Les cartes de Joseph Forest. Une success-story de l'édition scolaire à l'époque des récits nationaux


Voici une carte politique de l'Amérique du Sud par le géographe, cartographe et éditeur scolaire Joseph Forest. Il peut paraître étonnant de voir figurer autant de productions économiques et d'exportations commerciales sur une carte dite « politique ». Cette carte est l'occasion de s'intéresser à l'importante production de cartes scolaires de la maison d'édition Joseph Forest dans un contexte d'affirmation du sentiment national dans la première moitié du XXe siècle.

Extrait de la « Carte politique de l'Amérique du Sud » par Joseph Forest - 1947 (source : BNF-Gallica)


Joseph Forest est surtout connu pour sa carte du « Domaine colonial de la France et de ses productions » (1930). Les colonies doivent rapporter sur le plan économique. Bien qu'elle soit pourvue d'un vaste empire, la France n'a pas vraiment de colonies en Amérique du sud (mis à part la Guyane représentée conjointement avec la Guadeloupe et la Martinique sur cette carte).

« Domaine colonial de la France et de ses productions. Tableau dressé par J. Forest - 1930 » (source : BNF-Gallica)


Sur le même modèle de carte scolaire exhibant les richesses des pays et autres colonies, on trouve une carte politique de l'Afrique (édition de 1905, mise à jour en 1922 avec une édition en espagnol), une carte politique de l'Asie (édition de 1929), une carte politique de l'Océanie (édition de 1932), une carte politique de l'Amérique du Nord (édition de 1947). On peut y ajouter la « Carte de la France. Agriculture, industrie et commerce » (édition de 1932), véritable inventaire des richesses que l'on peut trouver à l'époque sur le territoire hexagonal.

« Carte politique de l'Afrique » - édition 1905 mise à jour en 1922 (source : BNF-Gallica)


Membre de la Société française de géographie et conseiller du commerce extérieur de la France à partir de 1912, Joseph Forest a fondé sa propre maison d'édition de cartes, plans, mappemondes, globes, sphères (terrestres et célestes), tableaux et cartes murales pour l'enseignement. Il est fournisseur des écoles depuis 1889 et agréé par le ministère de l'Instruction publique (voir sa biographie sur Wikipedia). Sa production cartographique s'étale sur plus d'un demi siècle. On trouve ainsi plus de 125 cartes et globes terrestres de J. Forest sur le site BNF-Gallica, dont une partie non négligeable en espagnol. Ses ouvrages sont traduits, adoptés par les gouvernements sud-américains au Pérou, au Chili, en Colombie, en Argentine et en Uruguay. 

« Mappa-mundi em dois hemispherios » J. Forest (source : BNF-Gallica)


J. Forest a exporté pour une somme très importante son matériel de globes, sphères, cartes scolaires et cartes économiques dans les pays de langue espagnole, portugaise et anglaise. La production de cartes scolaires constituait donc une affaire assez lucrative à l'époque.

Extrait de l'un des nombreux globes terrestres produits par J. Forest (source : BNF-Gallica)



Au début XXe siècle, les pays latino-américains sont en pleine affirmation nationale. Chaque pays a droit à sa carte en espagnol avec son drapeau et, bien sûr, ses richesses économiques (indiquées en rouge de manière à bien les mettre en évidence) :
La « nouvelle carte administrative et économique » de la République du Pérou (1916), élaborée à partir des « derniers documents officiels », se veut particulièrement édifiante. Elle magnifie un grand Pérou qui est parvenu à s'étendre au détriment de ses voisins (voir les contestations de frontières au nord et à l'ouest avec la Colombie et l'Equateur indiquées sur la carte). Ces conflits frontaliers, nés après la dissolution de la grande Colombie et l'indépendance du Pérou et de l'Equateur dans les années 1830, ne seront vraiment résolus qu'à la fin du XXe siècle. Sur la carte de 1916, la mise en valeur économique du pays apparaît nettement à travers la mention de ses ressources agricoles (café, cacao, tabac, coca, vanille, thé, caoutchouc, laines...), minières (or, sel) et énergétiques (pétrole). Elle est assortie d'une carte physique plus petite donnant l'hypsométrie générale du pays. 

