1) Traitement médiatique de la catastrophe
« Libye : des inondations dans l'est provoquent des milliers de morts » (RFI). Le gouvernement de l'est libyen, désigné par le Parlement et non reconnu par la communauté internationale, a décrété un deuil national de trois jours, suite à la tempête Daniel qui, après la Grèce, la Turquie et la Bulgarie, a fortement affecté la Libye (voir l'animation de cette tempête).
« Avant/Après : les images impressionnantes des inondations en Libye » (Le Figaro). Vue du ciel, la catastrophe naturelle est impressionnante. Une très large partie de Derna est sous les eaux. Le wadi Derna, un simple petit cours d’eau, s’est transformé en une vague semblable à un « tsunami » d’après plusieurs témoins. La cité a été submergée par des vagues de 7 mètres de haut qui ont tout détruit sur leur passage en emportant les voitures et les maisons. « Avant / Après Inondations en Libye : découvrez l’ampleur des dégâts vus du ciel » (Ouest France).
« Inondations en Libye : à Derna, le nombre de morts est toujours incertain » (Le Monde). Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), au moins 30 000 personnes qui vivaient dans cette cité de 100 000 habitants ont été déplacées. Une partie des 10 000 disparus après les inondations à Derna pourraient se trouver en mer, ils ont été emportés vers la mer pendant les inondations. La mer rejette leurs corps vers les plages.
« Comment expliquer les inondations monstres qui touchent le pays ? » (BFM-TV). La tempête Daniel s'est transformée en un cyclone subtropical méditerranéen. Ce sont deux facteurs qui semblent s'être combinés pour recharger le système à bloc. La hausse des températures de l'air sous l'effet du réchauffement climatique qui rend l'air plus humide. Et la hausse des températures des océans. Une mer Méditerranée plus chaude et qui s'évapore plus a donc alimenté la puissance du medicane Daniel. « Pourquoi la tempête Daniel a été aussi dévastatrice en Libye ? » (Futura Science).
« Qu’est-ce qu’un medicane, ce phénomène météo responsable des inondations meurtrières en Libye ? » (Le Parisien) Les météorologues appellent ce phénomène un medicane (contraction de "hurricane" et "Méditerranée"). Ce phénomène hybride présente certaines caractéristiques d'un cyclone tropical et d'autres d'une tempête des latitudes moyennes.
« Inondations en Libye : les deux barrages de Derna étaient fissurés » (Euronews). Dans une étude publiée en novembre 2022, l'ingénieur et universitaire libyen Abdel-Wanis Ashour a mis en garde contre une "catastrophe" menaçant Derna si les autorités ne procèdent pas à l'entretien des deux barrages. Malgré cet avertissement, aucuns travaux n'ont été menés.
« Dans une Libye corrompue, les alertes concernant le délabrement des barrages de Derna restées lettre morte » (Le Monde). Un rapport du groupe d’experts de l’ONU avait déjà dénoncé le comportement « prédateur » des groupes et milices qui se disputent le pouvoir depuis plus de dix ans et ont entraîné « le détournement des fonds de l’Etat libyen et la détérioration des institutions et des infrastructures ». Des militants de la société civile demandent une enquête internationale, craignant que les investigations locales ne puissent être fructueuses dans un pays largement gouverné par des groupes armés et des milices.
« Inondations en Libye : des barrages fragilisés par des années de négligences » (Libération). Les deux barrages avaient été construits dans les années 70 par une entreprise yougoslave non pas pour collecter de l’eau mais pour protéger Derna des inondations. Nonobstant les moyens financiers dont dispose le premier pays pétrolier d’Afrique, les travaux n’ont pas été entrepris.
« L'ONU et l'OMS préoccupées par les risques de maladies » (RFI). À Derna, dans l'est de la Libye, une semaine après les inondations dévastatrices provoquées par la tempête Daniel, un très grand nombre de corps se trouve encore sous les décombres. Cette situation représente une menace pour l'hygiène. Sur place, les agences de l'ONU tentent de prévenir la propagation de maladies.
