Cartes et données sur le cyclone Melissa en Jamaïque


Le cyclone Melissa est l'un des plus violents jamais enregistrés dans les Caraïbes avec des vents supérieurs à 300 km/h. Le nombre de victimes s'élève à 75 morts (dont la moitié en Jamaïque) et le bilan devrait encore s'alourdir. Le cyclone Melissa a frappé la Jamaïque le 28 octobre 2025, en tant que cyclone de catégorie 5. Son intensification rapide au-dessus des eaux caribéennes exceptionnellement chaudes illustre une tendance que les scientifiques dénoncent depuis longtemps : le changement climatique alimente des phénomènes météorologiques de plus en plus violents et destructeurs. Melissa a frappé la Jamaïque seulement 16 mois après l’ouragan Beryl, laissant peu de temps aux communautés pour se remettre des pertes précédentes. 

Passage du cyclone Melissa le 28 octobre 2025 sur la partie ouest de l'île de la Jamaïque
(source : image NOAA/NESDIS/STAR GOES 19, National Hurricane Center)

Le cyclone a touché terre sur la côte sud-ouest de la Jamaïque, avec des vents soutenus atteignant 298 km/h en son centre et des rafales dépassant les 322 km/h. Ces vents violents, les pluies torrentielles et la forte onde de tempête ont causé d'importants dégâts sur l'ensemble de l'île, et plus particulièrement dans l'ouest de la Jamaïque. Il a traversé ensuite les Bahamas après avoir touché terre à Cuba, qui a subi d’importants dégâts et où environ 140 000 personnes se sont retrouvées isolées par la montée des eaux. Il a poursuivi sa route avec une intensité soutenue (catégorie 3) avant de s'affaiblir au nord des Caraïbes et de finir sa course dans l'Atlantique en tant que cyclone post tropicale. Près de 6 millions de personnes dans les Caraïbes ont été touchées par l'ouragan Melissa. 

Des équipes de secours et des fournitures arrivent du monde entier, notamment des États-Unis, du Canada, du Venezuela, de la France et des Pays-Bas. Le département d'État américain a annoncé le 3 novembre qu'il fournissait une aide étrangère initiale de 11 millions de dollars pour soutenir les communautés en Jamaïque, notamment des fournitures alimentaires d'urgence pour 40 000 personnes et l'installation de six systèmes de traitement de l'eau. Les dons versés sur le site officiel de dons de la Jamaïque approchent le million de dollars américains. Le Fonds central d'intervention d'urgence des Nations Unies (CERF) a alloué 4 millions de dollars pour renforcer les opérations humanitaires. Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) de l'ONU prévoit d'aider jusqu'à 200 000 personnes en Jamaïque afin de satisfaire les besoins alimentaires urgents. 

1) Traitement médiatique de la catastrophe

Les images de la catastrophe ont été largement diffusées par les médias et sur les réseaux sociaux. Ces images concernent d'abord le déplacement du cyclone et son renforcement au dessus de la mer des Caraïbes (à travers le plus souvent des images satellites et des cartes de trajectoire), puis son impact sur les populations et sur les bâtiments (à travers des images au sol et des images aériennes). Les prévisions sur son tracé ainsi que le nombre de victimes font l'objet d'estimations. Plusieurs journaux proposent des comparaisons d'images avant/après le passage du cyclone à partir des images mises à disposition par les agences d'observation (princiapelement NOAA et Copernicus).

Les images filmées dans l’œil de l’ouragan Melissa par l’US Air Force (Le Monde, 28 octobre). Le 53e escadron de reconnaissance météorologique de la réserve de l’US Air Force, les « Hurricane Hunters », a survolé l’ouragan Melissa lundi 27 octobre 2025 pour collecter des données vitales pour le Centre national des ouragans (NHC) américain.

« L'ouragan Melissa s'apprête à frapper la Jamaïque, déjà trois morts recensés sur l'île » (France-Info, 28 octobre). L'ensemble de la population pourrait en subir les conséquences, selon la Croix-Rouge. L'inquiétude est d'autant plus grande que l'ouragan Melissa évolue à une vitesse très basse, de 4 km/h. Les pluies torrentielles et vents puissants pourraient donc s'éterniser sur les localités affectées.

« L’ouragan Melissa, un "monstre" avec des vents de 300 km/h, a traversé la Jamaïque et sème la désolation dans les Caraïbes » (Le Monde, 29 octobre). Après avoir causé des inondations meurtrières en République dominicaine et à Haïti, ce phénomène cyclonique se dirige désormais vers Cuba et les Bahamas. 

« Ouragan Melissa : au moins 30 morts dans les pays touchés » (Reporterre, 30 octobre). Les premiers bilans commencent à tomber, alors que l’ouragan Melissa poursuit sa route meurtrière.

« À New River, Melissa laisse derrière elle des zones inondées infestées de bétail mort » (The New York Times, 31 octobre). La paroisse de Saint Elizabeth, peuplée de 150 000 personnes et « grenier à blé » de la Jamaïque, a été submergée. Plusieurs hôpitaux et d'innombrables autres édifices ont été endommagés : toits emportés par le vent, murs effondrés, maisons inondées, enclos pour les animaux et autres dépendances détruites.

« Des images satellites révèlent l'ampleur des dégâts causés par Melissa en Jamaïque » (Bloomberg Graphics, 1er novembre).
Bloomberg a cartographié les dégâts sur la Jamaïque en analysant les données traitées à partir du satellite Copernicus Sentinel-1 de l'Observatoire de la Terre de Singapour. Au moins 76 % des bâtiments ont été endommagés à Black River, une ville portuaire située près de l'endroit où l'ouragan a frappé la côte jamaïcaine. Une carte des dégâts a été élaborée à partir d'images radar à synthèse d'ouverture (SAR). La carte montre que la partie ouest de la Jamaïque est la plus touchée, tandis que la capitale Kingston plus à l'est a été quasiment épargnée.

Dommages estimés aux zones urbanisées, par communauté (source : Bloomberg Graphics)

Le réseau électrique jamaïcain figure parmi les infrastructures ayant subi des dégâts considérables. L'ouragan Melissa a abattu des poteaux électriques et plongé dans le noir près de 80 % des abonnés de Jamaica Public Service. D'importants dégâts ont également été signalés sur le réseau d'adduction d'eau de l'île. Sur la rive nord, les conduites d'eau du système alimenté par le fleuve Great River ont été emportées. Sur les 763 réseaux d'adduction d'eau que compte l'île, 641 ont été mis hors service.

« L'ouragan Melissa a battu des records en Jamaïque » (Reuters). 
Habituée aux ouragans, la Jamaïque n'avait jamais été frappée de plein fouet par un ouragan de catégorie 4 ou 5 (Gilbert en 1988 avait touché terre en tant qu'ouragan de catégorie 3). Melissa a connu une intensification extrêment rapide en moins de 24 heures. À Montego Bay, une destination touristique jamaïcaine populaire, une habitante a déclaré que l'eau lui arrivait à la taille et que les sauveteurs avaient dû forcer la porte de sa maison pour la sauver, elle et son enfant. Cette tempête est désormais la quatrième des cinq ouragans atlantiques de cette année à connaître une intensification rapide. Le gouvernement a demandé une aide étrangère alors même qu'il se préparait à l'arrivée de Melissa. La dévastation en Jamaïque et dans les îles voisines devrait relancer les appels des pays en développement à une aide financière de la part des pays plus riches pour faire face aux conséquences croissantes du réchauffement climatique.

«
 Les ouragans deviennent si intenses que les scientifiques proposent une catégorie 6 » (Washington Post, 5 février 2024). 
Lorsque les météorologues ont commencé à utiliser l' échelle de Saffir-Simpson à cinq niveaux pour mesurer l'intensité des ouragans dans les années 1970, un ouragan de catégorie 5 symbolisait la destruction totale. Un tel cyclone, avec des vents soutenus d'au moins 253 km/h, pouvait raser n'importe quelle structure de l'époque ; il n'y avait donc aucune raison de fixer une limite supérieure à la catégorie des ouragans les plus violents. Mais avec le réchauffement climatique, les tempêtes dépassent de plus en plus les seuils autrefois considérés comme extrêmes, selon une étude publiée lundi . Deux scientifiques proposent désormais une nouvelle catégorie, la catégorie 6, qu'ils estiment déjà justifiée pour un nombre croissant de tempêtes. 