« Nuevo mapa administrativo y económico de la república del Perú » J. Forest - 1916 (source : BNF-Gallica)

On peut la rapprocher de la « Carte populaire du Pérou » (1913) produite par la Société géographique de Lima à l'occasion de son 25e anniversaire et distribuée gratuitement dans tout le pays. Celle-ci indique l'organisation administrative et le relief sur une même carte. Le relief y apparaît sous la forme d'un subtil ombrage plus ou moins marqué selon l'altitude, tandis que les différentes régions du Pérou y sont délimitées de traits épais réhaussés de couleur verte. Le détail du réseau hydrographique en bleu finit de donner à la carte toute sa splendeur.

« Mapa Popular El Perú en 1913 » (source : BNE)


Dans la même veine, la carte suivante glorifie le Pérou comme héritier de l'empire inca « d'après les récits des chroniques, les affirmations des archéologues et les écrits des historiens et géographes » (sic). Elaborée en 1926 par le cartographe Camilo Vallejos membre de la Société géographique de Lima, la « Carte du Tahuantinsuyo » est éditée en l'honneur et avec le soutien de l'homme politique, homme d'affaires et philanthrope Rafael Larco Herrera. Ce qui valut à cette carte d'être diffusée gratuitement dans les écoles péruviennes de l'époque comme il en est fait mention explicite dans le titre. 

Les Incas appelaient leur empire Tahuantinsuyu, ce qui signifie les « Quatre Régions ensemble », soit le "Chinchasuyu" au nord (correspondant à une partie de la Colombie actuelle), le Curtisuyu et l'Antisuyu au centre et le Collasuyu au sud (correspondant à une partie de la Bolivie actuelle). Ce qui vaut à l'empire inca d'être souvent présenté, de manière à la fois réelle et mythique, comme l'empire des quatre parties du monde. Chacun des quatre suyus (régions) avait des populations, des environnements et des ressources différentes. Les quatre régions apparaissent ainsi sur la carte avec des couleurs contrastées. 

« Mapa del Tahuantinsuyo » (empire des incas) - 1926 (source : BNF-Gallica


De l'édition scolaire française à l'édition internationale dans un contexte d'affirmation du sentiment national, on voit que les liens sont importants et multiples. Les cartes de la maison d'édition scolaire Joseph Forest en fournissent un bon exemple. Le contexte d'affirmation des États nationaux n'est pas étranger à cette success-storyAu début du XXe siècle, les cartes de Vidal la Blache, éditées chez Armand Colin, s'exportaient déjà en langue espagnole. 

La maison d’édition cartographique qui a pris la suite de Joseph Forest est la maison d'édition Girard, Barrère et Thomas, qui s'est installée dans le même immeuble au 17 rue de Buci dans le quartier de Saint-Germain-des Prés à Paris. On trouve plus d'une 100e de cartes éditées par Girard et Barrère sur Gallica. Cette maison d'édition continua à se spécialiser dans les documents scolaires, notamment dans les cartes murales. Elle fut reprise en 1974 par les éditions Taride, une maison d'édition fondée en 1852 par Alphonse Taride et spécialisée dans les cartes scolaires, les globes et les cartes routières (avant qu'elle ne disparaisse à son tour). On peut recenser plus de 270 cartes des éditions Taride accessibles sur Gallica.


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Il y a toujours eu des cartes de géographie aux murs de la classe

CLIWOC. Une base de données climatologiques des océans à partir des journaux de bord des navires (1750-1850)


Source : Tim St. Onge, New Interactive Map Visualizes Ship Logbooks from the 18th and 19th Centuries, 20 avril 2023 (Library of Congress Blog).

Le Département de géographie et cartographie de la Bibliothèque du Congrès met à disposition une nouvelle version de la base de données CLIWOC accessible à travers une carte interactive. La base de données numériques, acquise par la Bibliothèque du Congrès et disponible en téléchargement, fournit une vue globale de l'expansion maritime coloniale et des enregistrements climatologiques détaillés pour la période 1750-1850.

