« Tout le monde sait maintenant qu’il existe cinq sortes de mensonges : les petits, les gros, les statistiques, les cartes et les arguments de vente. En paraphrasant Sir Winston Churchill, avec l’aide de Mark Monmonier (1991), on en vient à couvrir à peu près tout les maux dont les cartographes seraient coupables, en tant que communicateurs de réalités géographiques par des représentations graphiques. »
- de la projection cartographique
- de l'échelle de représentation
- de la taille, de la forme ou de la couleur des figurés
- du message que le cartographe souhaite délivrer...
Maarten Lambrechts, The essential lies in news maps, 8 February 2019
http://datajournalism.com/read/longreads/the-essential-lies-in-news-maps
- Les cartes de localisation utilisées sur Internet ou dans les reportages sont généralement trop petites pour être lisibles. A quoi bon vouloir étudier un espace si on ne peut d'abord le localiser ? Parmi la règle des 5 W (What, Who, Where, When, Why), la question "Où" est essentielle, sachant que la capacité à (géo)localiser ne préjuge pas d'une autre capacité encore plus importante, celle de situer par rapport à un ensemble plus large, ce qui est plus difficile et suppose d'avoir soi-même quelques repères et connaissances géographiques.
- Les cartes et images issues de globes virtuels ainsi que les infographies produites dans les médias comportent souvent des vues obliques ou en 3D, difficiles à orienter si on n'est pas familier des lieux ; les images aériennes et satellitaires sont difficiles à distinguer. Souvent drapées sur un modèle numérique de terrain, elles donnent l'illusion du réel. En l'absence de dates précises, elles sont difficilement interprétables.
- Les cartes visant à comparer des espaces par leur taille (voir notre recension de map size comparison) ont tendance à proliférer. Mais là encore, la zone utilisée pour la comparaison doit être familière. A quoi bon comparer l'étendue des glaces qui se détachent de l'Antarctique à celle du Delaware si on n'a aucune idée de la superficie de cet état américain ?
- Les cartes-images de comparaison avant / après sont souvent prises dans des conditions différentes (cf notre présentation). Avez-vous remarqué que le soleil brille toujours après une catastrophe, cela veut-il dire qu'on exclut généralement les régions qui sont sous les nuages ?
- Les cartes par aplats de couleur qui utilisent des valeurs brutes au lieu de pourcentages (cf rappel des règles de la sémiologie sur Néocarto).
- La projection cartographique utilisée par Google Maps ou dans des SIG a longtemps été la projection Mercator, très déformante. Depuis 2018, Google Maps l'a remplacé par un globe : le Groenland a cessé (enfin !) d'être plus grand que l'Afrique. Il vaut mieux utiliser des projections plus récentes comme par exemple les projections Robinson, Winkel-Tripel ou Equal Earth.
- Les cartogrammes et autres infographies censées simplifier la compréhension d'un phénomène finissent par le complexifier si elles sont trop sophistiquées. L'esthétique ne doit pas l'emporter sur la clarté des explications.
« Les cartes sont comme le lait : l’information est une denrée périssable et il est prudent de vérifier sa date de validité »
Mark Monmonier (1993)
Références
Le site web de Mark Monmonier (avec bibliographies et ressources) :
http://www.markmonmonier.com/
Monmonier, Mark (2015). The History of Cartography. Cartography in the twentieth century, Chicago Press Book, vol.6.
Réédition de "Comment faire mentir les cartes" de Mark Monmonier, site Géoconfluences.
http://www.causecommune-larevue.fr/la_carte_thematique_objet_scientifique_source_de_manipulations
Desbois, Henri (2015). La carte et le territoire à l’ère numérique, Socio, 4 | 2015, http://socio.revues.org/1262
Ferland, Yaïves (1997). Les défis théoriques posés à la cartographie. Colloque "30 ans de sémiologie graphique" (Paris, 12-13 décembre 1997). Revue du Comité Français de Cartographie, n°156, juin-août 1998.
http://www.lecfc.fr/new/articles/156-article-8.pdf
Gould, Peter, Bailly, Antoine (1995). Le pouvoir des cartes - Brian Harley et la cartographie. Economica.
Lambert, Nicolas (2018). Cartographie radicale. Blog Néocarto :
Noucher, Matthieu (2015). De la trace à la carte et de la carte à la trace. Pour une approche critique des nouvelles sources de fabrique cartographique. Marta Severo, Alberto Romele. Traces numériques et territoires, Presses des Mines.
Retaillé D. (2019). « Sous le calque, la carte », EspacesTemps.net
Wood, Denis (2010). Rethinking the Power of Maps, New York / London, The Guilford Press.
