Géographie du moustique Aedes (aegypti et albopictus) en France et dans le monde


Historiquement, les moustiques se sont toujours déplacés au gré des migrations humaines, de leurs habitats d'origine en Afrique et en Asie au reste du monde. Au cours des prochaines années, le changement climatique leur permettra de se déplacer encore davantage, y compris dans des zones qu'ils n'avaient pas encore colonisées. C’est ce qui ressort d’une étude de Nature Microbiology parue en 2019, dans laquelle une équipe internationale de chercheurs a montré comment le réchauffement climatique allait devenir le principal moteur de l’expansion des moustiques Aedes.

Moritz U. G. Kraemer, Robert C. Reiner Jr, Nick Golding, Past and future spread of the arbovirus vectors Aedes aegypti and Aedes albopictusNature Microbiology, volume 4, pages 854–863 (2019).



Ces chercheurs ont spécifiquement étudié la propagation du moustique Aedes aegypti et du moustique tigre asiatique (ou Aedes albopictus), deux espèces tropicales devenues les principaux transmetteurs de maladies comme le chikungunya, la dengue ou zika. Ils ont intégré dans leur étude 17 scénarios de changement climatique. Leur modèle prédictif combine plus de 33 000 points de données sur les endroits où les moustiques ont été détectés à travers le monde, ainsi que des données historiques sur leur propagation en Europe et aux États-Unis à partir des années 1970 et 80, ainsi que des projections sur les changements climatiques, les migrations humaines et les zones de croissance urbaine. 

Pour compléter, on peut se référer à une autre étude parue dans PLOS (avec des cartes et des données intéressantes) : 
Ryan SJ, Carlson CJ, Mordecai EA, Johnson LR (2019) Global expansion and redistribution of Aedes-borne virus transmission risk with climate change. PLoS Negl Trop Dis 13(3): e0007213. https://doi.org/10.1371/journal.pntd.0007213

Dans un contexte de changement climatique et de mondialisation des échanges, les maladies vectorielles ont tendance à apparaître dans des secteurs géographiques épargnés jusqu’alors. Le commerce des pneus usagés, qui comptent parmi les principaux gîtes larvaires artificiels, a joué un rôle important. Ajoutons que le moustique tigre est essentiellement urbain. Son caractère anthropophile (qui aime les lieux habités par l’homme) explique qu’une fois installé dans une commune ou un département, il est pratiquement impossible de s’en débarrasser. 

Le moustique tigre (Aedes albopictus) a été repéré dans le sud de la France à partir de 2004. En 2021, il concerne pas moins de 64 départements selon la Direction générale de la santé.  Il est également présent à La Réunion et à Mayotte. Dans les départements français d’Amérique (Guadeloupe, Martinique, Guyane), le vecteur à l’origine des principales épidémies de dengue, de fièvre jaune, de chikungunya et, depuis fin 2015, de Zika est le moustique Aedes aegypti.

Les cartes indiquant les départements en rouge sur la période 2004-2020 sont des cartes de vigilance et ne signifient pas que l'ensemble des communes soient touchées. Le moustique tigre ne s'arrête d'ailleurs pas à la limite des départements qui représentent, rappelons-le, les territoires administratifs à l'échelle desquels sont recueillis les signalements.



C'est dans la France du sud que la situation est  la plus préoccupante avec 10 départements où l'on compte plus de 40% de communes concernées. Le moustique tigre est désormais classé parmi les 100 premières espèces envahissantes selon le Groupe de spécialistes des espèces envahissantes (ISSG).



Dans chaque département l’implantation du moustique Aedes albopictus n’est pas homogène, les citoyens contribuent à la connaissance de l’implantation de ce moustique vecteur en signalant sa présence sur le site Internet : http://www.signalement-moustique.fr/.

En 2019, en France métropolitaine, 674 cas importés de dengue, 57 cas importés de chikungunya et 6 cas de Zika ont été déclarés. En outre, ont été recensés 12 cas autochtones, 9 cas de dengue et 3 cas de Zika. Depuis 2018, La Réunion connaît une importante épidémie de dengue, particulièrement virulente lors de l’été austral 2019-2020. La dernière épidémie majeure de chikungunya remonte à 2005-2006 où 165 000 Réunionnais avaient été infectés (environ 1/5e de la population). 

