Le site Marine Traffic permet désormais de visualiser la densité des routes maritimes


On ne présente plus Marine Traffic, le célèbre site qui fournit gratuitement et en temps réel des informations sur l'emplacement et le déplacement des navires dans le monde entier. Grâce à leur système de balises AIS (voir l'article d'Hervé Théry dans M@ppemonde), les navires donnent en permanence leur position, leur vitesse, leur origine et leur destination.

Le projet universitaire Marine Traffic, qui a pour but la collecte et la diffusion de ces données en vue de leur exploitation dans divers domaines, s'est doté d'un service d'analyse en intelligence artificielle pour exploiter tout ce Big data. L'agrégation de milliards de points de données à partir de 2017 et la refactorisation des données de l'année 2016 réinterrogées avec de nouveaux algorithmes ont permis d'établir de nouvelles cartes de densités des routes maritimes, très intéressantes pour mesurer tout à la fois l'importance et l'évolution du trafic. Ce nouveau format de carte de densité créée à partir des trajectoires des navires au lieu de leurs positions permet le suivi des navires même dans les endroits les plus difficiles, où la couverture AIS n'est pas aussi précise. A terme, il est prévu de dégager plus d'informations à partir des données brutes AIS notamment pour savoir, quand un navire s'arrête, s'il est immobilisé à un terminal offshore ou s'il est en train de charger ou décharger des marchandises dans un port.


Si vous ne voulez plus seulement vous contenter de regarder passer les navires (vu leur gigantisme, il n'est pas non plus interdit de rêver sur leur forme et leur taille !), alors suivez le guide : une fois sur la page d'accueil du site Marine Traffic, cliquer dans la barre menu à gauche sur l'icone "Density Maps" qui fait apparaître la boîte de dialogue suivante :


Choisir l'année de référence (2016 ou 2017), le type (porte-conteneurs, cargos, pétroliers, méthaniers...) ou la taille des navires (de moins de 500 à plus de 60 000 tonnes). Sinon par défaut cliquer sur "All traffic". La carte fait apparaître la densité des routes selon un dégradé de couleurs allant du bleu-vert (pour les moins denses) au ocre-orangé (pour les plus denses). Outre le caractère discutable de ce dégradé de couleurs qui renvoie à une hiérarchie de flux bien spécifique, ce type de carte n'échappe pas complètement à "l'effet spaghetti" dénoncé par Françoise Bahoken dans sa thèse : au delà d'un trop grand nombre de lieux de départ et d'arrivée, les flux sont peu lisibles. Noter cependant que les algorithmes utilisés parviennent en partie à agréger les flux et à réduire cette complexité graphique. En jouant sur le mode "on/off", il est possible également de faire apparaître en filigrane le trafic en temps réel des navires sillonnant ces routes au moment même où l'on est en train de consulter le site. Utiliser le curseur pour régler l'opacité ou, si vous avez coché les deux dates 2016 et 2017, pour voir les évolutions d'une année à l'autre.

Exemple de l'océan Indien : concentration des flux maritimes de la Mer rouge et du golfe arabo-persique à l'Inde (route nord) ainsi que de l'Afrique du Sud à l'Asie du Sud-Est (route sud). Les deux routes aboutissent au détroit de Malacca, sorte de goulot d'étranglement du trafic maritime :


Exemple de l'océan Pacifique : forte dissymétrie entre le Pacifique Nord et le Pacifique Sud avec concentration du trafic sur la façade de l'Asie (entre le Japon, la Chine et l'Asie du Sud-Est) :


Exemple de la mer des Caraïbes et du golfe du Mexique : une nouvelle "Méditerranée" de plus en plus saturée par les flux maritimes :


Exemple de l'Atlantique Nord et de la voie arctique : à comparer de "l'autoroute maritime" que constituent la Manche et la Mer du Nord, les passages par l'Arctique, qu'il s'agisse du passage Nord-Ouest par le Canada ou du passage Nord-Est par la Russie, semblent encore relativement peu empruntés. Noter cependant le grand nombre de traits bleus qui laissent penser qu'il n'y a pas encore de route bien établie dans le Grand Nord.


Zoom sur le détroit de Malacca entre la Malaisie et l'Indonésie : plus de 80 000 passages de navires par an, l'une des zones de trafic les plus denses au monde, à la jonction du triangle de l'océan indien et de la route de l'Asie-Pacifique  :



Par comparaison voici à quoi ressemblaient les flux de trafic maritime entre 1750 et 1850, tel qu'ils ont pu être reconstitués à partir des livres de bord des navires (source : CLIWOC). Il est possible d'accéder aux données par année et par navire. Si l'on croise cette carte avec celle du trafic actuel (Marine Traffic), il est possible de conduire des comparaisons intéressantes. Au milieu du XIXe siècle, le trafic se concentre essentiellement dans l'océan Atlantique et dans l'océan Indien. Avant l'ouverture du canal de Suez, la route de l'Orient passe par le sud-ouest de l'océan Indien. A partir du XXe siècle, on assiste à un basculement au profit du nord de l'océan Indien et les flux s'étendent jusqu'au Pacifique, particulièrement sur la façade orientale de l'Asie.


Le trafic maritime entre 1750 et 1850 (source : CLIWOC)



Grâce aux livrets de bord des navires, les routes maritimes ainsi que les saisons de navigation ont pu être reconstituées année par année entre 1750 et 1850. Voici l'animation cartographique proposée sur le site Sapping Attention.

