La carte impossible (1947), un court métrage d'animation très pédagogique d'Evelyn Lambart pour montrer pourquoi les projections cartographiques sont trompeuses


Source : Watch “The Impossible Map,” a Short Animated Film That Uses a Grapefruit to Show Why Maps of the Earth Are Misleading (Open Culture)

Le site Open Culture qui vise à développer l'accès libre et ouvert à la culture et à l'éducation consacre un article à la présentation d'un petit film d'animation : la carte impossible (The Impossible Map). Ce court-métrage très pédagogique a été réalisé en 1947 par l'animatrice canadienne Evelyn Lambart. Il illustre visuellement la difficulté, voire l'impossibilité, de projeter avec précision la surface sphérique de la Terre sur une surface plane.

« À l'aide d'un pamplemousse, on nous explique les problèmes de la cartographie moderne. On souligne que le planisphère est trop souvent inexact et que le globe terrestre est le meilleur instrument de travail. Les progrès de l'aviation et l'importance accrue des régions arctiques et antarctiques rendent plus complexe encore la besogne du cartographe.» 


La carte impossible, Evelyn Lambart, produit par l'Office national du film du Canada 1947


Ce court-métrage avec ses animations cartographiques est très pionnier pour l'époque. L'artiste peint avec soin le contour des continents qu'elle remplit de rouge pour bien les faire ressortir sur la peau claire du pamplemousse. Puis elle a l'idée géniale d'écraser le pamplemousse au rouleau à pâtisserie pour montrer concrètement les déformations du globe lorsqu'on cherche à l'aplatir. Avec des moyens très simples et rudimentaires, ce petit film d'animation de l'Office national du film du Canada parvient en 10mn à nous montrer de manière très visuelle l'impossibilité de représenter à part égale toutes les surfaces du globe, quelle que soit la projection choisie.

Une démonstration visuelle et pédagogique en 3 étapes : 

Étape 1 :  Evelyn Lambart écrase le pamplemousse avec un rouleau à pâtisserie pour montrer concrètement comment la Terre se déforme et se déchire quand on cherche à l'aplatir. De la pédagogie de l'éveil avant l'heure !



Étape 2 : cette étape est encore plus démonstrative. Elle consiste à découper le globe en tranches et à ajouter un celluloïd transparent par dessus ces rondelles. On voit apparaître les parties manquantes et les déformations. 



Étape 3 : l'artiste animatrice s'emploie à basculer la projection d'un côté puis de l'autre, ce qui a pour effet de renverser notre regard. Cela permet de comprendre pourquoi certaines parties du globe sont déformées, mais pas d'autres. Tout est question de choix. 



L'idée d'utiliser une orange (ou comme ici un pamplemousse) pour représenter la Terre est très ancienne. Les éditeurs d'atlas et de manuels de géographie ont souvent eu recours à cette méthode (voir par exemple ce manuel de cours moyen). En général le découpage est fait plutôt dans le sens méridien qui correspond aux quartiers de l'orange (voir ce globe terrestre à découper et assembler, proposé par Delagrave en 1872). On retrouve encore aujourd'hui la métaphore de l'orange pour visualiser les distorsions des cartes Mercator (voir ce très bel exemple). Pour autant la projection « Web Mercator » est encore souvent utilisée pour représenter la Terre entière, y compris par Google Maps qui continue à l'employer à certaines échelles.

The Impossible Map (1947) est le premier court-métrage d'Evelyn Lambart qui va devenir une artiste et une animatrice hors pair. Quasiment sourde dès son enfance, elle faisait preuve d'une sagesse pratique hors du commun et d'une dextérité prodigieuse, notamment pour peindre des cartes sur verre.  Les contributions d'Evelyn Lambart à l'animation canadienne sont colossales. Littéralement la « première dame de l'animation canadienne », elle a ouvert la voie à la présence des femmes dans un milieu où les hommes étaient encore majoritaires. Evelyn Lambart a connu une carrière prolifique marquée par la passion et l'invention (voir sa biographie et le documentaire Onze moments animés avec Evelyn Lambart consacré à sa carrière hors pair).

« Derrière chaque grand homme se cache une femme », dit le proverbe. Evelyn Lambart, elle, s’est plutôt tenue aux côtés de Norman McLaren, et non derrière lui. Discrète collaboratrice du cinéaste pendant 21 ans, elle était aussi et avant tout une animatrice de premier ordre. Présentée de manière ludique par le réalisateur Donald McWilliams, cette enrichissante compilation sur la première femme cinéaste d’animation au Canada remet les pendules à l’heure.

Onze moments animés avec Evelyn Lambart, Donald McWilliams, offert par l'Office national du film du Canada

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