L'Overture Maps Foundation ambitionne de rivaliser avec Google et Apple


L'Overture Maps Foundation, constituée d'Amazon, Meta, Microsoft, Tom-Tom et d'autres "géants" de l'Internet, ambitionne de rivaliser avec Google et Apple dans les années à venir, avec de la donnée ouverte. Sa mission déclarée est « d'alimenter les produits cartographiques actuels et de nouvelle génération en créant des données cartographiques ouvertes, fiables, faciles à utiliser et interopérables »


1) Les objectifs du projet Overture

Fondé en 2022, le projet Overture s'adresse aux développeurs qui créent des services cartographiques ou utilisent des données géospatiales. L’approvisionnement et la conservation de données cartographiques de haute qualité, à jour et complètes provenant de sources disparates sont difficiles et coûteux. Overture vise à intégrer des données cartographiques provenant de plusieurs sources, notamment des membres d'Overture, des organisations civiques et des sources de données ouvertes. L'enjeu est la création de cartes collaboratives. 

Au delà de l'ouverture des données, l'objectif est également de proposer un système de référence partagé. Plusieurs ensembles de données font référence aux mêmes entités du monde réel en utilisant leurs propres conventions et leur propre vocabulaire, ce qui les rend difficiles à fusionner et à combiner. Overture Maps vise à simplifier l’interopérabilité en fournissant un système reliant les entités de différents ensembles de données aux mêmes entités du monde réel. Overture souhaite définir et favoriser l’adoption d’un schéma de données commun, bien structuré et documenté pour créer un écosystème de données cartographiques facile à utiliser.

Les données cartographiques sont vulnérables aux erreurs et aux incohérences. Les données d'Overture Maps seront soumises à des contrôles de validation pour détecter les erreurs cartographiques, les cassures et le vandalisme afin de garantir que les données cartographiques puissent être utilisées dans les systèmes de production.

2) Les données mises à disposition

Les données sont disponibles au format GeoParquet V1.1.0, une norme en cours d'incubation de l'Open Geospatial Consortium qui ajoute des types géospatiaux interopérables au format Apache Parquet, via Amazon AWS et Microsoft Azure. 

La première publication de données comprenait quatre « thèmes » :

  • Lieux - Données sur les points d'intérêt (POI) sur environ 60 millions de lieux dans le monde
  • Bâtiments - données sur l'empreinte et la hauteur des bâtiments pour 785 millions de bâtiments dans le monde
  • Transports - données sur le réseau routier
  • Limites administratives - limites administratives pour le niveau 2 (niveau du pays) et le niveau 4 (subdivisions de premier niveau sous le pays) dans le monde.

Ces données sont régulièrement enrichies et mises à jour. La version des données Overture 2024-10-23.0 est désormais disponible. Overture Maps Explorer permet d'avoir un aperçu des données mises à disposition. Les instructions pour accéder aux données sont disponibles sur le référentiel de données Overture Maps.

Le projet Overture se veut complémentaire du projet OpenStreetMap, et la fondation encourage les membres à contribuer directement aux données du projet OSM. On peut cependant s'interroger dans quelle mesure ces données sont vraiment ouvertes. Deux des quatre « thèmes » d'Overture Maps Foundation sont disponibles sous une licence ODbL et deux des thèmes sont disponibles sous une licence CDLA Permissive v 2.0.

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Des images satellites déclassifiées révèlent les impacts de la guerre du Vietnam

 
Source : « Declassified satellite photos reveal impacts of Vietnam War » (Science.org)

Pendant la guerre du Vietnam, les États-Unis ont largué plus de 8 millions de tonnes de bombes et 74 millions de litres d’Agent orange ainsi que d’autres herbicides sur le Vietnam, le Cambodge et le Laos. Près de 50 ans après la fin de la guerre, les conséquences mortelles de ces campagnes militaires persistent : les munitions non explosées continuent de mutiler et de tuer, tandis que des points chauds de dioxine, une toxine puissante présente dans les herbicides, sont suceptibles de contribuer à des cancers et des malformations congénitales. Aujourd’hui, grâce à des photos satellites militaires déclassifiées, des scientifiques ont identifié les emplacements probables de ces zones à risque, ce qui pourrait aider à orienter les opérations de repérage et de nettoyage. 

Il est difficile d’identifier ces zones à risque dans le paysage moderne. La végétation tenace a depuis longtemps masqué les cicatrices de la guerre, et les archives historiques sur les missions de bombardement et les épandages d’herbicides sont à la fois incomplètes et imprécises. C'est pourquoi Philipp Barthelme, étudiant diplômé en géosciences à l'Université d'Édimbourg, et ses collègues se sont tournés vers des photos satellites déclassifiées des missions KH-9 HEXAGON et KH-4a/b CORONA, qui étaient suffisamment nettes pour révéler des détails à des échelles très fines (60 cm).

Bien que les données satellite ne permettent pas à elles seules d'identifier les bombes non explosées, les chercheurs ont supposé qu'elles se trouvaient probablement dans les régions qui ont été lourdement bombardées. Les cratères des bombes explosées ressortent sur les images satellite sous forme de taches blanches brillantes. Les chercheurs ont utilisé l'apprentissage automatique, une sorte d'intelligence artificielle, pour repérer plus de 500 000 de ces cratères dans la province vietnamienne de Quang Tri, qui a été la plus bombardée pendant la guerre, ainsi que dans une région proche des frontières du Vietnam, du Laos et du Cambodge.

Les données satellite peuvent également aider à suivre l’impact des conflits modernes, explique Sergii Skakun, chercheur à l’Université du Maryland qui utilise l’imagerie satellite pour suivre la manière dont la guerre en cours en Ukraine endommage les terres agricoles et la production agricole. Skakun, qui a présenté une affiche lors de la réunion de l’AGU, a identifié plus de 3,8 millions de cratères d’artillerie dans son analyse de quelque 31 000 kilomètres carrés d’Ukraine en 2022. Les drones civils sont interdits dans la région, note Skakun, ce qui signifie que les images satellites commerciales et gouvernementales accessibles au public sont le seul moyen de surveiller les impacts en temps réel.

