Donald Trump a annoncé le 2 avril 2025 une hausse spectaculaire des droits de douane pour de nombreux pays afin de compenser le déficit commercial des États-Unis qui a atteint 131 milliards de dollars en janvier 2025. La Maison Blanche parle de « Liberation Day » et se propose de disrupter la mondialisation. Une crise économique pourrait suivre cette hausse inédite des tarifs douaniers imposés par les États-Unis.
Un taux global de 10 % s’ajoute sur l’ensemble des importations américaines à partir du 5 avril 2025. Un taux personnalisé, annoncé pour un total de 60 pays dont l'UE, entre également en vigueur à partir du 9 avril. Le taux moyen des droits de douane aux États-Unis devrait ainsi atteindre autour de 30 %, soit le taux le plus élevé depuis plus d’un siècle. Le Canada et le Mexique semblent avoir évité le scénario du pire : les tarifs de 25 % sur les produits non couverts par l’accord de libre échange restent en vigueur. C'est toutefois un retour sans précédent du protectionnisme à l'échelle mondiale.
Si on observe sur une carte la distribution des tarifs douaniers appliqués par les États-Unis, on peut repérer quelques grandes logiques géographiques. Les droits de douane les plus bas concernent les pays du Moyen-Orient (notamment les pays exportateurs de pétrole), l'Amérique latine, le Royaume-Uni ainsi que d'autres pays faisant partie de la sphère d'influence américaine. A l'inverse, la Chine et une grande partie de l'Asie sont davantage taxées.

La carte a été réalisée avec l'application
Magrit. Les données ont été prélevées sur le site de la Maison Blanche et rassemblées sous forme de
fichier csv en incluant également des données sur les importations-exportations et sur la balance commerciale de chaque pays vis-à-vis des Etats-Unis. Le projet cartographique
au format mjson peut être téléchargé et intégré directement dans Magrit.
Lors de son discours, Trump s'en est pris à l'Union européenne, déclarant « ils nous ont arnaqués, c'est pathétique » et promettant des représailles : « Ils nous ont fait payer 39 %, nous allons leur faire payer 20 %. ». La proposition prévoit des tarifs proportionnels à ceux imposés par d’autres pays aux États-Unis. On peut noter quil ne s'agit pas vraiment de tarifs douaniers qui auraient calculés en fonction de chaque pays. Le mode de calcul global a consisté à prendre le déficit commercial et à le diviser par les importations américaines en provenance de chaque pays ou territoire. Ainsi par exemple, le déficit commercial avec la Chine (295,4 milliards de dollars) a été divisié par le montant des importations américaines en provenance de Chine (438,9 milliards de dollars), ce qui donne un taux de droit de douane de 67 %. Pour l'Europe, c'est 235,6 milliards de $ de déficit / 605,8 milliards $ d'importations = 39 % (voir la liste des pays et le détail du mode de calcul sur le site de la Maison Blanche). Ainsi la carte des droits de douane imposés par les Etats-Unis reproduit en gros celle de leur déficit commercial (voir la carte de leur balance commerciale proposée par Le Grand Continent).
La Russie, la Corée du Nord, la Biélorussie, le Burkina Faso, Cap-Vert, Cuba, Hong Kong, Macao, les Seychelles, la Somalie et la Gambie n’apparaissent pas parmi les pays ciblés directement dans les documents de la Maison-Blanche. On observe des incohérences au niveau des territoires français d'outre-mer : 37 % de droits de douane sur La Réunion et 10 % sur la Guyane, la Polynésie et Mayotte qui ne sont pas des pays, mais des parties intégrantes de la France et auraient donc dû être traités de la même manière que le reste du territoire de l’Union européenne avec un taux à 20%. S'agissant des territoires ultramarins mais aussi d'autres petites îles quasiment inhabitées, il semble que la Maison-Blanche ait utilisé le code iso international des pays et territoires. Ainsi les îles Heard Islands and Mac Donald’s sont taxées à 10% alors qu'elles sont globalement inhabitées sauf par des pingouins ou quelques scientifiques.
D'après
Eurostat, en 2024, 20 des 27 Etats membres de l'UE avaient une balance commerciale excédentaire vis-à-vis des Etats-Unis, en ce qui concerne les échanges de biens. Il existe toutefois une grande différence de balance commerciale entre les biens et les services. Du côté des services, la tendance s'inverse. En ayant exporté pour 318,7 milliards d'euros vers les Etats-Unis en 2023 et importé pour 427,3 milliards d'euros, l'Union se retrouve cette fois en déficit commercial, à hauteur de 108,6 milliards d'euros. La « méthodologie » utilisée par la Maison-Blanche pour fixer les taux des droits de douane est largement contestée par les économistes. En prenant en compte les relations commerciales bilatérales des États membres avec les États-Unis, et non l’Union européenne dans son ensemble, les tarifs appliqués aux 27 varieraient de 10 à 47 %.
A partir du
fichier csv proposé, qui contient des données sur les importations, les exportations et la balance commerciale des États-Unis vis-à-vis de chaque pays, Jean-Marc Viglino a proposé une carte bivariée qui croise les tarifs douaniers avec la balance commerciale en 2024. Il en ressort une typologie intéressante.
Carte bivariée des tarifs douaniers des pays et de la balance commerciale vis-à-vis des Etats-Unis
Références
« Droits de douane : le choc mondial » (IRIS). La carte détaille le niveau des droits annoncés et la chronologie par zones géographiques.