Nouvelle cartographie de la base de données CLIWOC (source : Library of Congress)


Historique du projet CLIWOC

CLIWOC (Climatological database for the world's oceans) a d'abord été un projet de recherche financé par l'Union européenne de 2001 à 2003. Le projet a impliqué toute une équipe de chercheurs à l'échelle internationale qui ont rassemblé et numérisé les données à partir de plus de 280 000 journaux tenus à bord de voiliers européens entre 1750 et 1850. La base de données CLIWOC a été initialement publiée au format Microsoft Access. En 2018, le programmeur Steven Ottens a travaillé pour reformater la base de données en format ouvert (feuille de calcul OpenOffice, fichier texte délimité par des tabulations et format SIG Geopackage). La base de données dans ces formats a ensuite été hébergée sur le site web HistoricalClimatology.com. La Bibliothèque du Congrès a acquis fin 2018 une copie numérique de la base de données dans le but de préserver et de fournir un accès durable à des ensembles de données importants dans un large éventail de domaines.

Précaution d'usage des données

A l'époque, les marins enregistraient systématiquement les observations météorologiques quotidiennes pour connaître notamment les vents, mais également pour calculer leur position géographique en haute mer. Les journaux de bord étaient cependant plus ou moins complets selon les navires et les expéditions maritimes. Les informations comprennent la date d'observation, le nom du navire, sa nationalité, son origine et sa destination ainsi que les conditions météorologiques. On note que les données disponibles sont beaucoup plus nombreuses dans l'océan Atlantique que dans l'océan Pacifique. La base CLIWOC ne correspond qu'à une partie des voiliers européens de l'époque (ceux de nationalité espagnole, hollandaise, britannique et française). Elle n'inclut pas non plus les navigations conduites par les populations indigènes du Pacifique, qui maîtrisaient la navigation maritime depuis des milliers d'années. Malgré ces précautions d'usage, il s'agit d'une ressource précieuse et irremplaçable non seulement pour les spécialistes de l'histoire maritime, mais aussi pour les climatologues. Comme décrit dans le rapport CLIWOC sur la base de données d'origine, à partir des observations contenues dans des milliers de journaux de bord, « une image peut être recréée du climat de l'époque, avant que toute influence anthropique significative puisse être exercée sur le climat, offrant une occasion unique d'explorer à quoi ressemblait le climat des océans en conditions dites "naturelles" ».

Pistes d'utilisation

Par défaut, la carte affiche des milliers de points colorés rendant la lecture de cette géovisualisation assez difficile. L'interface cartographique proposée par la Librairie du Congrès permet heureusement de filtrer les données par nationalité (britannique, néerlandaise, française et espagnole), mais pas sur les autres données. Pour cela, il faut télécharger les données et utiliser un SIG. La légende de la carte en ligne s'affiche de manière interactive en fonction des nationalités sélectionnées. On voit ainsi apparaître des logiques spatiales dans l'expansion impériale et le commerce mondial. Les goulots d'étranglement géographiques auxquels sont confrontés tous les marins de l'époque sont également perceptibles, du cap Horn à la pointe sud des Amériques en passant par le détroit de Malacca entre l'actuelle Malaisie et l'Indonésie. Les navires spécialisés dans la traite atlantique des esclaves, notamment le "Passage du Milieu" au cours duquel des millions d'Africains réduits en esclavage ont été transportés à travers l'Atlantique vers les possessions coloniales des Amériques, sont assez visibles parmi l'ensemble des données.

Jeux de données à télécharger

  • Lien pour télécharger la base de données sur le site de la Library of Congress (fichier tableur au format ods + données SIG au format geopackage + dictionnaire des termes maritimes au format pdf).

  • Accès aux données initialement hébergées sur le site HistoricalClimatology.com

  • Rapport de recherche final CLIWOC publié en 2006 sur le site de l'UE.

Lien ajouté le 28 mai 2023

Liens ajoutés le 3 mars 2024

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Le site Marine Traffic permet désormais de visualiser la densité des routes maritimes






Annoter et partager des images et des cartes numériques en haute résolution en utilisant des outils IIIF


Comment annoter, animer et partager des images et des cartes numériques en haute résolution en laissant à l'utilisateur la possibilité de les explorer par lui-même ? C'est possible en utilisant les outils de visualisation et de traitement d'images IIIF. 

