Comparer la skyline des grandes villes à partir de la modélisation 3D de leurs bâtiments


Nadia Kelm, d'origine ukrainienne, s'est intéressée d'abord à la ville de Kiev dont les bâtiments les plus nombreux ont été construits en hauteur, comme dans la plupart des villes d'Europe de l'Est bâties à l'époque soviétique. Ces immeubles d'habitation, souvent dotés de plus de 10 étages, sont implantés dans et autour de la ville.

The storeys of loneliness :

Son idée est qu'au delà de 10 étages, on ne plus percevoir le visage des personnes au sol. Ce qu'elle appelle "les étages de solitude". Les habitants des immeubles de grande hauteur ont moins de relations entre eux, ils vivent plus repliés, comme hors sol. "La hauteur optimale pour que l’être humain se sente à l’aise est le 7ème étage au maximum. C'est un étage auquel on peut encore reconnaître les personnes au sol, identifier un visage familier". Noter que ce point de vue s'inscrit dans la théorie urbaine, selon laquelle il vaut mieux favoriser les immeubles "à taille humaine".

Nadia Kelm a voulu ensuite comparer avec d'autres villes en Europe et dans le monde, où les immeubles de grande hauteur sont construits plutôt dans le centre et correspondent davantage à des bureaux.

Kiev, Minsk et Moscou ont une skyline assez similaire, qui correspond au modèle urbain soviétique des années 1960 et 1970. Au contraire, New York, Londres et Tokyo qui sont les principaux centres financiers du monde, ont leurs quartiers d’affaires en centre-ville et des quartiers résidentiels de moindre hauteur en périphérie. La skyline des villes en Europe est plus diversifiée. Il y a souvent des gratte-ciels, mais ils sont généralement isolés (sauf à Paris et Varsovie). La hauteur moyenne des bâtiments est inférieure à celle qu'on trouve en Asie. La diversité et la taille humaine de ces villes les rendent agréables à vivre.

L'auteure aboutit à une modélisation 3D des villes qui permet de comparer la skyline des grandes villes du monde. Sa méthode et les résultats sont exposés sur Citygraph :




Comme le rappelle le site Géoconfluences, la skyline (littéralement "ligne d'horizon") désigne « la silhouette urbaine dessinée sur l’horizon par les gratte-ciels d’un centre-ville, et tend à être assimilée à la ville dans son ensemble dans les représentations collectives » (voir lexique).

On la retrouve souvent dans les manuels scolaires pour évoquer la silhouette caractéristique des grandes métropoles mondiales (voir par exemple la skyline de Londres sur le site Le Manuel Scolaire). L'aspect spectaculaire est renforcé lorsque la skyline est représentée en 3D, ce qui explique que nombre d'éditeurs scolaires n'hésitent pas à mettre ces photographies de skyline en "une" de couverture dans leurs manuels de géographie (voir cette sélection qui montre qu'elle est devenue un topos de la géographie scolaire).

Un exercice assez classique de la géographie scolaire consiste à comparer la skyline d'une ville européenne à une ville américaine ou encore d'une ville d'Afrique noire à une ville sud-américaine, de manière à montrer les différences d'organisation spatiale en fonction de l'histoire, de la culture, du modes d'organisation sociale ou du niveau de développement. Outre que ces différences reposent parfois sur des simplifications ou des stéréotypes, ces coupes correspondent à des profils théoriques difficiles à appliquer à tel ou tel exemple de ville. Mais du moins l'intérêt est-il d'essayer de modéliser les espaces urbains et d'en donner une appréhension globale pour les élèves. Une manière aussi de les rendre plus lisibles et de les aider à décrypter les paysages urbains, à condition d'associer ces coupes schématiques à des vues paysagères.

Coupes schématiques extraites du site HG Sempai




Si cet exercice est un peu passé de mode (sans doute en raison de la place relativement modeste accordée à la lecture de paysage dans la géographie scolaire), on en retrouve malgré tout des traces aujourd'hui dans la manière de comparer les plus hauts gratte-ciels, dans l'idée que ces immeubles de grandes hauteurs constituent des haut-lieux de la mondialisation et qu'ils reflètent la puissance et le rayonnement des grandes métropoles (toujours cette tentation de vouloir faire dans le réalisme !). L'exemple de New York emblématique des métropoles d'Amérique du Nord revient souvent dans les manuels scolaires aux côtés d'autres métropoles plus récentes (Shanghaï, Singapour, Dubaï...)

Evolution de la skyline de New York sur un siècle (source : Visual Capitalist)


Liste des 10 plus hauts gratte-ciels du monde  - source : My Modern Met (Photo credit: tier1dc.blogspot.com)



Pour New York, les données des bâtiments sont téléchargeables sur le site open data de la ville :
http://data.cityofnewyork.us/Housing-Development/Building-Footprints/nqwf-w8eh





Les buldings les plus hauts dans 100 pays au monde
(source : AlansFactoryOutlet.com)


Lien ajouté le 27 novembre 2021
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