Avec l'essor des cartes animées, il peut être utile d'avoir quelques rudiments pour composer ou décomposer des GIFs animés. Il existe de nombreux sites permettant de créer un GIF à partir d'images : Picasion, MakeAGif.com, Gifmaker.me. On peut aussi en fabriquer avec le logiciel gratuit Gimp (voir ce tutoriel). Ce billet a pour objectif d'apprendre à décomposer un gif animé déjà existant, une opération moins courante qui peut avoir son utilité.
Voici un tutoriel à partir d'un exemple : l'évolution du territoire américain depuis 170 ans (1789-1959).
Ce gif animé est issu du site Smithsonian.com. Cette animation est également disponible sur Youtube sous forme de vidéo.
Cette carte animée résume 170 ans d'évolution du territoire des Etats-Unis, de l'application de la Constitution américaine en 1789 jusqu'au rattachement de Hawaï en 1959. Les changements sont considérables, en particulier pour la Géorgie ou le Texas qui constituent d'abord de gigantesques
étendues territoriales avant de se réduire progressivement. On peut voir également les divisions de la Nouvelle Espagne et les rétractions successives de l'état du Mexique, de son origine en 1821 à sa disparition en 1854. D'autres gif animés sont disponibles sur le site Vividmaps.com en ce qui concerne par exemple l'évolution de l'appartenance religieuse.
Le défilement, très rapide, ne permet guère de suivre les différentes étapes de construction du territoire américain. L'objectif est donc de décomposer le fichier en autant de cartes intermédiaires de manière à pouvoir faire des arrêts sur image, ce que ne permet pas un gif animé.
Solution 1 : utiliser un outil en ligne
Plusieurs sites proposent leurs services. Avantage d'une solution en ligne : il n'est pas nécessaire d'installer un logiciel sur son ordinateur. Le traitement est plus rapide. Inconvénient : le résultat peut cependant être de moins bonne qualité.
Blog gif : ce site permet de récupérer l'ensemble des frames (images) qui composent un GIF animé. Il suffit de parcourir son disque dur pour charger le fichier gif. Une option importante : cocher le bouton "Supprimer l'optimisation du GIF", sans quoi les résultats peuvent être surprenants. Une limite cependant : le site ne permet pas de décomposer plus de 50 images, ce qui est déjà important mais pas suffisant pour notre gif animé qui continent 97 images.
Gifs.com : cet outil a été conçu pour créer et éditer des GIF à partir d’une vidéo, qu'elle soit en provenance de YouTube, d'Instagram ou autre. Ce n’est pas mentionné, mais l’application gère aussi les pseudo GIF animés de Twitter (vidéo en MP4) en les convertissant en véritables images GIF. La sauvegarde nécessite de se créer un compte sur le site.
Ezgif : ce site est semblable dans son principe de fonctionnement aux sites précédents. Ezgif est néanmoins beaucoup plus puissant. Il n'est pas limité en nombre d'images et surtout il fournit des outils de retouche directement en ligne permettant de recadrer, de réagencer, de recalibrer les images selon un pas de temps plus lent ou plus rapide. On peut récupérer un gif animé depuis Twitter simplement en copiant-collant son URL. Les possibilités d'export comprennent des formats de fichier image ou vidéo :
Solution 2 : utiliser un logiciel de retouche d'image
Plusieurs outils graphiques proposent ce type de fonctionnalité : GIMP, XnView, Photophiltre (version gratuite)... Inkscape ne gère pas nativement l'animation, mais il y a plusieurs moyens d'animer des images réalisées avec Inkscape, qui sont étudiées dans cette page.
Nous utiliserons le logiciel GIMP qui est libre et gratuit. De nombreux tutoriels sont disponibles pour apprendre à assembler ou désassembler les images d'un gif animé à l'aide de GIMP : voir par exemple ce tutoriel du CRDP d'Amiens ou encore ce pas à pas proposé par l'ABC du GIMP.
En ouvrant le fichier gif dans GIMP, le logiciel décompose automatiquement les images sous forme de calques. Il devient possible d'enregistrer chaque calque comme un fichier spécifique. Dans la fenêtre d'affichage des calques apparaît le nom de chaque ainsi que le temps de défilement indiqué en millisecondes (entre parenthèses) :
Il suffit de cliquer sur les propriétés du calque pour modifier ce temps
de défilement puis de réenregistrer le fichier, si l'on veut conserver
l'animation en gif. Attention : le changement de pas de temps alourdit
considérablement le fichier. Il est donc conseillé d'optimiser le poids
en utilisant le menu Filtres --> animation --> optimisation (GIF).
A la fin, pour sauvegarder cliquer sur le menu Fichier --> Exporter
sous --> format GIF (cocher la cas animation Gif). Deux possibilités
s'offrent à vous : soit l'option "Calques cumulatifs (Combiner)", soit
l'option "Une image par calque (Remplacer)" plus gourmande en poids.
Autres exemples de carte historique en GIF animé :
La guerre de Corée 1950-53 résumée en cartes (source : Le Monde)
L'expansion de l'empire mongol de 1206 à 1294 (source : Brillants Maps)
La construction historique des pays d'Amérique du Nord entre 1750 et 1999 (source : Amazing Maps)
Il est possible de faire ce même travail de décomposition à partir de graphiques ou d'images. Voici par exemple un Gif animé sur la répartition de la population mondiale (1950 - prévisions 2100) montrant de manière dynamique l'explosion démographique de l'Asie puis de l'Afrique.
Voici un autre GIF animé de Guy Abel qui permet d'étudier la dynamique et la répartition des flux migratoires mondiaux par grandes régions continentales entre 1960 et 2015 (l'animation peut mettre quelques secondes à s'afficher) :
Le site Flowing Maps,
dont la devise est "d'apprendre à visualiser des données du niveau
débutant au niveau confirmé", propose un grand nombre de data
visualisations, avec notamment des tutoriels pour créer des
dataviz animées.
Le site Geolounge fournit un tutoriel pour créer des gifs animés à partir d'images satellitaires.