En juillet 2021, un rapport parlementaire s'alarme de la propagation de plusieurs espèces du moustique tigre sur l'ensemble du territoire métropolitain et plus seulement ultramarin. Cette progression est présentée comme un « risque sanitaire majeur » pour la France. La lutte chimique fait l’objet d’oppositions de la part des populations, souvent sensibles à l’impact environnemental et sanitaire des produits pulvérisés. Des lâchers massifs de moustiques stérilisés ont débuté à La Réunion. Porté par l'Institut pour la recherche et le développement (IRD), le projet vise à réduire les populations d'insectes pour limiter la circulation des maladies qu'ils propagent, dont la dengue. Les autorités sanitaires de l’île de La Réunion s’appuient également sur un outil de modélisation spatiale, AlboRun, pour essayer de limiter l’épidémie de dengue et de mieux combattre les moustiques tigres.


Sources des données 

Données à l'échelle mondiale (DRYAD) :
http://datadryad.org/resource/doi:10.5061/dryad.47v3c

Données à l'échelle européenne (European Centre for Disease Prevention and Control) :

Données à l'échelle française (Ministère de la Santé et de la Solidarité)


Pour compléter
  • Rapport de la Commission d'enquête chargée d’évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles (Assemblée nationale, 29 juillet 2021)
  • Climat : les moustiques attaquent (Courrier international, 11 septembre 2021)
  • Le moustique tigre progresse en France : géographie d’une espèce invasive (Géoconfluences, 2014)
  • Géopolitique du moustique. Petit précis de mondialisation. Par Erik Orsena (Editions Fayard, 2017)
  • Géopolitique du moustique. Avec Erik Orsenna et Isabelle de Saint Aubin (France Culture, 2017)
  • Chronique d’une crise sanitaire, économique et sociale. L’île de La Réunion face au chikungunya (François Taglioni, 2006)
  • François Taglioni et Jean-Sébastien Dehecq, « L'environnement socio-spatial comme facteur d'émergence des maladies infectieuses », EchoGéo, 9 | 2009.
  • Carte de 1943 distribuée par l'armée américaine pour sensibiliser au risque de paludisme. "C'est Ann... il boit ton sang. Son nom complet est Anopheles Mosquito"

Lien ajouté le 20 septembre 2022

Lien ajouté le 17 novembre 2022

Annelise Tran, Eric Daudé, Thibault Catry (2022). Télédétection et modélisation spatiale. Applications à la surveillance et au contrôle des maladies liées aux moustiques. Ouvrage disponible en pdf

Les moustiques sont vecteurs de nombreux agents pathogènes responsables de maladies, telles que le paludisme, la dengue, le chikungunya ou la fièvre jaune. Selon l’Organisation mondiale de la santé, ils provoquent plusieurs centaines de milliers de décès chaque année. Ils sont aussi à l’origine de zoonoses, comme la fièvre de la vallée du Rift et la fièvre du Nil occidental. Dans ce contexte, les besoins en outils opérationnels permettant d’orienter les actions de surveillance et de contrôle sont importants, à la fois dans les pays du Sud — les zones tropicales et subtropicales sont les plus touchées par les maladies causées par les moustiques —, mais également dans les pays du Nord, où l’installation de nouvelles espèces comme le moustique-tigre augmente le risque d’émergence de maladies. Pour répondre à ces besoins, les images d’observation de la Terre présentent un fort intérêt : la distribution dans l’espace et la dynamique temporelle des moustiques sont influencées par des variables climatiques (températures, précipitations, humidité) et environnementales (disponibilité de zones en eau, végétation), dont les indicateurs peuvent être dérivés d’images satellite. De nombreuses études récentes ont permis de développer des méthodes innovantes couplant télédétection et modélisation spatiale pour prédire la dynamique spatiale et temporelle des moustiques vecteurs et des maladies associées. Au-delà de l’étude de faisabilité, certaines de ces méthodes ont abouti à des outils et à des chaînes de traitement aujourd’hui opérationnels, utilisés par les acteurs de santé publique et les opérateurs chargés de la lutte antivectorielle.


Lien ajouté le 6 janvier 2023

Lien ajouté le 12 juillet 2023

Lien ajouté le 29 octobre 2023
Articles annexes