Big data et choix d'aménagement urbain pour les piétons et les cyclistes


 Nous avons commencé à aborder l'intérêt des données géolocalisées à travers un précédent billet : Strava et les enjeux du big data. Nous poursuivons ici l'analyse en nous intéressant plus spécialement à l'usage des traces numériques des cyclistes et des piétons pour orienter les choix d'aménagement urbain. 

L'enjeu est de taille du fait de l'augmentation rapide des moyens de "déplacement doux" dans les métropoles. Il s'agit d'aménager les voies jugées dangereuses ou insuffisantes pour les piétons et les cyclistes, de planifier la croissance future du trafic, de pouvoir aussi justifier les investissements. Strava Metro n'est pas la seule entreprise à fournir ce type de données sur les déplacements urbains. La plateforme Uber se positionne également sur ce créneau, mais pas sur le vélo ni la marche à pied. Uber Movement entend fournir des informations sur la mobilité urbaine pour les villes et les collectivités afin de mieux connaître les besoins et les déplacements. La demande est de plus en plus forte de la part des métropoles qui cherchent de leur côté à mettre en place leurs propres solutions de data visualisation et de data mining (voir par exemple cette cartographie 3D des émissions de dioxyde d'azote par le Grand Londres)

Animation mettant en avant le potentiel d'usage des données fournies par Strava Metro



Le département des transports de l'Oregon (ODOT) a été la première agence de transport des États-Unis à signer un accord avec Strava metro en 2014. Jusque là le comportement des piétons et des cyclistes en milieu urbain n'était guère connu que par des enquêtes isolées et coûteuses à renouveler. L'agence américaine ODOT continue à réaliser ses propres comptages manuels, mais elle a décidé d'utiliser les services de Strava metro pour mieux connaître les pratiques et les besoins des cyclistes et des piétons, notamment dans la ville de Portland. Depuis 2014, 75 autres villes et régions dans le monde utilisent les données de Strava metro pour évaluer et définir leur politique de transport, telles Glasgow, Reykjavik, Stockholm ou Brisbane. Cette dernière a par exemple aménagé une piste cyclable le long de Breakfast Creek, offrant ainsi aux cyclistes une voie réservée à travers un paysage varié de champs, de quartiers résidentiels et de zones commerciales. Dans sa forme originale, la piste cyclable était traversée par Kelvin Grove Road, un autoroute à 6 voies de circulation. Cette importante interruption de la piste cyclable obligeait les cyclistes à franchir de multiples signaux tricolores et le trafic se déversait dans les rues adjacentes. La construction d'une nouvelle section de 680 mètres de voie cyclable a permis de contourner l'obstacle et de sécuriser la circulation à vélo :

Aménagement d'une nouvelle voie cyclable (en bleu) à Brisbane pour contourner une voie rapide


D'autres villes ont également adopté ces outils de visualisation de données géolocalisées permettant de prospecter les besoins et de mesurer l'effet des aménagements une fois réalisés. Ainsi par exemple pour la ville d'Austin (Texas), cette vidéo met en évidence les rues les plus utilisées par les cyclistes sur une durée d'une semaine et les problèmes liés aux intersections avec d'autres voies urbaines (les carrefours sont souvent sources de dangers pour les cyclistes) :


Volumes de traces enregistrées par des cyclistes sur le site Strava du 9 au 15 août 2013
(Source : Griffin and Jiao)


Une fois agrégées et anonymées, Strava revend les données de ses utilisateurs sous forme de licence, pour une zone donnée et pour un nombre d'utilisateurs donné. De par ses millions d'utilisateurs, Strava fournit une base de données très conséquente pour suivre les traces des cyclistes, particulièrement dans les grandes villes mondiales à l'exemple de Londres, Amsterdam, Barcelone (Paris est moins représenté)... Pourtant Strava est loin d'agréger tous les piétons et les cyclistes qui se déplacent quotidiennement dans ces espaces urbains. Avec moins de 10% du total des usagers, l'application parvient à donner une vue relativement fidèle de leurs comportements sur différents pas de temps et différents secteurs de la ville. La précision dépend tout de même des comptages réalisés par ailleurs qui permettent d'extrapoler, en comparant avec les données de Strava metro, le nombre réel d'usagers. La combinaison avec d'autres couches d'information SIG reste souvent indispensable.

 Nombres de sorties en vélo sur un an dans 6 grandes métropoles (en millions) - Source : Strava

La visualisation des Data Analytics concerne aussi l'entreprise Uber qui souhaite désormais optimiser les temps de parcours urbains dans les grandes villes souvent encombrées par des embouteillages. Au départ l'entreprise cherchait surtout à mettre en place un système de tarification en fonction de la demande (cf système du Geoserve fondé sur l'importance de l'offre et la demande en fonction du lieu). Puis ces données connectées ont servi à optimiser la circulation des chauffeurs pour finalement déboucher sur une nouvelle façon d'appréhender la mobilité.

