Source : Pritchard, H, Fretwell, P., Fremand, A. & al., « Bedmap3 updated ice bed, surface and thickness gridded datasets for Antarctica », Scientific Data, vol. 12, 414, 2025, https://www.nature.com/articles/s41597-025-04672-y (article disponible sous licence Creative Commons Attribution 4.0 International)
La carte la plus détaillée à ce jour du paysage sous la calotte glaciaire de l'Antarctique a été réalisée par une équipe de scientifiques internationaux dirigée par le British Antarctic Survey (BAS). Baptisée Bedmap3, elle intègre plus de six décennies de données acquises par avions, satellites, navires et même traîneaux à chiens.
Les résultats ont été publiés le 12 mars 2025 dans la revue Scientific Data. La carte nous donne une vue claire du continent blanc comme si ses 27 millions de kilomètres cubes de glace avaient été retirés, révélant les emplacements cachés des plus hautes montagnes et des canyons les plus profonds. Une révision notable de la carte concerne l'endroit où la couche de glace sus-jacente est la plus épaisse. Des relevés antérieurs situaient cet endroit dans le bassin de l'Astrolabe, en Terre Adélie. Cependant, une réinterprétation des données révèle qu'il se trouve dans un canyon anonyme à 76,052°S, 118,378°E, en Terre Wilkes. L'épaisseur de la glace à cet endroit est de 4 757 m.
Topographie de l'Antarctique d'après la Bedmap3 (source : Pritchard, Fretwell, Fremand & al., 2025)
Bedmap3 est désormais appelé à devenir un outil essentiel pour comprendre comment l’Antarctique pourrait réagir au réchauffement climatique, car il permet aux scientifiques d’étudier les interactions entre la calotte glaciaire et le lit. Bedmap3, comme son nom l'indique, est la troisième tentative de cartographie du substrat rocheux de l'Antarctique, entreprise en 2001. Cette nouvelle tentative représente une avancée considérable. Elle inclut plus du double de points (82 millions) par rapport aux précédents, représentés sur une grille de 500 m.
D’importantes lacunes dans les connaissances ont été comblées par des études récentes menées dans l’Est de l’Antarctique, notamment autour du pôle Sud, le long de la péninsule antarctique et des côtes de l’Antarctique occidental, ainsi que dans les montagnes transantarctiques. Le contour des vallées profondes est mieux représenté, tout comme les endroits où des montagnes rocheuses émergent de la glace. Les dernières données satellitaires ont également enregistré avec plus de précision la hauteur et la forme de la calotte glaciaire, ainsi que l'épaisseur des plateformes de glace flottantes qui s'avancent au-dessus de l'océan à la marge du continent.
La carte offre également une vue complète et nouvelle des lignes d’échouement à l’échelle du continent – les endroits où la glace au bord du continent rencontre l’océan et commence à flotter. Le paysage du lit rocheux sous la glace de l'Antarctique est détecté par diverses techniques, notamment le radar, la réflexion sismique (ondes sonores) et les mesures de gravité. En soustrayant cette topographie de la forme et de l’élévation de la glace au-dessus, on obtient des statistiques fascinantes sur le pôle Sud :
- Volume total de glace de l'Antarctique, y compris les plateformes de glace : 27,17 millions de km³
- Superficie totale de la glace de l'Antarctique, y compris les plateformes de glace : 13,63 millions de km²
- Épaisseur moyenne de la glace de l'Antarctique, y compris les plateformes de glace : 1 948 m (hors plateformes de glace : 2 148 m)
- Élévation potentielle du niveau mondial des océans si toute la glace fondait : 58 m
« De manière générale, il est devenu évident que la calotte glaciaire de l'Antarctique est plus épaisse qu'on ne le pensait initialement et qu'elle contient un volume de glace plus important, reposant sur un lit rocheux situé sous le niveau de la mer. Cela accroît le risque de fonte de la glace en raison de l'incursion d'eaux océaniques chaudes aux confins du continent. Bedmap3 nous montre que l'Antarctique est légèrement plus vulnérable qu'on ne le pensait. »
Lien ajouté le 11 décembre 2025
« Trois facteurs susceptibles de déclencher un effondrement massif de la calotte glaciaire » (The Conversation).
Inès Otosaka (Northumbria University) étudie la vulnérabilité du Groenland et de l’Antarctique au réchauffement. Elle identifie trois mécanismes d’instabilité susceptibles d’accélérer un retrait irréversible des calottes et d’amplifier la hausse du niveau marin. Le premier mécanisme apparaît lorsque le socle marin s’enfonce sous la glace. Les plateformes flottantes deviennent trop faibles pour freiner l’écoulement vers l’océan. Le retrait s’auto-entretient, la glace s’amincit et la dynamique devient difficile à inverser. Le second concerne l’effondrement d’immenses falaises de glace dépassant l’équivalent d’un immeuble de 30 étages. La fonte en surface alimente des fractures, provoque la dislocation des plateformes et expose d’autres falaises instables, accélérant le retrait glaciaire.Le troisième relie fonte et altitude. Quand la surface de la calotte s’abaisse, elle rencontre un air plus chaud, ce qui intensifie la fonte et amplifie la perte de masse. Ce cercle vicieux est particulièrement marqué au Groenland où la fonte en surface s’accroît depuis dix ans.Si ces instabilités se déclenchent, le recul deviendrait irréversible à l’échelle régionale. Un effondrement dominé par Mici en Antarctique occidental pourrait s’étendre en moins de 300 ans, entraînant des contributions bien supérieures aux prévisions actuelles du GIEC.Chaque centimètre d’élévation du niveau marin expose 6 millions de personnes aux inondations côtières. Selon les scénarios, la hausse pourrait atteindre 0,3 à 1,6 m d’ici 2100, et plus de 15 m d’ici 2300. Les mégalopoles littorales et deltas seraient particulièrement concernés. Satellites et modélisation permettent de repérer les seuils critiques des calottes. Mieux comprendre ces dynamiques permet d’anticiper les risques côtiers et d’adapter les territoires face à des inondations plus fréquentes et à des migrations forcées.
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