Résumé
Toute cartographie présente ses propres blancs, ses lacunes ou ses oublis, volontaires ou inconscients. Les historiens de la cartographie ont souligné les enjeux politiques de ces silences cartographiques, en particulier durant les périodes de conquête coloniale. L’hypothèse au cœur cet ouvrage est que les blancs des cartes, loin d’être obsolètes, ont aujourd’hui encore, un potentiel heuristique pour analyser les enjeux politiques de l’information géographique numérique. Alors que l’État n’a plus le monopole pour blanchir ou noircir la carte, comment les vides cartographiques sont-ils mobilisés par les différentes parties prenantes ? Quels enjeux de (dé-)régulation informationnelle sont mis en évidence dès lors qu’on s’intéresse aux logiques d’omission aujourd’hui à l’œuvre ? Face à l'illusion d'un « déluge de données », comment explorer les boites noires algorithmiques qui masquent l'inégale géonumérisation du Monde ? Pour tenter de répondre à ces questions, l’Amazonie, plus particulièrement la Guyane, se révèle être un terrain privilégié. Historiquement et symboliquement marquée par les blancs des cartes, cette marge territoriale peut, à bien des égards, être aussi considérée comme une marge cartographique. Les enquêtes menées au sein de trois dispositifs métrologiques autour de la détection de l'orpaillage illégal, de la mesure de la biodiversité et de la cartographie des habitats informels permettent d’explorer des systèmes issus des sphères institutionnelle, scientifique, citoyenne et autochtone. En défendant l’importance de l’empirie pour rester au plus proche des acteurs (producteurs et utilisateurs), des systèmes (codes et données) et des méthodes (in situ et à distance) et en développant une approche à la fois multi-située et interdisciplinaire associant géographie, sciences de l'information géographique et études des sciences et techniques (STS), cette recherche, abondamment illustrée, s’inscrit dans le champ émergent des critical data studies. En s’appuyant sur ces études de cas, elle débouche sur une réflexion transversale sur les deux principales modalités de résistance au comblement des blancs des cartes observées des rives du Maroni aux confins de l'Oyapock : la contre-cartographie et la fugue cartographique. Ce faisant, ce livre permet d'envisager, d'une part, une géographie des ignorances géonumériques qui révèle des savoirs oubliés, masqués ou détruits et, d’autre part, une géographie des résistances géonumériques qui rende visible des alternatives aux représentations spatiales dominantes. Considérées ensemble, ces deux logiques d'indiscipline carto-graphique permettent d’appréhender les blancs des cartes contemporaines comme une opportunité de diversifier nos manières de voir le Monde.
Résumé, sommaire, extraits, manifestations et articles associés à cette sortie sont disponibles à l’adresse suivante : http://patiencesgeographiques.org/bcbna/
Entretien n°108. Matthieu Noucher, "Comprendre les blancs des cartes". A propos de son livre, tiré de son HDR, Blancs des cartes et boîtes noires algorithmiques #LeRegardduChercheur https://t.co/0yRaqKK3GM pic.twitter.com/eGuEKWOKSt
— Anthony Guyon (@Anthony_Guyon) August 29, 2023
Les cartes ou la mise en ordre du monde via @franceculture https://t.co/jOaStwfiUE
— Veille Géographie Ac-Lille (@VeilleGeoLille) December 25, 2023
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