Le forum Reddit r/educationalgifs propose des gifs animés éducatifs, dont cette superbe infographie concernant les infrastructures dans le monde :
Le "Stichoi peri zōōn idiotētos" (MS Typ 1222 @HoughtonLib , Harvard University) est un fabuleux bestiaire du XVIe en ligne ici : https://t.co/wfzgJPLhvb J'ai décidé d'en faire des gifs que je déposerai sous ce tweet au fur et à mesure ⬇️ Voici le premier ! Folio 3V, un griffon ? pic.twitter.com/CH0GmG1KTJ
Croissance et Décroissance du rail en France de 1826 à 2020 en un seul gif ! 🚂🚃🚄 Avec un apogée vers 1920-1930. Et depuis ......... Consultable en grand par ici ➡️ https://t.co/NN2BOertvc Un travail de @Benjis89pic.twitter.com/LFczRXyN4j
Qui a dit qu'Internet reposait sur des flux immatériels d'information ? Il semble bien au contraire exister une matérialité des réseaux numériques qui n'ont rien de "virtuel". La société de l'information exige ses infrastructures, ses serveurs, ses ordinateurs, ses téléphones portables, ses satellites... et surtout ses câbles qui en sont les artères principales. Le centre de recherche américain Telegeography publie chaque année une nouvelle carte des câbles sous-marins dans le monde (voir les cartes 2014, 2015, 2016 et 2017). En 2018, le site recense 428 câbles sous-marins, soit une longueur totale atteignant plus d'1,1 million de kilomètres. Véritable ossature matérielle d'Internet, les câbles sous-marins sont devenus un enjeu majeur de la mondialisation de l'information.
Nous proposons d'étudier cette question à partir de cartes et d'animations selon 3 grilles de lecture :
une grille géohistorique montrant le développement rapide des réseaux de communication depuis un siècle : une approche de la mondialisation de l'information vue du fond des océans ;
une grille géoéconomique permettant de dégager les enjeux économiques et financiers, notamment à travers les formes de concurrence acharnée mais aussi les alliances nécessaires entre pays et entre opérateurs ;
une grille géopolitique en lien avec la vulnérabilité du système câblier sous-marin, la question de la surveillance et la cyberguerre de l'information.
Commençons par cette vidéo d'accroche extraite du Journal de 20h diffusée par la chaîne de télévision France 2 le 5 juillet 2016. Elle rappelle que les câbles sous-marins assurent 99% des flux mondiaux d'information et que la compétition entre les pays est acharnée, la France étant bien placée dans ce domaine. Il s'agit d'installer chaque année des milliers de kilomètres de câbles en fibre optique qui constituent désormais les véritables artères de l'Internet mondial.
Mondialisation : 20 000 câbles sous les mers (extrait du journal télévisé de France 2)
1) Une grille de lecture géohistorique
Le premier câble
télégraphique transatlantique sous-marin a été posé en 1858 (voir son tracé entre l'Amérique et l'Europe). Le câble n'a fonctionné que trois semaines, malgré une carte magnifique faisant la promotion du projet. Une deuxième tentative est entreprise en 1865 avec du matériel bien amélioré et, après quelques échecs, un raccordement est réalisé et mis en service le 28 juillet 1866. La câblodistribution de l'information commence dès la moitié du XIXe siècle et se développe tout au long du XXe siècle. En 1922, les Compagnies associées du télégraphe publient à Londres une carte mondiale du réseau de câbles sous-marins qui témoigne de la prépondérance des réseaux de communication entre l'Europe et les Etats-Unis.
The Eastern and associated telegraph companies' cable system (Via Eastern, 1922) David Rumsey Map Collection
Le site Atlantic-Cablea compilé une collection de cartes du réseau de câbles télégraphiques sous-marins du monde entier de
1850 à 1992. On y trouve notamment une carte célébrant la puissance de la Grande Bretagne en 1947 grâce à son réseau mondial de télécommunications par câble et "sans fil" (comprenez alors par radio) : la Via Imperial met en communication directe Londres à Capetown, Hong Kong, Singapour, Bombay : une manière pour la Grande Bretagne de contrôler son empire colonial.
L'empire britannique et son réseau de télécommunications, 1947 (Atlantic Cable)
Ces réseaux de câbles sous-marins, dont certains remontent à la fin du dix-neuvième siècle, sont actuellement remplacés par des réseaux de fibre optique. Les câbles sous-marins en fibre optique sont en effet plus intéressants que les satellites géostationnaires pour la transmission de données : ils ne rencontrent pas de problèmes de réception et offrent une plus grande rapidité dans la transmission en temps réel. Le site Quartz propose une cartographie animée qui montre l'accélération de l'installation des câbles sous-marins de 1990 à 2016 :
La croissance explosive des câbles sous-marins, véritables artères de l'Internet mondial (1990-2016)
Site Quartz (cliquez sur l'image pour accéder au site où se situe l'animation)
La plupart des câbles existants ont été construits pendant la période de croissance rapide du milieu des années 2000. S'en est suivi un passage à vide de quelques années au cours duquel les entreprises ont épuisé leurs capacités disponibles. Aujourd'hui, la demande explose à nouveau, tirée par la consommation de vidéos sur les réseaux sociaux et par l'utilisation du stockage en ligne de données sur Internet. On pose en moyenne 100 000 km de câbles par an dans le monde. Sans ces gros tuyaux sous-marins et sans les data center qui permettent de les raccorder, il n’y aurait tout simplement pas d’Internet.
La carte 2018 des câbles sous-marins dans le monde (source : Telegeography)
Cette carte témoigne d'un maillage de l’océan mondial presque complet et
parfaitement hiérarchisé. Les faisceaux de fibre optique lient les espaces les
plus développés. L'Atlantique Nord reste un des espaces maritimes les plus quadrillés, mais le Pacifique Nord a largement pris le relais avec la montée en puissance de l'Asie-Pacifique et de la façade ouest des Etats-Unis qui constituent la plaque tournante dans le domaine d'Internet. Ces autoroutes de l'information traversent les océans et s'appuient sur quelques pôles majeurs. Les lieux dominants de la mondialisation ressortent, ce qui n'est pas sans rappeler l'Archipel Métropolitain Mondial (AMM) d'Olivier Dollfus. Au sein de cet archipel subsistent des relais indispensables, des îles ou des archipels bien réels (tels La Réunion ou Maurice dans l'océan Indien, Hawaï ou les Philippines dans le Pacifique...) qui servent de relais au sein de ces réseaux transocéaniques. Une autre carte tente de rassembler toutes les données concernant les infrastructures de communication sous-marines. Il s'agit de la Greg's Cable Map élaborée par Gregory Mahlknecht afin d'éviter les données payantes fournies par Telegeography. Mais les informations ne semblent pas avoir été mises à jour depuis 2016, contrairement aux services de Telegeography qui fournissent une mise à jour annuelle, mais payante si l'on veut avoir accès aux données détaillées.
