Le cyclone (ou ouragan) Florence, sur lequel les centres d'observation et les médias américains braquent tous leurs regards en ce mois de septembre 2018, continue de donner du fil à retordre aux prévisionnistes. Dans un précédent billet, nous avons abordé les incertitudes liées à l'estimation de sa trajectoire et de son point d'impact. Le cyclone a fini par atterrir le 14 septembre à 7h45 sur les côtes de Caroline du Nord. Cette image en haute résolution prise par le satellite météo géostationnaire GOES-East met bien en évidence la taille gigantesque du cyclone (plus de 500 km) et sa zone d'atterrissage sur les côtes de la Caroline du Nord.
Image satellite du cyclone Florence au 14 septembre 2018 (NOAA)
Après avoir traversé l'océan atlantique au pas de course en se déplaçant à plus de 20 km/h en moyenne, le cyclone a considérablement ralenti (moins de 4 km/h) et reste stationné au dessus de la Caroline du Nord. L'enjeu devient désormais l'estimation de la répartition et de l'intensité des précipitations, avec des risques considérables d'inondations, de crues et de glissements de terrain sur toute la façade est des Etats-Unis. Les régions indiquées en rouge-violet devraient recevoir plus de 50 cm de précipitations, ce qui représente une hauteur très exceptionnelle.
Estimation des hauteurs de précipitations au 15 septembre 2018 (NOAA et NWS)
Ces risques de fortes pluies concernent la partie orientale, mais aussi de plus en plus l'intérieur de la Caroline du Nord, le nord de la Caroline du Sud et le sud de la Virginie. A terme, les pluies pourraient concerner les Appalaches et une bonne partie de la façade nord-est des Etats-Unis, ainsi que le montrent les simulations météorologiques :
Les autorités multiplient les messages d'alerte auprès des populations :
On dénombre plus de 500 000 personnes coupées d'électricité (en raison de lignes coupées, mais aussi de l'arrêt de la centrale nucléaire de Brunswick), 20 000 personnes placées dans des abris et plus d'un million de personnes évacuées. Le gouverneur de Caroline du Nord, Roy Cooper, qualifie l'ouragan en raison des pluies diluviennes d'"événement millénaire". Le bilan provisoire est de 8 morts au 16 septembre 2018. Jusqu'à dix millions de personnes pourraient être affectées par la tempête.
Les secours s'organisent à terre, notamment par le biais de la FEMA : l'Agence fédérale de gestion des situations d'urgence (FEMA) a rempli des
camions de nourriture, d'eau et d'autres fournitures de base. Elle dispose
d'hélicoptères spécialement équipés pour effectuer les reconnaissances aériennes ainsi que
de bateaux adaptés aux eaux peu profondes pour effectuer les missions de recherche et de
sauvetage. D'autres agences fédérales ou organisations civiles sont impliquées dans la
gestion des secours. La Garde côtière américaine a positionné 40 avions.
Le Pentagone a déployé près de 10 000 militaires et civils dans la
région.
Des leçons semblent en partie avoir été tirées du cyclone Katrina où la FEMA et le président Bush avaient été mis en cause en 2005 pour leur mauvaise gestion de la catastrophe. En 2013 la FEMA avait déjà été accusée de vouloir faire des économies en
réduisant de 60% les zones à risque après le passage de Sandy. En 2017, le cyclone Maria a de nouveau mis à mal la réputation de la FEMA qui a reconnu, dans un rapport publié en mars 2018, ne pas avoir été suffisamment préparée à une catastrophe de cette ampleur. L'agence américaine, qui déclare sur son site web avoir pour mission d'"aider les personnes avant, pendant et après les catastrophes", vient de mettre en place une page spéciale sur Florence et une autre - pour le moins surprenante mais destinée à rassurer - afin de répondre aux rumeurs concernant les éventuels dysfonctionnements dans la mise en oeuvre et l'organisation des secours. La FEMA ainsi que le président Trump savent qu'ils ont gros à jouer dans la gestion de cette catastrophe. Sur son compte Twitter, le président américain a mis un lien sur la page anti-rumeurs de la FEMA comme pour se disculper. L'origine de la polémique remonte au cyclone Maria (voir la storymap) pour lequel le président Trump avait félicité les autorités de Porto-Rico pour son faible nombre de victimes (bilan officiel établi à seulement 64 morts). Il est toujours difficile de faire un bilan du nombre de morts et disparus liés aux cyclones, mais des journalistes d'investigation ont enquêté et ont établi un bilan de 487 morts (source : Quartz) auquel il faut ajouter toutes les victimes non recensées estimées à près de 3000. Comme pour se racheter Trump est allé de nouveau en visite à Porto Rico, mais a de nouveau provoqué l'indignation en affirmant que les 3 000 morts à Porto Rico dus aux différents ouragans de 2017 correspondaient à un chiffre exagéré. L'an dernier, suite aux dégâts occasionnés par le cylcone Maria, le président n'avait-il pas menacé de ne plus aider Porto-Rico en cas de nouveau cyclone ? Le 20 septembre 2018, le Conseil de la ville de New York a demandé au président Trump de lancer une commission pour
enquêter sur la réponse fédérale apportée à Porto Rico face à l'ouragan Maria.