« Les enfants de Libye sont confrontés à une nouvelle tragédie après plus d’une décennie de conflit » (UNICEF). On estime que près de 300 000 enfants ont été exposés à la puissante tempête. Au-delà des risques immédiats de morts et de blessés, les inondations en Libye présentent un risque grave pour la santé et la sécurité des enfants. Avec des approvisionnements en eau potable compromis, les risques d’épidémies de diarrhée et de choléra, ainsi que de déshydratation et de malnutrition, augmentent considérablement. Parallèlement, les enfants qui perdent leurs parents ou sont séparés de leur famille sont plus exposés aux risques de protection, notamment à la violence et à l’exploitation.
« Les inondations en Libye laissent l'ancienne Cyrène meurtrie et menacée de pillage » (Middle East Eye). Des eaux torrentielles et des glissements de terrain ont emporté certaines antiquités du site du patrimoine mondial de l'UNESCO tout en en exposant d'autres pour la première fois.
2) Pistes d'analyse en termes d'aléa / risque / vulnérabilité et enjeux
« Inondations en Libye : un désastre humanitaire sur fond de crise politique » (France Culture). C’est dans la province agricole de Cyrénaïque, située à l’est du pays, que les inondations ont été les plus meurtrières. La municipalité de Derna, qui souffrait déjà d'un manque d'infrastructures, a vu disparaître dans la mer un quart de son territoire en quelques heures. Jalel Harchaoui, spécialiste de la Libye et chercheur au Royal United Service Institute, rappelle la situation difficile que connaît cette ville depuis une dizaine d’années : « c’est une ville qui a un historique politique tout à fait particulier, qui est marginalisée par rapport au reste de la Cyrénaïque. Elle a été le lieu d’un siège imposé par le maréchal Haftar de 2015 à 2019 et qui s'est achevé par une guerre civile. Depuis 2019, il n'y a pas d’infrastructures comme des hôpitaux ou des transports et les reconstructions ont été négligées. »
« L’interaction entre les précipitations, l’exposition et la vulnérabilité exacerbées par le changement climatique a entraîné des impacts généralisés dans la région méditerranéenne » (World Weather Attribution). Un événement aussi extrême que celui observé en Libye est devenu jusqu’à 50 fois plus probable et jusqu’à 50 % plus intense par rapport unréchauffement qui serait inférieur à 1,2°C. Outre le manque d’entretien, les barrages d’Al-Bilad et d’Abu Mansour ont été construits dans les années 1970, sur la base de précipitations relativement courtes, et n’ont peut-être pas été conçus pour résister à un épisode de pluie sur 300 à 600 ans. Un examen complet portant sur les critères de conception des barrages sera nécessaire pour comprendre dans quelle mesure la conception des barrages et le manque d'entretien ultérieur ont contribué à la catastrophe.
« Les inondations en Libye montrent la nécessité d’alertes multirisques précoces et d’une réponse unifiée » (déclaration du Secrétaire général de l'Organisation Météorologique Mondiale). Le patron de l’OMM qui dépend de l’ONU, Petteri Taalas, a estimé que « la plupart des victimes auraient pu être évitées » pointant du doigt la désorganisation liée à l’instabilité politique dans le pays. L'agence météorologique libyenne a émis des avis d'alerte trois jours avant et l'état d'urgence a été déclaré dans certaines parties de l'est de la Libye.
« Les faits sont clairs. Les alertes précoces sauvent des vies et génèrent d’énormes avantages financiers. J’exhorte tous les gouvernements, institutions financières et société civile à soutenir cet effort » (secrétaire général de l’ONU, António Guterres). Voir le plan publié par l'ONU Alertes précoces pour tous. Plan d'action exécutif 2023-2027. Qu’il concerne les crues, les sécheresses, les vagues de chaleur, ou les tempêtes, un système d’alerte précoce est un système intégré qui permet d’être prévenu de l’approche de conditions météorologiques dangereuses et éclaire sur ce que les pouvoirs publics, la collectivité et les individus peuvent faire pour atténuer le choc de leurs effets imminents.
