La Cour des comptes a publié en mars 2019 un rapport concernant "L’accès aux services publics dans les territoires ruraux", à la demande du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale :
http://www.ccomptes.fr/system/files/2019-03/20190320-acces-services-publics-territoires-ruraux.pdf
La question de l'égalité d'accès aux services publics est au coeur des enjeux actuels comme l'ont montré les données remontées des territoires lors du Grand Débat National. L’offre de services publics est-elle adaptée ? L’égalité d’accès à ces services est-elle assurée, y compris en milieu rural ? Ces services sont-ils efficaces ? Autant de questions sensibles auxquelles ce rapport de la Cour des Comptes essaie d'apporter des éléments d'analyse.
http://www.ccomptes.fr/system/files/2019-03/20190320-acces-services-publics-territoires-ruraux.pdf
La question de l'égalité d'accès aux services publics est au coeur des enjeux actuels comme l'ont montré les données remontées des territoires lors du Grand Débat National. L’offre de services publics est-elle adaptée ? L’égalité d’accès à ces services est-elle assurée, y compris en milieu rural ? Ces services sont-ils efficaces ? Autant de questions sensibles auxquelles ce rapport de la Cour des Comptes essaie d'apporter des éléments d'analyse.
1) Un rapport qui conteste l'abandon des territoires ruraux ou plutôt cherche à nuancer en fonction des types de services
Pour la Cour des Comptes, il n'y a pas d'abandon généralisé des territoires ruraux par les grands réseaux nationaux de services publics, contrairement à une perception répandue. Rapportée à la population, leur présence physique y reste dense, dans certains cas davantage même que dans les autres parties du territoire national. Elle connaît néanmoins une évolution différenciée en fonction de la nature des services et des besoins de la population. Cette différenciation est appelée à croître dans les années à venir. Les travaux menés permettent d’identifier trois catégories de réseaux :
Il en est ainsi de la gendarmerie nationale, de l’éducation nationale et de La Poste, dont le maillage territorial en zone rurale reste dense. Ce maillage n’interdit pas une réorganisation permettant d’en améliorer la qualité. C’est ainsi que la gendarmerie a refondu son réseau, sans diminuer ses effectifs globaux en zone rurale, pour l’adapter aux conditions de mobilité et aux besoins de sécurité qui y prévalent. L’école, dont la présence reste plus importante en proportion des effectifs d’élèves dans les zones rurales que dans les zones urbaines, s’est également réorganisée. Cela s’est traduit par des regroupements pédagogiques, qui permettent d’améliorer la qualité des prestations éducatives et de conforter l’attractivité des affectations proposées aux enseignants. Pour La Poste, dont l’obligation de service est inscrite dans la loi, la transformation des points de contact a permis de répondre à la diminution du courrier et à l’élargissement des plages d’ouverture, sans accroître déraisonnablement le coût de la présence postale.
- Des services ayant vocation à être normalement accessibles en ligne
D’autres réseaux de services ont déjà basculé vers la dématérialisation des procédures ou ont vocation à le faire, dans les zones rurales comme ailleurs. C’est le cas au sein du réseau préfectoral pour la délivrance des titres réglementaires, qui se fait désormais en lien avec les mairies, qui assurent pour certains titres le recueil des données et la délivrance des titres. L’accueil du public a ainsi disparu du réseau des préfectures et des sous-préfectures. C’est une tendance partagée par Pôle emploi, dont l’offre de services est de plus en plus effectuée en ligne, ce qui lui a permis de simplifier ses procédures et de diminuer la charge de son accueil physique. Cela devrait être aussi le cas de la DGFiP pour l’essentiel des procédures de déclaration et de paiement, dorénavant accessible en ligne, où elles se feront de plus en plus systématiquement...
- Une demande mal mesurée : l’accès aux soins et la prise en charge de la dépendance
La couverture médicale et la prise en charge de la dépendance nécessitent une présence physique. Or celle-ci résulte de micro-décisions de praticiens libéraux ainsi que d’acteurs privés et publics et non d’une planification d’ensemble. Elle soulève ainsi des difficultés spécifiques, distinctes de celles posées par les réseaux de services publics. Les difficultés d’accès aux soins ne sont pas propres aux territoires ruraux ; mais ceux-ci, en raison de leur démographie, du vieillissement et de l’isolement de leur population, connaissent des besoins spécifiques en la matière.
La conclusion du rapport reconnaît que la faible densité des territoires ruraux, accentuée par le déclin démographique, a entraîné une rétractation des services offerts à la population. Le maintien physique est jugé cependant moins justifié que dans les territoires plus densément peuplés, où les infrastructures sont moins développées. La dématérialisation des services publics est présentée comme une chance. Dans les campagnes, le numérique peut-être « un instrument d’égalisation des chances. Encore faut-il que deux conditions soient réunies » : que les infrastructures numériques le permettent et que les personnes âgées ou démunies soient accompagnées. « Or, ces deux conditions sont loin d’être remplies », selon le rapport. Et cela peut « entretenir un sentiment d’abandon ».