L'IIIF (International Image Interoperability Framework) est un ensemble de normes ouvertes permettant de manipuler en ligne des objets numériques en haute résolution. C'est aussi une communauté qui développe et met en œuvre des services web (API) dans le cadre d'un consortium international. Au delà de l'objectif d'assurer l'interopérabilité entre les bibliothèques numériques, l'enjeu est de pouvoir permettre aux chercheurs, aux enseignants ou même aux simples utilisateurs de partager des ressources dans le cadre des humanités numériques.



La liste des musées, archives et autres organismes culturels qui utilisent le format IIIF est de plus en plus longue. On y trouve aussi bien des grandes bibliothèques comme la Bibliothèque nationale de France ou la Bibliothèque du Congrès que des musées ou encore des universités.

Gallica propose plusieurs exemples d'animation à partir d'images numériques en IIIF, notamment le plan routier de la ville et des faubourgs de Paris en 1789 et une vue de Venise à vol d'oiseau. Voir également l'outil Gallicarama qui permet de créer un récit à partir de toutes les images de Gallica.

Nous proposons un petit tutoriel en 4 étapes pour apprendre à utiliser ces images au format IIIF :

ÉTAPE 1 : trouver le code manifeste IIIF de l'image source que l'on souhaite utiliser 

Il faut d'abord récupérer le code manifeste (au format json), soit directement sur certains sites qui le fournissent, soit à travers une extension du navigateur en installant le plugin Open in IIIF Viewer.

Sur le site Gallica, utiliser le bouton IIIF qui permet de récupérer le code manifest  : 
Par exemple pour un plan de Nicolas de Ferhttps://gallica.bnf.fr/iiif/ark:/12148/btv1b53042903w/manifest.json

ÉTAPE 2 : annoter et animer la carte que l'on a choisie

On peut ensuite annoter et animer la carte directement sur un site sans rien avoir à installer. On peut utiliser l'application en ligne ADNO et coller l'URL contenant le code manifeste de l'image source.

ADNO est une application web de visualisation, d’édition et de partage de récits et de parcours sur des images statiques et des images IIIF. Elle s'adresse principalement aux médiateurs culturels et scientifiques ainsi qu'aux enseignants. Elle concerne notamment les fonds patrimoniaux, les archives, les bibliothèques, la recherche scientifique, les humanités numériques, et plus généralement la valorisation de données culturelles et scientifiques.

Exemple d'utilisation d'ADNO à partir d'une carte des Cévennes de 1703 :



ÉTAPE 3 : ajouter en mode édition des zones sensibles, un titre, des commentaires, des liens vers Internet

Les annotations nécessitent en mode édition de définir préalablement des zones sensibles (à délimiter par des polygones) ou d'insérer des balises cliquables directement sur la carte. Une fois ces zones définies, on peut leur affecter du texte, des images, des vidéos, des liens sur Internet, etc. Il convient de définir un pas de temps pour régler la vitesse de défilement des images. L'utilisateur pourra ensuite reprendre le contrôle pour naviguer lui-même avec les flèches et prendre le temps d'observer les détails de la carte.

Exemples d'annotations avec l'application ADNO (voir le mode d'emploi rapide)

 Autres éditeurs d'images IIIF utilisables en ligne :

 

ÉTAPE 4 : diffuser et partager sur Internet via une URL

Une fois l'animation construite, on peut la diffuser avec son adresse URL. De quoi commenter et partager beaucoup de cartes anciennes sans aucune installation en local.

Pour certains documents sources, il n'est pas obligatoire d'utiliser le plugin Open in IIIF Viewer. De même, il existe d'autres outils d'édition en IIIF (voir la sélection donnée plus bas).


Pour aller plus loin

La collection de cartes historiques David Rumsey permet, par exemple, d'enregistrer directement le code manifeste. Il suffit de cliquer sur le menu SHARE --> IIIF Manifests pour enregistrer l'URL.