Sources scientifiques

Philipp Barthelme, Eoghan Darbyshire, Dominick V. Spracklen, Doug Weir, Gary R. Watmough. Combining Historical Records and Declassified U.S. Spy Satellite Imagery to Assess the Long-term Impacts of the Vietnam War (AGU24). [Combinaison de documents historiques et d'images satellites d'espionnage américain déclassifiées pour évaluer les impacts à long terme de la guerre du Vietnam]. https://agu.confex.com/agu/agu24/meetingapp.cgi/Paper/1611506

New data on Agent Orange use during the US’s secret war in Laos. Conflict and Environment Observatory (CEOBS) . https://ceobs.org/new-data-on-agent-orange-use-during-the-uss-secret-war-in-laos/

Pulvérisation d’herbicides pendant la guerre secrète américaine au Laos (source : CEOBS)


Philipp Barthelme, Eoghan Darbyshire, Dominick V. Spracklen, Gary R. Watmough, Detecting Vietnam War bomb craters in declassified historical KH-9 satellite imagery, [Détection de cratères de bombes de la guerre du Vietnam dans des images satellite historiques déclassifiées du KH-9], Science of Remote Sensing, Volume 10, 2024. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666017224000270

Cibles de bombardement au-dessus de l'Asie du Sud-Est pendant la guerre du Vietnam (source : Barthelme et al. 2024)

Pour compléter

« Des images satellites d'espionnage déclassifiées révèlent un ancien site de bataille en Irak » (Geo).

« Des sites romains découverts sur des images déclassifiées » (Ça m'intéresse).

« Des images satellites datant de la Guerre froide permettent d'évaluer les changements environnementaux » (Sciences et Avenir).

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Carte du déploiement de la fibre optique en France


Il était jusqu'à récemment difficile de se rendre compte des disparités entre la desserte du réseau cuivre et de celle de la fibre alors que le second est appelé à remplacer le premier. Le site cuivre.infos-reseaux propose une vue cartographique du programme de fermeture du réseau cuivre et de la complétude FTTH associée dans chaque commune. Le programme se déroule selon un calendrier progressif sur 10 ans, partant d'expérimentations sur des périmètres réduits jusqu'à des phases industrielles de plusieurs millions de locaux. Il est donc particulièrement utile de disposer d'outils efficaces pour en comprendre le déroulement. Cette application prétend répondre à une partie de ces besoins.

« Le cuivre raccroche. Préparez la transition vers la fibre optique » (source : cuivre.infos-reseaux.com)


Si l'on zoome sur la carte, on voit apparaître les foyers connectés au réseau cuivre (en rose) et ceux connectés au réseau fibre (en vert). La carte permet ainsi d'analyser l'inégale couverture de la fibre optique sur le territoire national à l'échelle de chaque commune et de chaque adresse. Les territoires ultramarins sont également représentés.

Etat du déploiement de la fibre optique dans la région lyonnaise (source : cuivre.infos-reseaux.com)

Les données très précises sont celles de l'ARCEP. L'article 28 de la décision ARCEP 2023-2802 encadre la publication des données utilisées par cette application. Cette publication ne prévoit pas la géolocalisation des adresses. Les positions ne sont donc pas données par Orange mais obtenues à partir de la BAse Adresse Nationale (BAN), dont la complétude et l'exactitude sont in fine de la responsabilité des mairies.

Les données descriptives des adresses desservies par les réseaux fibre sont publiées par l'ARCEP dans le cadre de ses études de marché du Très Haut Débit et de sa collecte de données auprès des opérateurs. Elles sont disponibles sur le site gouvernemental data.gouv.fr.

Les données relatives au programme de fermeture et les adresses desservies par le réseau cuivre sont aussi publiées par Orange France

La carte des déploiements fibre (FttH) est aussi visible sur le site de l'ARCEP. On y trouve en plus la carte des débits en réception pour chaque adresse.

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La cartographie des médias locaux en France (Ouest Médialab)


Ouest Médialab a recensé 2 644 rédactions locales en France en 2024. Après un premier chantier lancé en 2019, cette étude unique est le fruit d’un travail de collecte de données doublé d’un appel à contribution auprès des médias locaux. Elle prend en compte les rédactions des journaux, télévisions, radios et médias en ligne qui composent le paysage médiatique en régions.

La carte des médias locaux par Ouest Médialab


Les médias locaux en  France, une  diversité à  préserver

Le paysage de l’info de proximité est bien plus divers et pluriel qu’il n’y paraît. On y dénombre aujourd’hui 2644 rédactions locales. Cette diversité s'observe aussi dans certains territoires d'outre-mer. 

Cette diversité est précieuse. Elle garantit une forme de pluralisme de l’information. Elle évite aussi que des territoires deviennent demain des déserts médiatiques, avec les conséquences désastreuses que l’on peut observer dans d’autres démocraties, comme aux Etats-Unis. Mais ce paysage reste fragile, il faut le préserver et le cultiver.

Liste des rédactions et méthodologie 

Cette base de données d’utilité publique pour mieux comprendre le paysage médiatique, est mise à disposition de tous : professionnels des médias, chercheurs ou étudiants et grand public. La liste des rédactions est disponible avec leur nom, leur type (presse, radio, télé, pure-player), leur groupe d'appartenance, leur commune et leur département. Ces données ont été collectées auprès des organisations professionnelles, des institutions et des médias eux-mêmes, agrégées puis cartographiées par le datajournaliste Denis Vannier, du studio Le Plan, et l’équipe de Ouest Médialab.

Un traitement automatique des données a été effectué par Nino Auriède, étudiant-chercheur de Polytech Nantes avec le soutien de Jeanpierre Guédon, professeur en informatique de l’Université de Nantes et cofondateur de Ouest Médialab.

Il a permis d’automatiser la collecte des données des différentes sources et leur tri en passant en revue 5 000 sites web. En analysant le contenu des pages d’accueil des sites d’information, le recours à l’intelligence artificielle a contribué à déterminer le caractère local d’un média. 

Cette deuxième version de la cartographie des médias locaux comprend près de 1 100 médias de plus qu’en 2019 qui avait recensé 1 512 rédactions. 724 radios locales ont été intégrées grâce à la liste d’adhérents du Syndicat National des Radios Libres (SNRL), additionnées du résultat de contributions volontaires de grands groupes de presse et syndicats professionnels. 

