La carte, objet éminemment politique : quand Trump dessine sa carte du monde


A peine élu et avant même de prendre officiellement ses fonctions pour un second mandat, le président américain Donald Trump a esquissé sa carte du monde lors d'une conférence de presse qui s'est tenue le 7 janvier 2025 depuis Mar-a-Lago. Le Canada devrait, selon lui, devenir le 51e état des États-Unis pour des raisons économiques. Le Groenland sur lequel il avait déjà manifesté des vues expansionnistes, devrait être annexé au territoire américain pour des questions de sécurité nationale. Trump souhaiterait aussi récupérer le canal de Panama pour contrecarrer l'influence de la Chine. Le Golfe du Mexique devrait être renommé Golfe de l'Amérique. A l'appui de ces revendications territoriales, le président américain a publié sur son réseau Truth Social une carte fusionnant les États-Unis et le Canada avec un drapeau américain couvrant tout le territoire. 

Pour un président qui ne se prive pas de dénoncer les fausses rumeurs (fakes), cette fakemap ne manque pas de saveur. Il faut dire que Donald Trump n'en est pas à son premier coup d'essai et qu'il s'était déjà arrangé avec la réalité lors du passage du cyclone Dorian en montrant une carte de trajectoire du cyclone dessinée à sa façon.

Le pouvoir performatif de la carte dont use et abuse Donald Trump a largement été relayé par les médias et les réseaux sociaux qui ont pris souvent ses déclarations au pied de la lettre, tout en s'en moquant pour une partie d'entre eux (voir par exemple cette carte-caricature de la Donroe Doctrine par le New York Post en référence à la doctrine Monroe revisitée par Donald Trump). 

Le président Trump, qui se plaint régulièrement des relations avec le Canada et le Mexique qui côutent trop chères aux États-Unis selon lui, s'est dit prêt à user de la force économique si nécessaire pour parvenir à ses fins. Il est probable que ces déclarations provovatrices soient destinées à obtenir des accords commerciaux plus favorables pour les États-Unis. Les menaces d’annexion visent surtout mettre une pression maximale sur le Panama pour réduire les droits de douane pour les navires américains. Pour rappel, le contrôle du canal de Panama, achevé par les Etats-Unis en 1914, a été entièrement rendu à l'Etat du Panama en 1999, en vertu d'un accord signé par le président américain démocrate Jimmy Carter en 1977.

Dans le cas du Groenland, ce sont les richesses naturelles promises par la fonte de la banquise qui l'intéressent. L’intérêt de Trump pour le Groenland est lié à ses gisements de terres rares, essentiels pour des technologies comme les semi-conducteurs, les F-35 et l’IA. Avec 90 % des terres rares contrôlées par la Chine et la Russie, le Groenland est à même d'offrir une indépendance stratégique. L'objectif est également géopolitique de manière à contrebalancer la présence russe dans la région arctique. Le Groenland constitue un enjeu depuis l'époque de la Guerre froide avec la base américaine de Thulé.

[1/5] Donald Trump évoque l'annexion militaire du #Groenland, territoire stratégique de 2,16 M km² riche en minerais et crucial pour le passage du N-Ouest. L’île attire les convoitises, avec 25% de ses exportations dépendant de transferts danois couvrant 25% de son PIB. #HGGSP #geography #Greenland

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— Patrick Marques (@pmarques35.bsky.social) 9 janvier 2025 à 10:27


Face aux vélléités trumpiennes d'expansion territoriale, les réactions n'ont pas tardé à se manifester dans différents pays. La présidente du Mexique Claudia Sheinbaum a riposté à la proposition de Donald Trump de renommer le golfe du Mexique, en suggérant que le territoire américain qui faisait auparavant partie du Mexique puisse s'appeler « Amérique mexicaine ». A l'appui de cette proposition, la présidente du Mexique a utilisé une carte du Mexique datant de 1607 montrant une partie des États-Unis actuels sous contrôle du Mexique.


À la différence des dirigeants du Canada ou de Panama, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, n’a pas répondu aux menaces de Donald Trump proférées à Mar-a-Lago où le président élu exprimait sa volonté de s’en prendre au Danemark par la force ou par le rachat, s’il refusait de vendre le Groenland aux États-Unis. D. Trump entend peser de tout son poids pour arriver à arracher des concessions. Paris et Berlin ont condamné les menaces d’annexion. La Russie a également semblé être inquiète par les propos de D. Trump. Le Danemark a déclaré que son territoire n’était pas à vendre. 

[1/5] Le réchauffement climatique redessine la géopolitique mondiale. Alice Hill, experte au Council on Foreign Relations, explique que la fonte rapide des glaces en Arctique rend le Groenland stratégique pour ses ressources minières, tandis que la sécheresse perturbe le canal de Panama. #geography

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— Patrick Marques (@pmarques35.bsky.social) 14 janvier 2025 à 11:55


Bien qu'elles soient à prendre au sérieux pour les conséquences géopolitiques et géoéconomiques qu'elles risquent d'entraîner dans les années qui viennent, les vélléités impérialistes de Donald Trump peuvent prêter à sourire tant elles paraissent irréalistes...



Vilains rêves carto ☠️ Par Michael de Adder

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— Le Cartographe 🗺️🍷 (@lecartographe.bsky.social) 13 janvier 2025 à 00:27

Sources

« Donald Trump : Etats-Unis + Canada + Groenland + canal de Panama… Le monde vu par le président américain en une carte » (20 minutes)

« Groenland, Panama : Donald Trump renoue avec l’impérialisme de Theodore Roosevelt » (Le Monde)

« Nouvelle nomination du golfe du Mexique : la toponymie est à l’avant-garde d’un projet impérialiste aux conséquences incommensurables » (Le Monde)

« Donald Trump Jr. au Groenland : le projet impérial trumpiste d’une Grande Amérique en deux cartes exclusives » (Le Grand Continent)

« Donald Trump dessine les contours d’un nouvel impérialisme états-unien » (Mediapart)

« La présidente du Mexique demande à ce que certaines régions des États-Unis soient rebaptisées Amérique mexicaine » (The Financial Times)

« Trump peut-il faire main basse sur le Groenland ? » (Les Echos)

« Canal de Panama : en réponse à Donald Trump, le pays affirme que sa souveraineté sur l'axe maritime n'est "pas négociable"  » (France-Info)

« C'est ironique : comment la crise climatique alimente la campagne de Trump contre le Groenland et le Panama  » (The Guardian)


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