Exemple ici pour utiliser la projection de Buckminster Fuller :


En copiant le code manifeste dans un éditeur open source comme Leaflet-IIIF-Geojson, on va pouvoir produire une surcouche graphique avec différents figurés (points, lignes, polygones). Une fois les zones sensibles tracées, on sauvegarde la couche d'interprétation en geojson. On peut produire autant de calques d'interprétation que l'on veut en enregistrant plusieurs fichiers geojson.




Pour accéder à la liste des organismes qui adhèrent au consortium international IIIF, c'est par là :
https://iiif.io/community/consortium/members/

Il en existe beaucoup d'autres à l'échelle nationale, notamment à travers France Archives :

Le principe de la carte cliquable et annotable est utilisé depuis longtemps par les sites officiels dans le domaine de l'histoire et de la culture (c'est le principe du rich media). Avec un peu d'entraînement, les utilisateurs eux-mêmes doivent pouvoir s'en emparer. Exemple ici pour s'inspirer : la carte annotée de l'Angleterre (1250).



Ces pistes sont  à explorer notamment pour l'interprétation et l'enrichissement de plans anciens. Elles sont aussi certainement adaptables à des cartes ou des plans urbains plus récents. Exemple du plan de Versailles annoté.



On peut tester aussi à partir des plans urbains de Paris de la BNF. L'application JADIS permet d'aller directement récupérer les sources sur Gallica. 



Liste de viewers / éditeurs d'images IIIF en ligne
  • Allmaps : un ensemble d'outils qui permettent de conserver, explorer, annoter ou même géoréférencer des cartes IIIF. Pour un serveur de tuiles en ligne, utiliser Allmaps tile server.
  • Adno : une application web de visualisation, d’édition et de partage de récits et de parcours à partir d'images statiques et des images IIIF.
  • Leaflet-IIIF-Geojson : une application qui, combinée avec le plugin Leaflet-IIIF et Leaflet-Draw, permet d'annoter une image IIIF.
  • IIIF Manifest Editor : une application pour importer, afficher, mettre à jour et exporter des manifestes proposé par la Bibliothèque Bodleian.
  • Mirador : permet de rassembler des images issues de différents sites fournissant des manifestes IIIF.
  • API IIIF de Gallica  pour récupérer des images.
  • Open in IIIF Viewer : un plugin à installer dans le navigateur pour récupérer le code manifeste et enregistrer des images IIIF sur son disque dur.
  • detektIIIF3 : une extension Chrome qui détecte automatiquement les ressources IIIF dans les pages web et offre aux utilisateurs un moyen pratique de les collecter et de les réutiliser.
  • Movie Maps : utilise les annotations IIIF pour fournir une narration vidéo avec une visualisation guidée. 
  • Plateformes IIIF : liste très complète d'ouils et plateformes IIIF à consulter sur le site du consortium international iiif.io.
  • Chronoscope : méthode pour rechercher ou importer des cartes dans l'application en ligne Chronoscope qui utilise déjà le format IIIF pour les cartes figurant sur le site.

Des ressources utiles en français (source : Biblissima)  

Lien ajouté le 7 juin 2024

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Derrière chaque carte, une histoire : la carte des chemins royaux dans les Cévennes (1703)

Derrière chaque carte, une histoire. La cartographie du détroit de Magellan entre science et imaginaire

Derrière chaque carte, une histoire. La carte de Gough et les îles perdues de la baie de Cardigan

Venise à vol d'oiseau au début du XVIe siècle (Gallica - BnF)

Parcours dans le plan routier de la ville et des faubourgs de Paris en 1789 (Gallica - BnF)

Des cartes du monde dans le style d'artistes célèbres créées par intelligence artificielle


Le site Brilliant Maps, qui met en avant des cartes pour leur esthétique, leur originalité ou simplement leur popularité, propose 19 cartes inspirées d'artistes célèbres. Ces cartes décoratives ont toutes été créées à partir de l'outil d'intelligence artificielle Midjourney. Le résultat est plutôt réussi sur le plan esthétique. Qu'il s'agisse de cartes ou d'images numériques, cela pose la question de la création artistique à l'ère de l'Intelligence artificielle (IA).

