Le tourisme international et son impact sur les émissions de CO₂

On savait que le tourisme, du fait notamment de l'essor des transports aériens, était responsable d'importantes émissions de CO₂. Les flux aériens touristiques représentent 40% des émissions, dépassant les émissions liées à l'automobile (32%) et à l'hébergement (21%). Il seraient même responsables de 71% du forçage radiatif :

Source : Carbon Accounting in the Tourism Sector (Dunk & Steven Gillespie, 2011)





Ce sont les flux aériens à longue distance qui émettent le plus de gaz à effet de serre (GES) comme le montre une autre étude réalisée par Hannah Sharp et al. à propos de l'Islande :


Source : Carbon Footprint of Inbound Tourism to Iceland (Sharp et al., 2013)



Une étude récente publiée en mai 2018 dans la revue scientifique Nature Climate Change (voir carte ci-dessous) montre que l'empreinte carbone du secteur touristique s’avère environ quatre fois plus importante que ce que l’on pensait. Le tourisme mondial contribue désormais à environ 8% des émissions totales de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. L'analyse porte sur la période 2009-2013 et concerne 160 pays. C'est la première fois que l'empreinte carbone touristique est quantifiée à l'échelle mondiale et dans toutes ses dimensions. Cette recherche comble une lacune cruciale identifiée par l’Organisation mondiale du tourisme et l’Organisation météorologique mondiale dans la manière de quantifier de façon exhaustive l’empreinte touristique. Les chercheurs de l’Université de Sydney, du Queensland et de Cheng Kung ont cherché à évaluer les émissions liées au secteur touristique dans son ensemble. Celui-ci inclut le transport, l’hébergement, la nourriture et les boissons, les objets souvenirs, les vêtements, les cosmétiques et bien d’autres produits :


Les flux de carbone liés au tourisme dans le monde
Source : The carbon footprint of global tourism (Nature Climate Change, 2018)



En 2013, les voyages internationaux ont généré une empreinte carbone d'environ 1 Giga tonnes de CO₂, soit 23% de l'empreinte carbone mondiale du tourisme. Sur cette carte, les flèches pointent dans la direction du flux de carbone, qui - conformément à la littérature - est la direction suivie par les flux de produits et qui est inverse au mouvement des personnes. Les flèches rouges représentent les mouvements internationaux dans les deux sens appartenant aux pays qui figurent parmi les 10% des pays qui en émettent le plus. Les flèches jaunes correspondent à la catégorie des 10-30%, les flèches orange à la catégorie des 30-50% et les flèches bleues pour le reste.

La sémiologie de cette carte n'est pas des plus heureuses ; on peut déplorer l'absence d'une légende claire et explicite. Le dégradé de couleurs semble venir en doublon par rapport à l'épaisseur des traits. Les flèches en bleu clair se confondent avec le bleu profond des océans. Surtout la couleur rouge des flèches sur l'Amérique du nord tend à occulter le reste de la carte. Celles-ci sont discutables par leur taille et leur orientation (cf la flèche en direction du Canada aboutissant au cercle arctique). Au delà de ces approximations cartographiques, l'étude est intéressante à plusieurs titres.

La carte montre d'abord que cette empreinte carbone s'exerce majoritairement à cause (et également au sein) des pays à haut revenu. L'augmentation rapide de la demande touristique dépasse de fait les possibilités en matière de décarbonisation des produits et des échanges liés au tourisme. Les auteurs prévoient que, du fait de sa forte intensité de carbone et de sa croissance continue, le tourisme va continuer à constituer une part croissante des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

L'une des originalités de cette étude est de distinguer l'attribution des responsabilités en distinguant le pays d'origine et le pays de destination. Le premier mode de calcul impute les émissions au pays d'origine des touristes, le second au pays d'accueil. Les émissions de CO₂ du tourisme sont-elles de la responsabilité des touristes qui prennent l'initiative de voyager ou des destinations touristiques qui les reçoivent ? Les États-Unis arrivent en tête quelle que soit la perspective adoptée : un grand nombre de personnes voyagent à la fois depuis et vers les États-Unis. Viennent ensuite la Chine, l’Allemagne et l’Inde. Quels sont les résultats si l’on regarde au niveau des habitants et non des pays ? Ici, la situation diffère : ce sont les destinations insulaires qui possèdent les empreintes les plus élevées en ce qui concerne les destinations :


Empreinte carbone par pays d'origine / de destination
Source : The carbon footprint of global tourism (Nature Climate Change, 2018)


Dans des îles comme les Maldives, Maurice, Chypre et les Seychelles, le tourisme international représente entre 30 et 80% des émissions nationales. Les Maldives arrivent en tête, avec 95 % des émissions liées au tourisme imputables aux visiteurs internationaux. Les petites îles attirent une part disproportionnée des émissions de carbone, en raison de leur faible population et des nombreuses arrivées internationales. Les îles constituent donc les "points chauds" du tourisme non seulement par leur fréquentation élevée et les formes de pollution qui sont associées, mais aussi par le fait qu'elles n'ont pas la capacité de répondre à cette menace, en raison de leurs faibles économies d’échelle et de leur relatif isolement, alors même qu'elles sont souvent une réserve pour la biodiversité.

Les chercheurs recommandent une assistance financière et technique pour aider à partager les conséquences du réchauffement climatique sur les sports d'hiver, ainsi que sur l'élévation du niveau de la mer dans les îles basses et les impacts de la pollution sur les destinations vulnérables. L'article note que les arrivées internationales et les recettes touristiques ont augmenté de 3 à 5% par an - dépassant la croissance du commerce international. Une recommandation-clé est formulée à la fin de l'article : voler moins cher en économisant sur le carburant et faire payer plus cher le transport aérien aux voyageurs de manière à réduire les émissions de carbone. Cela ne devrait pas forcément plaire aux touristes, mais c'est le coût à payer si l'on veut préserver la planète.

Vouloir passer au tourisme durable peut signifier parfois savoir rester chez soi ou du moins choisir des destinations moins lointaines...



Prolongements :

Sur l'empreinte carbone des villes dans le monde, vous pouvez également lire cet autre billet sur notre blog.

Si vous souhaitez avoir accès à des données concernant les aéroports et les trafics aériens dans le monde, le site Openflights.org fournit des bases de données géolocalisées en téléchargement.





Les émissions de GES liés aux rejets des cargos et autres gros navires de croisières font l'objet également d'une prise de conscience. Voir par exemple cette carte interactive sur Shipmap.org



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Le trafic aérien mondial représenté sous forme d'infographie animée

Visualiser les flux aériens et les aéroports avec Openflights