Telegeography a donc tendance à constituer le site de référence en matière de collecte et de diffusion des données concernant les réseaux de câbles sous-marins. Le site fournit une cartographie précise et actualisée des infrastructures (en fonction notamment de leur date de mise en service, de leur opérateur, de leur capacité...) ainsi que la localisation des stations d'atterrissement qui servent de lieux d'acheminement et de redistribution des données. Les
canaux et les détroits comme le canal de Suez ou le détroit de Malacca
constituent des passages stratégiques aussi bien pour les flux maritimes
que pour les flux d'informations par câbles sous-marins.
Singapour, véritable hub de télécommunications en Asie du Sud-Est
Le faisceau de câbles transatlantiques avec le nom de leurs opérateurs, leur nombre de pairs de fibre optique et leurs stations d'atterrissement en Europe (source : Telegeography)
2) Une grille de lecture géoéconomique
Seules les grandes firmes multinationales ont la capacité de faire face aux énormes défis technologiques, économiques et financiers que représente le développement d'infrastructures de communication sous-marines. A la tête de ces grands opérateurs, on trouve notamment les géants américains Level 3 ou Verizon qui sont par ailleurs d'importants fournisseurs Internet. Les sociétés françaises sont bien placées dans ce secteur (Alcatel, Lucent, France Telecom). D'autres groupes ont investi massivement dans ce secteur économique en plein essor qui mobilise des technologies de pointe, comme par exemple le chinois Huawei ou encore le groupe indien Tata.
La carte des câbles sous-marins déployés par le groupe Tata
(source : Tata Communications)
Aujourd'hui, le marché des câbles sous-marins est principalement soutenu par les opérateurs télécoms, qui ont besoin de ces artères pour connecter leurs clients. Comme ces infrastructures coûtent des fortunes - jusqu'à plusieurs centaines de millions d'euros -, ils s'y mettent généralement à plusieurs. Par le biais de consortiums, les opérateurs financent de concert ces tuyaux, et partagent ensuite leur capacité. En France, Orange investit régulièrement dans les câbles sous-marins. L'opérateur historique participe à leur installation : grâce aux navires câbliers de sa division, Orange Marine déploie et assure la maintenance de ses infrastructures à travers le globe. Il a notamment participé à l'installation du Sea-Me-We 5 (South East Asia-Middle East-Western Europe 5). Ce câble de 20 000 km, pour lequel Orange et ses partenaires ont déboursé plus de 300 millions d'euros, relie depuis peu le sud de la France à Singapour, en passant par la Turquie, l'Égypte ou encore l'Arabie saoudite.
Le câble Sea-Me-We 5 de Toulon à Singapour relie directement la France à l'Asie du sud-est
(source : Telegeography)
D'autres liaisons, moins intenses mais souvent plus longues, relient les continents. Le réseau méditerranéen, très fortement concentré, se prolonge vers l'ouest par un réseau d'une densité exceptionnelle entre Gibraltar et les îles des Açores, de Madère et des Canaries. Tout un faisceau de câbles longe désormais l'Afrique de l'ouest et se prolonge même jusqu'en Afrique du Sud, avec notamment le câble ACE qui relie Gibraltar à l'Afrique du Sud irriguant au passage les pays du golfe de Guinée.
Le câble ACE (Africa Coast to Europe) avec ses différentes stations d'atterrissement le long
des côtes africaines (source : Telegeography)
Selon le rapport publié par Telegeography, de nombreux câbles en construction reçoivent aujourd'hui un financement direct de la part de géants de l'internet tels Facebook, Google, Microsoft, Netflix... Ces entreprises consomment tellement de bande passante qu'elles ont besoin de connexions dédiées à travers les océans. Les géants américains du Net représentent aujourd'hui 40 % des commandes du marché, contre à peine 10 % en 2013. D'ici peu, Facebook et Microsoft vont notamment mettre en service Marea, un câble de 6 600 km entre les États-Unis et l'Europe. L'ouvrage offrira une capacité absolument monstrueuse de 160 térabits par seconde. Google, de son côté, n'est pas en reste. Grand dévoreur de bande passante, le géant de Mountain View a notamment investi dans Faster, qui relie la côte Ouest des États-Unis au Japon. Long de près de 12 000km, ce câble présente également une capacité impressionnante de 60 térabits par seconde. Alors que le réseau sous-marin câblé se densifie de plus en plus dans la mégalopole asiatique (de Séoul à Hong Kong en passant par le littoral chinois), le projet annoncé en 2016 par Google et Facebook de relier Hong Kong à Los Angeles via le PCLN (Pacific Cable Light Network) est symbolique. Il est le premier lien numérique direct avec l’Asie à ne pas passer par l’archipel nippon.
Le Pacific Cable Light Network (PCLN) de Los Angeles à Hong Kong évite le Japon
(source : Telegeography)
Pour les leaders du numérique, la vitesse de circulation des données revêt une importance cruciale. Leur main mise sur les data, essentielle dans une économie de plus en plus numérisée, tend à se renforcer par la maîtrise de leurs voies d’acheminement. Par conséquent, la géopolitique des câbles sous-marins donne une nouvelle dimension à l’importance des espaces maritimes à l'heure de la globalisation. Ainsi, ils confortent les mers et des océans dans leur rôle d’interfaces stratégiques.
3) Une grille de lecture géopolitique
Les câbles sous-marins constituent une "infrastructure critique" dans tous les sens du terme (Galland, 2010). Ils sont tout d'abord fragiles en raison de l'hostilité du milieu marin (instabilité du sous-sol marin, morsures de requins...). Ils sont surtout à la merci des ancres de bateaux, des filets de pêche, des voleurs de cuivre, comme au Vietnam en 2007 où des pêcheurs ont coupé plus de 50 km de câble. Endommagés, ils peuvent paralyser les communications pendant de longs mois. Ainsi la réparation du câble SeaMeWE 4 au large d'Annaba en avril 2017, endommagé suite à des intempéries, a causé l'arrêt quasi-total d'Internet et la perte temporaire de 90 % des capacités de connexions de l'Algérie avec l'extérieur.