Le président Trump a décidé de se placer en première ligne dans la gestion d'une catastrophe
qui pourrait prendre une dimension politique (source : The New York Times)
qui pourrait prendre une dimension politique (source : The New York Times)
D'ores et déjà le cyclone Florence, bien que dégradé en tempête tropicale à son arrivée sur la côte américaine, constitue l'une des dépressions les plus humides qu'ait connues les Etats-Unis, en tous les cas un record absolu de précipitations si on la compare aux précédentes. Le site Wikipédia dresse ainsi un inventaire des cyclones les plus chargés en précipitations. En Caroline du Nord, Florence dépasse largement le cyclone Matthew de 2016 ou encore le cyclone Floyd de 1999 en qui concerne la hauteur des précipitations.
Liste des tempêtes tropicales ayant enregistré le plus de précipitations en Caroline du Nord (Wikipedia)
Rang
|
mm
|
inches
|
Storm
|
Location
|
1
|
776.7
|
30.58
|
Swansboro
|
|
2
|
611.1
|
24.06
|
Southport
5 N
|
|
3
|
602.7
|
23.73
|
Altapass
|
|
4
|
598.7
|
23.57
|
Mount
Mitchell
|
|
5
|
524.5
|
20.65
|
Idlewild
|
|
6
|
505.7
|
19.91
|
Ocracoke
|
|
7
|
482.1
|
18.98
|
Southport
5 N
|
|
8
|
481.3
|
18.95
|
Evergreen
|
|
9
|
444.5
|
17.50
|
Oak Island
Water Treatment Plant
|
|
10
|
431.8
|
17.00
|
Cruso
|
Total de précipitations pour le cyclone Matthews (2016)
L'ouragan Florence ressemble beaucoup à Harvey qui a frappé le Texas fin août 2017, avec un phénomène "deux en un" : d'abord des vents extrêmement dangereux liés au souffle de la tempête, puis pendant plusieurs jours des pluies soutenues et des inondations catastrophiques. S'il ne faut pas établir de lien sysématique avec le réchauffement climatique, la communauté scientifique - y compris les experts de la NOAA - signalent que le changement climatique d'origine anthropique influe sur les phénomènes météorologiques extrêmes. Le rapport national d'évaluation du climat (2015), publié tous les quatre aux Etats-Unis, conclut que « l'intensité des ouragans et les précipitations devrait augmenter à mesure que le climat continue de se réchauffer » d'ici la fin du siècle.
Charles H. Greene, professeur de sciences de la terre et de l’atmosphère à l’université Cornell, affirme que le réchauffement de l’Arctique « a probablement joué un rôle important dans l’ouragan Harvey ». On peut également établir des parallèles avec le cyclone Sandy, qui a causé des ravages sur New York et le New Jersey en 2012. Le réchauffement de l'Arctique ralentit les jets streams et augmente la probabilité de formation de ces ceintures de haute pression. "Cela pourrait être un facteur qui alimente ce qui va se passer avec Florence." Des études montrent également qu’il y a eu un ralentissement marqué de la vitesse des ouragans tant sur l’eau que sur la terre, ce qui augmente les risques de fortes pluies, inondations et ondes de tempête. En outre, une étude réalisée en 2016 a révélé que le changement climatique avait provoqué la migration des ouragans plus au nord dans l'Atlantique - une tendance qui devrait se poursuivre dans un monde en réchauffement. Si Florence maintient sa force et sa trajectoire actuelle, il pourrait devenir l'ouragan de catégorie 4 le plus septentrional jamais enregistré aux États-Unis. Shepherd a déclaré que, bien qu'on ne puisse spéculer sur les effets éventuels du changement climatique concernant la formation et la trajectoire de Florence, celui-ci devrait très certainement entraîné plus de dégâts le long des côtes. (source : Huffington Post, Bigger, Slower, Rainier: What Does Florence Portend About The Future Of Hurricanes ? 09-11-2018)
Accès aux données
- La Caroline du Nord a mis en place un site d'information en temps réel, où les populations peuvent prendre connaissance de l'état des routes ainsi que des zones d'évacuation (libres ou obligatoires). Cet état dispose également d'un centre de données géographiques diffusant des données SIG par comtés ainsi que d'un portail de données géospatiales : NC OneMap.