Midjourney est un générateur d’images qui permet de créer des illustrations à partir d’un texte descriptif, en se basant sur l’intelligence artificielle et le machine learning. Le logiciel est édité par un laboratoire de recherche et est disponible en version bêta depuis juillet 2022 (accessible via Discord).


Saurez-vous choisir celle(s) que vous préférez parmi la liste ?

  1. Gustave Klimt
  2. Banksy
  3. Jackson Pollock
  4. Hokusaï
  5. Amedeo Modigliani
  6. Keith Haring 
  7. Willem de Kooning
  8. Roy Lichtenstein
  9. Léonard de Vinci
  10. Jean Michel Basquiat
  11. Claude Monnet
  12. Andy Warhol
  13. François Bacon
  14. Jasper Johns
  15. Marc Rothko
  16. Paul Cézanne
  17. Pierre Auguste Renoir
  18. Paul Gauguin
  19. Vincent van Gogh


Map Channels s'est inspiré des cartes proposées par Roger Dean sur Brilliant Maps pour en proposer d'autres plus surréalistes :
https://twitter.com/mapchannels/status/1648271762306498560
https://twitter.com/mapchannels/status/1648275638065692672
https://twitter.com/mapchannels/status/1648278545980968961
https://twitter.com/mapchannels/status/1648279355267731458


L'intelligence artificielle a parcouru un long chemin depuis sa création. Son succès récent est lié en grande partie à ChatGPT et à son ascension fulgurante sur Internet. Cependant, l'IA ne se limite pas seulement au texte. L'application Midjourney permet notamment de créer des images IA à grande échelle à partir de textes descriptifs.

Pour compléter 

 « Mapmaking in the Age of Artificial Intelligence ». Comment fait-on des cartes à l'âge de l'Intelligence Artificielle ? Avec des algorithmes bien sûr... mais encore avec l'oeil et l'expertise humaine ! (Medium)

« Midjourney : trois conseils pour créer des images impressionnnantes en quelques secondes » (BFM-TV).

« Le saviez-vous ? Midjourney peut décrire une image et créer des variantes » (Numerama)

« Une œuvre créée par une IA remporte un concours d'art aux États-Unis » (Les Numériques).

« Les images conçues par intelligence artificielle, nouvel outil de désinformation » (Le Monde).

« Explorer les archives de Notre-Dame de Paris grâce à l’intelligence artificielle » (The Conversation).

Du virtuel au réel, l'intelligence artificielle s'empare de l'art (INA)

Penser l'intelligence artificielle, avec Asma Mhalla (Brut Philo)

« Quand les humanités font face à l’Intelligence Artificielle » (Café Pédagogique).

Margarida Romero, Laurent Heiser, Alexandre Lepage (dir.). Enseigner et apprendre à l’ère de l’intelligence artificielle. Livre blanc, 2023 (Canopé).


Lien ajouté le 15 mai 2023

Lien ajouté le 9 janvier 2024
Articles connexes

Cartes et données sur l'impact de la pêche sur les écosystèmes marins (Sea Around Us)


Sea Around Us est un groupe de recherche international basé à l'Université de Colombie Britannique, dont la vocation est l'étude de l'impact de la pêche sur les écosystèmes marins de la planète. Les chercheurs impliqués dans ce groupe unissent depuis plusieurs années leurs efforts pour collecter et combiner des ensembles de données uniques, notamment sur la pêche au chalut qui réduit considérablement les stocks de poissons et nuit à l'environnement marin. 

Répartition de la pêche mondiale en 2019 selon les données cartographiées (source : Sea Around Us)

Les données proposées sur le site Sea Around Us sont très diverses : elles vont des zones de pêche par ZEE jusqu'au détail des espèces marines menacées. Il s'agit de données reconstruites qui combinent les données de capture issues des déclarations officielles et les estimations reconstruites des captures non déclarées (y compris les principaux rejets), au niveau de chaque ZEE. Les données de capture déclarées officiellement sont principalement extraites de la base de données FishStat de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et de SeaLifBase. Les distributions des taxons représentent les informations les plus récentes sur leur distribution biologique, telles qu'assemblées par FishBase et SeaLifeBase. 