Le SAFE (SouthAfrica Far East) relie l'Afrique du Sud à l'Inde et à la Malaisie
via La Réunion et Maurice (source : Telegeography)
Le
câble SAFE, mis en service en avril 2002, a subi à plusieurs reprises des dommages, à la fois dans sa
partie marine (débris déposés par les rivières sur les côtes de la
Réunion) et dans sa partie terrestre en Inde. L'île Maurice et l'île de la Réunion voient régulièrement leurs télécommunications ralenties par l'endommagement et les travaux de réparation nécessaires sur le câble SAFE. Le choix des pays et des stations d'atterrissement constitue un enjeu stratégique, surtout pour les états insulaires qui dépendent entièrement de l'implantation de ces câbles intercontinentaux.
Une véritable géopolitique des câbles
Ces câbles sont en général enfouis dans le sous-sol marin par ensouillage afin d'éviter qu'ils soient accrochés par les ancres ou par les filets des navires. Mais certaines portions restent exposées donc vulnérables, en particulier au niveau des stations d'atterrissement qui peuvent faire l'objet de cyber-attaques. Ils peuvent devenir des cibles privilégiés pour des attaques terroristes. Une grande partie du fonctionnement des pays et de leurs économies repose sur ces flux, qui passent essentiellement par les espaces maritimes. Pour un État, ces autoroutes du Web revêtent donc une importance stratégique et, à ce titre, font l'objet d'une surveillance particulière. Furieux des collectes de renseignements réalisées par les Five Eyes, le Brésil a décidé de construire un câble direct avec l'Europe sans passer par les Etats-Unis. Il s'agit d'Ellalink, présenté comme un nouveau modèle de gouvernance des infrastructures Internet (cf possibilité d'échanges de données fiables et bon marché entre laboratoires scientifiques).
Le câble Ellalink relie directement l'Amérique latine à l'Europe (source : Telegeography)
Les câbles posés à même les fonds marins ou enterrés à un ou deux mètres sous terre à proximité des côtes nécessitent d'être protégés. La surveillance est réalisée par les opérateurs comme Orange, qui sont en mesure de déceler et de localiser une éventuelle coupure ou dégradation sur un câble sous-marin. Mais, il y a également la Marine nationale qui patrouille et exerce une surveillance dans les espaces maritimes français, en particulier dans les zones économiques exclusives (ZEE), et, notamment, sur les câbliers qui y travaillent. En 2016, un navire câblier a été l'objet d'une attaque de pirates en mer Rouge. Ce n'est pas l'infrastructure câblière qui a été visée, mais le bâtiment en mer responsable des opérations alors en position vulnérable. En principe, aucun autre bâtiment n'a le droit de s'approcher lorsqu'un navire câblier est en opération. Il convient aussi de rappeler qu'un État côtier dans le périmètre de sa ZEE (au contraire de ce qu'il a le droit de faire dans sa mer territoriale) ne contrôle pas la liberté de navigation maritime ni la pose de câbles ou de pipe-lines par un pays tiers.
Surveiller le réseau mondial sous-marin : une menace ou une nécessité ?
Les écoutes et surveillance illicites via des appareils directement branchés sur les câbles peuvent donner lieu à des tensions diplomatiques. Ce fut le cas en 2013 lors du scandale révélé par Edward Snowden, ou bien en 2012 lorsque l’administration européenne chassât le géant chinois Huawei du consortium pour construire le câble Hibernia Express entre Londres et New York, par peur d’être écoutée par les autorités chinoises. Les réseaux sous-marins sont ainsi un enjeu majeur de cybersécurité.
Comme le rappelle le Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale dans son étude prospective à l'horizon 2030 "Chocs futurs", les câbles sous-marins assurant les communications numériques deviennent de potentielles cibles dans le jeu des puissances. Dans la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale, son président Arnaud Danjean ne le cache pas non plus : ces câbles, infrastructure physique du cyberespace, font partie des préoccupations auxquelles la revue a porté "une attention particulière, en l'articulant avec des réflexions plus globales". Dans un article de la revue Hérodote paru en 2016, Camille Morel montre les vulnérabilités multiples du système câblier mondial et fait remarquer qu'il n'existe pas à ce jour de statut légal du pillage des câbles en haute mer. Associer le pillage ou la coupure de câbles sous-marins à des actes de piraterie pourrait en garantir une meilleure protection. Mais cela ne résout pas la délicate question du pouvoir de surveillance voire d'ingérence de la part d'acteurs (géants du numérique, agences gouvernementales ou internationales, réseaux criminels...) qui chercheraient à s'emparer des données concentrées par ces gros tuyaux d'information.
Les fabricants eux-même intègrent dans ces infrastructures des dispositifs techniques qui permettent d'en extraire les informations. Depuis les révélations de l'ex-agent de la NSA Edward Snowden, on sait que les Services de renseignement sont capables d'aspirer la totalité des données qui transitent par ces câbles. Selon
des documents fournis par Edward Snowden, la NSA aurait ainsi pénétré le
réseau informatique de seize sociétés utilisant le câble sous-marin de télécommunications Sea-Me-We 4. Cette infrastructure en fibre optique
relie l'Asie et
l'Océanie à l'Europe. L'agence américaine a introduit un virus lui
permettant de récupérer des informations diffusées sur ces câbles. "Concevoir, fabriquer, gérer ou posséder des infrastructures informationnelles favorise des activités d’écoute, de surveillance ou de renseignement", comme le souligne Solange Ghernaouti, professeure à l'université de Lausanne et experte internationale en cybersécurité et cyberdéfense Les grands opérateurs de télécommunications, comme Orange, Vodafone ou le chinois Huawei, sont les propriétaires de ces câbles sous-marins. Mais les Etats entretiennent une "connivence" avec ces opérateurs pour permettre des écoutes, à l'exemple de la Chine (cf Huawei : la guerre technologique est déclarée). Dans ce jeu complexe entre acteurs étatiques et acteurs non étatiques, il est souvent difficile de faire la part des choses pour le simple citoyen. En tous les cas, qu'ils soient l'objet d'espionnage, de sabotage, de piraterie ou de terrorisme, les câbles sous-marins sont devenus les maillons faibles des cyberguerres du XXIe siècle.