Vidéo mettant en avant la façon dont le service UberPOOL aide à réduire le trafic automobile en ville


La visualisation de données aide à son tour le public à comprendre ce que Uber fait et comment il fonctionne. Une chose est de comprendre comment Uber utilise les données GPS, une autre est de savoir ce que l'on peut en faire pour le grand public. Uber nous apprend beaucoup sur l'utilisation des données volumineuses. Elles permettent de révéler les rythmes urbains selon une véritable cartographie du "pouls" de la ville en fonction des secteurs et des horaires de circulation :

Cartographie du "pouls" de la ville de New York à travers le service UberPool



Dans les villes européennes, la mise à disposition de vélos en libre service a rendu encore plus cruciale la gestion du parc et l'implantation de stations accessibles pour emprunter et rendre son vélo (voir par exemple l'implantation des stations Velo'v du Grand Lyon). Le choix et les formes d'aménagement ou réaménagement (bandes cyclables ou pistes séparées des autres véhicules, limitations de vitesse, gestion des carrefours...) deviennent un enjeu de taille. Les opérateurs ont en général une vision de leurs parcs en tant que gestionnaires, mais ils ont du mal à connaître les comportements de leurs usagers entre deux stations de collecte. Il s'agit aussi d'aller vers une analyse prédictive. Ainsi s'est développé tout un courant de réflexion sur la mobilité urbaine et l'usage de l'espace public. Les solutions choisies par les différents opérateurs renvoient à nos manières d'habiter et de pratiquer la ville. Elles conduisent à réfléchir à des solutions d'aménagement urbain plus attentives aux usages (voir l'article Bye, bye Gobee, et merci). Dans le cadre du développement des smart cities, l'avenir passe par le recueil, le croisement et l'analyse des données relatives à toutes les activités de la ville. L'objectif principal est d'aller vers un partage intelligent des vélos à usage public.

Probabilité qu'une station Velo'v soit vide ou pleine à Lyon (source : Rouquier et Borgnat, 2014)


Plan visant à faire de Paris la "capitale du vélo" en 2020



Data visualisation ajoutée le 12 mars 2018

 Comparaison de temps de trajet à Helsinki (Finlande)


Une image équivaut à une minute de temps de transport. Les points représentent les automobiles, en jaune les transports en commun et en vert les vélos. Les données et le modèle d'accessibilité développé par l'Université d'Helsinki sont consultables sur le site Mapple.


Data visualisation ajoutée le 10 mai 2018

Accès automobile dans Berlin et les villes environnantes un vendredi ordinaire


Cette simulation pour Berlin concerne uniquement la circulation automobile. L'animation repose sur le temps d'accessibilité moyen (de 5 à 30 mn).

Data visualisation ajoutée le 23 mai 2018

Déplacements à vélo sur une journée à Helsinki.
(cliquer sur la carte pour accéder à l'animation)

https://blogs.helsinki.fi/accessibility/2018/05/18/one-day-of-city-bikes-in-helsinki/

Cette géovisualisation montre tous les voyages (n = 7200) effectués par les vélos du système de partage de vélos d'Helsinki le lundi 15 mai.2017. Comme la base de données ne contient pas de traces GPS mais seulement les points de départ et de destination, les trajets indiqués sur la carte ne sont pas les trajets réels, mais les trajets supposés en utilisant les itinéraires les plus rapides. Les points blancs sont les stations de vélo de ville (n = 140). L'animation a été réalisée à l'aide du plugin QGIS Time Manager par Elias Willberg du Digital Geography Lab (Finlande).

Data visualisation ajoutée le 21 septembre 2018 :

 
  Source de la vidéo :http://vimeo.com/40866482

L'application UrbanCyclr permet aux cyclistes de suivre leurs itinéraires à vélo dans la ville de Budapest. Ce cartogramme animé agrège tous les parcours des cyclistes durant la journée en fonction du trafic généré.

Data visualisation ajoutée le 1er octobre 2018

Un article du Guardian évoque la "beauté hypnotique" de ces cartes animées qui affichent le déplacement des transports en commun en temps réel. Ces cartes sont réalisées avec l'outil TransitFlow et concernent plusieurs grandes métropoles : New York, Boston, San Francisco, Mexico, Rome. Les flux de bus et de métro apparaissent sous forme de pastilles colorées ressemblant à des fourmis qui traversent les villes du monde.