Il est possible de contribuer en ajoutant un média qui ne figure pas sur la carte ou en complétant des informations déjà présentes dans la base de données.

La base de données mise à disposition par Ouest Medialab permet de faire des analyses. Par exemple ici les villes d'implantation de la presse régionale. Avec possibilité de comparer avec la radio ou la télévision.
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Premières images radar du satellite Sentinel-1C (Copernicus)


Source : « Sentinel-1C captures first radar images » (European Spatial Agency, 10 décembre 2024)

Moins d’une semaine après son lancement, le satellite Copernicus Sentinel-1C a livré ses premières images radar de la Terre, offrant un aperçu de ses capacités de surveillance dans le domaine de l'environnement. Lancé le 5 décembre 2024 depuis le Centre Spatial Guyanais à bord d'une fusée Vega-C, Sentinel-1C est équipé d'un radar à synthèse d'ouverture (SAR) en bande C. Cette technologie de pointe permet au satellite de fournir des images haute résolution de jour comme de nuit, quelles que soient les conditions météorologiques, pour des applications critiques telles que la gestion de l'environnement, la réponse aux catastrophes et la recherche sur le changement climatique.

Le nouveau satellite a désormais livré sa première série d’images radar au-dessus de l’Europe, traitées par le segment au sol de Copernicus. Ces images présentent un niveau exceptionnel de qualité des données pour les images initiales, soulignant les efforts remarquables de toute l’équipe Sentinel-1 au cours des dernières années. Ces premières images montrent des régions d’intérêt, notamment le Svalbard en Norvège, les Pays-Bas et Bruxelles en Belgique.

Image des Pays Bas captée par Sentinel-1C (Source : © ESA)

Cette image Sentinel-1C des Pays-Bas fait écho à la  toute première image SAR  acquise par la mission européenne de télédétection (ERS) en 1991, qui a capturé le polder de Flevoland et l'IJsselmeer, marquant ainsi la première image radar européenne jamais prise depuis l'espace.

La Commission européenne supervise Copernicus, qui coordonne divers services visant à protéger l'environnement et à améliorer la vie quotidienne. L'ESA, responsable de la famille de satellites Sentinel, assure  un flux constant de données de haute qualité pour soutenir ces services. Simonetta Cheli, directrice des programmes d'observation de la Terre à l'ESA, a déclaré : « Ces images mettent en évidence les capacités remarquables de Sentinel-1C. Bien qu'il soit encore trop tôt pour le dire, les données montrent déjà comment cette mission va améliorer les services Copernicus au profit de l'Europe et au-delà. »

Depuis son lancement, Sentinel-1C a subi une série de procédures de déploiement complexes, notamment l'activation de son antenne radar de 12 mètres de long et de ses panneaux solaires. Bien que le satellite soit encore en phase de mise en service, ces premières images soulignent son potentiel à fournir des informations exploitables dans toute une gamme d’applications environnementales et scientifiques.

Ramon Torres, chef de projet de l'ESA pour la mission Sentinel-1, a déclaré à propos du lancement de Sentinel-1C : « Sentinel-1C est désormais prêt à poursuivre le travail essentiel de ses prédécesseurs, en dévoilant les secrets de notre planète, de la surveillance des mouvements des navires sur les vastes océans à la capture des reflets éblouissants de la glace de mer dans les régions polaires et des subtils changements de la surface de la Terre. Ces premières images incarnent un moment de renouveau pour la mission Sentinel-1. »

Les données de Sentinel-1 contribuent à de nombreux services et applications Copernicus, notamment la surveillance de la banquise arctique, le suivi des icebergs, la cartographie de routine de la banquise et les mesures de la vitesse des glaciers. Elles jouent également un rôle essentiel dans la surveillance marine, comme la détection des déversements d'hydrocarbures, le suivi des navires pour la sécurité maritime et la surveillance des activités de pêche illégale.

En outre, il est largement utilisé pour observer les déformations du sol causées par les affaissements, les tremblements de terre et l'activité volcanique, ainsi que pour cartographier les forêts, les ressources en eau et en sol. Cette mission est essentielle pour soutenir l'aide humanitaire et répondre aux crises dans le monde entier.

Toutes les données Sentinel-1 sont disponibles gratuitement via l'écosystème Copernicus Data Space, offrant un accès instantané à une large gamme de données provenant à la fois des missions Sentinel et des missions contributives Copernicus.

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Blanchissement des coraux et suivi satellitaire par la NOAA

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Les photos de la Terre prises par Thomas Pesquet lors de ses missions spatiales

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Comment les frontières politiques façonnent les paysages. Une série d’images satellites Planet en haute résolution

Cartographier les bâtiments en Afrique à partir d'images satellites

Carte des précipitations mondiales (2007-2021) enregistrées par les satellites du programme EUMETSAT

Rubrique outils et images satellitaires

Comparer les temps de trajets en Angleterre et au Pays de Galles de 1680 à nos jours


Travelintimes est un planificateur de voyage historique, qui permet de planifier des voyages en Angleterre et au Pays de Galles vers 1680, vers 1830 et en 1911. Le site permet d'explorer la nature des déplacements et la façon dont ils se sont améliorés au cours du temps. Fondé sur des recherches historiques, il s'appuie sur les résultats de plusieurs projets de recherche conduits au sein de l'Université de Cambridge.


1) Un planificateur de voyage pour mesurer l'évolution historique des transports

Le planificateur de voyage est encore en phase de développement. Il permet pour l'instant les choix suivants :

  1. Planifiez un voyage à cheval à travers l'Angleterre et le Pays de Galles vers 1680 ;
  2. Planifiez un voyage en diligence à travers l'Angleterre et le Pays de Galles vers 1830 ;
  3. Planifiez un voyage en train à travers l'Angleterre et le Pays de Galles, en utilisant un vélo pour vous rendre à la gare la plus proche.