Cartographier les câbles sous-marins, c'est donner à voir la mondialisation, ses flux d'information, ses infrastructures et aussi les risques qu'elle génère.
Références
Camille MOREL, Menace sous les mers : les vulnérabilités du système câblier mondial, N° spécial "Mers et océans", Revue Hérodote, 2016.
André LOUCHET, Observation, télécommunications et océans, in La planète océane, Armand Colin, 2014
Hugo CARRIE, Géopolitique des câbles sous-marins, illustration d’une mondialisation « causée et causante », 8 janvier 2018, Les yeux du monde.fr
Jean-Pierre GALAND, Critique de la notion d'infrastructure critique, Flux n°81, 2010
Télécommunications. Un lien planétaire : les câbles sous-marins (émission France Culture, 16 janvier 2017)
Les câbles sous-marins d'internet, maillon faible de la cyberguerre, site RTS Info, 5 mars 2017
Les câbles sous-marins et les navires câbliers, Fiche documentaire de l'Institut Français de la mer, 2016
Le long des câbles sous-marins, sur les routes de l’information. Atlas des nouvelles routes, Le Courrier international. Belle carte réalisée par Thierry Gauthé en projection Lambert centrée sur le pôle nord pour montrer le réseau des câbles sans discontinuité.
Aude SEIGNE, Un toile large comme le monde, éditions Zoé, 2017. Un roman sur Internet, nos relations réelles et virtuelles, ayant pour toile de fond les câbles sous-marins
Un océan de câbles 1) Les autoroutes du Web en questions 2) Menaces sous les mers, paniques dans le cyberespace 3) Puissance(s) au bout du câble, site RFI.
ESRI propose sur sa plateforme Arcgis une interface de visualisation de l'ensemble de ces câbles sous-marins en y ajoutant une fonction intéressante. En cliquant sur un câble, il est possible de générer un profil d'élévation qui montre la façon dont le câble est posé sur le fond océanique et suit le relief sous-marin :
Steve Song a conçu une carte des câbles sous-marins pour l'Afrique en 2018 sur le site Many Possibilities. Cette carte est assortie d'une animation montrant l'évolution du réseau depuis 2000. Une autre carte fournit également le descriptif de chacun de ces câbles avec sa capacité en Giga bits par seconde (Gbps) sur le site du NSRC (Network Startup Ressource center).
Lien ajouté le 24/09/18
Le Courrier international publie sur son site une carte extraite de l'Atlas des nouvelles routes, réalisée par Thierry Gauthé cartographe au Courrier international, avec le commentaire suivant :
"Cette carte montre le parcours de quelques-uns des 448 câbles qui
assurent le transport des données Internet, téléphoniques et
télévisuelles. Un immense réseau sous-marin qui totalise 1,2 million de
kilomètres. Dans cette toile invisible depuis la surface, les nœuds sont
des points stratégiques, et donc des cibles potentielles en cas de
conflit international."
La carte reprend les données du site Telegeography, mais selon une projection azimutale centrée sur le pôle Nord de manière à pouvoir représenter le réseau de câbles sans discontinuité. La lecture n'est pas aisée pour les routes qui passent dans l'hémisphère sud, mais cette carte fait ressortir les routes majeures de l'Atlantique nord au Pacifique nord en passant par les Caraïbes, la Méditerranée, la mer Rouge, le nord de l'Océan indien et la mer de Chine ou du Japon. Aucun câble ne passe sous l'Arctique. Le plus souvent, les câbles longent les continents de manière à pouvoir desservir les pays limitrophes. Cas à part : les nouvelles lignes de communication directes ultra rapides comme le câble AAE-1 qui permet d'envoyer des informations entre Marseille et Singapour en 75 millièmes de seconde ou encore le câble Marea qui relie Virginia Beach (Etats-Unis) à Bilbao (Portugal) et qui est le plus puissant de l'Atlantique.
Le long des câbles sous-marins, sur les routes de l’information
La carte mise à jour des câbles sous-marins (version 2019) a été publiée sur le site de Telegeography. Une nouveauté : elle comporte des zooms sur des opérations de câblages conduites par des géants de l'internet (Facebook, Google, Microsoft, Amazon, Net...) ou des grands opérateurs de téléphonie Alcatel, Huawei, Subcom...) http://submarine-cable-map-2019.telegeography.com/
Lien ajouté le 14 mars 2019
« How the Internet Travels Across Oceans »
Plus d'1,2 million de km de câbles sous-marins connectent les ordinateurs entre eux et rendent l'Internet possible.
Internet fonctionne à l'échelle planétaire grâce aux 448 câbles
sous-marins qui relient les continents. On en a déployé davantage en
2018 que durant les deux décennies précédentes. Un enjeu technologique
et géopolitique qui donne lieu à un affrontement entre les Gafam
américains et BATX chinois. Avec l'Europe en spectatrice. Avec un globe 3D interactif permettant de visualiser les cables et une vidéo montrant la pose d'un câble pour Orange entre la Martinique et la Guyane.
