Méridiens. Mesurer, partager, dominer le monde


Fabrice Argounès (2025). Méridiens. Mesurer, partager, dominer le monde, CNR éditions (site de l'éditeur).

Tout le monde dépend du méridien de Greenwich. Le moindre coup d’œil sur nos smartphones en révèle l’importance. Il est essentiel à la cartographie numérique qui nous guide, à pied ou en voiture, et à l’origine de notre organisation du temps : notre heure et nos fuseaux horaires. Reliant le pôle Nord au pôle Sud, comme tous les méridiens, il sert d’abord de référence, de méridien 0°, pour la mesure des longitudes. Mais avant Greenwich, des dizaines d’autres ont émergé au cours du temps, à Alexandrie, Bagdad, Paris, Pékin, Madras, Washington ou au cœur de l’Atlantique. Partout, ces lignes imaginaires ont été projetées sur la Terre pour mieux la mesurer, l’explorer et la cartographier, mais aussi pour la dominer, la partager et l’annexer. Partout, des méridiens ont structuré nos représentations, centré nos mappemondes, inventé nos modernités politiques et tracé des milliers de kilomètres de frontières à travers la planète.

D’Ératosthène à Christophe Colomb, de Louis XIV à l’empereur Kangxi, d’Inô Tadataka à Jules Verne, des académiciens français aux pandits indiens, de l’invention du mètre à celle des fuseaux horaires, de la mainmise sur le Far West au partage de l’Antarctique, ces lignes de référence dessinent une autre histoire du monde, géographique, politique, décentrée et plurielle, qui nous raconte aussi comment nous sommes devenus globaux. Ce livre présente une histoire globale de la géographie autant qu’une histoire de la géographie globale, en interrogeant également ce qui fut oublié ou écarté, hommes comme méridiens, les silences des cartes, ou encore la puissance et la violence des nationalismes et des impérialismes. «  Ce livre répond à une question majeure : comment nous sommes devenus globaux ». L'ouvrage peut être appréhendé comme une géohistoire décentrée des centralités car tracer des méridiens ce n'est pas que tracer des lignes imaginaires. C'est aussi partager et dominer le monde. De vraies lignes de pouvoir en quelque sorte... 

Fabrice Argounès, enseignant à l'Université de Rouen (INSPÉ), est spécialiste dans le domaine de la géopolitique, des relations internationales et de l'histoire des savoirs. Il est l'auteur de l'ouvrage Théories de la puissance publié en 2018, qui analyse les différents usages et différents statuts d'une notion protéiforme, plus complexe et mystérieuse aujourd’hui que par le passé. Il a été l’un des commissaires de l’exposition « Une autre histoire du monde » présentée au MuCEM de Marseille en 2023-2024. Il a publié avec Pierre Singaravélou Le Monde vu d’Asie. Une histoire cartographique, paru en 2018 et qui a donné lieu à une exposition au musée Guimet.

Pour en savoir plus

«  Fabrice Argounès : Les méridiens ont servi à se situer dans le monde et contrôler des territoires » (France 24). Derrière leur apparente neutralité scientifique se cache un projet : celui de mesurer des territoires pour mieux les contrôler (voir l'interview sur le site de France 24).

«  Pour un roi, tracer un méridien de référence, c'était placer sa capitale au centre de l'univers » (Le Monde). De l'Antiquité à la colonisation et jusqu'à la fixation des fuseaux horaires au XIXe siècle, ces repères longitudinaux ont été imposés et contestés, jouant un rôle clé dans notre perception du monde... En questionnant l'apparente neutralité de la standardisation des normes, l'ouvrage met aussi en lumière les tracés concurrents et les systèmes géographiques écartés. Il montre comment les ambitions scientifiques de la cartographie moderne ne sont pas toujours aussi rationnelles qu'on l'imagine, mais disent notre rapport au monde, et la nécessité de l'interroger.

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