Le site informe les utilisateurs que la précision spatiale d'un 1/2 degré de latitude et longitude par cellule, qui est appropriée pour les zones côtières, peut être problématique pour les cellules en haute mer. Cela est dû au fait que les données de capture proviennent de données déclarées fournies par les organisations régionales de gestion des pêches dans des cellules spatiales beaucoup plus grandes (1, 5, 10 voire même 20 degrés de latitude et longitude). L'affectation ultérieure de ces données à des cellules d'un 1/2 degré est basée sur une approche d'affectation standard. The Sea Around Us, en collaboration avec Global Fishing Watch, s'emploie à améliorer ces allocations spatiales de données de capture et à résoudre les problèmes connexes.

Les graphiques permettent de suivre l'évolution du prélèvement de ressources halieutiques par pays, par espèces, par types de pêche. Le site est très utile pour conduire des comparaisons dans le temps.

Évolution de la pêche industrielle sur la période 1950-2020 (source : Sea Around Us)


Évolution de la pêche industrielle par rapport aux autres types de pêche (artisanale, récréative...)

Des chercheurs de Sea Around Us - Indian Ocean, basés à l'Université d'Australie occidentale, ont par ailleurs exhorté l'Union européenne en février 2023 à soutenir pleinement l'interdiction des dispositifs de concentration de poissons  (DCP) dans les pêches de thon de l'océan Indien. 

Répartition de la pêche mondiale de thons et marlins en 2019  (source : Sea Around Us)

Les DCP sont critiqués pour leur hyper-efficacité et leur nature non sélective, ayant des impacts négatifs sur la vie marine. Ces dispositifs attirent un large éventail d'espèces souvent vulnérables, y compris les thons juvéniles qui n'ont pas eu l'opportunité de se reproduire et les requins pélagiques qui sont connus pour être une espèce menacés. Cela exacerbe le risque de surexploitation de nombreuses espèces pélagiques de l'océan Indien. Les chercheurs notent que la flotte de pêche thonière européenne est, avec Taïwan, le principal responsable du déclin des thons dans l'océan Indien, l'UE étant responsable d'environ 87 % des captures dérivées de thons dans la région.

Différents types de DCP déployés dans les mers tropicales (source : Lettre d'information sur les pêches - IFREMER)



Les cartes et les données fournies par le site Sea Around As peuvent être utilisées en lien avec les ressources proposées par le site Global Fishing Watch que nous présentons dans cet article.


Lien ajouté le 23 septembre 2023
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Global Fishing Watch, un site pour visualiser l'activité des navires de pêche à l'échelle mondiale


Surmortalité attribuée à la chaleur et au froid : étude d'impact sur la santé dans 854 villes européennes


Source
: Pierre Masselot, Malcolm Mistry, Jacopo Vanoli, Rochelle Schneider, Tamara Iungman, David Garcia-Leon, et al. (2023). Excess mortality attributed to heat and cold : a health impact assessment study in 854 cities in Europe. Planetary Health, The Lancet, March 16, 2023. URL : https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(23)00023-2/fulltext

Cette étude, publiée en mars 2023 dans la revue scientifique The Lancet, identifie Paris comme l'une des villes européennes où les risques de mourir de la chaleur estivale sont les plus élevés pour les personnes âgées. 

La chaleur et le froid sont des facteurs de risque environnementaux reconnus pour la santé humaine. Cependant, la cartographie de ces données est une tâche difficile en raison de la complexité des associations et des différences de vulnérabilité et de répartition démographique. Dans cette étude, les auteurs ont réalisé une évaluation complète de l'impact de la mortalité due à la chaleur et au froid dans les zones urbaines européennes, en tenant compte des différences géographiques et des risques spécifiques liés à l'âge. 

Les cartes des risques de mortalité et de surmortalité indiquent des différences géographiques, telles qu'un gradient nord-sud et une vulnérabilité accrue en Europe de l'Est, ainsi que des variations locales dues aux caractéristiques urbaines. Le cadre de modélisation et les résultats sont cruciaux pour la conception des politiques sanitaires et climatiques nationales et locales et pour la projection des effets du froid et de la chaleur dans le cadre de futurs scénarios climatiques et socio-économiques.