« Retour sur le débat concernant l'ouragan de catégorie 6 après l'ouragan Melissa » (Forbes, 1er novembre 2025). 
Marshall Shepherd exprime quelques réticences quant à l'ajout d'une catégorie 6. 
 Les ouragans engendrent de multiples conséquences, notamment le vent, les ondes de tempête, les précipitations, les tornades et d'autres effets en cascade. L'échelle de Saffir-Simpson, basée sur le vent, ne rend pas compte de toute l'étendue de ces impacts. Un autre problème de cette échelle est que le passage d'une catégorie à une autre n'entraîne pas une augmentation linéaire ou progressive du potentiel de dommages. Le dernier facteur concerne la communication des risques et le sentiment d'urgence. Une nouvelle catégorie 6 n'apporte pas grand-chose. C'est comme remplacer le panneau près de la cheminée « Attention, très chaud » par « Attention, extrêmement chaud ». » Toutefois, cette vision est peut-être trop simpliste. L'auteur conclut sur le sentiment général qu'une approche fondamentalement nouvelle de la communication sur les risques liés aux ouragans est nécessaire, tout en reconnaissant que le débat autour de la catégorie 6 s'appuie sur un discours important concernant les changements bien réels des phénomènes météorologiques extrêmes. 

« Après le passage de l'Ouragan Melissa en Jamaïque, la valse des avions et des hélicoptères chargés d'aide humanitaire pour les sinistrés » (Sud-Ouest).

« Plus de 700 000 enfants touchés par le passage de l'ouragan Melissa dans les Caraïbes » (UNICEF). 
La distribution des fournitures essentielles prépositionnées pour les enfants a déjà commencé, tandis que l'évaluation des besoins et la planification des interventions avec les partenaires se poursuivent. Cependant, de nombreuses communautés parmi les plus touchées sont extrêmement difficiles d'accès en raison des infrastructures endommagées et des inondations persistantes. Des familles sont piégées dans des quartiers inondés, sans électricité, ou sont restées dans des abris, et l'accès à l'eau potable et à l'assainissement est gravement compromis.

« Le bilan des victimes de l'ouragan Melissa s'élève à 67 morts, tandis que les pertes assurées en Jamaïque pourraient dépasser les 4 milliards de dollars » (NBC News).

« Comment reconstruire tout cela ? Les habitants de Black River évaluent les dégâts après le passage de l'ouragan Melissa » (The Guardian).

« Après le passage de l’ouragan Melissa en Jamaïque, les autorités alertent sur le danger des crocodiles » (20 Minutes). 
Chassés par les inondations, ils pourraient envahir les zones résidentielles du sud de l’île. En cas de rencontre, la SERHA demande de ne pas tenter de capturer ou blesser les reptiles et de signaler toute présence de l'animal à l'Agence nationale jamaïcaine pour l'environnement et la planification (NEPA). Cette dernière rappelle, de son côté, que les crocodiles américains - les seuls présents sur l'île - sont menacés d'extinction dans le pays. Les experts redoutent des semaines d’instabilité écologique avec des habitats détruits, des risques de coulées de boue et une eau potable contaminée (TF1-Info).

« Comment le changement climatique a alimenté l'ouragan Melissa – et pourquoi la situation ne fera qu'empirer : c'est notre nouvelle normalité » (Independent). 
La Jamaïque contribue très peu aux émissions mondiales de carbone, et pourtant, elle a été ravagée par une catastrophe dont elle pourrait mettre des décennies à se remettre. Un rapport de Deep Sky, un projet canadien visant à réduire les niveaux mondiaux de carbone, a révélé que la fréquence des pluies cycloniques extrêmes a augmenté de 300% au cours des quatre dernières décennies. Des chercheurs de l'Institut Grantham de l'Imperial College ont estimé que Melissa était 10 % plus forte et quatre fois plus probable en raison du réchauffement climatique. Le modèle IRIS estime que le changement climatique a accru l'intensité d'un ouragan de type « Melissa » jusqu'à une catégorie 5 exceptionnelle lors de son arrivée sur les côtes.

« Des vidéos truquées générées par IA montrant les inondations causées par l'ouragan Melissa sur les réseaux sociaux »(Associated Press).
Une vidéo virale montre ce qui semble être quatre requins nageant dans la piscine d'un hôtel jamaïcain, alors que les eaux de crue, prétendument provoquées par l'ouragan Melissa, submergent la région. Une autre vidéo prétend montrer l'aéroport de Kingston, en Jamaïque, complètement ravagé par la tempête. Or, aucun de ces événements ne s'est produit : il s'agit simplement de désinformation générée par une intelligence artificielle qui circule sur les réseaux sociaux depuis le passage de l'ouragan dans les Caraïbes cette semaine. Ces vidéos, parmi d'autres, ont cumulé des millions de vues sur les plateformes de médias sociaux , notamment X, TikTok et Instagram. Certaines séquences semblent être des montages ou des extraits d'images d'anciennes catastrophes. D'autres semblent avoir été entièrement créées par des générateurs vidéo basés sur l'intelligence artificielle. Les experts affirment qu'il deviendra de plus en plus difficile de faire la différence entre la réalité et les deepfakes à mesure que la technologie progressera.

2) Pistes d'analyse scientifique en termes d'aléa / risque / vulnérabilité et enjeux

La méthode d'analyse à partir d'images radar à synthèse d'ouverture (SAR) que l'on retrouve notamment dans l'article de Bloomberg est empruntée directement d'un article scientifique concernant les séismes, pour lesquels les activités de reconnaissance post-catastrophe sont également essentielles pour recueillir des informations cruciales sur l'étendue et la nature des dommages :

Valentina Macchiarulo, Giorgia Giardina, Pietro Milillo, Yasemin D. Aktas & Michael R. Z. Whitworth (2025). Integrating post-event very high resolution SAR imagery and machine learning for building-level earthquake damage assessment [Intégration d'images SAR à très haute résolution post-événement et d'apprentissage automatique pour l'évaluation des dommages sismiques au niveau des bâtiments], Bulletin of Earthquake Engineering, volume 23, pages 5021–5047, https://link.springer.com/article/10.1007/s10518-024-01877-1

Michael F. Wehner, James P. Kossin (2024). The growing inadequacy of an open-ended Saffir–Simpson hurricane wind scale in a warming world [L’inadéquation croissante de l’échelle de Saffir-Simpson pour la mesure des vents des ouragans, qui est ouverte, dans un monde qui se réchauffe], Environmental Sciences, February 5, 2024, 121 (7) e2308901121, https://www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.2308901121

Michaelf Wehner et Jim Kossin présentent dans cet article les arguments scientifiques en faveur d'un cyclone de catégorie 6. L'ouragan Melissa est devenu la 6e tempête de l'histoire à franchir le seuil. Les conditions propices à ces tempêtes sont en augmentation. Le réchauffement climatique accroît l'énergie thermique sensible et latente disponible, augmentant ainsi l'intensité potentielle thermodynamique des vents des cyclones tropicaux. Ce phénomène, étayé par la théorie, les observations et la modélisation, entraîne une modification de l'intensité moyenne des cyclones tropicaux, qui se manifeste généralement le plus clairement aux intensités les plus élevées. L'échelle de Saffir-Simpson, utilisée pour catégoriser les dommages en fonction de l'intensité des vents des cyclones tropicaux, a été introduite au début des années 1970 et demeure l'indicateur le plus couramment utilisé pour communiquer au public le niveau de risque lié au vent d'un cyclone tropical. Cette échelle étant ouverte et ne s'étendant pas au-delà de la catégorie 5 (vitesse du vent supérieure ou égale à 70 m/s), le niveau de risque qu'elle indique reste constant, quelle que soit l'intensité du vent au-delà de 70 m/s. Ceci peut être considéré comme une limite de l'échelle, d'autant plus que le potentiel destructeur du vent augmente de façon exponentielle. Les auteurs examinent comment cette limite est amplifiée dans un monde qui se réchauffe, en analysant les augmentations passées et futures des vitesses de vent maximales des cyclones tropicaux les plus intenses. Une simple extrapolation de l'échelle de Saffir-Simpson est utilisée pour définir une catégorie 6 hypothétique. Ils décrivent la fréquence des cyclones tropicaux, passés et projetés dans le contexte du réchauffement climatique, qui appartiendraient à cette catégorie. Les auteurs constatent que plusieurs tempêtes récentes ont déjà atteint l'intensité de cette catégorie 6 hypothétique et, sur la base de multiples données indépendantes examinant les vitesses de vent maximales simulées et potentielles, prévoient une augmentation du nombre de ces tempêtes à mesure que le climat continue de se réchauffer.

« Comment la Jamaïque a souscrit une assurance pour elle-même, et pourquoi elle est sur le point de porter ses fruits après l'ouragan Melissa » (CBC News).