Un quatrième choix propose un itinéraire actuel basé sur la voiture, en utilisant OpenStreetMap, à titre de comparaison. Le planificateur permet de fixer son trajet entre deux points au choix sur la carte, de connaître le cas échéant la localisation des arrêts de nuit et de calculer le coût du voyage, exprimé de différentes manières (dans la monnaie et les prix de l'époque, en nombre d'heures de travail adulte non qualifié nécessaires pour payer le voyage, en monnaie actuelle en se référant aux heures de travail non qualifié du salaire minimum actuel).

2) Pourquoi ce choix de dates vers 1680, vers 1830 et en 1911 ?

Ces dates ont été choisies pour illustrer les aspects clés du développement des systèmes de transport. En 1680, l'amélioration du réseau routier apportée par les Turnpike Trusts (qui percevaient des péages) n'existait pas et l'ère moderne de la construction de canaux n'avait pas encore débuté. En 1830, le réseau de routes à péage était à son apogée, couvrant environ 20 000 miles, ainsi que le réseau de canaux. Le premier chemin de fer à vapeur pour passagers au monde, la ligne Liverpool-Manchester, a ouvert en 1830, mais en 1911, le réseau ferroviaire était à son apogée tandis que le vélo se répandait rapidement à partir des années 1890.

En 1680, l'état des routes était très mauvais et de nombreuses routes étaient impraticables aux véhicules à roues pendant une grande partie voire la totalité de l'année, ce qui faisait du déplacement à cheval (en amazone pour les femmes à cette époque) la seule alternative à la marche pour la plupart des voyages de passagers longue distance. 

En 1830, il existait un réseau très étendu de routes à péage, qui permettaient de circuler même la nuit. Le réseau de lignes de diligences était très développé, ce qui permettaient à ceux qui en avaient les moyens de parcourir le pays beaucoup plus rapidement qu'en 1680 et dans un confort bien plus grand. 

En 1911, grâce à un réseau ferroviaire dense, les déplacements à travers le pays étaient beaucoup plus rapides qu'en 1830, plus confortables, plus sûrs et moins chers. Les billets de troisième classe permettaient à une grande partie de la classe ouvrière de voyager en train. L'invention et la diffusion du vélo a également grandement démocratisé l'accès aux transports, les riches pouvant désormais se déplacer en voiture. 

D'autres types de trajets, pour le fret de marchandises (notamment le charbon), seront ajoutés sur le site.

3) Un projet de recherche qui témoigne du « spatial turn » des recherches historiques

Les données à l'origine de ce site web ont été créées à partir d'une série de projets de recherche du département de géographie et de la faculté d'histoire de l'Université de Cambridge. Ces projets ont été financés par le Conseil de recherche économique et sociale, le Leverhulme Trust, la British Academy et l'Isaac Newton Trust (Cambridge).

Plusieurs projets ont été menés par le Dr Leigh Shaw-Taylor et le professeur Sir EA Wrigley entre 2003 et 2012, axés sur la reconstruction de la structure professionnelle de l'Angleterre et du Pays de Galles depuis la fin du Moyen Âge. Ils se sont assez rapidement intéressés au rôle des changements dans les infrastructures de transport, dans la géographie de la population et dans les structures professionnelles locales. À partir de 2006, le Dr Max Satchell a travaillé sur le projet qui a connu ensuite un « tournant spatial ». Avec des collègues en Espagne (dirigés par le professeur Jordi Marti-Henneberg), ils ont créé des cartes numériques du réseau ferroviaire et des gares pour chaque année de 1825 à 2010 à partir de l'atlas de Michael Cobb, The Railways of Great Britain. Max Satchell a ensuite créé des cartes des rivières et canaux navigables d'Angleterre et du Pays de Galles pour chaque année de 1600 à 1947. En 2012, ils ont lancé un nouveau projet financé par le Leverhulme Trust avec le professeur Dan Bogart (Université de Californie à Irvine) qui a obtenu un financement supplémentaire de la National Science Foundation américaine. Le Dr Xuesheng You, Mme Annette MacKenzie, le Dr Eduard Alvarez et le Dr Alan Rosevear ont rejoint l'équipe. Satchell et Rosevear ont cartographié les routes à péage pour chaque année de 1660 jusqu'à la disparition finale du système en 1897. Satchell, Alvarez et d'autres chercheurs ont créé des cartes des ports et des routes de navigation côtière.

Alvarez a connecté tous les réseaux de transport pour produire une version « multimodale » avec trois dates de référence (vers 1680, vers 1830 et en 1911). Cette dernière étape a reposé sur l'utilisation d'un logiciel d'analyse de réseau pour étudier les caractéristiques du réseau et modéliser les trajets. Les chercheurs espèrent que ce site web intéressera le grand public et qu’il sera largement utilisé à des fins d’enseignement en histoire et en géographie dans les écoles et les collèges. 

4) Références scientifiques

L. Shaw-Taylor, D. Bogart et AEM Satchell. The Online Historical Atlas of Transport, Urbanization and Economic Development in England and Wales c.1680-1911 [Atlas historique en ligne des transports, de l'urbanisation et du développement économique en Angleterre et au Pays de Galles vers 1680-1911]. TravelinTimes.org

Chapter 1Navigable waterways and the economy of England and Wales 1600-1835
Max Satchell (2017) 
 
Chapter 2The Turnpike Roads of England and Wales 
Dan Bogart (2017) 
 
Chapter 3The development of the railway network in Britain 1825-1911
Dan Bogart, Leigh Shaw-Taylor and Xuesheng You (2018) : L. Shaw-Taylor, D. Bogart and A.E.M. Satchell

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Sixième édition du défi cartographique #30DayMapChallenge (novembre 2024)


La 6e édition du défi cartographique du #30DayMapChallenge s'est terminée fin novembre 2024. Lancé en 2019 par Topi Tjukanov, un cartographe finlandais, le défi est devenu au fil des années un projet de cartographie sociale qui se déroule chaque année au mois de novembre. L'édition 2024 introduit des thèmes nouveaux concernant la cartographie collaborative, les conflits, la mémoire, la planète bleue, le micomapping, les heatmaps. L'Arctique remplace l'Antarctique qui était au défi de l'an dernier, deux couleurs remplace noir & blanc. Une place importante est réservée aux données (Data : HDX - Data : my data - Data : OpenStreetMap - Data : overture). Enfin le dernier challenge (The final map) laisse une grande liberté.



