Qui habite où ? Compter, localiser et observer les habitants réels en France


Source : Lévy, J., Coldefy, J., Piantoni, S., & François, J. (2023). Who Lives Whereb? Counting, Locating, and Observing France’s Real Inhabitants (Sciences Advanced, mai 2023).

Résumé

Il n'est pas facile de savoir combien de personnes il y a dans une localité, un quartier, une ville. On dispose d'une part des recensements, lorsqu'ils sont fiables, et d'autre part des enquêtes de mobilité. Le monde numérique offre de nouvelles sources, mais elles restent fragmentaires dans ce domaine. La principale faiblesse des recensements est qu'ils reposent sur une hypothèse implicite : que l’emplacement de la résidence principale d’un répondant est prédictif de l’emplacement permanent de cette personne. Tel n'est pas le cas. Les individus se déplacent, venant parfois de très loin, circulant entre de nombreux lieux au cours de la journée, et pouvant passer la nuit dans un autre lieu. Les enquêtes de mobilité contribuent à enrichir le tableau, mais elles présentent aussi plusieurs faiblesses. 

Pour la première fois, des données téléphoniques massives, fiables, collectées et vérifiées avec un haut niveau de précision spatiale et temporelle et couvrant l'ensemble du territoire français ont été utilisées pour répondre à ce questionnement. L'article soulève la question de la qualité et de la pertinence des données et propose un cadre qui se concentre sur l'habitant, et non seulement sur le résident ou le navetteur. Le traitement de ces données permet de mieux estimer les habitants résidant vraiment sur leur lieu de résidence et de proposer une nouvelle approche. Deux nouveaux indicateurs (habitant année et indice d'attractivité) ont été conçus pour rendre compte de la réalité des pratiques spatiales individuelles et pour appréhender les multiples modes d'habiter. Les cartes réalisées à partir de ces données sont produites et analysées dans l'article.

Cartogramme représentant la densité d'habitants à l'année en France (source : Lévy & al., 2023)


Les résultats présentés dans cet article ne constituent que la première phase d'un projet de recherche qui comprend au moins cinq phases. L’étude des mobilités, la construction d'une typologie des unités spatiales, la redéfinition des aires urbaines pertinentes et l'exploration des rythmes (journaliers, hebdomadaires, annuels) sont encore en cours. Une comparaison des situations avant et après la pandémie, grâce au traitement de deux ensembles de données distincts (données de téléphonie Orange 2019-20 et 2022-23), permettra l'analyse de cet événement. Les futurs traitements de données permettront de tirer parti des tableaux de contingence qui fournissent des informations limitées mais utiles concernant les profils de personnes. Tous ces « chantiers » sont fondés sur le même principe simple : on peut désormais connecter les gens et les lieux et explorer la richesse de ce que signifie être un habitant. Les premiers résultats suggèrent qu'il est temps de changer de paradigme. La qualité des données fournies par les opérateurs téléphoniques sera certainement encore améliorée pour atteindre le même niveau de fiabilité que les recensements. Les données disponibles permettent déjà un traitement approfondi, ce serait encore plus le cas si un dialogue entre opérateurs, offices statistiques et chercheurs devait avoir lieu.

Pour aller plus loin 
Données et analyses INSEE

Lien ajouté le 17 septembre 2023

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