En 2024, la Jamaïque a souscrit une sorte d'assurance nationale contre les ouragans, avec des indemnisations basées sur la seuils de pression atmosphérique de la tempête si celle-ci frappe certaines régions de l'île. Melissa a frappé avec des pressions bien supérieures aux seuils requis, et la Jamaïque devrait donc recevoir 150 millions de dollars. Le versement intégral devrait être effectué au pays et non aux investisseurs, en fonction de la gravité de l'ouragan. Ce versement commence à 30 % et peut atteindre la totalité du montant de l'obligation. Les seuils de déclenchement dépendent de la pression atmosphérique au centre de l'ouragan et des régions qu'il traverse. C’est ce qui distingue cette assurance des autres formes d’assurance : au lieu d’être basée sur l’ampleur des dégâts ou le coût de la reconstruction, l’assurance indemnise en fonction de la gravité de la tempête. Une carte de la Banque mondiale illustre les conditions de déclenchement des obligations catastrophes de la Jamaïque. Les chiffres indiquent le niveau de pression atmosphérique au centre d'un ouragan au-dessus de différentes régions de la Jamaïque qui doit être atteint pour déclencher un versement au titre de ces obligations.

3) Cartes et données SIG à visualiser en ligne ou à télécharger

Campagne d'images aériennes réalisées par la NOAA entre le 31 octobre et le 3 novembre 2025 afin de soutenir les opérations de secours en Jamaïque. Les dernières informations concernent les axes routiers surveillés afin de soutenir les opérations de recherche et de sauvetage. Les images de tous les vols sont disponibles en sélectionnant les calques en haut à droite pour afficher des vols spécifiques ou visualiser les images MAXAR.


Le service de gestion des urgences Copernicus (CEMS) a été activé afin d'évaluer l'étendue des inondations et leurs impacts.(EMSR847).

Évaluation des dommages causés aux bâtiments en Jamaïque (The Humanitarian Data Exchange - HDX) entre Black River et Montego Bay. Le Centre de données humanitaires d'OCHA et de l'Humanitarian Data Exchange (HDX) met à disposition, lors de chaque grande catastrophe, des données SIG concernant le degré d'endommagement des bâtiments afin de guider les interventions.

Jeux de données disponibles sur la plateforme HDX concernant la Jamaïque. Indépendante depuis 1962, la Jamaïque constitue un petit État insulaire de la mer des Caraïbes. Avec 2,8 millions d'habitants et un PIB de 11 700 dollars par habitant, le pays vit principalement de l'agriculture et du tourisme avec également comme ressource minière la bauxite. Il y a une forte corruption et criminalité en lien avec la pauvreté. Sa position géographique en fait l'une des plaques tournantes pour le trafic de drogue. La Jamaïque est soumise à des risques naturels (ouragans, tremblements de terre), sanitaires en raison des maladies transmises par les moustiques (dengue, chikungunya, Zika) et routiers (axes urbains et secondaires mal entretenus, absence de services de secours pouvant intervenir rapidement en dehors des zones urbaines). La Jamaïque a depuis une vingtaine d’année diversifié sa relation exclusive avec les Etats-Unis, qui demeurent cependant un interlocuteur incontournable, notamment du fait de la diaspora, du tourisme et des échanges commerciaux. 

Fonds de carte de la Jamaïque au format SIG et à différents niveaux administratifs à télécharger sur AidData ou sur Geoboundaries.

Scénario de submersion marine en Jamaïque proposé par le National Hurrican Center. Des cartes des risques de submersion marine au format Geotiff sont disponibles pour le Texas, le Maine, Porto Rico, les Îles Vierges américaines, Hawaï, la Californie du Sud, Guam, les Samoa américaines, Hispaniola et la péninsule du Yucatán. Ces cartes peuvent être visionnées directement dans une application en ligne, qui propose différents scénarios de submersion selon les catégories de cyclone (de 1 à 5).

Bulletins d'information émis par les services OCHA (Reliefweb). Le gouvernement a déclaré l'état de catastrophe nationale, activé la coordination par l'intermédiaire de l'ODPEM et lancé la plateforme « Soutenir la Jamaïque ». Le Centre national des opérations d'urgence demeure au niveau 3 afin de coordonner les interventions vitales, en donnant la priorité au rétablissement de l'électricité, de l'eau et des transports. Les trois aéroports internationaux sont ouverts aux opérations de secours, bien que les aéroports Norman Manley et Sangster aient subi des dommages. L'IFRC lance un appel d’urgence en réponse à l’ouragan Melissa. La distribution de l’aide est bien en cours.

De nouveaux liens et ressources seront ajoutés au fur et à mesure des publications...

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La carte, objet éminemment politique : quand Trump arrange à sa façon la trajectoire prévue du cyclone Dorian (#SharpieGate)

Risques interconnectés de catastrophe (rapport de l'ONU)

Carte mondiale d'exposition aux risques climatiques, de conflit et à la vulnérabilité

Carte de répartition des risques naturels en France métropolitaine (IGN)




Portrait de métropole : un récit de la métropole lilloise


L’Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole (ADULM) propose des éléments de connaissance, de contexte et de mémoire aidant à une meilleure compréhension du territoire et de ses spécificités. Le dossier Portrait de métropole : un récit de la métropole lilloise « met en lumière les éléments singuliers hérités de notre histoire qui nous différencient des autres territoires, des images de l’imaginaire collectif, ainsi que les défis qui nous amènent à nous interroger sur notre développement. »

L'armature urbaine de la métropole de Lille (source : ADULM, 2024)


La métropole lilloise, comme beaucoup d’agglomérations européennes, s’est développée au fil des siècles sur la base de fonctions d’abord artisanales et commerciales, puis politiques et militaires. Elle a connu, avec la révolution industrielle, une rapide croissance économique et urbaine, liée à des productions variées (agroalimentaire, mécanique, chimie, etc.), mais largement dominées par le textile sous ses diverses formes. La crise des industries traditionnelles a par conséquent très tôt et très profondément touché l’agglomération qui n’avait pas pu (ou su) en anticiper les effets par une adaptation et une diversification suffisantes de ses structures économiques. Cette mutation profonde, combinée au développement de l’habitat et des activités en périphérie, a entraîné des parties importantes de l’agglomération dans une spirale de paupérisation et de dégradation du bâti, caractérisée par le développement de friches urbaines et des risques graves de ségrégation spatiale et sociale. Longtemps confinée par la frontière à l’extrémité nord de la France, la métropole lilloise a eu un rayonnement essentiellement limité à sa région. L’Europe ayant ouvert les frontières et redessiné les cartes géographiques, la métropole lilloise joue désormais pleinement le rôle de grand carrefour des réseaux de transports. polycentrique et multipolaire. Elle est une métropole mosaïque (d’un point de vue urbain et social), marchande, agricole et étudiante.

Une métropole transfrontalière intégrée à la mégalopole de l'Europe du Nord-Ouest (source : ADULM, 2024)



Les tissus urbains de la métropole (source : ADULM, 2024)

L'étude, publiée en décembre 2024, comporte de nombreuses cartes et statistiques permettant de mieux cerner le portrait de cette métropole singulière. Elle s'organise autour de différentes thématiques :

Fiche d’identité de la métropole lilloise 

UNE MÉTROPOLE SINGULIÈRE 

  • Transfrontalière et ancrée dans l’Europe du Nord-Ouest 
  • Accessible et connectée
  • Multipolaire, mosaïque, marchande, agricole, étudiante...

UNE MÉTROPOLE FACE À DE NOMBREUX DÉFIS 

  • Renouveler le modèle de développement économique 
  • Faire la ville sur la ville
  • Préserver l’eau 
  • Habiter le territoire 
  • Vivre bien ensemble 
  • Faire un territoire favorable à la santé 

LA MÉTROPOLE ET SES VOISINS 

LA MÉTROPOLE EN IMAGES

La Métropole Européenne de Lille (MEL) possède également sa propre cartothèque numérique qui permet de découvrir l’abondante production cartographique de l’Agence : cartes de communication, cartes thématiques, cartes de synthèses et cartes interactives. La production de l’Agence ne cessant de s’enrichir, cette cartothèque se veut ouverte et évolutive.

Le portail open data de la métropole de Lille fournit des jeux de données ainsi que des cartes. Pour accéder aux plateformes de données en open data des métropoles et régions françaises, consultez le menu Données de ce site.

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Atlas collaboratif de la mégarégion parisienne

Portail des mobilités dans le Grand Paris (APUR)

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De villes en villes. Atlas des déplacements domicile-travail interurbains

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Atlas des mondes urbains : comment renouveler nos manières de penser l'urbain à l'ère de l'Anthropocène ?

Géographie du monde d'après : assiste-t-on à un "exode urbain" ?