Data visualisation ajoutée le 29 janvier 2019 :

Le programme de vélos en libre-service à Londres, Santander Cycles, a mis à disposition ses données de trafic pour l'année 2017. La carte représente 1,5 million de trajets, soit 34% de tous les trajets à vélo effectués en 2017 en conservant les dix mille trajets origine-destination les plus importants. La même carte est disponible pour les vélos en libre service à New York en 2018.

Location de vélos à Londres en 2017 (source : Flowmap.blue)


Liens ajoutés le 4 février 2019

"Appréhender les mobilités par les traces numériques : l’exemple des données de la plateforme BlaBlaCar comme marqueurs des pratiques de covoiturage". Communication de Boris Mericksay lors du colloque MSFS 2018 (Mobilités spatiales, méthodologies de collecte, d'analyse et de traitement). http://speakerdeck.com/mastersigat/analyses-spatiale-et-temporelle-des-donnees-de-la-plateforme-blablacar

Cartographie des accidents de vélo. Cette carte proposée par le site Komoul présente les accidents de vélos survenus entre 2005 et 2017 suivant la gravité de l'accident. On peut voir que la majorité des personnes impliquées dans des accidents hors agglomération sont des hommes ou que les accidents survenus lors d'un trajet pour raisons professionnelles sont surtout en agglomération.
http://koumoul.com/reuses/cartographie-des-accidents-de-velo

A compléter par l'article de Florent Crivello sur les promesses de la micro-mobilité :
http://florentcrivello.com/index.php/2019/01/28/five-promises-of-micromobility/

Le rôle potentiel de la marche et du vélo pour augmenter la résilience en cas de chocs externes sur les systèmes de transport. Dans une thèse soutenue en 2014, Ian Philips réfléchit à la création d'un indicateur afin de déterminer qui peut se rendre au travail à pied ou en vélo en cas de pénurie d'essence pour les transports motorisés.
http://etheses.whiterose.ac.uk/

Lien ajouté le 9 février 2019

Sur le site Medium, Boris Mericksay donne des liens vers des sites qui mettent à disposition des données sur les vélos en libre service : http://medium.com/@BorisMericskay/les-donn%C3%A9es-des-v%C3%A9los-en-libre-service-9f8c13c095b5
A compléter par l'article du même auteur : "Potentiels et limites des traces (géo)numériques dans l’analyse des mobilités : l’exemple des données de la plateforme de covoiturage BlaBlaCar". Cybergéo.


Lien ajouté le 22 mars 2019

Une étude sur la place occupée par l'automobile aux Etats-Unis (en particulier les espaces de stationnement) et la nécessité pour les villes américaines de changer de cap.
http://www.mba.org/Documents/18806_Research_RIHA_Parking_Report%20(1).pdf



Lien ajouté le 6 avril 2019

De superbes data visualisations réalisées dans le cadre de l'Hackaviz 2019. La story map de Tony Hauck permet de mettre en évidence les déplacements domicile-travail en Occitanie, notamment à Toulouse :
http://tonyhauck.com/dataviz/story.html


Lien ajouté le 11 mai 2019

Une visualisation 3D des mobilités dans les villes du Royaume-Uni.

Liens ajoutés le 16 septembre 2019

André Ourednik analyse la manière dont l'automobile a façonné notre manière de penser et de cartographier l'espace. Si la cartographie a joué un rôle important dans l’utilisation de la voiture, elle pourrait jouer un rôle central aujourd’hui dans l’évolution d’un espace dominé en un espace de mobilité multimodale.
http://ourednik.info/maps/2015/08/05/the-automobile-world-and-the-future-of-space-a-cartographic-perspective/

Une animation très détaillée du trafic automobile à Paris en juin 2019 en fonction des jours et des heures de circulation : http://data.pour.paris/trafic


Lien ajouté le 26 novembre 2019

Ville intelligente. Un nouveau moment de la géonumérisation ?

Cours de Thierry Joliveau (Université de Saint-Etienne) destiné à donner des éléments de problématique sur la ville intelligente selon plusieurs regards (urbanisme, technologies de l'information, Géoweb, intelligence spatiale).
https://claroline-connect.univ-st-etienne.fr/web/app.php/clarolinepdfplayerbundle/pdf/405234


Liens ajoutés le 15 janvier 2020




Liens ajoutés le 2 juillet 2020

 
 
Lien ajouté le 25 septembre 2020

Lien ajouté le 20 janvier 2021

Lien ajouté le 22 mars 2021

Lien ajouté le 9 avril 2021


Lien ajouté le 9 août 2021


Lien ajouté le 3 novembre 2021


Lien ajouté le 12 janvier 2022

Lien ajouté le 6 avril 2024

Références