La carte, objet éminemment politique : les données d'enquête des « Pandora papers »


Le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et ses partenaires montrent que de nombreuses personnalités fortunées échappent toujours à l’impôt en ayant recours aux paradis fiscaux. L'enquête, à laquelle ont collaboré environ 600 journalistes, s'appuie sur quelque 11,9 millions de documents, et a mis au jour plus de 29 000 sociétés offshores. Un travail minutieux avec des journalistes du monde entier a permis d'identifier 300 responsables publics et 35 chefs d’Etat ayant établi une multitude de sociétés offshores. Deux fois plus que dans les Panama Papers en 2016.

Dans le cadre de cette enquête, l'ICIJ met à disposition un ensemble de données, de cartes et de graphiques. Nous reproduisons ici deux cartes qui permettent d'appréhender le grand nombre de pays impliqués ainsi que les sociétés identifiées avec leurs filiales.

La première carte intitulée "Where are the 336 politicians in the Pandora Papers from ?" représente la répartition géographique des 336 hommes politiques impliqués directement dans ces affaires d'évasion fiscale. Les noms de ces personnalités restent anonymes. En cliquant sur la carte interactive, on accède au nombre d'hommes politiques concernés par pays. A noter qu'il s'agit d'un mapfail (on évite normalement de représenter des chiffres bruts en aplats). Le Washington Post en donne une liste plus détaillée dans un article assez documenté. La carte fait elle-même l'objet de commentaires sur le forum MapPorn. Il peut être intéressant de la confronter avec d'autres cartes ou graphiques montrant la perception de l'indice de corruption ou le taux de crime organisé par pays.



Après plusieurs mois de travail, l'équipe de journalistes a réussi à identifier plus de 27 000 sociétés offshores liées à des bénéficiaires économiques dans le monde entier. C'est également plus du double que le nombre de sociétés identifiées dans les Panama Papers. Cette deuxième carte est plus intéressante car elle permet de voir que la plupart des pays sont concernés, particulièrement la Russie et la Chine mais aussi les Etats-Unis qui semblaient épargnés sur la carte précédente. Moins soumises à l'impôt, il aurait été logique que les entreprises américaines soient moins concernées (ce qui n'est pas le cas).



En décembre 2018, les Bahamas ont adopté une loi contraignant les sociétés et certains trusts à déclarer l’identité de leurs véritables propriétaires. Depuis, des dizaines de millions de dollars ont été transférés depuis les Caraïbes et l’Europe, vers le Dakota du Sud.


Ce système offshore repose sur l'existence et la pérennité des paradis fiscaux (îles Vierges britanniques, Dubaï, Singapour, Panama, les Seychelles…). Il continue de prospérer malgré des décennies de législation, d'enquêtes et d'accords internationaux visant à lutter contre le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale. Les documents divulgués proviennent en fait de 14 sociétés de services offshore du Vietnam au Belize en passant par les Seychelles (infographie de l'AFP). Trident Trust, établi à Sioux Falls, a fait transiter l'argent jusque dans le Dakota du sud. 

Parmi les 14 fournisseurs de fichiers divulgués (soit près de 12 millions de documents), la Trident Trust Company en a fourni le plus grand nombre avec environ 3 millions de documents uniquement en ce qui la concerne. L'un des pays le plus concernés par cette évasion est le Liban : 412 entreprises y font de l'évasion fiscale (ce qui est beaucoup eu égard à la taille du pays). Le pays a eu recours à la Trident Trust pour enregistrer des entreprises dans les paradis fiscaux. Le Liban se classe premier dans cette liste avec 346 dossiers clients. La Grande-Bretagne se classe deuxième avec 151 dossiers,  tandis que l'Irak se classe troisième avec 85 dossiers.

Parmi les dizaines de milliers de propriétaires de sociétés révélés par les « Pandora Papers », dont 600 Français, figurent un nombre sans précédent de responsables politiques de haut niveau, aux quatre coins du monde : l’ancien premier ministre britannique Tony Blair, l’ancien directeur général du Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn, le président kenyan Uhuru Kenyatta, le premier ministre libanais Najib Mikati, le roi de Jordanie Abdallah II, le premier ministre tchèque Andrej Babis, le président équatorien Guillermo Lasso, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le président gabonais Ali Bongo, le premier ministre ivoirien Patrick Achi, le président congolais Denis Sassou-Nguesso… A leurs côtés, une poignée d’hommes politiques français, souvent murés dans le silence au moment d’expliquer la raison d’être de leurs sociétés offshore. Au total, l’ICIJ a dénombré dans le leak plus de 300 responsables publics du monde entier.

Sources utilisées

Enquête du Consortium international des journalistes d’investigation : Pandora Papers (ICIJ)

« Pandora Papers » : plongée mondiale dans les secrets de la finance offshore (Le Monde)

Pandora Papers : des milliers de milliards de dollars toujours à l’abri dans des paradis fiscaux (France-Info)

Les entreprises au cœur de l'affaire (infographie de l'AFP)

Where are the 336 politicians in the Pandora Papers from ? (MapPorn)

Billions hidden beyond reach (The Washington Post)

Pandora papers: biggest ever leak of offshore data exposes financial secrets of rich and powerful (The Guardian). Avec une carte des 14 fournisseurs qui ont permis d'obtenir les fichiers source.

Criminality scores of european countries (MapPorn) d'après les données du Global Organized Crime Index

Lien ajouté le 12octobre 2021


Lien ajouté le 14 octobre 2021


Articles connexes

Carte de l'indice de perception de la corruption (Transparency International)

L'indice de perception de la démocratie en cartes et data visualisations

La liberté de la presse dans le monde selon Reporters sans frontières