L'histoire par les cartes : data visualisation de 120 000 lettres ou missives échangées à l'époque des Tudors

 

La visualisation de gros jeux de données permet de jeter un regard nouveau sur le gouvernement des Tudors. Le projet Tudor Networks présente une visualisation interactive concernant 120 000 lettres issues des State Papers conservés aux archives nationales du Royaume-Uni. La collection comprend des missives politiques, des rapports de renseignements de diplomates ou d'espions étrangers, ainsi que la correspondance interceptée à travers des pratiques d'espionnage.


Pour le professeur Ruth Ahnert, professeur d'histoire littéraire à l'Université Queen Mary de Londres, qui a dirigé le projet,  "la visualisation permet aux gens de voir comment le gouvernement des Tudors se positionnait sur la scène internationale, comment il recueillait des informations et où il avait les yeux... On peut s'apercevoir du grand nombre de voyages entrepris par des diplomates, des chefs militaires, des marchands, des agents et autres espions. On peut voir qui se trouvait au même endroit au même moment et déceler des intersections dans des lieux inattendus  - ce qui permet de définir des événements-clés".

Grâce à l'interface exploratoire proposée par le site, on accède d'une nouvelle manière aux archives en explorant les réseaux d'échanges de l'époque. A partir d'une vue globale de ce réseau épistolaire, on peut naviguer dans le temps ou dans l'espace et accéder à chaque lettre individuellement.


Le projet Tudor Networks of Power utilise de puissants algorithmes en matière d'exploration et d'analyse de données qui permettent de découvrir des modèles de communication. Ces principes sont en partie inspirés des méthodes de data surveillance. En 2013, le lanceur d'alerte Edward Snowden a révélé au monde que la National Security Agency (NSA) s'était engagée dans une « surveillance des données » à grande échelle. La data surveillance consiste à surveiller les données issues d'activités tels que les transactions par carte de crédit, les appels téléphoniques, les courriels et l'utilisation des plateformes de réseaux sociaux. Contrairement aux pratiques classiques de surveillance qui commencent par une cible connue, la "dataveillance" s'appuie sur un large réseau collectant toutes les sources disponibles, puis utilise ces données pour reconstruire et analyser les réseaux sociaux, les modes de communication et les mouvements. Ces principes peuvent également être tournés vers l'étude de l'histoire, comme le montre Ruth Ahnert dans un article récemment publié dans le History Workshop Journal.

Références

Tudor Networks of Power
Le gouvernement des Tudors entretenait un réseau de communication qui sillonnait le monde. Cette visualisation rassemble 123 850 lettres reliant 20 424 personnes. Ces lettres sont issues des archives des State Papers et vont de l’accession d’Henri VIII à la mort d’Elizabeth I (1509-1603).
http://tudornetworks.net/

States Papers Online
Le terme State papers est utilisé en Grande-Bretagne, en Écosse et en Irlande pour désigner les archives et les documents gouvernementaux. Ces archives (1509-1714) sont consultables en ligne.
https://www.nationalarchives.gov.uk/help-with-your-research/research-guides/state-papers-foreign-1509-1782/

Ruth Ahnert, Sebastian E Ahnert (2019). Metadata, Surveillance and the Tudor State
History Workshop Journal, Volume 87, Spring 2019, Pages 27–51.
https://academic.oup.com/hwj/article-abstract/doi/10.1093/hwj/dby033/5299617?redirectedFrom=PDF
 
A Tale of Two Snowdens : Dataveillance in History
 

 
 
 

Les cartes et data visualisations de Baptiste Coulmont