Les réalisations peuvent être retrouvées à partir du hashtag #30DayMapChallenge sur différents réseaux sociaux :

 30 cartes pour voir le territoire autrement (IGN)
https://www.ign.fr/reperes/30-cartes-pour-voir-le-territoire-autrement


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La carte de Cassini embellie sur le site du Géoportail


Source : « Une nouvelle version interactive de la carte de Cassini, la première carte intégrale du royaume (XVIIIe siècle), a été mise en ligne sur le Géoportail » (BNF-IGN, Communiqué de presse du 28 novembre 2024). 

La Bibliothèque nationale de France (BnF) et l’Institut national de  l’information géographique et forestière (IGN) ont noué un partenariat afin de rendre accessible sur le Géoportail, portail web permettant l’accès à des services de recherche et de visualisation de données géographiques ou géolocalisées, une nouvelle version numérisée de la célèbre carte de Cassini. Il s’agit de la première carte générale et détaillée du royaume de France réalisée entre 1756 et 1815 par la famille de cartographes Cassini.  

Composée de 180 feuilles accolées, cette carte exceptionnelle conservée au département des Cartes et plans de la BnF, est l’un des rares exemplaires aquarellés à la main réalisé dans les années 1780. Elle donne une vision d’ensemble du royaume dans ses frontières de l’époque, ce qui explique l’absence de Nice, de la Savoie et de la Corse, mais aussi la présence de villes aujourd’hui belges, luxembourgeoises ou allemandes. Chaque feuille a été découpée en 21 rectangles collés sur une toile de jute afin d’en permettre le pliage et le transport.  Grâce à ce partenariat, les utilisateurs peuvent naviguer de façon interactive à travers une version assemblée de la carte, tout en la superposant à des cartes modernes ou à des prises de vues aériennes actuelles. Cette version est de bien meilleure qualité, avec une résolution et un contraste plus importants que celle diffusée précédemment sur le Géoportail. Numérisée en 2015 par la BnF en haute résolution, la Carte de Cassini est également accessible sur Gallica la bibliothèque numérique de la BnF, ainsi que sur l’application mobile Cartes IGN et le site « Remonter le temps ». 

La nouvelle version est vraiment plus précise. La possibilité de zoomer sur des traits permet de placer les moulins, notamment, avec plus de précision. Toutefois les versions ayant été aquarellées à la main ont parfois des petites différences qui méritent d'être comparées ponctuellement. La carte de Cassini intégrée dans le Géoportail est la version en couleur (feuilles gravées et aquarellées) issue de l’exemplaire dit de « Marie-Antoinette » du XVIIIe siècle. La légende qui accompagne la carte de Cassini sur le Géoportail vaut le coup d'oeil par la précision et la beauté de ses symboles (à télécharger en pdf). Jean-Marc Viglino en a tiré une police svg utilisable dans un SIG.

Au même titre que les autres couches du Géoportail, la carte de Cassini peut être intégrée dans un SIG sous la forme de flux WMTS (voir les Geoservices WMS/WMTS sur le site de l'IGN). Exemple ici d'intégration de la carte dans QGIS.



On ne dispose pas de cartes de Cassini pour l'outre-mer. Le Géoportail comporte malgré tout une belle carte du XVIIIe siècle pour la Guyane. En toute logique, le Géoportail devrait mettre d'autres cartes du XVIIIe pour les autres territoires d'outre-mer. Pour la Corse, il y a le plan Terrier du XVIIIe disponible via les Géoservices de l'IGN

Pour compléter

« Portrait cartographique du Royaume de France : l’aventure des Cassini » (La Fabrique de l'Histoire).

Au XVIIIe siècle, la France a vu naître une œuvre cartographique sans précédent : la carte de Cassini, la première représentation géométrique et topographique de tout le territoire national. Réalisée sur plus de 70 ans par quatre générations d’une même famille d’astronomes et cartographes, cette carte est bien plus qu’un simple outil : elle est un témoignage historique, scientifique et technique unique. Débutée sous Louis XV, la carte de Cassini a marqué une rupture avec les anciennes méthodes. Grâce à des techniques comme la triangulation et des relevés sur le terrain, elle a permis de produire une carte rigoureuse et détaillée. Ses créateurs ont relevé de nombreux défis, alliant innovation scientifique, observation astronomique et expertise topographique. La carte de Cassini ne se contente pas de montrer les frontières et les routes : elle représente les clochers, moulins, forêts, cours d’eau, et autres éléments essentiels à la vie des territoires. Elle reflète une vision civique et scientifique, tout en ayant une utilité militaire stratégique. Aujourd’hui, les avancées numériques permettent de superposer les cartes de Cassini aux représentations modernes, offrant un regard unique sur l’évolution des territoires. Un véritable trésor scientifique et culturel pour comprendre le passé et planifier l’avenir. La carte de Cassini témoigne de valeurs de persévérance et de transmission. Ce projet ambitieux, fruit de décennies de travail, continue d’inspirer par sa précision et son utilité. Une nouvelle version interactive est désormais accessible sur le Géoportail de l’IGN.

« Naviguer dans les cartes de Cassini avec Eve Netchine et Bernard Bèzes » (France Culture)

La carte de Cassini, première représentation cartographique du royaume de France établie en 1744, a été numérisée pour la première fois de façon continue. Comment cette carte a-t-elle été créée ? Comment a-t-elle, au cours de l'histoire, façonné notre représentation du territoire ?

« Chez les Cassini, les cartes c’est de famille ! » (France Culture)

Aux 17e et 18e siècles, la famille Cassini donne à la science plusieurs astronomes, cartographes et géodésiens. Depuis l’Observatoire de Paris, génération après génération, ils participent à l’élaboration d’une Carte générale de la France, singulière par sa précision et son étendue.