Utiliser l'outil de cartographie CartoSanté des Agences régionales de santé (ARS)


CartoSanté est un outil de représentation cartographique et statistique de données spécifiques aux problématiques d'offre et de demande de soins de premier recours et d'autres professions de santé. CartoSanté regroupe des informations liées à 8 professions libérales : médecins, généralistes, ophtalmologues, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, orthophonistes, orthoptistes. Pour chacune de ces professions, les indicateurs s'articulent autour de 4 thématiques : la consommation de soins, l'offre de soins, l'activité des professionnels de santé et l'accès aux soins. 

Outil de cartographie thématique (Géoclip) du portail CartoSanté


Ces informations permettent :

  • d'obtenir une vision globale de l'offre de soins et des besoins de santé d'une zone géographique en accédant à des données d'activité, de consommation et de démographie sous forme de cartes interactives, de tableaux ou de graphiques ;
  • de réaliser des études de marché, pour les professionnels de santé, en vue de leur installation.

Conçu au départ pour les professionnels de la santé ("Où s'installer en tant que libéral ?"), l'outil de cartographie thématique (Géoclip) mis à disposition permet de réaliser des cartes thématiques pour un public beaucoup plus large. On peut y importer des données territoriales et créer ses propres indicateurs. Les données sont disponibles pour la France hexagonale et les départements d'outre-mer. Elles proviennent à 90% des données du Système national des données de santé (SNDS), le système d'information de l'Assurance Maladie. La profondeur historique des données est variable selon les professions. Les premières données datent de 2004. Au cours des années, des évolutions de nomenclature, mais aussi de modalité de recueil ont été nécessaires.

Pistes d'utilisation :

La répartition des médecins généralistes par bassins de vie n'est pas homogène. L'évolution sur les 5 dernières années montre que les médecins généralistes ont tendance à se concentrer dans les villes (en particulier sur le littoral) délaissant les territoires ruraux, ce qui pose la question des « déserts médicaux ». 

Densité de médecins généralistes libéraux pour 10 000 hab. en 2024 (source : CartoSanté)


Évolution du nombre de médecins généralistes sur 5 ans (source : CartoSanté)



Si l'on prend d'autres professionnels de santé tels par exemple les masseurs-kiné libéraux, leur répartition est différente par rapport aux médecins généralistes (plus fort héliotropisme). Leur évolution en nombre est beaucoup plus positive.

Densité de masseurs-kiné libéraux pour 10 000 hab. en 2024 (source : CartoSanté)


Évolution du nombre de masseurs-kiné libéraux sur 5 ans (source : CartoSanté)



S'agissant des pharmacies, la distance à la pharmacie la plus proche varie énormément d'une commune à l'autre, ce qui traduit de fortes inégalités territoriales. De surcroît de nombreuses pharmacies disparaissent, rendant l'accès au médicament plus difficile pour la population (voir l'analyse conduite par Arnaud Brennetot dans son Atlas de la France en crise à partir des mêmes données). Le taux d'encadrement, qui rapporte le nombre de pharmacies à la population, est un indicateur intéressant qui permet de relativiser l'idée que les zones rurales seraient moins bien équipées. Néanmoins pour ces territoires moins denses, il convient de prendre en compte aussi l'accessibilité. Autrement dit ce serait les territoires urbains qui perdraient le plus de pharmacies, mais les territoires ruraux qui resteraient malgré tout ceux où l'accès au médicament serait moins garanti. Reste le cas des territoires péri-urbains qu'il conviendrait d'examiner à une échelle plus fine. De manière générale, on assiste à une concentration des officines et à l’émergence de véritables supermarchés du médicament. 

Distance à la pharmacie la plus proche (km) en 2024 (source : CartoSanté)


Évolution du nombre de pharmacies sur 5 ans et territoires au sein desquels l'accès au médicament pour la population n'est pas assuré de manière satisfaisante (source : CartoSanté)


Pour chaque territoire sélectionné, l'application fournit un rapport qui récapitule l'ensemble des indicateurs statistiques relatifs à la population, l'offre de soins et l'activité des professionnels de santé libéraux et des centres de santé (CDS), la demande de soins en libéral, l'accessibilté aux autres soins, les affections longue durée (ALD), les distances et temps d'accès aux professionnels de santé libéraux ou établissements les plus proches. Il est possible de comparer plusieurs territoires entre eux.

Accéder à l'application CartoSanté en ligne

Télécharger la liste des indicateurs

La plateforme Géodes d'accès aux données de santé a été remplacée par Odissé. La nouvelle plateforme permet de télécharger des données dans différents formats, mais ne comporte pas d'application cartographique. Il est conseillé de télécharger les données en open data sur Odissé, puis de les cartographier avec l'application CartoSanté qui permet d'importer des données externes. 

Le Système d'information inter régional en santé SIRSé fournit également une application cartographique pour représenter des données de santé (avec la même possibilité d'y intégrer des données externes). CartoSanté et SIRSé font partie d'AtlaSanté, le portail géographique des Agences Régionales de Santé (ARS). Les objectifs d'AtlaSanté sont de centraliser l’information géographique de santé entre les ARS, les services de l’État, les collectivités locales et les établissements publics et de mettre en place les outils nécessaires au partage de ces données aux acteurs de la santé, ainsi qu’avec le grand public.

Télécharger d'autres données de santé sur Odissé

Accéder à l'application SIRSé en ligne

Pour information, l'IRDES a construit une typologie communale de l'accessibilité aux soins de premier recours en France. La carte et les données sont à retrouver dans l'application CartoSanté. Cette typologie communale peut être réutilisée comme découpage territorial en l'important dans les données externes de l'application. Cette typologie communale mérite d'être interrogée en fonction des soins et des équipements car il n'y a pas d'accessibilité uniforme en matière de santé.


Articles connexes

Géodes, la plateforme cartographique pour accéder aux données de santé

Typologie communale de l'accessibilité aux soins de premier recours en France (IRDES)

Cartes et données sur les « déserts médicaux » en France

L'État de droit dans le monde à travers l'indice du World Justice Project


L'Indice de l'État de droit 2025 du World Justice Project (WJP) évalue 143 pays et juridictions à travers le monde. Pour la huitième année consécutive, l'État de droit a reculé dans la plupart des pays. La détérioration actuelle de l’État de droit à l’échelle mondiale peut s’expliquer par une érosion des contraintes pesant sur les pouvoirs gouvernementaux, la transparence gouvernementale, les droits fondamentaux et la justice civile. 

État de droit dans le monde. Scores et classement des 143 pays et juridictions (source : Indice de l'État de droit du WJP 2025)

Les scores vont de 0 à 1, où 1 correspond au score le plus élevé (fort respect de l'État de droit) et 0 au score le plus bas (faible respect de l'État de droit). L'indice WJP Rule of Law Index calcule les scores et les classements pour 8 facteurs et 44 sous-facteurs. Parmi les 8 facteurs figurent :

  • les contraintes imposées aux pouvoirs du gouvernement
  • l'absence de corruption
  • un gouvernement ouvert
  • des droits fondamentaux
  • l'ordre et la sécurité
  • l'application de la réglementation
  • la justice civile
  • la justice pénale

Pour la huitième année consécutive, l'État de droit s'est affaibli dans davantage de pays que dans ceux où il s'est amélioré (68 % en recul contre 32 % en amélioration). 68 % des pays ont connu un déclin en 2025, contre 57 % en 2024 et 59 % en 2023. En moyenne, les scores globaux de l'état de droit ont baissé de 0,5 %. Les chiffres de la carte ci-dessous reflètent la variation annuelle en pourcentage des scores globaux de 2024 à 2025.

L'État de droit a reculé dans 68 % des pays entre 2024 et 2025 (source : Indice de l'État de droit du WJP 2025)


La Hongrie continue de reculer dans le classement de l'État de droit, dans un contexte de déclin mondial. Le pays, dirigé par l'homme fort de droite Viktor Orbán, a obtenu le score le plus bas de l'Union européenne en matière d'État de droit. Mais la Hongrie n'est pas le seul pays où la justice s'en sort mal : le rapport attribue des notes inférieures en matière d'État de droit à deux tiers des États membres de l'UE par rapport à 2024, en raison d'un « gouvernement ouvert réduit, de détériorations du système judiciaire et d'une application plus faible de la réglementation ». L’étude relève des tendances à la baisse également au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Russie et en Ukraine. La Russie enregistre le déclin global le plus marqué entre 2024 et 2025, tandis que le recul marqué de l'État de droit aux États-Unis les place entre la Slovénie et le Portugal. À l’autre extrémité de l’échelle, le Danemark est le pays de l’UE qui affiche la meilleure performance en matière d’État de droit (0,90) au sein de l’UE et de l’AELE, suivi de la Norvège, de la Finlande et de la Suède. Trois pays de l'UE sur quatre ont connu un déclin de la justice civile et pénale, la justice civile devenant moins exempte de discrimination et les systèmes pénaux moins impartiaux. Dans plus de la moitié des pays de l'UE, les tribunaux sont de plus en plus soumis à l'influence des gouvernements qui ne respectent pas l'indépendance et l'impartialité de l'autorité judiciaire. 