Liens ajoutés le 23 mai 2019
Un article très documenté sur la géographie et l'histoire d'Internet à travers ses infrastructures matérielles. El Map de Internet (en espagnol) avec de nombreuses cartes et photographies. A compléter, sur le même site Fronteras, par la carte d'Internet selon les noms de domaines des pays. http://fronterasblog.com/2019/04/22/el-mapa-de-internet/amp/
Près de 400 câbles sous-marins connectent le monde. Comment le Web tisse-t-il sa Toile ? Que se passerait-il s’ils venaient à se rompre ? Plongée dans les profondeurs d’Internet. https://t.co/ZjYBZCBxiE via @RFI
La BNF a listé l'ensemble de ses documents et cartes disponibles sur l'histoire du télégraphe et de ses liaisons terrestres ou maritimes : http://data.bnf.fr/fr/11952977/telegraphe/
For #WorldOceansDay here is Abbott's submarine telegraph world map of 1876 (Maps 957.(14.). Complete with imperial pomp, and an underwater panorama along the map's bottom edge. pic.twitter.com/iXRin1Fvyp
L'article s'appuie sur ce rapport récent "Network effects : Europe’s digital sovereignty in the Mediterranean" L'UE a l'ambition et le potentiel de devenir une puissance numérique souveraine, mais elle ne dispose pas d'une stratégie globale.https://t.co/acdP1Udv0E
Les grandes puissances se livrent une guerre sans merci pour le contrôle des autoroutes de l’information sous-marines. Quels enjeux pour l’Europe ? https://t.co/rUuFMJOVA2
Pourquoi les Etats-Unis se précipitent-ils pour financer un câble sous-marin entre des îles du Pacifique ? Pour bloquer un projet chinois de Huawei… Vous avez dit guerre froide ? Ma chronique Géopolitique du 7/9 @franceinterhttps://t.co/IskjqWZ4VJ
La Russie pourrait-elle saboter des câbles sous-marins d’Internet ? Alors que 99% du trafic internet transite par des câbles sous-marins, certains craignent que la Russie ne cherche à les sectionnerhttps://t.co/x2eXohMKzJ 🔽🔽 1/
Méconnus, en hyper croissance et hyper fragiles, les câbles sous-marins sont au cœur de nouvelles batailles géopolitiques cruciales, comme le montre la juriste et chercheuse en relations internationales Camille Morel dans son dernier ouvrage. Entretien 👇 https://t.co/SUaHLxQ0HN
Superbe effet de contraste à travers cette carte des câbles sous-marins (couleurs fluo) qui ensèrent les continents (en noir) dont la masse se devine en creux Par @PythonMapshttps://t.co/IYPUS3Q2Is
L’Irlande apporte son soutien à un projet de câble sous-marin par le passage du Nord-Ouest (un câble de 15000km) A l’origine, ce câble devait emprunter le passage du Nord-Est. Mais les tensions géopolitiques ont conduit à revoir sa conception et son tracéhttps://t.co/Qmw2sMTtHppic.twitter.com/aW1VR5iq8y
The Cloud Under The Sea (The Verge). Une flotte de navires toujours en alerte et une équipe de professionnels s'occupent de réparer les câbles sous-marins qui fournissent l'Internet mondial et
qui sont devenus des infrastructures critiques
Lien ajouté le 27 octobre 2024
Certaines d'entre elles font figure de véritables affiches pédagogiques (rappelant les cartes actuelles produites par Telegeography sur les câbles sous-marins Internet)https://t.co/0i99kuGbi3pic.twitter.com/eOoSwaGKBw
Cette carte de 1922 en N&B est aussi intéressante. On y voit le globe sillonné de câbles de communications avec les distances et les nationalités des compagnieshttps://t.co/GM7g6K2cwdpic.twitter.com/fZ4Ci97JMi
Magrit est une application en ligne de cartographie thématique développée par Matthieu Viry, Timothée Giraud et Nicolas Lambert au sein du pôle géomatique de l’UMS RIATE. Les concepteurs sont ingénieurs en traitement, analyse et représentation de données. Rappelons que Nicolas Lambert est l'auteur, avec Chistine Zanin, du Manuel de cartographie. Principes, méthodes, applications, dont le principal objectif est d'initier les utilisateurs aux fondamentaux de la cartographie.
Magrit est un outil issu du monde de la recherche (voir la vidéo de présentation), mais il comporte une forte dimension pédagogique comme le suggère le carnet du blog qui lui est associé. Le pari semble réussi pour cette application libre et en ligne, assez simple à prendre en main pour des élèves de collège-lycée. Il permet dans un premier temps de réaliser des cartes choroplèthes et des cartes en symboles proportionnels. Mais on peut aller beaucoup plus loin si on le souhaite, en réalisant des représentations cartographiques plus complexes telles que des lissages, des carroyages, des discontinuités, des anamorphoses... D'une certaine façon Magrit permet de commencer à mobiliser des outils de l'analyse spatiale propres aux SIG (Systèmes d’information géographique) tout en restant dans un outil assez simple qui s'apparente à un logiciel de cartographie thématique.
Pour la prise en main de l'application, les enseignants et les élèves disposent de tutoriels et d'une documentation détaillée avec un sommaire très pratique. Les étapes de fabrication de la carte sont bien décomposées de manière à guider l'utilisateur, mais aussi à comprendre les choix successifs que l'on opère au moment d'élaborer une carte à partir de données :
L'import du fond de carte et des données
Les choix de la représentation
La gestion des couches
L'habillage et la mise en page
L'export de la carte
Le sommaire de la documentation en ligne de Magrit détaille les étapes en fonction des types de cartes à réaliser :
La documentation en ligne de Magrit : 3.1. Carte de stocks.
Le logiciel lit les principaux formats de données spatiales (Shapefile, GeoJSON, KML, CSV…) :
Le format GeoJson, qui est de plus en plus utilisé dans les SIG est ici conseillé pour importer un fond de carte. L'import peut se faire par un simple clic sur le bouton « Ajout d'un fond de carte » ou par « un glisser-déposer dans la zone de la carte ».
De nombreux fonds de cartes avec des jeux de données directement exploitables sont mis à la disposition des utilisateurs :
Des exemples de jeux de données proposés par Magrit.
Ces données fournies en exemple par Magrit sont à différentes échelles (locale, régionale, globale) et peuvent être utilisées par les enseignants pour réaliser des cartes thématiques en liaison avec les thèmes du programme de géographie au collège et au lycée.
Voici un exemple de carte réalisée avec les données de Magrit sur la population du Brésil :
Plusieurs méthodes de discrétisation sont proposées par Magrit :
- Intervalles égaux
- Quantiles
- Seuils naturels (méthode de Jenks)
- Moyenne et écart-type
- Q6 (utilisée également par Philcarto).
Ceux qui connaissent le Manuel de cartographie. Principes, méthodes, applications de C. Zanin et N. Lambert retrouveront dans cette documentation de Magrit la qualité didactique de cet ouvrage.
Un panneau de la boîte de dialogue permet en outre de visualiser le résultat de la distribution obtenue et donne la possibilité d’affiner le type de discrétisation.
