Une exposition avec des cartes du XIXe et du XXe siècle, issues du fonds de l’Institut français d’Etudes byzantines (IFEB), est présentée à partir du 16 septembre 2022 à Notre Dame de la Garde (Marseille) autour du thème de la naissance de l’état grec moderne.
Carte générale de l'Empire ottoman divisée en Nazarets et Merkez-Mudiriets de la
Dette publique ottomane - 1890 (source : © IFEB)
1) Présentation de l'exposition cartographique
Cette exposition fait suite à celle qui s'est tenue à Paris en 2021 dans le cadre des commémorations du Bicentenaire de la Révolution grecque : 1821-1921. Frontières, populations, territoires de la Grèce à travers les cartes de l’Institut français des études byzantines. L'exposition souhaitait illustrer, à travers une sélection de cartes présentées pour la première fois au public, que le territoire de la Grèce tel que nous le connaissons aujourd’hui est le produit d’un siècle d’histoire européenne, diplomatique, démographique et militaire (voir la vidéo).
C’est cette création assez récente de l'Etat grec que l’exposition de Marseille souhaite de nouveau montrer. Quelle est la forme de la Grèce ? Comment apparaît-elle à travers les cartes ? Comment les populations sont identifiées sur le territoire ? La question des religions est essentielle du fait que l'empire ottoman était administré sur la base des cultes. A cette occasion, la première carte scientifique complète de l’État hellénique dressée en 1852 est présentée dans son intégralité (20 feuilles). Une impressionnante carte ottomane datant de 1890 en fait également partie, tout comme d’importantes cartes grecques, réalisées dans les années 1880-1921.
« Exposition cartographique à Marseille » (émission de France Culture, 4 septembre 2022)
- Présentation générale de l'exposition ; le contexte historique ; Raymond Janin (1882-1972), historien assomptionniste, et l’importance de la cartographie missionnaire ; les militaires qui font des cartes pour l’état ottoman ; les cartes religieuses établies par les Grecs.
- Invitées : Vassa Kontouma, présidente de l’Institut français d’Etudes byzantines et directrice d’études à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, responsable de la conception et de la direction de cette exposition, ainsi que deux membres du Comité d’organisation, Niki Papaïliaki, historienne et secrétaire de la Communauté hellénique de Paris et Clara Deshayes, historienne, doctorante à l’Ecole française d’Athènes et à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes.
2) Accès au fonds cartographique numérisé de l'IFEB
A cette occasion, le fonds cartographique de l'Institut français d'études byzantines est à découvrir sur le site de la Bibliothèque numérique de l'Institut Catholique de Paris (ICP).
L'Institut français d'études byzantines (IFEB) a fait un gros effort de numérisation pour mettre ses cartes à disposition du public. Plus de 230 cartes des années 1501 à 1948 sont consultables et téléchargeables en haute résolution. La collection est liée principalement à l'oeuvre de Raymond Janin (1882-1972) qui a consacré ses recherches, dès 1911, à un domaine particulier des études byzantines, la géographie historique et ecclésiastique. Ses travaux aboutissent à la publication de deux livres majeurs : Constantinople byzantine (1950) ; La Géographie ecclésiastique de l’Empire byzantin (1953). Pour la réalisation des cartes archéologiques qui accompagnent ces deux ouvrages, il collabore avec des savants rencontrés à Constantinople, et surtout avec Miltiadès I. S. Nomidès, dont les originaux datés de 1936 sont conservés à l’IFEB. Mais Janin ne se limite pas à l’étude du passé de la région. Il s’intéresse aussi à la géographie politique. En 1915, il ébauche une réflexion sur les conflits balkaniques en écho à la Mission Carnegie. Il répond également aux sollicitations de l’État-major français qui fait appel à son expertise, et publie un opuscule sur La Thrace (1920). Dans ce contexte, il rassemble de nombreuses cartes ottomanes, françaises, allemandes, anglaises, grecques, bulgares, qui lui permettent d’étayer, non seulement ses enquêtes, mais aussi ses travaux érudits. Il s’agit là du noyau de la collection cartographique de l’IFEB, qui comprend près de 250 pièces datant des années 1504-1948.