Même si on observe un déclin mondial de l'État de droit, dans un contexte de montée de l'autoritarisme, de rétrécissement de l'espace civique et d'indépendance judiciaire affaiblie, certains pays dans le monde défient cette tendance. Des progrès sont donc possibles.

Télécharger le rapport Rule of Law Index 2025.

Accéder à la carte interactive.

Télécharger les données 2025.

Liste des variables prises en compte pour le calcul de l'index.

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Carte de l'indice de perception de la corruption (Transparency International)

La liberté de la presse dans le monde selon Reporters sans frontières

Géoconscience, un nouveau regard sur le territoire


Maxime Blondeau (2024). Géoconscience, un nouveau regard sur le territoire, Allary éditions (voir le site de l'éditeur).

Et si l'humanité changeait de regard sur son territoire ? Savez-vous que le sommet de la planète n'est plus l'Everest mais le mont Chimborazo dans les Andes ? Que la moitié de la population humaine vit à moins de cent kilomètres d'un littoral ? Que la masse totale du béton et du ciment sur Terre vient de dépasser celle du vivant ? Ou encore que soixante-six départements français portent le nom d'une rivière ?

Avec des cartes surprenantes et des photos immersives, Maxime Blondeau nous révèle le caractère vital et fascinant de notre habitat commun. Un voyage scientifique et poétique pour éveiller notre conscience géographique, notre géoconscience.

Lire un extrait

Maxime Blondeau enseigne la cosmographie à Sciences Po Paris et à l’École des Mines de Paris. Ses publications sur LinkedIn sont suivies par 200 000 abonnés et cumulent 160 millions de vues. Géoconscience est son premier livre.

« Géographie ? Cosmographie ? Maxime Blondeau se passionne pour une réécriture de la Terre qui marie les vieilles (et nouvelles) cartes, les photos et les images satellites. C’est sur les réseaux sociaux qu’il a capté une partie de son public. Rencontre avec un cosmographe, version XXIe siècle » (Gilles Fumey, Faut-il réécrire la Terre ? Géographie en mouvement).

Pour compléter 

Le Petit Atlas (RFI)

Véritable atlas sonore de 10 minutes, la chronique du cosmographe Maxime Blondeau, diffusée chaque mois sur RFI dans "C’est Pas du Vent", explore les forces et fragilités des territoires. Chaque épisode raconte la rencontre d’un lieu avec le temps, un voyage sensible où la géographie devient récit. En conclusion, un morceau musical intégral incarne le territoire et sa langue. Par cette approche singulière, Maxime Blondeau unit géographie, écologie et culture, invitant à changer notre regard sur les lieux que nous habitons. Une chronique réalisée par François Porcheron.

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La gratuité des transports collectifs urbains : une carte et un débat


La Cour des comptes a publié en septembre 2025 un rapport sur « La contribution des usagers au financement des transports collectifs urbains ». Elle indique qu’en 2019, le coût moyen d’un déplacement en transport collectif urbain (TCU) est de 3,55 €, avec 0,76 € (22% seulement) couverts par l’usager, 1,82 € (51%) par les employeurs et 0,97 € (27% par les subventions publiques). Sur les seuls coûts de fonctionnement, la part des usagers est de 41 % des financements, avec de forts contrastes selon les villes, de 0 % (gratuité) à 61 % (Lyon) comme l’indique la carte. La part des usagers a baissé ces dernières années, au vu des moindres tarifs appliqués, et de réseaux de plus en plus étendus en lien avec la périurbanisation. Ce qui pose la question de la gratuité des transports en commun, très appréciée par les usagers mais encore peu mise en oeuvre en raison du coût pour les entreprises et les collectivités.

La carte

Ratio  « R/D » de couverture des dépenses de fonctionnement par les recettes tarifaires, par réseau en 2019
(source : Cour des comptes)

La carte fournit un aperçu des ratios recettes-dépenses (R/D) pour 88 Autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Il convient de préciser que plusieurs organismes publient des statistiques relatives au ratio R/D et des écarts de plusieurs points sont couramment constatés. Ces différences proviennent des variations dans les définitions et les périmètres utilisés. Le réseau de Lyon présente un ratio  « R/D » (Recettes/Dépenses) qui se détache largement de celui des autres réseaux, avec 61 % en 2019. Avec l’Île-de-France, seuls quelques autres réseaux avaient une couverture supérieure à 30 %, comme Nantes, Montpellier, Tours, Bordeaux, Toulouse, Lille, Strasbourg. 

Le débat

Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique, avance plusieurs éléments de débat en ce qui concerne la pertinence de la gratuité des Transports collectifs urbains (TCU) : 

  • Ses effets sur l’usage du bus ou le report modal : s’il y a de nouveaux usagers, quelle part provient de la gratuité, ou de l’éventuel renforcement concomitant de l’offre ? quelles parts viennent de la voiture, de la marche, du vélo ?
  • Le prix n’est que rarement la première raison de non usage des TCU (6 % seulement)…
  • C’est bien plus souvent le manque d’offre, de fréquence, la qualité de service… la priorité pour augmenter l’usage devient alors d’augmenter l’offre.
  • Dans ce contexte, par rapport à une tarification solidaire, faut-il se priver des recettes des usagers qui ont les moyens de financer les TCU ?
Alors que la mesure est généralement bien perçue par la population et notamment les usagers, ne souffre-t-elle donc que de défauts ? On peut citer comme avantages :
  • Le côté pratique pour les usagers
  • Les tarifications sociales présentent un risque de non recours aux aides
  • Des économies sur la gestion de la billettique
  • Enfin, dans certaines petites villes, la contribution des usagers est tellement faible que la gratuité n’y est pas forcément très coûteuse
Aurélien Bigo en retient les éléments de synthèse suivants :
  • La pertinence de la gratuité dépend du contexte local, en particulier de la taille des villes et de la part de financement qui vient des usagers
  • Mais à un moment où la priorité doit être de financer un choc d’offre, et alors que les finances publiques sont particulièrement sous contraintes, ce n’est pas la priorité pour la plupart des réseaux
  • La tarification doit viser un subtil équilibre entre augmentation du financement de l’offre et accessibilité du réseau, en particulier pour les plus vulnérables. D'aucuns proposent une tarification sociale basée sur le revenu...
Pour compléter 

Rapport de la Cour des comptes sur "La contribution des usagers au financement des transports collectifs urbains"

Gratuité des transports en commun : une option qui fait débat (Vie publique)
https://www.vie-publique.fr/eclairage/286538-transports-publics-gratuits-un-choix-qui-fait-debat

Liste des villes ayant mis en place la gratuité des transports en commun (Wikipédia)

L’Observatoire des villes du transport gratuit fournit une carte des 46 villes ayant mis en place un transport gratuit pour la majorité des usagers (en France métropolitaine)

Les transports gratuits : une fausse bonne idée ? (Bon Pote)

Transports publics gratuits, une mesure inefficace contre la pollution en ville (The Conversation)

Avis de la Fnaut - La voix des usagers sur la gratuité des TC
Avis du Gart (Groupement des autorités organisatrices des mobilités)
https://www.gart.org/actualite/les-enseignements-du-gart-sur-la-gratuite-des-transports-publics/

La gratuité des transports fait-elle ses preuves ? Débat entre Philippe Duron et Arnaud Passalacqua (Forum Vies Mobiles)
https://forumviesmobiles.org/regards-croises/15548/la-gratuite-des-transports-fait-elle-ses-preuves

Yves Crozet, Bruno Faivre d’Arcier, Aurélie Mercier, Guillaume Monchambert, Pierre-Yves Péguy. Réflexions sur les enjeux de la gratuité pour le réseau TCL. [Rapport de recherche] SYTRAL et LAET, Lyon, 2019, pp.116

Lien ajouté le 27 octobre 2025


"Les bus plus rapides peuvent-ils vraiment être gratuits ?" (New York Times)
Le débat sur la gratuité des transports concerne d'autres pays que la France. Zohran Mamdani a construit sa campagne électorale à New York en exploitant la frustration suscitée par le système des bus. « Des bus rapides et gratuits », a-t-il promis, les deux objectifs étant liés. « Aujourd'hui, dans la ville la plus riche du pays le plus riche de l'histoire du monde, un New-Yorkais sur cinq n'a pas les moyens de payer le bus », a déclaré M. Mamdani, défendant son projet lors du dernier débat de campagne la semaine dernière. Si l'on rendait cet argent aux gens, et plus de leur temps, suggère-t-il, les retombées économiques pour la ville dépasseraient même le coût d'un programme de gratuité qui, selon lui, pourrait coûter 700 millions de dollars par an. Les critiques, et même certains défenseurs des transports en commun, mettent en garde contre l'incompatibilité de ses deux objectifs : dépenser des sommes aussi importantes pour subventionner les bus, et il ne restera pas grand-chose pour les améliorer, surtout à un moment où le gouvernement fédéral sape le soutien aux transports en commun et où l'économie est fragile.
 
