L'empreinte écologique : une affaire de représentations ?


Il est désormais possible de calculer son empreinte écologique en recourant à un simulateur. Mais sait-on vraiment ce que recouvre la notion d'empreinte écologique ? Internet et les grands médias fournissent de nombreuses cartes figurant l'empreinte écologique. Comment lire et analyser ces cartes de manière critique ?  


1) L'empreinte écologique : un indicateur pratique mais qui pose problème

L'empreinte écologique mesure la surface productive nécessaire pour produire les ressources consommées par une population donnée et absorber les déchets qu'elle produit (voir définition sur Wikipédia). Cette surface est comparée à la surface productive effectivement disponible (biocapacité), ce qui permet d'estimer si les limites naturelles sont dépassées ou non. Une métaphore souvent utilisée pour l'exprimer est le nombre de planètes nécessaires à une population donnée si son mode de vie et de consommation était appliqué à l'ensemble de la population mondiale.

L'empreinte écologique (environmental footprint) ne doit pas être confondue avec la biocapacité (biocapacity) ni avec l'empreinte humaine (global human footprint). Alors que l'empreinte écologique sert à montrer l'impact direct sur les ressources, l'empreinte humaine est davantage un moyen d'évaluer la pression globale sur l'espace.

Malgré son intérêt pédagogique, l'empreinte écologique a fait l'objet de nombreuses réserves (voir cet article). L'une des plus importantes concerne son empreinte dans nos consciences. En alertant sur le risque d'épuisement des ressources terrestres, elle constituerait un outil d'information pour le citoyen devenu éco-responsable. Mais en envoyant des signaux alarmants sur l'avenir, elle ne ferait que véhiculer un message catastrophiste et contre-productif allant à l'encontre du but recherché. Elle serait souvent confondue avec l'empreinte carbone qui mesure uniquement les émissions de CO2 en lien avec le réchauffement climatique (voir par exemple ce simulateur qui ramène le problème à une question de comportement individuel). L’outil est si pédagogique qu’on le prend au pied de la lettre, en oubliant que l'équivalent en surface terrestre consommée reste virtuel. Pour la géographe Sylvie Brunel, « le concept d’empreinte écologique est une fumisterie ». Selon elle, l'empreinte écologique ne prendrait pas en compte « le progrès des techniques, qui permet de découpler la production de bien-être et la consommation de ressources ». Derrière ce débat, on retrouve l'opposition de points de vue entre durabilité forte (non soutenabilité du modèle de développement actuel en raison de l'épuisement des ressources) et durabilité faible (possibilité de compenser par le progrès technique et humain).






D'après le Global Footprint Network (GFN), si chaque personne dans le monde consommait comme un Français, il faudrait 2,7 planètes pour subvenir à nos besoins et absorber nos déchets. Pour un Américain, ce serait 5 planètes contre seulement 0,7 pour un Indien (chiffres 2019) :


Le Jour du dépassement (#EarthOvershootDay) est le jour où l'humanité a épuisé les ressources naturelles de la Terre pour l'année. En 2019, il a été fixé au 29 juillet alors qu'il était le 1er octobre en 2000. Différents partenaires et associations proposent des solutions pour essayer de reculer ce jour du dépassement à l'instar par exemple des actions conduites par la WWF ou par le mouvement #MoveTheDate.



A supposé qu'il signifie véritablement un état d'épuisement de la planète à ne pas dépasser (sous réserve de prendre en compte les progrès et changements possibles), ce jour du dépassement diffère beaucoup d'un pays à l'autre :


2) L'empreinte écologique et ses tentatives de mise en carte

La source principale pour trouver des cartes sur l'empreinte écologique est le site du Global Footprint Network (GFN). Ce think tank indépendant, fondé en 2003, fournit chaque année des données actualisées et consacre un site spécialisé pour consulter et télécharger des cartes avec les données :

Pour comprendre les différentes cartes thématiques proposées par le GFN, il convient d'avoir en tête les définitions et de bien distinguer l'empreinte écologique de la biocapacité, qui dépend elle-même de l'importance des surfaces bioproductives de chaque pays (champs cultivés, pâturages, pêcheries...).

L’empreinte écologique a été établie afin de quantifier l’impact de l’humanité sur le milieu naturel. Elle est calculée en estimant la capacité de charge du milieu naturel et en la comparant aux niveaux de consommation et de déchets. Elle est mesurée en hectares globaux (gha) pour la productivité biologique moyenne d'une année donnée, actuellement d'environ 12 milliards d'hectares (variant d'une année à l'autre). L’empreinte écologique permet ensuite de replacer les hectares globaux effectivement consommés (et gaspillés) dans le contexte de la biocapacité existante dans chaque pays.

La perception de ces deux indicateurs (empreinte écologique et biocapacité) diffère assez nettement selon qu'on les représente globalement ou rapportés à la population de chaque pays :

  Déficits / réserves écologiques (source : Global Footprint Network)
 

 Empreinte écologique globale exprimée en hectares globaux
(source : Global Footprint Network)
 

 Empreinte écologique par personne exprimée en hectares globaux
 

 Biocapacité totale exprimée en hectares globaux

Biocapacité par personne exprimée en hectares globaux
(source : Global Footprint Network


Afin de mieux représenter les disparités entre pays, Benjamin Hennig a proposé en 2013 une cartographie de l'empreinte écologique mondiale sous forme d'anamorphose. Cette représentation est plus conforme au poids et à la répartition de la population, bien que le code couleur utilisé puisse être discutable (un système de feu tricolore allant du vert au rouge).

Carte par anamorphose de l'empreinte écologique exprimée en nombre de planètes (source : Hennig, 2013)


En reprenant la même symbologie, Benjamin Hennig a produit une autre représentation pour le Geographical Magazine en utilisant une projection Fuller. Cette carte peut être vue comme  une référence au prix décerné par le Buckminster Fuller Institute qui récompense chaque année des concepteurs pour leur capacité à apporter une solution technique à un problème majeur à l'échelle de la planète. En 2017, le prix Buckminster Fuller a été remis au projet Bhungroo qui a permis à des agriculteurs du Gujarat (Inde) de stocker de l'eau dans les nappes souterraines pour subvenir à leurs besoins en irrigation.

Cette carte de l'empreinte écologique en projection Fuller permet de décentrer le regard. Elle est exprimée en hectares globaux par personne, ce qui change quelque peu la représentation par rapport à la carte précédente qui exprimait le phénomène en nombre de planètes consommées.

Carte de l'empreinte écologique exprimée en hectares globaux par personne - projection Fuller (source : Hennig, 2015)


3) L'empreinte écologique vue à travers quelques médias







Lien ajouté le 13 novembre 2022

Lien ajouté le 21 novembre 2022

Lien ajouté le 3 décembre 2022


Liens sur Internet

Global Footprint Network (GFN) :
http://www.footprintnetwork.org/

Earth Overshootday :

#MoveTheDate Solutions :

L'empreinte écologique - Le Dessous des cartes 2010 (Arte) :
http://www.youtube.com/watch?v=fRxJZEZp42A

Écologie : des pays plus "verts" que d’autres ? Le dessous des cartes 2021 (Arte) :

L'empreinte écologique - Le Cartographe : 
http://le-cartographe.net/dossiers-carto-91/monde/176-lempreinte-ecologique

Empreinte écologique 2019. Une carte en anamorphose proposée par Worldmapper :
http://worldmapper.org/maps/grid-ecologicalfootprint-2019/

Empreinte écologique en projection Buckminster Fuller :
http://www.viewsoftheworld.net/wp-content/uploads/2019/07/EcologicalFootprintMap.png


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