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L'histoire par les cartes : histoire du quartier Richelieu à Paris (1750-1950)





Open Source Places, une base de données de 100 millions de POI en open source (Foursquare)


Source : « Foursquare Open Source Places : A new foundational dataset for the geospatial community » (Foursquare)

La plate-forme Foursquare, qui se présente comme « leader du secteur pour tout ce qui concerne le géospatial », lance Open Source Places, un ensemble de données ouvertes comprenant 100 millions de lieux d’intérêt (POI) classés selon 22 attributs de base. La carte reflète la diversité des lieux d'intérêt dans le monde. L'inégale densité de l'information traduit l'inégale répartition de la population (les pleins et les vides de l'oekoumène). Cette couverture inégale est aussi celle de millions d'utilisateurs qui ont contribué à saisir l'information (principalement dans les zones développées bénéficiant de bonnes connexions et d'utilisateurs bien équipés). D'une certaine manière, la carte reflète l'inégale géonumérisation du monde. 

L'inégale densité des « lieux d'intérêt » ou POI selon Open Source Places  (source : Foursquare)


1) Diffuser des POI en open source, un enjeu majeur

Les données rassemblent des informations livrées par des sociétés « à partir de sources tierces faisant autorité ainsi que de milliards de photos, de conseils et d'avis générés par les utilisateurs, issus de 10 ans d'expérience en matière de collecte de commentaires des consommateurs »Ces données POI sont destinées selon Foursquare à « stimuler l'innovation dans l'ensemble de la communauté géospatiale ». Étant donné leur origine, il n'est pas étonnant de voir dominer les données concernant des lieux ayant un usage commercial. 

Même si ces données sont gratuites, il s'agit pour Foursquare de valoriser son image d'entreprise spécialisée dans le géospatial. Les POI fournissent souvent la couche fondamentale pour le développement open source. Foursquare a bâti nombre de ses applications à partir de ces données ouvertes. Foursquare Places a été construit sur un système de crowdsourcing, à partir des données d'utilisateurs utilisant ses applications mobiles. Tout l'enjeu est désormais de parvenir à maintenir une base de données synchronisée avec le monde réel. C'est certainement l'une des raisons qui ont conduit à la mise à disposition de ces données POI en open source : poursuivre, voire amplifier le travail de saisie et de mise à jour de ces données sur une base contributive, ce qui est l'objectif de sa Placemaker Community, souvent mise en avant par Foursquare comme une des spécificités de l'entreprise.

2) L'accès aux données au format parquet

L’ensemble des données est fourni au format parquet. Il est prévu qu'il soit mis à jour mensuellement. Ces données peuvent être filtrées par catégories et par type de lieux commerciaux ou non commerciaux (voir le schéma de base ici).

L'extraction des données à partir de gros fichiers au format parquet nécessite des compétences techniques. On peut utiliser l'interface Fused qui permet de faire des extractions simples à partir d'un secteur géographique (téléchargement des données au format geojson). Mark Litwintschik et Simon Willison fournissent des conseils pour procéder à des extractions avec DuckDB ou pour les récupérer sur Github (plus de 10 Go de données à télécharger en plusieurs fichiers).

Certains data analystes comme Tim Wallace soulignent l'intérêt de pouvoir disposer d'une telle masse de données ouvertes. Mais comme pour tout jeu de données, ouvert ou non, il est bon de savoir à quoi on a affaire. Bien que Foursquare garantisse des données gratuites et de haute qualité, certaines données sont quelque peu incohérentes ou mal renseignées. Avec le temps, il devrait être possible d'éliminer ces bizarreries. 

3) La consultation à travers une interface cartographique


Les données peuvent être visualisées directement à travers l'interface cartographique Fourquare Studio


À mesure que l'on zoome, on voit apparaître les cellules géométriques qui donnent la somme de lieux et leurs grandes catégories (vente de détail, manger et boire, voyage et transports, services aux entreprises et professionnels, événementiel). Pour aller plus loin, il faut s'abonner à l'application Studio. D'où l'intérêt de télécharger les données dans un SIG pour pouvoir faire des analyses plus fines à l'échelle des sous-catégories. A noter cependant : on ne dispose pas de la nature et de la géolocalisation précises des données, celles-ci ayant été catégorisées et agrégées avant diffusion à l'échelle de chaque cellule. En cela, le jeu de données Open Source Places montre bien l'intérêt et les limites du big data et de l'open data tels qu'ils sont mis en oeuvre aujourd'hui par les grandes entreprises.


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La cartographie dans la tradition islamique : Ṣūrat al-Arḍ


Source : Mapping in the Islamic Tradition : Ṣūrat al-Arḍ (2024). Library of Congress.

Dans une présentation intitulée « Ṣūrat al-Arḍ : des manières de voir les représentations islamiques du monde et au-delà », Karen Pinto, chercheuse associée en études religieuses à l'Université du Colorado, présente la vision du monde du point de vue de la tradition cartographique islamique. Dans cette tradition dite Ṣūrat al-Arḍ (Configuration du monde d'après le célèbre ouvrage d'Ibn Haqwal), l'art, la géographie, la religion et la philosophie fusionnent pour présenter des images aux origines cosmographiques et à l'identité spatiale orientée vers le Sud. À partir des messages codés dans ces cartes, la chercheuse nous fait découvrir des récits historiques longtemps cachés et nous permet de revisiter les contributions de cette tradition cartographique à l'histoire de la cartographie de notre monde. Cette conférence fait partie de la présentation d'automne 2024 de la Philip Lee Phillips Society, « Cartographie dans la tradition islamique ».

Karen Pinto, originaire de Karachi au Pakistan, formée à Dartmouth et à Columbia, s'est spécialisée dans l'histoire de la cartographie islamique et ses intersections entre les traditions cartographiques ottomanes, européennes et autres au niveau mondial. Elle a passé trois décennies à traquer des cartes dans les collections de manuscrits orientaux du monde entier. Elle possède un référentiel de 3 000 images de cartes islamiques, dont beaucoup n'ont jamais été publiées auparavant. Son livre Medieval Islamic Maps and Exploration a été publié par la University of Chicago Press en novembre 2016, et a remporté le prix Outstanding Academic Title Award 2017 de Choice. Elle a également remporté le prix Ibn Khaldun pour son travail sur la Méditerranée dans l'imaginaire cartographique islamique. En plus de ses études sur le Moyen-Orient et l'Islam, elle s'intéresse aux humanités numériques, aux études spatiales et au développement de modèles 3D pour améliorer notre compréhension des cartes médiévales. 

