La carte, objet éminemment politique. Vous avez dit « géoactivisme » ?

 

Signalé par @RafagasLinks qui réalise une veille cartographique sur Twitter et que nous remercions, le site Geoactivismo.org propose des pistes si l'on s'intéresse aux usages politiques des cartes. Avec une écriture rouge sur fond noir, ce site militant entend dénoncer les manipulations et faire de la cartographie critique un levier de contre-pouvoir.

Aperçu de la page d'accueil du site Geoactivismo.org


Le terme géoactivisme est défini ici comme une « forme d'activisme à l'aide ou à partir d'outils et de méthodologies en lien avec les géotechnologies et la géographie ». Il s'agit de « cartographier pour ne pas être cartographié. A la confluence de différentes géographies et cartographies critiques, de l'étude des spatialités et des géotechnologies, le but est de raconter/élaborer une autre histoire cartographique, généralement contre-hégémonique et toujours critique, bien que des outils, technologies ou méthodes "classiques" soient souvent utilisés. Les sciences géographiques et la cartographie sont des langages conçus à partir de et pour le pouvoir, donc les subvertir devient l'activité naturelle du géoactivisme ». 

Le site fait partie d'un réseau plus large Human Rights Everywhere (Hrev.org) dont l'objectif est de « rendre visibles les processus de résistance et de mémoire à travers des outils cartographiques et de communication, ainsi que des actions directes dans les territoires. »

Le site Geoactivismo.org contient beaucoup d'exemples d'application dans ce domaine. L'occasion de découvrir une série de billets intitulés "La carte est un artefact politique", notamment ce billet que les amoureux des cartes apprécieront : "Quand Mercator était communiste".



Le site fournit également des liens vers des jeux de données SIG ainsi que des tutoriels pour étudier les territoires miniers en Colombie (utile pour traiter du modèle extractiviste et des territoires indigènes en Amérique du Sud).



Sur les rapports entre cartes et guerre. "Il n'y a pas de guerre qui commence sans cartes, et pas de guerre qui se termine sans elles".


Il est possible de télécharger un manuel de cartographie collaborative élaboré dans le cadre d'ateliers collectifs. « La cartographie est un moyen, pas une fin. Elle doit faire partie d'un processus plus large, être davantage une "stratégie", un "moyen pour" la réflexion, la socialisation des savoirs et des pratiques, la promotion de la participation collective, le travail avec de nouvelles personnes, l'échange de connaissances, l'opposition aux espaces hégémoniques, l'encouragement à la création et à l'imaginaire, la visualisation des résistances, la mise en évidence des relations de pouvoir...».


Dans son ouvrage « La Pachamana en base de données. Géographie politique de l’information environnementale contemporaine », Pierre Gautreau aborde la question de l'information géographique et de ses usages à des fins politiques. Le chapitre 7 part notamment des travaux critiques de Pickles (1995), Harley (2002), Crampton & Krygier (2006). Pierre Gautreau remet en question l'idée que les cartographies « participatives », « autochtones », « radicales », « de résistance », « du quotidien », correspondant à une subversion de fait de la cartographie officielle, seraient intrinsèquement liées à sa contestation. Pour lui, cette proposition procède d’une confusion entre critique des dominations et critique de la cartographie. Ces cartographies « autres », observées de près et dans leurs matérialités, innovent peu par rapport aux modes conventionnels de construction des cartes.

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