- Toutes les données sur les risques d'inondation, les plans de prévention, les infrastructures de protection sont accessibles à travers le FEMA's National Flood Hazard Layer (NFHL) Viewer. Les plans sont téléchargeables en PNG ou PDF et servent surtout à pouvoir se faire dédommager par les assurances. Les données SIG de la FEMA sont décrites et accessibles sur cette page. avec également des services en WMS. Possibilité de télécharger ces données en fichier kmz pour les visualiser dans Google Earth.
- La FEMA met par ailleurs à disposition une plateforme d'images et de cartes spécialement dédiée au cyclone Florence.
- L'USGS donne accès aux données concernant les inondations à travers son Flood Event Viewer.
- Nasa Earth Observatory met en ligne des images satellites prises entre le 14 et le 19 septembre par Landsat 8. Ces images en fausses couleurs utilisent une combinaison de lumière visible et infrarouge (bandes OLI 6-5-4) pour faciliter la distinction entre les inondations. les eaux et la terre. On observe la crue de la rivière Trent avec le déversement de sédiments dans la mer.
- La NAPSG Fondation, dont l'objectif est d'améliorer la sécurité publique grâce au partage de données géospatiales, a mis en place une plateforme de partage de photographies en crowdsourcing, qui permet de suivre l'impact de la catastrophe en temps réel (en forme de storymap sur ArcGis online).
- CrowdSource Rescue, une application gratuite conçue pour connecter les volontaires et le personnel d'urgence aux personnes en détresse, a déjà aidé des dizaines de milliers de personnes bloquées lors des trois derniers ouragans majeurs : Harvey, Irma et Maria.
- La carte devient un outil de prévention du risque de l’ouragan Florence. Billet à lire sur Veille Carto 2.0.
Si vous avez construit ou voulez construire des séances pédagogiques sur
le thème des risques avec des outils de cartographie
numérique (voir nos pistes d'activités), merci de vous manifester, l'enjeu étant de pouvoir
mutualiser des jeux de données et des scénarios pédagogiques utilisables
avec des élèves ou avec des étudiants.
Liens ajoutés le 24/09/18
L’enquête mise en place par le Service national de géodésie (NGS) vise à recueillir des images afin de pouvoir évaluer les dégâts après l’ouragan Florence. Les images aériennes sont collectées dans des zones spécifiques identifiées par la NOAA en coordination avec la FEMA et d’autres partenaires étatiques et fédéraux. Les images sont mises à jour toutes les 12 heures, ce qui correspond au temps nécessaire pour le vol et le traitement. Les images collectées (résolution 25 cm) sont accessibles en ligne via le visualiseur Hurricane Florence Imagery de la NGS. Les images sont consultables par date d'acquisition avec la possibilité de constituer des séries temporelles (images à télécharger ou à intégrer dans un SIG en WMST).
Dans le cadre de son projet ESRI Disaster Response, ESRI met à disposition un visualiseur permettant de comparer les images aériennes avant et après les inondations. Possibilité de faire une recherche par lieu et de conduire des comparaisons très précises grâce à la double visualisation.
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L’enquête mise en place par le Service national de géodésie (NGS) vise à recueillir des images afin de pouvoir évaluer les dégâts après l’ouragan Florence. Les images aériennes sont collectées dans des zones spécifiques identifiées par la NOAA en coordination avec la FEMA et d’autres partenaires étatiques et fédéraux. Les images sont mises à jour toutes les 12 heures, ce qui correspond au temps nécessaire pour le vol et le traitement. Les images collectées (résolution 25 cm) sont accessibles en ligne via le visualiseur Hurricane Florence Imagery de la NGS. Les images sont consultables par date d'acquisition avec la possibilité de constituer des séries temporelles (images à télécharger ou à intégrer dans un SIG en WMST).
Dans le cadre de son projet ESRI Disaster Response, ESRI met à disposition un visualiseur permettant de comparer les images aériennes avant et après les inondations. Possibilité de faire une recherche par lieu et de conduire des comparaisons très précises grâce à la double visualisation.
Hurricane Florence Damage Viewer (ESRI)
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