Le fonds cartographique de l'Institut français d'études byzantines contient des plans d'Athènes, de Constantinople, de Jérusalem ainsi que des cartes de l'Asie mineure, de l'Egypte, du Liban et de la Palestine.
Parmi les cartes particulièrement remarquables, on peut signaler :
- Carte de la Grèce rédigée et gravée au Dépôt de la guerre d'après la triangulation et les levés exécutés par les officiers du corps d'État-major (1852). Première carte administrative de la Grèce élaborée par une équipe de cartographes français, cette carte au 1:200 000 a été imprimée au Dépôt de la Guerre en France.
- Carte générale de l'Empire ottoman divisée en Nazarets et Merkez-Mudiriets de la Dette publique ottomane (1890). Réalisée en 24 feuilles au 1:750 000, cette carte en français et ottoman couvre la région allant de l’actuelle Bulgarie à l’Albanie, le nord de l’Égypte et la région d’Erzurum à Bassora. Des indications économiques y figurent : ports, pêcheries, salines, fermes, lieux se rapportant aux douanes et offices de la Dette publique ottomane, suivant les divisions administratives de cette période (Nazaret, Mudiriet, Aganes, Memouriet). La base de cette carte est probablement inspirée de la Carte générale de l’Empire ottoman en Europe et en Asie (Berlin, 1867) d’Heinrich Kiepert au 1: 3 000 000 et surtout celle de Vital Cuinet, Carte générale de l’Empire ottoman. Europe et Asie divisée en Nazarets et Merkez-Mudiriets (Constantinople, 1883), admin. de la Dette publ. ottomane, dressée à partir d’informations de l’administration fiscale locale au 1:1500000.
- Carte ecclésiastique de l'empire ottoman et des échelles du Levant. Missions latines et diocèses indigènes (1893) par Hausermann au 1:3 500 000.
- Carte des circonscriptions territoriales des métropoles et des évêchés du siège patriarcal œcuménique en Turquie d’Europe (1903). La carte présente les découpages administratifs de l'empire ottoman mais également le siège métropolitain de l'exarchat bulgare et de l'Eglise orthodoxe.
- Empire ottoman. Carte statistique des cultes chrétiens (1910). Cette carte réalisée par l'allemand Huber en deux feuilles (Asie et Europe) au 1:600 000 consigne tous les cultes présents dans l'empire ottoman (catholiques, mais aussi arméniens, musulmans à travers les madrasa). Une carte que l'on retrouve dans les archives du président Wilson au moment de répartir les nouvelles frontières après 1918.
- Carte des écoles et des églises grecques de l'Asie Mineure en 1912 : avec tableaux et statistiques. (1919). Rédigée en français et en anglais, la carte figure les écoles et églises du Patriarcat Oecuménique.
- Une carte du Levant (1910) avec le tableau de toutes les écoles où le français est enseigné. Outre les emplacements des écoles, cette carte imprimée chez Delagrave figure également les circonscriptions administratives de l'empire ottoman.
Carte du Levant en 1910 imprimée en 1919 chez Delagrave (source : IFEB)
Références
Vassa Kontouma. 1821-1921. Frontières, populations, territoires de la Grèce à travers les cartes de l’Institut français d’études byzantines. Catalogue de l'exposition organisée en partenariat avec la Communauté hellénique de Paris et des environs (12 Octobre – 7 Novembre 2021). Institut français d’études byzantines. Disponible sur HAL.
Institut Français d’Études Byzantines. Fondé à Istanbul, le 7 octobre 1895, au sein de la congrégation des Assomptionnistes, l’Institut français d’études byzantines (IFEB) a eu pour premier objet l’étude de Byzance et de la chrétienté post-byzantine. Pris dans les bouleversements historiques qui marquèrent le sud-est européen, mais aussi l’Église catholique, il connut sa propre odyssée jusqu’à son retour en France, en 1949. Depuis 1952, il a le statut d’association (loi 1901).
Fonds cartographique numérisé de l'Institut français d'études byzantines sur le site de la Bibliothèque numérique de l'Institut Catholique de Paris (ICP).
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