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Datavisualisation sur les distances parcourues en France de 1800 à 2023


Le changement climatique par les données (La graphothèque - Bon Pote)


Le nouveau projet Bon Pote est en ligne : la Graphothèque, une base de données visuelles pour mieux appréhender les enjeux écologiques. Le but est de mieux comprendre le climat par les chiffres.

Bon Pote est un média indépendant sur l'environnement, 100% financé par ses lecteurs. « La mission de Bon Pote est d’informer sur le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité, tout en montrant le rôle actif que chacun peut jouer pour un futur plus respectueux de la planète. Il est certes trop tard pour éviter certaines conséquences, mais il n’est et ne sera jamais trop tard pour agir et éviter le pire. Nous démystifions les idées reçues avec rigueur, en nous appuyant sur la littérature scientifique disponible. Dans la mesure où le changement climatique est politique, une veille médiatique quotidienne est assurée afin de faire le lien entre l’actualité politique et les conséquences que les décisions peuvent avoir sur notre avenir climatique. »


Les graphiques sont regroupés par rubrique (climat, énergies, biodiversité, conséquences, solutions). Les données sont sourcées et les graphiques sont tous téléchargeables (dommage que l'export en png ne conserve pas le format vectoriel utilisé en ligne). Un des atouts du site est de permettre de faire des sélections et des comparaisons à partir de graphiques interactifs.

Des parcours thématiques sont proposés en lien avec des articles et des infographies :


Le site Bon Pote comporte d'autres ressources intéressantes : une boîte à outils pour calculer son empreinte carbone ou encore un jeu de cartes sur le thème 12 discours de l’inaction climatique. La rubrique Idées reçues donne des pistes de réflexion sur des questions importantes en matière de société et d'environnement : « Adaptation : les modèles climatiques sont-ils fiables ? », « la France est-elle prête à faire face au changement climatique ? », « Faut-il arrêter de faire des enfants pour sauver la planète ? »... 

Lien ajouté le 23 octobre 2025

« Cartographie de la désinformation climatique dans les médias français et brésiliens » (QuotaClimat)

Plus de 529 cas de mésinformation climatique ont été détectés en huit mois dans les médias audiovisuels français. C’est le constat du rapport publié par QuotaClimat avec Data for Good et Science Feedback. Ces contenus s’inscrivent dans 19 campagnes coordonnées, portées par des acteurs bien identifiés : secteurs fossiles, automobile, énergétique, agricole, ingérences étrangères… et parfois certains médias eux-mêmes. L’objectif n’est plus de nier le réchauffement clima tique, mais de délégitimer les solutions de la transition, semer le doute et retarder l’action. Pendant ce temps sur les réseaux sociaux, ces mécaniques sont aussi présentes avec des lobbies et grands groupes industriels qui investissent dans les influenceurs pour imposer leurs narratifs sur les solutions au réchauffement climatique.

Lien ajouté le 24 octobre 2025

« TotalEnergies condamné partiellement pour greenwashing  » (‪Reporterre)

Le tribunal judiciaire de Paris a partiellement condamné TotalEnergies le 23 octobre 2025 pour pratiques commerciales trompeuses liées à sa communication sur la neutralité carbone. Saisie en 2022 par plusieurs ONG, dont Greenpeace, Les Amis de la Terre France et Notre affaire à tous, la justice a jugé que certaines déclarations du groupe étaient susceptibles « d’altérer le comportement d’achat du consommateur » et de « l’induire en erreur ». En cause, la campagne de communication lancée en mai 2021 lors du changement de nom de Total en TotalEnergies, qui mettait en avant son ambition « d’atteindre la neutralité carbone » et « d’être un acteur majeur de la transition énergétique ». Pour les associations, cette promesse relevait du « greenwashing », le groupe continuant parallèlement d’accroître sa production d’hydrocarbures.


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La carte, objet éminemment politique. Les manifestations « No Kings » aux États-Unis et dans le monde


Des millions d'Américains ont manifesté le samedi 18 octobre 2025. Rassemblés autour du mot d’ordre « No Kings » (Pas de rois), environ 7 millions de manifestants, selon les organisateurs, ont défilé pour dénoncer le pouvoir autoritaire du président Donald Trump. Plus de 2 700 rassemblements se sont tenus dans les grandes villes américaines ainsi que dans des petites villes du centre des États-Unis, et des bourgades d’Etats républicains. Le mouvement de contestation s'est également étendu à quelques grandes villes en Europe. 

L'appel à l'action a été lancé à partir d'une carte publiée sur le site No Kings, largement diffusée sur Internet et sur les réseaux sociaux. Les cartes de manifestations jouent un rôle central dans la naissance et la propagation des mouvements sociaux, en raison du fait qu’elles sont conçues dès le départ pour être diffusées et reproduites à la fois par les médias et par les sites Internet. Ces cartes, souvent associées à des textes, des images ou des slogans, participent d’une forme de contre-pouvoir, voire de contre-culture. De la carte-slogan à l'action politique, voyons comment cette carte a circulé dans les médias et sur les réseaux sociaux et comment elle peut être interprétée en lien avec d'autres symboles.

I) Au départ, une simple carte d'appel à l'action

La carte publiée sur le site No Kings est assez classique. Elle s'inscrit dans le répertoire d'actions utilisé aujourd'hui pour sensibiliser l'opinion publique et encourager à l'action. Il s'agit, pour les organisateurs, de répertorier les lieux prévus de manifestations plusieurs jours ou semaines avant qu'elles n'aient lieu. Elle a vocation au départ à informer pour trouver le lieu de rassemblement le plus proche de chez soi. Plus de 2500 rassemblements, réunions ou événements sont annoncés le 14 octobre dans 1700 villes des États-Unis. Même si cette « protest map » relève seulement d'un appel, elle a vocation à mobiliser un maximum de manifestants contre la politique autoritaire de Trump, y compris en Europe. L'accumulation de gros points sur la carte accrédite l'idée d'un mouvement d'ampleur.

La carte d'appel à l'action sur le site No Kings - 2500 lieux de manifestation prévus le 14 octobre 2025



La mobilisation « No Kings » du 18 octobre s'inscrit dans une certaine continuité puisqu'il s'agit d'une deuxième journée de manifestation. Les premiers rassemblements No Kings ont eu lieu le 14 juin en réponse à un défilé militaire que Trump avait prévu pour le 250e anniversaire de l'armée américaine et son 79e anniversaire. Selon les estimations, la première manifestation avait réuni entre 2 et 4,8 millions de personnes au cours de 2 150 actions à l'échelle nationale. Elle était déjà elle-même supérieure aux manifestations « Hands Off » du 5 avril, qui avaient également  mobilisé un nombre important de personnes, entre 919 000 et 1,5 million de personnes.

Il convient de noter que, par rapport à la première carte qui comptait 2 000 points de rassemblement, la nouvelle carte en compte 500 de plus. Il s'agit de montrer que le mouvement de contestation prend de l'ampleur. Cette nouvelle vague de manifestations survient dans un contexte de frustration croissante et d'opposition généralisée à la répression militaire du président Trump contre les villes dirigées par les démocrates à travers l'Amérique. Autre point de différence : lors de la manifestation du 14 octobre, la décision d'organiser des événements No Kings dans toutes les villes sauf Washington D.C correspondait au choix délibéré de mettre l'accent sur le contraste par rapport aux cérémonies officielles (cf forme de contre-événement) et de ne pas donner à l'administration Trump l'occasion d'attiser le conflit et de le mettre en avant. Lors de la manifestation du 18 octobre, toutes les villes sont concernées y compris Washington D.C.

La carte interactive « No Kings » n'est pas particulièrement intéressante en soi, si ce n'est comme visualisation de l'ampleur géographique du sentiment anti-Trump aux États-Unis. Il s'agit en apparence d'une simple carte interactive indiquant les lieux des manifestations contre l'autoritarisme croissant de l'administration Trump. Pourtant si on l'observe de plus près, on s'aperçoit qu'elle donne lieu à quelques variations. Ainsi en Europe notamment pour Londres, Madrid, Porto ou Stockohlm, le slogan "No Kings" a été remplacé par "No Tyrants" ou "No Dictators", de manière à élargir la contestation à toute forme de pouvoir autoritaire voire dictatorial. Le trumpisme ne concerne pas que les États-Unis. La montée de l'autoritarisme et la restriction des libertés concernent beaucoup d'autres pays dans le monde. Ce qui ferait de l'Amérique un symbole d'un mouvement de contestation beaucoup plus large à l'échelle mondiale.