Ksenia Chmutina & Jason von Meding (2019). A Dilemma of Language : “Natural Disasters”. International Journal of Disaster Risk Science. A propos des catastrophes dites "naturelles" : même si les dangers sont naturels, les catastrophes ne le sont pas. Cet article soutient qu’en rejetant continuellement la faute sur la « nature » et en imputant la responsabilité des échecs du développement à des phénomènes naturels « exceptionnels » ou à des « cas de force majeure », on accepte de ceux qui sont à l'origine des catastrophes qu'ils se satisfassent d'une mauvaise planification urbaine, d'inégalités socio-économiques, de politiques mal réglementées, d'un manque d’adaptation et d’atténuation proactives, autant de facteurs qui augmentent la vulnérabilité.
3) Cartes et données SIG à visualiser en ligne ou à télécharger
Libye : les dégâts dans la ville de Derna et le barrage détruit vus par le satellite Pléiades Neo (Un autre regard sur la Terre). « J’ai vu beaucoup d’images de catastrophes. Celle de Derna est vraiment sidérante. J’ai ressenti la même sidération pour des désastres comme le tsunami de l’océan indien en 2004, l'ouragan Katrina en 2005 ou le tremblement de Terre d’Haïti en 2010 » (@RegardSurTerre). Voir ce fil twitter de @MagaliReghezza qui montre que le séismé d'Haïti était encore d'une autre ampleur.
Images satellites Maxar et Planet des inondations (Geospatial World). Segmentation automatique des images satellite du programme Maxar Open Data (Samgeo).
Cartes et données SIG élaborées par le Service de gestion des urgences CopernicusEMS (dégâts estimés à partir de l'observation d'images satellites). Voir également les zones impactées par la tempête Daniel en Grèce avec l'animation satellite.
Atlas de la mortalité et des pertes économiques dues à des phénomènes météorologiques, climatiques et hydrologiques extrêmes 1970-2019 (Organisation météorologique mondiale) à télécharger en pdf.
4) Utilisation de la cartographie pour organiser l'aide humanitaire
Inondations en Libye en 2023 - Aperçu de la situation d'urgence (Reliefweb). La tempête Daniel a provoqué des inondations à grande échelle dans le nord-est de la Libye, entraînant des pertes de vies humaines et des dégâts aux infrastructures dans plusieurs villes côtières et le long des rivières, notamment Benghazi, Al-Jabal Al-Akhder, Al-Marj, Batah, Bayada, Albayda, Shahat et Sousse. La ville de Derna semble être durement touchée après la rupture de deux barrages en amont, libérant plus de 30 millions de mètres cubes d'eau dans la ville de Derna. Les premiers rapports suggèrent d'importants dégâts aux logements et aux infrastructures critiques. La tempête a exacerbé les problèmes d'accès à l'eau potable et aux soins de santé. Les zones touchées sont désormais confrontées à des risques plus élevés de maladies infectieuses en raison de services de santé perturbés, des réseaux d'égouts endommagés, de la persistance des eaux de crue et de la boue.
Empreinte des bâtiments de la zone touchée par les inondations à Derna (Google Buildings). Les empreintes des bâtiments sont utiles pour toute une une gamme d’applications, depuis l’estimation de la population, la planification urbaine et la réponse humanitaire, jusqu’aux sciences du climat et de l’environnement. Cet ensemble de données ouvertes à grande échelle contient les contours des bâtiments dérivés de données en haute résolution. Fichiers geojson ou csv à télécharger directement.
Données SIG sur la Libye mises à disposition par Humanitarian Data Exchange (HDX), site dédié au partage de données humanitaires.
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