Magrit offre par ailleurs une grande variété de projections cartographiques. Par défaut il propose la projection Natural Earth, reconnaissable à ses méridiens arrondis pour imiter la forme sphérique de la Terre. Cette projection pseudocylindrique conçue par Tom Patterson en 2015 est ni conforme ni équivalente.
La documentation en ligne de Magrit : 2. Choix d'une projection.
Cette application de cartographie en ligne est donc particulièrement recommandée pour faire travailler les élèves sur les systèmes de projection. Ci-dessous la fameuse projection de Bertin créée par Jacques Bertin en 1953, une des rares projections à préserver à peu près les surfaces, sans pour autant déformer les pays de manière trop grotesque (source : http://magrit.hypotheses.org/589) :
Magrit donne aussi l’opportunité d’insérer ses propres fonds de cartes vectoriels (Shapefile, GeoJSON, KML) et de joindre ses données (au format CSV) en réalisant une jointure :
La documentation en ligne de Magrit : 1.3. Jointure des données.
Cette caractéristique de Magrit est à souligner car elle offre une plus-value en permettant de travailler à toutes les échelles, de l'étude d'un espace à l'échelle locale à celle de pays ou de grandes régions continentales à l'échelle mondiale.
La diversité des représentations cartographiques que propose Magrit est une autre particularité de ce logiciel. Signalons en particulier le carroyage, la carte lissée ou encore la carte de liens.
Chacune de ces représentations cartographiques est expliquée dans la documentation de Magrit et agrémentée d’exemples dans la galerie.
Pour terminer cette présentation de l’application, notons que l’export des cartes sous Magrit se fait aux formats SVG (compatible avec Inkscape et Adobe Illustrator), PNG ou GEO (GeoJSON, TopoJSON, ESRI Shapefile, GML, KML).
Magrit est donc parfaitement compatible avec un logiciel de visualisation du globe terrestre comme Google Earth pro désormais disponible en version gratuite, un SIG (système d’information géographique) tel que QGIS ou le logiciel de l’atelier de cartographie de Sciences Po, Khartis.
Magrit se distingue de cette autre application de cartographie en ligne Khartis, notamment par la possibilité d’insérer d’autres fonds de carte que ceux proposés par défaut ainsi que par sa capacité à réaliser de manière simple des méthodes cartographiques complexes comme indiqué précédemment.
Etape 2 : Elaboration d'un jeu de données (approche critique des sources)
La page de présentation des données nous renseigne sur la nature de ces flux : « Les bases sur les flux de mobilité des "déplacements domicile-travail" fournissent, pour l'ensemble des communes (France métropolitaine et DOM), les effectifs correspondant aux croisements du lieu de résidence avec le lieu de travail. » Ces données correspondent aux « limites géographiques en vigueur au 1er janvier n+2 (n étant l'année des données du recensement) ». L’année du recensement étant 2014, la géographie des limites en vigueur est celle au 1er janvier 2016.
Comme le montrent les géographes Julien Gingembre et John Baude dans un article « Les mobilités domicile-travail dans les réseaux d’agglomérations » paru dans le revue EchoGéo de janvier-mars 2014 : « Parmi les différents types de mobilité, la mobilité domicile-travail, résultat d’une distorsion entre habitat et emploi, est celle qui a le plus bouleversé les territoires urbains. »
C’est pourquoi la réalisation d’une carte de liens sur les déplacements domicile-travail des communes de la France métropolitaine nous a semblé pertinente dans le cadre des programmes de géographie en classe de Troisième ou de Première pour traiter de la question des "Mobilités, flux et réseaux de communication dans la mondialisation".
En effet, ces flux de mobilité des déplacements domicile-travail contribuent à la structuration des aires urbaines, ce qui n’empêche pas de porter un regard critique sur les limites de ces données ainsi que le préconise Jean-Marc Zaninetti dans un article « Les déplacements domicile-travail structurent-ils encore les territoires ? » paru en septembre 2017 dans la revue en ligne M@ppemonde.
Etape 3 : Proposition d'un scénario d’apprentissage
Pour concevoir cette carte de liens avec Magrit, le seuil permettant de visualiser les déplacements entre deux communes est supérieur à 100 flux (seuil retenu par l'INSEE).
La base sur les flux de mobilité des « déplacements domicile-travail » au format xls.
Une carte de liens représente, avec des lignes d'épaisseur proportionnelle à l'intensité du phénomène, les connexions (flux/liens) qui existent entre des couples de lieux. Ici, il s’agit de déplacements entre deux communes où chaque ligne fournit le flux de personnes se déplaçant entre une commune de résidence et une commune du lieu de travail.
Ce type de carte est aussi appelé carte en oursins et peut-être conçu également avec un SIG tel que QGIS et son extension Oursins. On se reportera en particulier au très beau travail publié par Chroniques Cartographiques.
La première étape pour réaliser la carte avec Magrit consiste à télécharger la base de données de l’INSEE et à procéder à un premier « nettoyage » de ces données comme ci-après :
On peut même simplifier encore les données à l’image de l’exemple proposé par la documentation du logiciel :
La documentation en ligne de Magrit : 3.10. Carte de liens
Ce qui donne pour notre exemple :
Dans une deuxième étape, on procède à l’ajout du fond de carte principal dans Magrit qui est fourni par l’application en tant que fond de carte d’exemple, en l'occurrence les Communes de France métropolitaine (fond voronoi - basé sur GEOFLA® 2016 v2.2). A l'échelle nationale, les limites des communes sont tracées en fonction de la localisation de leurs centroïdes qui permet de construire des polygones de voronoi :
On insère ensuite le jeu de données préalablement « nettoyé » en cliquant sur le bouton + "Ajout d'un jeu de données":
Une jointure du fond de carte et du jeu de données est alors proposée : répondre « NON ».
Il faut sélectionner le type de représentation dans une troisième étape : cliquez sur l’onglet « Choix de la représentation »
et choisissez « réalisation d’une carte de liens ».
