de 1942, qui était constitué de deux disques : https://t.co/hRH9vKGveX pic.twitter.com/wzZgqawRjq
— Vincent Capdepuy (@VCapdepuy) February 23, 2021
Le caractère révolutionnaire de cette projection tiendrait-il au fait que les astrophysiciens qui l'ont créée ont découvert les projections cartographiques ? https://t.co/7MTAIRo9HO
— Sylvain Genevois (@mirbole01) February 27, 2021
The double hemispheric #Earth, spun around all topsy-turvy by the surrounding winds into a variety of surrounding orthographic projections; appropriately crafted by Matthäus Seutter, the erstwhile brewer's apprentice, around 1720. #maps #HarvardLibrary pic.twitter.com/Ydj0QgOMn6
— HarvardMapCollection (@HarvardMapColl) July 13, 2021
Another double hemisphere world map, also with the indefatigable windheads, here embellished with the northern and southern stars, along with other natural phenomena; from the 1720/30s, by Johann B. Homann, whose style is noted as an influence on Seutter. #maps #HarvardLibrary pic.twitter.com/ie6fGnDaEl
— HarvardMapCollection (@HarvardMapColl) July 14, 2021
One last look at the world via the eastern and western hemispheres, seemingly floating above the seas, in an early 18th c. map by Mortier. Using data of the Acadèmie Royale & N. Sanson, the lower left planisphere fittingly depicts the antipodes of Paris. #maps #HarvardLibrary pic.twitter.com/a5fIMLu9rG
— HarvardMapCollection (@HarvardMapColl) July 15, 2021
Articles connexes
Pourquoi les projections icosaédriques ont tendance à nous fasciner
Projections en étoile et représentation d'un monde monosphérique
La projection Equal Earth, un bon compromis ?
La projection Peters, toujours aussi mal aimée ?
Des usages de la projection Spilhaus et de notre vision du monde
Une carte topologique pour voir le monde autrement
World Map Creator, une application très pédagogique pour travailler sur les projections
Page de ressources sur les projections cartographiques