Animation cartographique reconstituant les flottes par pays, les routes et les saisons
de navigation entre 1750 et 1850




Ces journaux de bord tenus par les marins depuis le XVe siècle présentent également un intérêt majeur pour étudier le changement climatique ; ils fournissent une signature du climat avant les changements majeurs induits par l'homme. La gravité des tempêtes, les changements relatifs à la direction du vent ou aux régimes pluviométriques figurent parmi les données intéressantes à observer avant même le XIXe siècle. Les modèles climatiques et les enregistrements anciens peuvent être combinés avec d'autres sources de données sur terre de manière à fournir des outils plus précis pour évaluer comment le climat a changé au cours des dernières périodes (voir des pistes sur le site Geography Realm).

Des planisphères montrant les routes maritimes sillonnées par les flottes anglaises, espagnoles et hollandaises au cours du XVIIIe siècle sont téléchargeables sur le site Spatial Analysis. Pour le XIXe siècle, on peut comparer en utilisant cette très belle carte de 1863 montrant les liaisons maritimes par bateaux à vapeur.

En complément, une carte des liaisons maritimes et des câbles dans l'océan Atlantique en 1905. Une autre carte sur les routes commerciales maritimes dans le Pacifique en 1938-39 à la veille de la 2e Guerre mondiale.

Avec la diminution progressive de la banquise, la navigation devient possible en Arctique durant une saison de plus en plus longue (voir carte montrant la rétraction de la banquise l'été sur la période 1970-2100). Dans le cadre du projet Panarcticoptions.org, des scientifiques ont cartographié les routes des navires à partir de leur balises AIS et en utilisant les images de la NASA qui montrent l'extension des glaces entre 2010 et 2016. La vidéo restitue sous forme d'animation le trafic intense des navires le long des passages du Nord-Ouest et du Nord-Est (vus ici depuis le détroit de Béring). Cette carte animée fait l'objet d'une analyse sur le site du master GéoNum.
 
Le logiciel QGIS comporte un module Trajectools qui permet de transformer une série de points avec leurs coordonnées géographiques en routes maritimes avec des indications de trajectoires journalières.

Le site European Marine Traffic rassemble les données cumulées du trafic maritime en 2017 et permet de visualiser la densité du trafic maritime européen. La carte indique les zones où le trafic maritime est le plus dense et les voies de navigation les plus utilisées par les navires. La Manche est la voie maritime la plus fréquentée au monde, avec plus de 500 navires la traversant chaque jour :



Carte du trafic maritime mondial en 2017 (plateforme Arcgis) :
http://arcg.is/15Tj5f



Le site Vessel Traffic est assez équivalent à celui de Marine Traffic. Les deux sont disponibles en version nomade sur Google Play et Apple Store. Bien que gratuit, Vessel Traffic semble cependant moins détaillé : http://www.vesselfinder.com/fr


Commerce mondial : les nouvelles routes maritimes (IFRI)
L’évolution des flux de transport mais aussi des considérations stratégiques poussent à l’émergence de nouvelles routes, qui permettraient de diversifier les possibilités (en contournant des points de passage stratégiques) et répondre au défi de sécurité. L'IFRI propose une dizaine de notes réalisées pour l'émission "Le Dessous des cartes" d'Arte sur des sujets de géopolitique tels que la transformation des routes commerciales maritimes.


Pour compléter

Présentation des cartes de densités des routes maritimes par le site Marine Traffic.
https://www.marinetraffic.com/en/p/density-maps

Blog du site Marine Traffic pour se tenir au courant des évolutions.
https://www.marinetraffic.com/blog/mapping-density-ship-routes-using-big-data/

Théry H. (2011). Marine Traffic Project, un outil d’observation des routes et des ports maritimes, Revue M@ppemonde, n°104. 
https://mappemonde-archive.mgm.fr/num32/internet/int11401.html

Dossier "Enseigner la mer" sur le site Eduscol.
http://eduscol.education.fr/histoire-geographie/se-former/actualiser-et-approfondir-ses-connaissances/par-theme-en-geographie/geographie-thematique/mers-et-oceans.html

Ducuret, C. (2016). Ports et routes maritimes dans le monde (1890-1925). M@ppemonde n°106, 2012.
http://mappemonde-archive.mgm.fr/num34/lieux/lieux12201.html

Genevois, S. (2017). La cartographie des espaces maritimes au prisme de la géographie scolaire. Actes du Grand Séminaire de l'océan Indien 2016. "Entre terres et mers, cartographies du sud-ouest de l'océan Indien", Sep 2016, Saint-Denis. Université de la Réunion. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01650707

Numa, J-P (2018). Océan Indien : étude géopolitique et stratégique des flux maritimes, risques et menaces. Site Diploweb. https://www.diploweb.com/Ocean-Indien-etude-geopolitique-et-strategique-des-flux-maritimes-risques-et-menaces.html

Bahoken F. (2021). Géo-graphie des circulations maritimes. Néocarto (d'après une communication à SAGEO'2016).  http://neocarto.hypotheses.org/11993

Bahoken F. (2016). Contribution à la cartographie d’une matrice de flux. Thèse de doctorat, Université Paris Diderot (Paris 7), Sorbonne Paris Cité, 408 p. + Annexe. Voir le résumé sur Mappemonde.


Lien ajouté le 18 septembre 2021

Lien ajouté le 17 décembre 2021

Lien ajouté le 4 mai 2022

Lien ajouté le 24 juin 2023


Lien ajouté le 3 mars 2024


Lien ajouté le 8 mars 2024
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