Renseignez maintenant les champs :
- Origine -> i
- Destination -> j
- Intensité -> fij
- Discrétisation -> Pas de discrétisation car on n’a pas besoin de discrétiser des valeurs de flux
Ne pas oublier de sélectionner le champ de la couche géographique à laquelle les champs "Origine" et "Destination" font référence :
- Champ de jointure -> INSEE_COM
Puis cliquez sur -> Dessiner le résultat
En travaillant un peu l’habillage et la mise en page dans Magrit, on obtient cette carte des flux de mobilité domicile-travail :
Cette carte en oursins fait bien ressortir la hiérarchie urbaine et l’importance des flux de mobilité des déplacements domicile-travail dans la réorganisation des aires urbaines sur le territoire de la France métropolitaine.
Etape 4 : Prolongements pédagogiques
Parmi les prolongements pédagogiques possibles, on peut utiliser la carte des flux de mobilité domicile-travail pour faire comprendre et discuter la notion d'aire urbaine par des élèves de Troisième ou de Première.
Les parties du programme concernées sont :
En Troisième : "Les aires urbaines, une nouvelle géographie d’une
France mondialisée".
La fiche ressource d'accompagnement du programme Eduscol précise que "l’étude de cas [sur l'aire urbaine] peut être abordée par des exemples concrets de mobilités
quotidiennes, entre lieux de résidence, lieux de travail et d’étude, lieux de consommation
et lieux de loisirs."
En Première : "La France en villes. Mouvements de population, urbanisation, métropolisation"
La fiche ressource Eduscol invite à mettre en évidence "les grands traits des dynamiques spatiales de la population française au profit des aires urbaines" et à aborder "les spécificités de l’armature urbaine de la France à partir de cartes (distribution de la population et des aires urbaines, évolution démographique …)."
Il s'agit d'abord de faire comprendre la polarisation de l'espace par des flux qui aboutissent à la création d'aires urbaines : comment des déplacements linéaires répétés quotidiennement parviennent à dessiner une aire d'influence urbaine ? (niveau Troisième) Puis, l'objectif est de faire ressortir les réseaux urbains avec leurs hiérarchies de manière à montrer le processus en cours de métropolisation du territoire français (niveau Première). Ce faisant, on pourra discuter utilement la notion même d'aire urbaine telle que définie par l'INSEE : "un ensemble de communes dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci". Nombreuses sont les communes multipolarisées qui regardent vers plusieurs pôles à la fois.
Pour cela, nous proposons d'ajouter une nouvelle couche vectorielle à notre première carte en oursins : les périmètres des aires urbaines au format GeoJSON.
Elle est disponible en téléchargement sur la plateforme ouverte des données françaises Data.gouv.fr
Cliquez sur l'onglet "Gestion des couches" de Magrit pour insérer ce nouveau jeu de données puis sur le bouton + "Ajout d'un fond de carte d'habillage".
Vous obtenez le résultat suivant :
Faites remonter la couche "Voronoi_communes_2016_2-2" au premier plan et modifier la couleur et l'opacité de remplissage de la couche "Périmètre_Aires_Urbaines_France" qui se trouve maintenant en dessous.
On ajoute la légende en cliquant sur l'onglet "Habillage et mise en page" :
Cette nouvelle carte montre de manière concrète comment les mobilités quotidiennes participent à la délimitation et à la structuration des aires urbaines en France métropolitaine. Pour commenter la carte, il peut être utile d'utiliser la typologie proposée par l'INSEE qui distingue entre grandes, moyennes et petites aires urbaines. Les flux les plus importants sont en effet répartis autour des pôles urbains
qui concentrent le plus d’emplois : les agglomérations de Lyon, Lille,
Toulouse, Nice, Bordeaux, Nantes, Grenoble et Strasbourg, que l’on peut
qualifier de métropoles régionales.
Après avoir montré la polarisation importante du territoire par les grandes aires urbaines, il peut être intéressant d'étudier l'organisation du réseau urbain à l'échelle des régions et de la confronter au nouveau découpage des régions administratives (réforme régionale de 2015). Pour ce faire, dans l'onglet "Gestion des couches", ajouter comme fond d'habillage la couche "Régions de France métro. Geofla 2016" :
Enfin à l'échelle d'une région choisie comme territoire d'étude, il est possible de conduire la même analyse en faisant ressortir cette fois le découpage départemental (ajouter un fond de carte d'habillage --> France départements Géofla 2016). Ainsi pour la région Auvergne-Rhône-Alpes, la grande aire urbaine de Lyon, élevée désormais au rang de métropole administrative, déborde largement sur le Rhône, l'Ain et la Loire au point d'entrer en contact avec les aires urbaines de Saint-Etienne et de Grenoble. Les territoires de mobilité ne correspondent plus vraiment aux territoires administratifs. Utilisez les outils d'habillage pour indiquer le nom des villes et éventuellement d'autres annotations :
Nicolas LAMBERT & Christine ZANIN, Manuel de cartographie. Principes, méthodes, applications. Paris : Armand Colin, coll. « Cursus : Géographie », 224 p. : http://mappemonde.mgm.fr/122aval1/
Liens ajoutés le 8 décembre 2019
Cartographie des mobilités professionnelles en 2016 : déplacements domicile - lieu de travail à Paris, Lyon, Marseille et dans toutes les communes de France. Consultez notre carte interactive pour en savoir plus. #30DayMapChallengehttps://t.co/EzMrHnaywPpic.twitter.com/zYc8ahEamM
KANAGA - Proposition d'activité de cartographie numérique avec #magrit pour les 1ère Tronc commun en leçon 1 thème II, afin de comparer l'évolution des pôles démographiques et économiques de 1980 à 2018 https://t.co/zJXgH03Iwvpic.twitter.com/Z7LchvenNs
Les Tuto@Mate on reçu le mardi 14 septembre 2021 Timothée Giraud pour présenter Magrit. Ce dernier est géomaticien, actuellement ingénieur d’études CNRS à l’UMS RIATE. Ses travaux portent sur la création et la diffusion de méthodes et d’outils d’analyse spatiale et de cartographie. Il développe plusieurs packages pour le logiciel libre R (mapsf, osrm, maptiles…) et participe à plusieurs initiatives pour le développement de la recherche reproductible en SHS (rzine, RUSS).
Magrit n'est pas un logiciel SIG (Système d'Information Géographique) mais un logiciel de cartographie thématique. Il comporte différentes fonctionnalités permettant de manipuler des données géo (sélection attributaire, jointure de données, etc.) 2/https://t.co/XEVBYHDpRJpic.twitter.com/seWaPupbAD