L'évaporation des lacs dans le monde : une tendance à la hausse

 
Source : Zhao, G., Li, Y., Zhou, L. et al. Evaporative water loss of 1.42 million global lakes. Nature Communications, 13, 3686 (2022).

La quantité d'eau perdue par évaporation est un élément essentiel des bilans hydriques et énergétiques de la Terre (environ 75 % de l'énergie, ou de la chaleur, de l'atmosphère mondiale est transférée par l'évaporation de l'eau de la surface de la Terre). Selon cette étude financée par la NASA et publiée dans Nature Communications, les chercheurs ont découvert que la quantité d'eau qui s'évapore des lacs est beaucoup plus importante qu'on ne le pensait jusque-là. L'équipe dirigée par l'hydrologue Huilin Gao de la Texas A&M University, a utilisé les données Landsat pour mesurer les superficies de 1,42 million de lacs naturels et artificiels. Les études antérieures concernant l'évaporation globale des lacs reposaient sur des mesures à l'échelle de bassins ou de cellules maillées plutôt que l'étude des lacs pris individuellement. 

Les chercheurs ont ensuite estimé le taux d'évaporation sur la base des données météorologiques et d'autres données, telle la quantité de chaleur stockée dans chaque lac. Le stockage de la chaleur est un facteur important d'évaporation qui n'avait pas été pris en compte dans les études précédentes. Les chercheurs ont ensuite utilisé la surface et le taux d'évaporation pour calculer le volume de perte par évaporation. Ils ont découvert qu'environ 1 500 kilomètres cubes d'eau (+/- 150) sont perdus chaque année dans le monde, soit l'équivalent de trois fois le lac Érié.

Distribution spatiale du volume global d'évaporation des lacs dans le monde (source : Zhao & al., 2022)


La carte montre la distribution spatiale des pertes par évaporation des lacs. La partie terrestre de l'évaporation sur Terre a été étudiée à partir des données d'évapotranspiration du spectroradiomètre imageur à résolution moyenne MODIS de la NASA . Le rouge et l'orange plus foncés indiquent que l'évaporation des lacs est une source importante d'évaporation dans ces régions. Cela se produit dans les régions arides ou les zones avec de grands lacs. On note des niveaux de perte plus élevés dans l'hémisphère nord, où se trouvent la plupart des lacs. Même si le taux d'évaporation dans ces régions est faible, la perte totale d'eau par évaporation est substantielle. 

De plus, l'équipe a constaté que le taux de perte d'eau s'était accéléré de 3,12 kilomètres cubes par an entre 1985 et 2018. L'augmentation de la perte de volume est due à trois facteurs, tous influencés par le réchauffement climatique : une augmentation du taux d'évaporation, une diminution de la couverture en glace et une augmentation de la superficie des lacs. Ce dernier correspond à la construction de nouveaux réservoirs, qui ont augmenté la quantité d'eau de plus de 500 kilomètres carrés par an au cours de la période d'étude de 34 ans.

Les résultats soulignent l'importance d'utiliser le volume d'évaporation plutôt que le taux d'évaporation de manière à évaluer comment le changement climatique affecte les lacs. Savoir que le volume de perte par évaporation est plus important que prévu peut également nous aider à mieux comprendre le rôle de l'évaporation des lacs dans le cycle hydrologique. Un résultat à noter est que les lacs artificiels semblent montrer une évaporation plus rapide que les lacs naturels. Aux États-Unis, le lac Mead en est un bon exemple (voir la baisse spectaculaire de ce lac sur les images NASA, à son plus bas niveau depuis 1937).


Chaque année, environ 450 000 kilomètres cubes d'eau s'évaporent des océans du monde. 71 000 kilomètres cubes supplémentaires s'évaporent de la Terre, en grande partie à partir du sol et des plantes, mais les lacs jouent également un rôle. Selon cette étude, alors que les lacs ne représentent que 1,57% de la superficie terrestre mondiale, ils contribuent à 2,37% de l'eau évaporée sur Terre chaque année.

Pour conduire leur étude, les chercheurs ont utilisé la base de données HydroLAKES qui référence tous les lacs dans le monde d'une superficie d'au moins 10 ha (données SIG à télécharger sur le site). Soit 1,4 million de lacs naturels ou artificiels représentant une superficie totale de 2,67 millions de km².

Les codes de l'algorithme et les principaux chiffres sont mis à disposition sur Github.

En complément, voici une application en ligne qui permet d'étudier les changements dans les surfaces en eau : Surface water changes (1985-2016). Les pixels verts indiquent où l'eau de surface a été transformée en terre (accrétion, poldérisation, sécheresse). Les pixels bleus indiquent où la terre a été transformée en eau de surface (érosion, construction de réservoirs).

A titre d'exemple, le deuxième plus grand réservoir des États-Unis est à son niveau le plus bas depuis son remplissage au milieu des années 1960. Le lac Powell, élément clé du système hydraulique de l'ouest des États-Unis, est actuellement rempli à seulement 26% de sa capacité, son point le plus bas depuis 1967. 


Pour compléter

Les données hydrologiques issues de la base mondiale HydroSHEDS dérivent principalement du modèle d'élévation numérique SRTM (Shuttle Radar Topography Mission) à une résolution de 3 secondes d'arc (~ 90 mètres à l'équateur). Elles ont été conçues pour être utilisées dans le développement de modèles hydro-environnementaux et d'applications SIG. Les jeux de données mis à disposition concernent les fleuves (HydroRIVERS) et bassins (HydroBASINS), les lacs (HydroLAKES), les chutes d'eaux (HydroFALLS), les stations d'épuration (HydroWASTE).

Lien ajouté le 16 mai 2023

Lien ajouté le 21 mai 2023

Lien ajouté le 27 novembre 2023
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