Le spectacle des éclipses solaires suscite depuis longtemps la curiosité et l'admiration des hommes. Aujourd'hui les scientifiques sont en mesure de produire des cartes donnant la trajectoire précise de l'éclipse sur un globe terrestre. Ces cartes sont largement relayées par les médias et sur Internet. Elles participent à la popularité de ce phénomène céleste et favorisent l'attraction touristique autour de ce type d'événement. Entre outils de prévision, instruments de visualisation scientifique, supports de communication, quel est le statut et l'usage de ces cartes d'éclipses solaires ?
1) Les cartes d'éclipse, quesako ?
D'après l'Observatoire de Paris, on distingue deux types de cartes d'éclipes, les cartes générales et les cartes locales.
- Pour chaque éclipse, on trace généralement une ou deux cartes générales de l'éclipse. Sur ces cartes on fait figurer les courbes suivantes : la bande de centralité (lorsqu'elle existe), les limites boréale et australe de l'éclipse, les courbes de commencement, de fin et de maximum au lever et au coucher du Soleil, ainsi que les courbes de commencement et fin pour des instants donnés (toutes les heures en général). Pour le tracé de ces cartes, on utilise une projection stéréographique, c'est-à-dire une projection azimutale conforme. Cette projection, qui conserve les angles mais pas les distances, déforme les continents mais permet d'avoir une représentation des pôles terrestres sur la carte. On utilise également une projection orthographique, elle permet de représenter la trajectoire de l'éclipse sur un globe terrestre vu de l'espace.
- On trace également un certain nombre de cartes locales. Sur ces cartes, on donne également les courbes de commencement, de fin et de maximum pour des instants donnés (avec un pas plus adapté à la carte), et parfois on trace aussi la projection de l'ombre pour des instants donnés. Les cartes locales sont tracées à l'aide de différentes projections en fonction des lieux représentés (projection conforme de Lambert, projection de Mercator...).
2) Depuis quand cartographie-t-on la trajectoire des éclipses ?
L'astronome Edmund Halley a été l'un des premiers à cartographier la trajectoire d'une éclipse solaire en 1715, particulièrement visible depuis l'Angleterre. D'après cet article qui brosse l'histoire des cartes d'éclipse solaire, la carte la plus ancienne représentant une éclipse serait celle d'Erhard Weigel (1654). Mais d'un point de vue scientifique, la carte de Halley serait vraiment novatrice en projetant l'ombre portée du corps céleste sur la Terre et en donnant une vue d'en haut. Une carte d'éclipse solaire de 1738 présente d'ailleurs la carte comme "le miroir astronomique du ciel : où l'on peut observer les phénomènes célestes les plus remarquables". Auparavant on représentait les éclipses vues d'en bas à travers des descriptions d'almanachs ou dans des oeuvres artistiques. On note cependant que, dès l’époque médiévale, des érudits comme Johannes Sacro Bosco ont placé la Lune entre le Soleil et la Terre, montrant le cône d'ombre provenant de la Lune.
Au début du XVIIIe, Halley entendait faire de sa carte un outil d'information pour les moins bien informés et souhaitait par là mettre en avant les principes de sa philosophie naturelle :
« Une éclipse semblable n'ayant pas été vue depuis de nombreux siècles dans les régions méridionales de la Grande-Bretagne, j'ai pensé qu'il n'était pas inapproprié d'en rendre compte au public, afin que l'obscurité soudaine dans laquelle les étoiles seront visibles autour du Soleil, ne puisse surprendre personne parmi le peuple, qui, si elle n'était pas annoncée, serait enclin à la considérer comme de mauvais augure et à l'interpréter comme un mauvais présage pour notre Souverain Seigneur le Roi George et son gouvernement, que Dieu préserve. Par là, ils verront qu’il n’y a rien de plus naturel, et rien de plus que le résultat nécessaire des mouvements du Soleil et de la Lune. Et cette éclipse montrera à quel point ces éléments sont bien compris. »
François Arago montre dans son ouvrage Astonomie populaire (chapitre XXII) que les choses ont bien changé au milieu du XIXe siècle : « Fontenelle rapporte qu’en l’année 1654, sur la simple annonce d’une éclipse totale, une multitude d’habitants de Paris allèrent se cacher au fond des caves. Grâce aux progrès des sciences, l’éclipse totale de 1842 a trouvé le public dans des dispositions bien différentes de celles qu’il manifesta pendant l’éclipse de 1654. Une vive et légitime curiosité avait remplacé des craintes puériles ».