La carte d'appel à l'action sur le site No Kings pour la partie Europe - "No Tyrants, No Dictators"



Le site No Kings ne permet pas de télécharger la liste des lieux prévus de manifestation. Il est conseillé d'utiliser le site We the people dissent qui recense tous les événements liés au mouvement No Kings à partir d'une carte et d'une base de données mise à jour quotidiennement depuis juin 2025. La carte distingue les lieux de manifestation en fonction de leur coloration politique à l'élection présidentielle (pro démocrate ou pro républicain). 

Manifestations prévues le 18 octobre aux Etats-Unis à partir du site We the people dissent
(en rouge les comtés favorables à Trump / en bleu ceux favorables à Harris / en violet plus mixtes)


II) Le message et sa diffusion sur les réseaux sociaux

A l'heure d'Internet et des réseaux sociaux, la carte entend faire passer un message. Elle n'est pas seulement destinée à informer sur les lieux de rassemblement les plus proches. Elle a vocation à être reprise et diffusée sur les réseaux sociaux. On la retrouve aux côtés d'autres images ou slogans destinés à renforcer le message. 

La carte des rassemblements accompagnée du slogan "No Thrones, No Crowns, No Kings"
(« Pas de trônes. Pas de couronnes. Pas de rois ») - Source : @indivisible.org



Les membres de la génération Z, qui ont grandi à l'ère d'Internet, utilisent couramment les médias sociaux comme plate-forme pour organiser et coordonner les manifestations. La diffusion de la carte est le fait d'activistes, mais aussi de simples manifestants ou sympathisants du mouvement. Cette diffusion est variable en fonction des réseaux sociaux et mériterait une étude plus poussée. On remarque par exemple une diffusion bien moindre sur le réseau Twitter contrôlé par Elon Musk, proche du président républicain.

Ces rassemblements, nés à Portland avant de s’étendre au pays entier, marquent le retour d’une opposition organisée. "Les démocrates montrent enfin de la colonne vertébrale", souligne Ezra Levin, cofondateur du mouvement Indivisible (une carte recense les nombreuses actions conduites par ce groupe). Plus de 200 organisations se sont engagées comme partenaires des manifestations du 18 octobre ; aucune n'a abandonné par crainte d'une réaction négative de Trump. L'Union américaine pour les libertés civiles (American Civil Liberties Union), association de défense des droits civiques, est partenaire, tout comme le groupe de défense Public Citizen. Des syndicats, dont la Fédération américaine des enseignants (American Federation of Teachers) et le SEIU, font partie de la coalition. Le nouveau mouvement de protestation 50501, né auparavant d'un appel à manifester dans les 50 États sur une seule journée, est également partenaire. Parmi les autres partenaires figurent la Human Rights Campaign, MoveOn, United We Dream, la League of Conservation Voters et Common Defense.

III) Le traitement de l'information par les médias

Les médias ont également relayé la carte publiée par le site No Kings. Mais à la différence des réseaux sociaux, ils ne reprennent pas la carte telle quelle. Afin d'éviter de servir de relais de propagande et sans doute aussi par souci d'assurer un traitement de l'information, les médias proposent en général des versions reconstruites à partir des données fournies par le site officiel No Kings, qui reste malgré tout la source des données. Cela peut aller de la simple carte par points afin de conserver une certaine neutralité ou lisibilité de l'information jusqu'à un traitement plus poussé mettant en lumière les hauts-lieux de la contestation. Ce faisant, le but des organisateurs de voir largement circuler le message via les medias est en partie atteint. 

Le journal The Guardian diffuse une carte par points uniformes en ajoutant quelques noms faisant ressortir les zones concentrant le plus de rassemblements. Le message se veut assez neutre, nonobstant le titre qui ne prend pas la précaution de mentionner qu'il s'agit seulement des lieux prévus pour les rassemblements. 

« Les manifestations No Kings aux États-Unis » (source : The Guardian)


La chaîne d'information CNN s'en tient à une carte également assez minimaliste indiquant le nombre de manifestations prévues par comté, ce qui a tendance à uniformiser l'information à l'échelle du territoire. Les cercles sont pourtant proportionnels au nombre d'événements (de 1 à 30). Mais ils sont de taille beaucoup plus petite que sur la carte du site officiel No Kings. Sous la carte est ajoutée une note : « L'ampleur et la portée de chaque événement prévu sont inconnues et le site web du groupe indique qu'il s'engage à mener une action non violente ». De fait, CNN semble avoir conscience du risque de répression et de la peur éventuelle que peut inspirer ce type de carte (d'où aussi la volonté de neutraliser le message et de lisser l'information).

« Des manifestants se rassemblent contre l'administration Trump lors d'événements No Kings  à travers le pays » (source : CNN)


A partir des mêmes données, Axios propose une carte rapportant le nombre d'événements par ville (voir la carte déjà réalisée pour la manifestation du 14 juin). On y voit ressortir les grandes métropoles du Nord-Est et de la côte ouest des États-Unis qui ont voté contre Trump, mais aussi des villes de rang plus modeste.

« Rassemblements, réunions et événements de mise en visibilité No Kings prévus le 8 octobre 2025 » (source : Axios)


On retrouve parmi les lieux de rassemblement les places symboliques de défense des droits civiques, notamment Grant Park à Chicago, ville surveillée par la Garde nationale et où la mobilisation est particulièrement forte. « Même dans les villes où les troupes sont déployées, des millions de personnes devraient manifester contre le président dans le cadre d'une 2e manifestation... Nous ne nous laisserons pas intimider » (The Guardian).

IV) De la carte-slogan à son interprétation par rapport à d'autres symboles

Les Républicains ont qualifié les manifestations No Kings de « rassemblements de haine contre l'Amérique », en les assimilant à des ennemis de l'intérieur, des partisans du mouvement antifa, voire des terroristes (voir le témoignage de Mark Bray, menacé de mort pour ses travaux sur l’antifascisme et qui a fui les États-Unis pour l'Europe). Les manifestants ont répliqué avec des panneaux « We love America » comme symbole de défense de la liberté et de la démocratie ou encore « l'Amérique appartient à son peuple et non aux rois ». À Austin (Texas), le gouverneur Greg Abbott a déployé la Garde nationale, la division des Texas Rangers, des policiers d'État et le Département de la sécurité publique du Texas avant le rassemblement, avec le soutien d'avions et d'autres moyens tactiques. Il a déclaré dans un communiqué que « la violence et la destruction ne seront jamais tolérées au Texas » et qu'il avait donné l'ordre à tous les agents des forces de l'ordre et à toutes déployé toutes les ressources nécessaires pour assurer la sécurité des habitants ». Cette décision a suscité de vives critiques de la part des Démocrates. 

Face à l'administration Trump qui souhaite réprimer les manifestations, le mouvement No Kings entend montrer qu'il s'agit de la « plus grande manifestation pacifique de l'histoire américaine ». Des manifestants ont rempli Times Square à New York, où la police a déclaré n'avoir procédé à « aucune arrestation liée aux manifestations », alors même que plus de 100 000 personnes se sont rassemblées pacifiquement dans les cinq arrondissements. De l'avis général, les manifestations étaient essentiellement festives, avec souvent des personnages gonflables et des manifestants costumés. La foule, d'une population diversifiée, comprenait des parents poussant des enfants en poussette, des retraités et des personnes accompagnées d'animaux de compagnie. Des manifestations comme celles-ci rassemblent des groupes multigénérationnels et leur côté ludique peut contribuer à créer un élan et à renforcer une communauté. Elles reflètent le malaise croissant de nombreux Américains face à des événements tels que les poursuites pénales contre les ennemis politiques de Trump, sa répression militarisée de l'immigration et l'envoi de troupes de la Garde nationale dans les villes américaines - une mesure qui, selon le président américain, visait à lutter contre la criminalité et à protéger les agents de l'immigration (les déploiements de la Garde nationale à Chicago et Portland ont été temporairement suspendus par décision de justice).


Ce n'est pas tant le pays qui est célébré que l'Amérique en tant que symbole de liberté. « Pendant 250 ans, partout dans le monde, malgré toutes nos erreurs, les États-Unis sont restés un symbole de liberté, de démocratie, d’espoir et d’indépendance », selon le chanteur Bruce Springsteen. Dans les dessins et caricatures, on trouve de nombreuses références à la Déclaration d'indépendance de 1776, événement fondateur de la constitution et de la démocratie américaine.