Quelques extraits de la conférence

« Aujourd'hui nous sortons notre téléphone et Google Maps, nous disons que nous voulons aller ici, là et partout... Mais comment faisions-nous au VIIe siècle ? Tous ces musulmans partant à la conquête du monde, comment savaient-ils où ils allaient ? C'est une question fascinante. »

« La première chose que je fais est de dire à mes étudiants, rangez tous vos livres, prenez un morceau de papier et dessinez la première carte qui vous vient à l'esprit. Combien d'entre eux font celle qui montre le nord en haut avec l'Amérique au centre ? Ils font ce type de carte, mais certains d'entre eux en dessinent d’autres différentes. C'est vraiment intéressant de voir, quelle est la carte qui tourne dans leur tête ? Quelle est votre carte mentale ? Où est votre carte mentale ? »

« L'océan qui nous entoure c'est, comme vous le savez, le motif de toutes les cartes pré-modernes. Au début de la période moderne, soudainement on voit apparaître l'Atlantique et le Pacifique. Étaient-ils été divisés ? Non. Vous pensez qu'ils sont divisés. Mais si vous regardez Google Maps sous un angle particulier, vous verrez que les océans sont tous connectés. Nous avons toujours un océan qui nous entoure. »

« J'ai passé des heures et des heures à regarder ces cartes en me demandant, qu'est-ce que c'est ? Des lignes et des cercles étranges et quelques créatures ornementales, et puis vous commencez à lire et vous commencez à dire, oh, ce sont des noms de lieux que je reconnais. Oh, c'est le golfe Persique, vraiment ? Et ça ce n'est pas l'Afrique et l'Espagne ? »

« Ce que tous les amateurs de cartes aiment universellement, c'est d'identifier des lieux et déterminer quel lieu se trouve où. Sur ces cartes, un certain nombre de lieux ont disparu. Je suis allé sur le terrain à la recherche de lieux car ils ne figurent pas dans les manuscrits. Ils ont été oubliés. Et la seule façon de les trouver est d'aller sur place. J'ai donc été sur place en Syrie et en Turquie, à la recherche de lieux sur la carte de la Méditerranée, c'est dire à quel point les gens qui s'intéressent aux cartes sont obsédés. »

« C'est juste comme ça que sont les cartes. C'est quand vous ne les comprenez pas, quand elles n'ont aucun sens, quand vous devez aller creuser pour trouver le sens derrière ces cartes ou ce qu'elles essaient de vous montrer, c'est ce qui est fascinant. »

« Et puis cette idée : si on commençait à regarder le monde avec une autre direction en haut, en particulier avec les musulmans, avec le sud en haut, ils privilégient l'Afrique, n'est-ce pas ? Ils regardent vers l'Afrique. Ils ne privilégient pas l'Europe. Donc le sud est en haut. »

« Si vous prenez une goutte de cartographie chinoise pré-moderne, une goutte de cartographie européenne pré-moderne, une goutte de cartographie africaine pré-moderne, vous les prenez et les additionnez, qu'est-ce que vous obtenez ? Vous obtenez une carte islamique. Parce que le truc à propos du monde musulman, qui est si intéressant et qui est représenté ici, c'est la figure de la péninsule arabique qui est au centre des cartes. Donc ils sont au carrefour. Le centre de la croix. Ils sont au centre de la croix du monde. Et même maintenant, quand vous pensez au monde, si vous pensez simplement à la carte, la péninsule arabique est juste là connectant l'Afrique à l'Asie, à l'Europe. Vous avez donc cette connectivité incroyable ».

Pour compléter

« Quand j'étais étudiant diplômé à Columbia en 1991, ma professeure, la regrettée mais incroyablement grande Olivia Remie Constable (1961-2014), m'a suggéré d'écrire un article de séminaire sur les géographes musulmans médiévaux. Cela m'a envoyé dans les recoins sombres de la collection d'histoire et de géographie islamiques au 11e étage de la bibliothèque Butler. Là, je suis littéralement tombé sur les 6 volumes de Konrad Miller de la fin des années 1920 : Mappae Arabicae : Arabische Welt und Länderkarten des 9–13. Jahrunderts. (6 vol. Stuttgart, 1926–1931) réimpressions en noir et blanc de centaines de cartes islamiques médiévales cachées dans des manuscrits orientaux jusqu'alors peu connus dans le monde de l'histoire de la cartographie occidentale.

« L'harmonie masque le conflit : la Méditerranée dans l'imaginaire islamique médiéval  » (exposition de Karen Pinto)

« Tout est dans la carte » (New York Review of Books)
L’attachement des Etats à leurs frontières et le déclin des dynasties ne s’expliquent pas uniquement pas des facteurs idéologiques ou politiques. Dès le XIVe siècle, l’historien arabe Ibn Khaldoun, souligne le rôle que jouent la géographie et la morphologie géophysique d’un pays dans son destin et celui de sa région. Dans cet article de la New York Review of Books traduit par Books en janvier 2014, Malise Ruthven souligne notamment toutes les significations que peuvent prendre une simple carte pour une nation, et nous réapprend à penser le monde autrement.

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Cartographie du surpoids et de l’obésité aux États-Unis et dans le monde


Source : Ng, Marie et al., National-level and state-level prevalence of overweight and obesity among children, adolescents, and adults in the USA, 1990–2021, and forecasts up to 2050. [Prévalence du surpoids et de l’obésité aux États-Unis (1990-2021) et prévisions jusqu’en 2050]. The Lancet, article en accès ouvert.

Présentation

D’après la définition de l’OMS, une personne est en surpoids lorsque son indice de masse corporelle (IMC) est supérieur à 25 et elle est obèse lorsque celui-ci est supérieur à 30. Le surpoids et l’obésité ne cessent d'augmenter aux États-Unis. L'obésité a presque triplé au cours des 50 dernières années. Le monde compte plus d'un milliard de personnes obèses dont l'indice de masses corporelle (IMC) dépasse les 30 kg/m2. Il convient de comprendre les tendances actuelles et les trajectoires futures au niveau national et au niveau des États pour évaluer le succès des interventions actuelles et éclairer les futurs changements de politique de santé. Dans cet article, les auteurs ont estimé la prévalence du surpoids et de l’obésité de 1990 à 2021 avec des prévisions jusqu’en 2050 pour les enfants et les adolescents (âgés de 5 à 24 ans) et les adultes (âgés de plus de 25 ans). En outre, ils ont établi des estimations et des projections spécifiques pour chaque État concernant les adolescents âgés de 15 à 24 ans et les adultes pour les 50 états et Washington DC.