Pour compléter
La collection de "persuasive maps" de la Cornell University Library
http://persuasivemaps.library.cornell.edu/
Pour Nicholas Carr, il faut se méfier des fake maps comme des fake news. L'auteur est connu pour son approche critique d'Internet à travers l'ouvrage qu'il a publié en 2001, Ce qu'Internet fait à nos cerveaux. L'essayiste tient le blog Rough Type où il consacre plusieurs articles aux mensonges cartographiques. Il prend l'exemple d'Uber qui n'a pas hésité à utilisé des cartes mensongères. Le site Radionova complète avec d'autres exemples, notamment Google Maps qui produit différentes cartes des frontières en fonction des pays.
http://www.nova.fr/radionova/79384/episode-mensonges-cartographiques
http://www.wired.com/story/deepfake-maps-mess-sense-world/
Sortir de la carte. Comment les cartes formatent notre vision du territoire. Extrait du mémoire de fin d'études d'Hugo Poirier (2017) : http://www.en-dehors.fr/sortir-de-la-carte.html
De « fausses » cartes pour dire le « vrai ». dans le cadre du Printemps des cartes de Montmorillon (Libération, 25 avril mai 2019). Puisque la carte trahit toujours le territoire, pourquoi ne pas se pencher sur les cartes fictives, périmées, utopiques ou imaginaires qui en disent davantage sur notre vision du monde et permettent d’imaginer d’autres sociétés possibles ?
http://www.liberation.fr/debats/2019/04/25/de-fausses-cartes-pour-dire-le-vrai_1723374
The "colonial cartography" par Apoorva Tadepalli. Un article sur la manière dont la cartographie hier comme aujourd'hui "colonise" nos représentations :
"Power and Responsibility : Maps and Journalism". Comment les cartes et le journalisme ont le pouvoir d’informer et en même temps de façonner notre perception du monde :
http://www.directionsmag.com/article/8799
"Researcher explores what causes maps to go viral on the web". Anthony Robinson, géographe à l'Université de Pennsylvanie, s'intéresse aux raisons pour lesquelles certaines cartes deviennent virales sur Internet :
http://phys.org/news/2018-08-explores-viral-web.html
De l'Antiquité à Google Maps, la cartographie miroir du pouvoir (France Culture) :
http://www.franceculture.fr/histoire/de-lantiquite-google-maps-la-cartographie-miroir-du-pouvoir
Espace public : Google a les moyens de tout gâcher. Comment Google Maps délimite nos "centralités d'intérêt" et ce qu'il faudrait faire pour reprendre du pouvoir sur la ville face à l’omnipotence cartographique de la firme de Mountain View.http://visionscarto.net/espace-public-vs-google
Illusions à la carte par Cécile Marin, Le Monde Diplomatique (juillet 2020).
http://neocarto.hypotheses.org/12399
How to lie with a migration map. Analysing the invasion arrows in the Frontex map. Our article is now online https://t.co/TwPhomshp8 pic.twitter.com/xBVYhpRwkD
— Henk van Houtum (@HenkvanHoutum) November 15, 2019
Magnifique poème en effet traduit du polonais : "Map" de Wislawa Szymborska https://t.co/Kv41lNA5ek
— Sylvain Genevois (@mirbole01) April 9, 2021
Un autre article de 2016 d'Alexander Kent où il développait déjà cette approche critique des cartes à partir de Robinson. "Trust Me, I’m a Cartographer: Post-truth and the Problem of Acritical Cartography"https://t.co/cFSI0qAAii pic.twitter.com/kATHEV8da8
— Sylvain Genevois (@mirbole01) October 14, 2021
Le titre de l'article ferait entrer la cartographie dans l'ère du soupçon généralisé. Si les intoxs existent, elles ne sont pas propres à la carto et dérivent souvent de la manipulation des images. A l'ère du numérique, les mensonges sont devenus + subtilshttps://t.co/GU1sMYUtfu
— Sylvain Genevois (@mirbole01) March 27, 2022
"Même lorsqu'elles n'essaient pas de mentir, les cartes sont toujours le produit d'une convention culturelle et présentent nécessairement une vision biaisée du monde" (John Wyatt Greenlee)https://t.co/6sqHZbX9Zh pic.twitter.com/Gmy8QA53Po
— Sylvain Genevois (@mirbole01) May 31, 2022
Une carte isolée ne dit jamais LA vérité. Elle peut exprimer une vérité, dont la solidité dépend des assemblages de nature diverse qui l'ont produite. Ceux-ci ne peuvent se comprendre que si l'on connaît son contexte de production et les collectifs qui ont conduit à la produire.
— Thierry Joliveau (@mondegeonumeric) October 10, 2022
Mesurer la confiance dans les cartes : développement et évaluation de l'échelle MAPTRUST
— Sylvain Genevois (@mirbole01) July 13, 2024
Timothy J. Prestby propose une méthode pour évaluer les cartes à partir de 12 critères
Source : International Journal of Geographical Information Sciencehttps://t.co/4Agze10hne pic.twitter.com/D4hfmFeKx0
Cartographies actuelles. Enjeux esthétiques, épistémologiques et méthodologiques
Bouger les lignes de la carte. Une exposition du Leventhal Map & Education Center de Boston
La projection Equal Earth, un bon compromis ?