Prague Squared ou comment un cartogramme quadrillé peut apporter de la lisibilité à l'information géographique


Source
: Münzberger, J. (2025). Prague Squared. Journal of Maps, 21 (1). URL : https://doi.org/10.1080/17445647.2025.2473593. Article en libre accès et distribué selon les termes de la licence Creative Commons Attribution 4.0.

Le projet Prague Squared (« Prague au carré ») a pour objectif de visualiser efficacement les données statistiques de la ville de Prague en utilisant des méthodes de cartographie thématique, des principes de la perception visuelle et de l'infographie. L'objectif est d'offrir une méthode alternative et non conventionnelle pour communiquer visuellement et facilement les informations statistiques produites par les autorités municipales. Les divisions municipales irrégulières peuvent créer des conflits entre le contenu thématique, la structure géométrique et les annotations. Ce projet surmonte ces limitations grâce à une anamorphose cartographique (cartogramme de surface) où les découpages municipaux sont représentés sous forme de carrés géométriques tout en préservant la contiguïté spatiale. Une caractéristique géographique clé, la généralisation du cours de la Vltava, permet de garder un repère géographique pour s'orienter. Les noms des circonscriptions municipales sont également abrégés pour plus de clarté. Le projet utilise une combinaison de techniques choroplèthes et de symboles proportionnels, garantissant la lisibilité des différentes couches de données. Cette approche offre un moyen structuré, lisible et intuitif de comprendre les relations entre les données et peut révéler des connexions, des tendances ou des corrélations.

Prague Squarred (source : Münzberger, 2025) - Cartogramme disponible en haute résolution sur le site


L'article remonte aux origines de l'invention du cartogramme au XIXe siècle. Les origines du cartogramme quadrillé sont identifiables dans l'Atlas statistique de la population de Paris (1873) du statisticien français Toussaint Loua. Dans son Statistical atlas of the United States (1874), A. Walker a été l'un des premiers à utiliser des visualisations composées de carrés subdivisés indiquant les proportions relatives des variables pour chaque État. Une première version contiguë du cartogramme mosaïque est reconnaissable dans la visualisation des statistiques sur les cultures produites par l'Office impérial de statistique de l'Empire allemand (Statistisches Jahrbuch für das Deutsche Reich). La première apparition remonte à 1904, à partir de données de 1903, et ce type de visualisation a continué à être utilisé dans cet annuaire depuis lors. Les cartogrammes quadrillés sont souvent utilisés comme cadre pratique pour intégrer d'autres données sous forme de variations choroplèthes, de graphiques, de diagrammes ou de tracés. L'utilisation de la combinaison avec des variations de couleurs est évidente dès le début de la méthode. La réponse à la facilité de compréhension de ce concept se trouve dans le domaine de la perception visuelle et de la psychologie. 

Dès les années 1920, un groupe de psychologues allemands et autrichiens formule le Gestaltisme, une étude du fonctionnement de l'esprit humain. Ils introduisent un ensemble de règles et de principes fondamentaux de perception et d'organisation des éléments visuels, permettant de comprendre comment les individus perçoivent et interprètent l'information visuelle. Le Gestaltisme affirme que lorsqu'une personne regarde une image ou une scène particulière, les éléments ne sont pas perçus individuellement (puis assemblés pour former une image complète), mais la scène est perçue dans son ensemble (automatiquement et sans effort conscient). Ces découvertes, issues de la psychologie de la perception, ont également été appliquées aux domaines de la visualisation de données, du graphisme et de l'art.

La schématisation est un élément important de la cartographie thématique, qui permet de simplifier et de s'abstraire de la réalité spatiale au profit d'un message plus clair et plus compréhensible. Cependant, cette approche comporte des avantages et des inconvénients qu'il convient de prendre en compte attentivement lors de la création de cartes thématiques. Les avantages incluent une interprétation simplifiée des données. Dans le cas de Prague Squared, cette approche permet de minimiser les problèmes liés à la géométrie irrégulière des quartiers urbains. Parmi les autres avantages de la schématisation, on peut noter la mise en valeur des éléments thématiques. Un autre avantage réside dans la polyvalence et la portabilité. La nature schématique des cartes facilite le transfert d'informations vers différentes plateformes et supports. En revanche, une utilisation excessive des schémas risque de faire passer à côté de détails importants ou de relations entre les données. Un effort excessif de schématisation peut conduire à une abstraction, susceptible d'entraîner des conséquences indésirables : plus une image (carte) est abstraite, plus le goût personnel joue un rôle. De plus, des malentendus peuvent survenir, notamment chez les lecteurs de cartes peu expérimentés qui pourraient ne pas saisir l'intention du schéma et avoir des difficultés à relier les éléments schématiques à la réalité.

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