Prévalence estimée du surpoids et de l'obésité dans 50 États américains en 2021 chez les adolescents et les adultes, par sexe (source : The Lancet)

Principaux résultats

En 2021, on estime qu'environ 15,1 millions d'enfants et jeunes adolescents (âgés de 5 à 14 ans), 21,4 millions d'adolescents (âgés de 15 à 24 ans) et 172 millions d'adultes (âgés de plus de 25 ans) étaient en surpoids ou obèses aux États-Unis. 

Le Texas avait la prévalence standardisée selon l'âge la plus élevée concernant le surpoids ou l'obésité chez les adolescents de sexe masculin (âgés de 15 à 24 ans), soit 52,4 % (47,4-57,6), tandis que le Mississippi avait la prévalence la plus élevée chez les adolescentes (âgées de 15 à 24 ans), soit 63,0 % (57,0-68,5). 

Chez les adultes, la prévalence du surpoids ou de l'obésité était la plus élevée dans le Dakota du Nord pour les hommes, estimée à 80,6 % , et dans le Mississippi pour les femmes à 79,9 % . La prévalence de l'obésité a dépassé l'augmentation du surpoids au fil du temps, en particulier chez les adolescents. 

Entre 1990 et 2021, la variation en pourcentage de la prévalence standardisée de l'obésité selon l'âge a augmenté de 158,4 % chez les adolescents de sexe masculin et de 185,9 % (139,4–237,1) chez les adolescentes. Chez les adultes, la variation en pourcentage de la prévalence de l'obésité était de 123,6 % chez les hommes et de 99,9 % chez les femmes. 

Les résultats des prévisions suggèrent que si les tendances et les schémas passés se poursuivent, 3,33 millions d'enfants et de jeunes adolescents supplémentaires, 3,41 millions d'adolescents et 41,4 millions d'adultes supplémentaires seront en surpoids ou obèses d'ici 2050. Le nombre total d'enfants et d'adolescents en surpoids et obèses atteindra 43,1 millions et le nombre total d'adultes en surpoids et obèses atteindra 213 millions en 2050. Dans la plupart des états des États-Unis, on prévoit qu'un adolescent sur trois et deux adultes sur trois souffriront d'obésité. Bien que les États du Sud, tels que l’Oklahoma, le Mississippi, l’Alabama, l’Arkansas, la Virginie-Occidentale et le Kentucky, devraient continuer à connaître une prévalence élevée de l’obésité, les changements de pourcentage les plus élevés à partir de 2021 sont prévus dans des États comme l’Utah pour les adolescents et le Colorado pour les adultes.

Interprétation

Les politiques actuelles n’ont pas réussi à lutter contre le surpoids et l’obésité. Sans réforme majeure, les tendances annoncées seront dévastatrices au niveau individuel et collectif, le poids de la morbidité et les coûts économiques associés continueront d’augmenter. Une gouvernance plus forte est nécessaire pour soutenir et mettre en œuvre une approche systémique multidimensionnelle visant à lutter contre les facteurs structurels du surpoids et de l’obésité aux niveaux national et local. Bien que les innovations cliniques doivent être exploitées pour traiter et gérer de manière équitable l’obésité existante, la prévention au niveau de la population reste au cœur de toute stratégie d’intervention, en particulier pour les enfants et les adolescents.

Les données et les cartes sont disponibles dans les annexes de l'article.

Fiche d'information de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sur l'obésité et le surpoids.

Pour compléter 

« Tendances mondiales de l'insuffisance pondérale et de l'obésité de 1990 à 2022 : une analyse groupée de 3 663 études représentatives de la population portant sur 222 millions d'enfants, d'adolescents et d'adultes » (The Lancet). Accès aux données de l'article sur Zenodo ou sur le site de la Ncdrisc (National Adult Body-Mass Index).

« Quel État américain a le taux d’obésité le plus élevé ? »  (Visual Capitalist, 30 juillet 2024).
Taux d'obésité chez les adultes en 2022 par État et territoire des États-Unis. L'obésité est définie comme un indice de masse corporelle (IMC) égal ou supérieur à 30. Les chiffres proviennent des Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies et sont mis à jour en janvier 2024. Les chiffres sur l'obésité sont basés sur la taille et le poids autodéclarés. Accès aux données sur le site du CDC (Centers for Disease Control and Prevention)

« Une personne sur huit vit désormais avec de l’obésité dans le monde » (Organisation mondiale de la Santé).

« L'obésité touche surtout les personnes d'âge moyen et les pauvres » (Robert Wood Johnson Foundation).

« Cartes. Géographie de l’obésité ». Par Hervé Théry, Patrick Caron (Diploweb, 30 octobre 2019).
Il existe, dans nombre de pays du monde, une correspondance entre offre abondante de viande et obésité. 

« Comment les villes aggravent l'épidémie d'obésité » (Fast Company).
Le mythe selon lequel l'obésité n'est qu'une question personnelle ne tient pas compte du rôle que jouent les villes pour décourager les modes de vie sains.

« Relation entre obésité et vote électoral des États américains » (Data Is Beautiful).
On sait que l’obésité est liée au statut socio-économique, qui est lui-même l'un des déterminants du vote électoral. Si les États qui comptent le plus d'obèses votent républicain, il faut cependant faire la distinction entre corrélation et causalité. D'autres facteurs entrent en considération tels que l’appartenance religieuse ou l'éducation. Il convient de conduire des études au niveau individuel et non uniquement au niveau des Etats ou des comtés. Étant donné que les systèmes politique, économique et de santé aux États-Unis sont très différents de ceux d'autres pays, les recherches menées aux États-Unis sont difficilement généralisables (voir cette étude sur le Royaume-Uni).

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