« Les nouveaux droits de douane de Donald Trump. Comprendre la guerre commerciale » (Le Grand Continent). L'Union européenne essaie de se coordonner pour apporter une réponse commune. Les pays les plus pauvres sont visés par les tarifs douaniers les plus élevés.
« Trump annonce des "tarifs réciproques" mondiaux » (Le Monde). « Les conséquences seront désastreuses pour des millions de personnes dans le monde. Les produits alimentaires, les transports et les médicaments coûteront plus cher », a déclaré Mme von der Leyen.
« Les droits de douane imposés par Trump touchent même des îles reculées. L'une d'elles abrite principalement des manchots ». Les îles Heard et McDonald, un territoire subantarctique de l’Australie, figurent sur la liste des tarifs réciproques, tout comme une île volcanique isolée près du Groenland (Washington Post).
« Les décisions cachées derrière la formule tarifaire de Trump » (New York Times). La formule universelle est brutale : elle applique exactement les mêmes calculs aux pays, qu’ils aient de lourdes barrières commerciales ou des marchés largement ouverts. Elle ne prend en compte que l’ampleur du déficit commercial, et non les raisons de ce déficit. Comment les tarifs douaniers évolueraient si le déficit incluait les biens et les services ? Il est difficile de dire combien de temps cette formule restera telle quelle. M. Trump a déclaré qu'il était prêt à conclure des accords avec d'autres pays si les États-Unis obtenaient quelque chose de « phénoménal ».
« Quand les énormes droits de douane imposés par Trump frappent les petites économies africaines » (New York Times). La quantité de produits manufacturés exportés d'Afrique vers les États-Unis est infime. Mais pour le Lesotho par exemple, l'impact d'un tarif de 50 % est énorme.
« La Réunion, Polynésie, Antilles, Saint-Pierre et Miquelon. Les Outre-mer également concernés par les droits de douane américains » (
Outremers360.com).
« La taxe Trump pour La Réunion passe finalement de 37 à 10% » (
Zinfos974). Trois jours après avoir sidéré la planète entière, l'administration Trump revient sur certaines de ses annonces choc. L’île de La Réunion voit ses droits de douane révisés à la baisse par rapport au niveau initialement annoncé.
« Quelle est la balance commerciale entre l'Union européenne et les Etats-Unis ? » (
Toute l'Europe).
« Solde extérieur des biens et services en pourcentage du PIB » (
OurWorldInData).
« La Chine riposte aux droits de douane américains et fait chuter les marchés financiers » (
France24).
« Avec ses droits de douane, Donald Trump renvoie les États-Unis au niveau de taxation des années 1930 » (
Le Figaro). Voir le graphique et les
données montrant le virage protectionniste historique sur le site
Coface.
Série de dessins satiriques et de caricatures concernant les tarifs douaniers par Trump sur
X-Twitter et sur
Bluesky.
Liens ajoutés le 13 avril 2025
« Comment Trump a changé d'avis sur les tarifs douaniers » (
NBC News).
Le « Jour de la Libération » vient de céder la place au Jour de la Capitulation. Trump et les responsables de son administration ont reçu des appels de pays alliés et ses conseillers lui ont présenté des données inquiétantes sur les marchés obligataires. Le président Donald Trump a annulé mercredi 9 avril une série de tarifs douaniers sévères visant aussi bien ses amis que ses ennemis, dans une tentative audacieuse de remodeler l'ordre économique mondial. Trump a annoncé une pause de 90 jours qu'il compte utiliser pour négocier des accords avec des dizaines de pays qui se sont déclarés ouverts à une révision des conditions commerciales qui, selon lui, "exploitent les entreprises et les travailleurs américains". La Chine fait exception. Trump a augmenté les droits de douane sur le principal rival géopolitique du pays de 125 %, s'inscrivant dans une escalade de représailles et une guerre commerciale avec la Chine.
« Carte des tarifs douaniers américains du "Jour de la Libération" ». Le 9 avril 2025, ces droits de douane ont été suspendus pendant 90 jours, sauf pour la Chine. Nouveaux tarifs douaniers mis à jour au 10 avril 2025 (
AB Pictoris).
« Droits de douane : trois graphiques pour visualiser l'ampleur du déficit commercial des Etats-Unis avec la Chine » (
France-Info). Washington et Pékin se sont engagés dans une nouvelle guerre commerciale, à coups de tarifs douaniers record. Initié par Donald Trump, ce bras de fer économique pourrait avoir de lourdes conséquences pour les deux premières puissances mondiales, très dépendantes l'une de l'autre.
« Les smartphones et les ordinateurs exemptés des surtaxes de Donald Trump » (
Le Monde). Les Etats-Unis, en pleine guerre commerciale avec la Chine, ont décidé d’exempter les smartphones et les ordinateurs des récentes surtaxes douanières imposées par Donald Trump, selon une
notice du service des douanes. Il y a un « espace de négociation », estime le ministre de l’économie français.
Thomas Piketty : « La réalité est que les Etats-Unis sont en train de perdre le contrôle du monde » (
Le Monde). Le président américain voudrait que la
pax americana soit récompensée par un tribut versé par le reste du monde, de façon à financer éternellement ses déficits. Le problème est que la puissance états-unienne est déjà déclinante et qu’il faut imaginer le monde sans elle, explique l’économiste dans sa chronique.
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