2) Les cartes et analyses mises en avant dans le rapport et les débats qu'elles suscitent
L'enquête a porté sur les territoires ruraux tels que les définit l’Insee depuis 2010 par référence à un zonage en aires urbaines (cf notre article Intérêt et limites du zonage en aires urbaines). Ce qui représente 18 000 communes et 15 % de la population française, soit environ 10 millions d’habitants. Rappelons que c'est une définition assez restrictive du rural défini à partir de l'influence urbaine. Pour Pierre Pistre, le rural englobe une part plus importante de la population française. Il convient aussi de noter que ce découpage regroupe des communes très différentes : d'une part les territoires ruraux des communes multipolarisées (c’est-à-dire dont au moins 40 % des actifs travaillent dans plusieurs aires urbaines) et d'autre part les communes dites isolées hors influence des pôles. Il est mentionné que "l’enquête s'est concentrée plus particulièrement sur les zones rurales isolées, hors de l’influence des principaux pôles urbains". Ponctuellement, pour les besoins d’une analyse départementale, la grille de densité de l’Insee classant les territoires en quatre catégories a été utilisée. Dans ce cadre, un département dit rural au sein de cette enquête correspond à un département n’ayant pas de population classée en zone densément peuplée (catégorie 1) et ayant 50 % au moins de sa population en zone très peu dense (catégorie 4). La faible densité semble donc rester le critère prépondérant pour définir ces espaces ruraux.
Le rapport de la Cour des Comptes comporte un grand nombre de documents (cartes, tableaux, graphiques), pour la plupart issus de l'Observatoire des territoires (CGET) et des indicateurs statistiques de l'INSEE, notamment la Base permanente des équipements (BPE) qui fournit le niveau d'équipements et de services rendus à la population sur un
territoire. Ces cartes reprennent quelques-unes des caractéristiques attribuées aux espaces ruraux (faible densité, vieillissement, temps d'accès plus important aux services de proximité), mais apportent aussi des nuances sur certaines dimensions, par exemple une pauvreté rurale relativement moins marquée si on la compare à la pauvreté urbaine, une couverture en médecins généralistes ou en EHPAD relativement homogène (du moins à l'échelle départementale). Même si la couverture en services numériques (4G et Internet) reste incomplète, elle progresse assez vite mais n'empêche pas le maintien d'un décalage dans les débits qui restent plus faibles en zones rurales. La question est de savoir si la dématérialisation des démarches doit pour autant s'accompagner de la suppression des services publics de proximité et si la transition numérique pourra vraiment sauver les campagnes.
Ce rapport de la Cour des Comptes a le mérite de pas s'en tenir uniquement à la répartition des services par unités, mais d'essayer d'analyser la répartition des effectifs en proportion de la population desservie. Ce rapport fait malgré tout l'objet de critiques. L'analyse repose sur le taux d'encadrement (nombre d'enseignants ou de gendarmes par habitant), mais cela ne veut pas dire pour autant que la couverture territoriale soit assurée, cela ne permet pas de mesurer la qualité des services rendus.
Pour les écoles se pose la question des regroupements de classe et des transports scolaires dans les zones rurales qui connaissent une décroissance démographique. La Poste respecte le principe selon lequel il ne doit y avoir aucun bureau de poste à plus de 20 mn de trajet en voiture (cf moratoire Balladur de 1993). Nadège Vezinat, sociologue, auteure de l'ouvrage « Les métamorphoses de la Poste » précise cependant que les 17 000 points de contact de la Poste ne sont pas assimilables à de véritables bureaux de poste communale et sont plutôt des agences commerçantes. Beaucoup d'élus des collectivités territoriales se battent de leur côté pour conserver des services publics en milieu rural. En Corse par exemple, les temps d’accès aux équipements de la vie courante sont plus élevés que sur le continent, en particulier dans les espaces les plus ruraux. Dans les zones montagneuses de manière générale, la densité des services publics est moindre.
Le rapport des la Cour des Comptes ne prend pas en compte les services marchands. Pourtant l'éloignement ou l'absence de commerces de proximité semble un facteur déterminant qui contribue à l'enclavement. Le coût inégal des transports et du logement semblent également jouer un rôle important dans les fractures territoriales et le sentiment d'abandon des campagnes. Ces questions se sont trouvées au cœur des remontées des territoires lors du Grand Débat National. Le mouvement des "Gilets jaunes" a montré que l'exclusion sociale et géographique pouvait reposer sur un sentiment d'abandon lié en partie à l'accès aux équipements et aux services de proximité.
Prolongements
Sur les liens entre accès aux services de proximité et densité des territoires, l'INSEE a produit un certain nombre d'études à l'échelle régionale montrant qu'il peut y avoir ou non des corrélations. Le temps de trajet en voiture n'est pas le seul critère à prendre en compte. L'accessibilité varie selon les équipements. Le panier de services doit également être pris en compte en fonction des catégories de population (famille, séniors...) :
- L’accès aux services, une question de densité des territoires, Insee Première, n°157, 6 janvier 2016.
- Faible densité ne rime pas toujours avec faible accessibilité. Équipements en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, Insee Analyses Occitanie, n°1, 6 janvier 2016.
- Une nouvelle approche du territoire : densité de population et accessibilité aux services en Corse, Insee Flash Corse, n°11, 7 janvier 2016.
- Difficultés d’accès aux services : l’arrière-pays méditerranéen cumule les contraintes, Insee Analyses Occitanie, n° 54, 10 novembre 2017.
- Accessibilité très inégale des services au public en Ardèche, Insee Flash Auvergne-Rhône-Alpes, n°1, 27 septembre 2019.
- Une accessibilité aux équipements et services toute en nuances dans la Vienne, Insee Analyses Nouvelle-Aquitaine, n°45, 12 juillet 2017.
- Un temps d’accès aux équipements et services plus court pour les communes bretonnes les plus denses, Insee Analyses Bretagne, n° 31, 6 janvier 2016.
- Accès aux soins à La Réunion - 84 000 Réunionnais à plus de 30 minutes des urgences, Insee Analyses, 10 novembre 2016.
- Le parc naturel régional des Alpilles, un territoire en bonne partie dédié à l’agriculture, mais de plus en plus sous influence urbaine. Insee Analyses, n°70, 19 avril 2019.
Lien ajouté le 18 mai 2022
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— Sylvain Genevois (@mirbole01) May 18, 2022
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