« Trump et Johnson ignorent clairement l'histoire américaine. No Kings par Rob Rogers - Tinyview (©)


Par son pouvoir performatif, la carte est à interpréter conjointement avec d'autres symboles brandis pendant les manifestations. Lors des défilés, elle laisse la place à une autre iconographie propre aux manifestants qui expriment leur point de vue à travers des affiches, banderoles et autres panneaux affichant leur réprobation.

Lors des manifestations à travers les États-Unis, certains manifestants portent du jaune – un symbole d’unité et une référence à d’autres mouvements de résistance non violente, selon les organisateurs. « Tout au long de l'histoire, les personnes qui se sont rassemblées pour protester contre les régimes autoritaires ont utilisé une couleur facilement reconnaissable parmi des milliers de personnes », peut-on lire sur un tract publié sur le site web No Kings. « Le jaune est un rappel éclatant et sans équivoque que des millions d'entre nous sommes unis par la conviction que l'Amérique appartient à son peuple, et non aux rois ». Le site du mouvement évoque également Hong Kong, où les manifestants portaient des parapluies jaunes, déclarant que les rubans jaunes sont des symboles d'espoir, de responsabilité et de réforme. Le mouvement des rubans jaunes des Ukrainiens est un signe de résistance à l'agression russe. On pourrait aussi faire allusion au mouvement des Gilets jaunes, bien que la symbolique soit quelque peu différente. Partout en Europe, des manifestations ont également eu lieu à Berlin, Madrid et Rome, en signe de solidarité avec leurs homologues américains. À Londres, plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés devant l'ambassade des États-Unis.

L'idée de porter des costumes d'animaux gonflables farfelus lors des manifestations a fait son chemin après que Seth Todd, un membre de la communauté mexicaine d'Amérique, a été aspergé de gaz lacrymogène par un agent fédéral alors qu'il portait un costume de grenouille gonflable lors d'une manifestation devant un centre de l'ICE à Portland, dans l'Oregon. Banderoles géantes, fanfares et pancartes ont envahi les rues (voir les images des manifestations populaires relayées par The Guardian).

La grenouille comme symbole de dissidencce publique (source : @gwenckatz.bsky.social)


Une immense bannière reprenant le préambule de la Constitution américaine "We the People" (Nous, le peuple) a circulé pour être signée, symbole d’un sursaut civique et d’une réaffirmation démocratique face à la concentration du pouvoir. Cette fois, la foule comprenait une nouvelle vague de manifestants, indignés par les raids des services d'immigration, le déploiement de troupes fédérales dans les villes, les licenciements gouvernementaux, les coupes budgétaires drastiques, la réduction progressive du droit de vote, la réduction des exigences vaccinales, l'annulation des traités avec les tribus et le projet de loi dit « One Big Beautiful Bill ». Sur son réseau Truth Social, Donald Trump a repris à son compte le statut de roi dénoncé par les manifestants dans plusieurs vidéos générées par l'intelligence artificielle. Sur une vidéo, il s'imagine en Tom Cruise à bord de son avion de chasse - siglé King Trump - comme dans Top Gun. Alors que la bande originale du film résonne, Donald Trump survole les manifestants sur lesquels il largue un liquide brun qui ressemble à de la boue ou à des excréments. De son côté, Scared Ketchup a composé le clip  No Kings 2.0 en soutien aux manifestants (On ne s'arrêtera pas tant que la liberté n'aura pas sonné. Pas de rois ! Pas de couronnes ! Pas de trônes ! Hors de question !). Des publications sur les réseaux sociaux ont affirmé qu'une chaîne de télévision avait utilisé d’anciennes images pour gonfler les rangs des manifestations "No Kings", mais il s'agit d'une fausse information alimentée par l'IA d'Elon Musk.

Seth Abramson a réuni plus de 250 photographies lors de la 1ère manifestation « No Kings » du 14 juin 2025. Son but est de rassembler le plus grand nombre possible de photos de foules lors des manifestations qui ont lieu aux États-Unis, mais aussi dans le monde. Ces photos sont accessibles à travers une interface cartographique qui permet de les consulter par lieux. Une performance artistique a été réalisée sous la forme de banière humaine reproduisant le slogan « No Kings » sur la plage de San Francisco lors de la manifestation du 14 juin. La performance a été renouvelée le 18 octobre avec le slogan « No Kings Yes On 50 », en référence à la California proposition 50, un amendement constitutionnel visant à revoir le découpage électoral. La proposition, si elle est votée, entraînerait l'entrée en vigueur de la loi sur la lutte contre la fraude électorale, qui permettrait à l'État de Californie d'utiliser un nouveau découpage électoral établi par la législation pour les élections de 2026, 2028 et 2030. Les Démocrates souhaiteraient compenser le récent redécoupage électoral du Texas par les changements proposés en Californie. Les Républicains semblent avoir pratiquement abandonné leurs efforts pour vaincre le redécoupage électoral démocrate des districts de la Chambre des représentants de Californie, une semaine avant qu'il ne soit soumis aux électeurs.

Bannière humaine réalisée à Ocean Beach (San Francisco) le 14 juin (source : Seth Abramson)


La même performance artistique réalisée le 18 octobre avec le slogan « No Kings, Yes On 50 »

Affiche cartographique invitant à voter oui pour la proposition 50 visant à redécouper les circonscriptions électorales en Californie (source : @realTuckFrumper)

Selon l'étude d'Erica Chenoweth, Soha Hammam, Jeremy Pressman et Christopher Wiley Shay qui ont analysé les données à partir du décompte des manifestants, « No Kings » pourrait bien faire partie des plus grandes journées de protestation de l’histoire des États-Unis. Le nombre de participants et l’étendue géographique des manifestations sont des signes de l’opposition populaire persistante à la deuxième administration Trump. Leurs estimations suggèrent qu'entre 2 et 4,8 millions de personnes ont participé à plus de 2 150 actions à l'échelle nationale lors de la journée du 14 juin. 

Avec 7 millions de personnes (estimations), la 2e journée de manifestation organisée le 18 octobre constitue une mobilisation encore plus importante. « Alors que l'attention des médias se concentre souvent sur les acteurs qui se plient aux exigences de Trump, dans la rue, le mouvement de protestation populaire continue de s'opposer à l'administration avec une persistance notable au fil du temps [...]. La mobilisation populaire par la protestation ne constitue ni l'intégralité de l'opposition à l'administration Trump, ni ne suffit à elle seule à imposer un changement. Pourtant, historiquement, le grand public, de concert avec d'autres acteurs sociétaux tels que les opposants politiques, les avocats, les syndicats et les tribunaux, continuera probablement à jouer un rôle crucial aux États-Unis et ailleurs dans la défense de l'État de droit et des normes démocratiques. » 

Selon le journaliste et auteur spécialisé dans les données Elliott Morris, qui s'est appuyé sur des estimations de comptage participatif, la deuxième manifestation « No Kings Day » se situerait entre 5 et 6,5 millions de participants. L'estimation, basée sur les rapports des responsables et des organisateurs locaux ainsi que des participants, suggère que le chiffre des organisateurs – qui font état de 7 millions de participants à l'échelle nationale – est peut-être un peu optimiste (mais pas impossible). Que le nombre exact soit de 5, 6, 7 ou 8 millions, les manifestations de samedi constituent très probablement la plus grande manifestation sur une journée depuis 1970, surpassant même les manifestations de la Marche des femmes contre Trump en 2017. Ces estimations participatives sont accessibles gratuitement ici en espérant qu'elles seront utiles aux chercheurs et aux journalistes qui cherchent à améliorer la compréhension collective de l'activité politique et des manifestations aux États-Unis. Au 18 octobre 2025, Strength in Numbers estime qu'au moins 12,8 millions de personnes, soit 3,7 % de la population, ont manifesté contre le président depuis son entrée en fonction.

Selon les politologues Erica Chenoweth (Université Harvard) et Maria Stephan (organisatrice en chef du projet Horizons), le taux important de participation représente un « seuil critique », celui qui peut conduire à l’expulsion d’un parti au pouvoir et de sa figure de proue. Elles ont étudié les mouvements de résistance civiques de 1900 à 2006 partout dans le monde pour en arriver à ce constat : la seule façon de contrecarrer ce genre de mobilisation citoyenne pacifique est finalement de s’assurer qu’elles deviennent violentes, la violence divisant par deux son pouvoir de changement.

Dana Fisher, professeure à l'Université de Washington DC et autrice de plusieurs livres sur l'activisme américain, estime que les marches du 18 octobre pourraient constituer l'une des plus grandes manifestations de l'histoire récente des États-Unis. Pour elle, ces manifestations « ne vont pas changer la politique de Trump, mais elles pourraient renforcer à tous les niveaux les élus qui s'opposent à Trump ». Un vent de résistance se lève, sera-t-il durable ?

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