« Une description du passage de l'ombre de la lune sur l'Angleterre
dans l'éclipse totale du soleil (Halley, avril 1715)
Pour les éclipses de 1715 et de 1724, l’astronome Edmund Halley dresse deux cartes similaires de la Grande-Bretagne où il superpose sur une partie de l’Angleterre (celle qui voit le passage de l’éclipse) un grand disque ovale représentant l’ombre de l’éclipse. Les éclipses deviennent alors le sujet principal de la carte et plusieurs cartographes produisent de telles cartes –prédictives ou rétrospectives - sur l’éclipse « anglaise » de 1724, les « écossaises » de 1737 et 1748, « l’européenne » de 1764. En France, alors pays en pointe dans le domaine de la cartographie, cette dernière éclipse est traitée par deux cartes, celle de Lepaute, Lattré et Tardieu, et une seconde en 1764 par Louis-Charles Desnos (1735/1805), alors principal concurrent des Lattré. Elles ont toutes deux l’originalité d’être en couleur. Néanmoins celle de Lepaute paraît en premier, deux ans avant l’éclipse. Elle offre d’autres particularités, que vous pouvez découvrir sur Gallica.
Pour en savoir plus :
- « Halley et ses cartes des éclipses totales de 1715 et 1724 » (Harvard.edu)
- « La carte de l’éclipse solaire du 1er avril 1764 : une œuvre féminine » (Gallica)
- « Historical solar eclipse maps » (eclipse-maps.com)
- « Halley's Eclipse : a coup for Newtonian prediction and the selling of science » (The Guardian)
One week from today millions of Americans will experience a total solar eclipse.
— mapsdotcom (@mapsdotcom) April 1, 2024
This striking map shows when and where you might see the eclipse—and how much the Sun will be obscured at each location.https://t.co/Qg1ke1ektk#maps #Eclipse2024 #eclipse #dataviz pic.twitter.com/yXCjYhuL5e
Those in the path of totality. #eclipse pic.twitter.com/2kAXHYTzXY
— Greg Fiske (@g_fiske) April 3, 2024
Une nouvelle carte du calculateur d'éclipse John Irwin affirme que le chemin de la totalité, large d'environ 185 milles, est en réalité légèrement plus étroit qu'on ne le pensait auparavant, ce qui signifie que les personnes situées au bord de cette bande pourraient ne pas vivre l'expérience d'éclipse à laquelle elles s'attendaient.
Over the next few days, thousands of Airbnbs in the path of totality for the #SolarEclipse will reach 100% occupancy, creating a distinct pattern across the U.S.
— AirDNA (@airdna) April 4, 2024
According to our data, over half of U.S. cities along the eclipse's path are fully booked for the night of April 7th. pic.twitter.com/CE9Lo4EXGm
Fréquence des recherches dans Google pour "j’ai mal aux yeux" (du 3 au 10 avril) et trajectoire de l’éclipse solaire du 8 avril 🙃 pic.twitter.com/eusrOtFmdc
— Mathieu Avanzi (@MathieuAvanzi) April 10, 2024
NOAA's GOES-16 satellite is capturing the shadow of today's total solar eclipse as it traverses the continental United States.
— Nahel Belgherze (@WxNB_) April 8, 2024
Truly a once in a lifetime event. pic.twitter.com/uTHXAvCSxr
Now that one-minute ASOS station data is available for the US for Monday's solar eclipse, here's a loop of the 30-minute temperature change from the eclipse.
— Tomer Burg (@burgwx) April 10, 2024
Even locations far from totality experienced a pronounced drop in temperatures due to the decreased solar radiation! pic.twitter.com/7fb96AEiV9
The density of solar eclipse paths over the Earth during the 5000-year period between 2000 BCE and 3000 CE.https://t.co/s8Iyfhc8RD pic.twitter.com/mWvqe6074r
— Vivid Maps (@VividMaps) April 9, 2024
Cartes-posters sur les tsunamis, tremblements de terre et éruptions volcaniques dans le monde (NOOA, 2022)