Cartes des impacts annuels du froid et de la chaleur sur la mortalité dans les villes européennes
(source : Masselot et al. 2023 - Creative Commons Attribution CC BY 4.0)



On peut observer que la surmortalité est généralement plus faible en Europe occidentale que dans les autres régions, y compris l'Europe du Nord et du Sud, à l'exception de quelques très grandes villes comme Londres et Paris. Les estimations de cette étude tiennent compte d'une longue liste de caractéristiques socioéconomiques, climatiques et environnementales pour représenter les différences de vulnérabilité entre pays et régions.

Les données sont issues de différentes jeux de données dont l'Audit urbain d'Eurostat disponible pour 870 villes européennes. Elles sont téléchargeables en open data sur le site Zenodo.

Pour compléter

Dans le cadre de l'Audit urbain, Eurostat fournit une base statistique commune pour l'ensemble des aires urbaines à l'échelle européenne. Ces données statistiques sont produites sur deux niveaux géographiques : les Cities (densité supérieure à 1 500 habitants par km2) et les aires urbaines fonctionnelles ou FUA (zone de navettage fixée à au moins 15 % des actifs). L'INSEE met à disposition ces fichiers à l'échelle de la France métropolitaine et des départements d'outre-mer. Ces aires urbaines sont désormais intégrées à la nomenclature des NUTS (au niveau NUTS 3).

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Géodes, la plateforme cartographique pour accéder aux données de santé


La santé des Franciliens. Diagnostic pour le projet régional de santé 2023-2027 (ORS)


L'Observatoire régional de la Santé (ORS) Île-de-France a publié en février 2023 un rapport très intéressant sur La santé des Franciliens. Cette publication permet d'étudier les inégalités sociales et territoriales de santé à l'échelle de toute une région. On y trouve beaucoup de données, de cartes et de graphiques sur différents indicateurs sanitaires croisés avec des données sociales, démographiques ou environnementales.

La géographie territoriale et socio-démographique introduit le contexte régional. Une vue d’ensemble de la santé des Franciliens est présentée à partir des données d’espérance de vie. Mode de vie, déterminants de la santé et prévention sont ensuite abordés. Dans une approche populationnelle, la description et la mise en exergue des principaux enjeux de la santé périnatale, de la santé des enfants et des adolescents ainsi que de la santé des personnes âgées font l’objet d’éclairages spécifiques. Sont ensuite explorés les impacts sanitaires des nuisances et pollutions environnementales, des conditions de logements et de travail des Franciliens. Les principales causes de morbidité et de mortalité (pathologies, accidents, santé mentale), avec un focus spécifique sur la pandémie de Covid-19 sont détaillées. Enfin, le dernier chapitre explore l’offre et l’accessibilité aux soins.

Après une hausse continue depuis les années 1990, l'espérance de vie des Franciliens a connu une baisse en 2020-21 liée à l'épidémie de Covid-19.  On observe une réduction de l'écart hommes-femmes, avec des inégalités selon les territoires franciliens :

Évolution et répartition de l'espérance de vie à la naissance (source : La santé des Franciliens, ORS Île-de-France)




Des cartes maillées montrent les inégalités d’expositions environnementales, c'est-à-dire les zones de surexposition à la pollution ou de cumul de nuisances :

Cartes montrant les inégalités d’expositions environnementales (source : La santé des Franciliens, ORS Île-de-France)





Les enjeux sanitaires en Ile-de-France sont susceptibles d'évoluer d'ici 2030, en particulier en ce qui concerne les ilots de chaleur :

Population communale sensible en ilots très vulnérables à la chaleur (source : La santé des Franciliens, ORS Île-de-France)



Les flux hospitaliers en médecine, chirurgie et obstétrique témoignent des formes de polarisation et de distance-proximité en fonction du type de services :

Flux hospitaliers en médecine, chirurgie et obstétrique en 2021 (source : La santé des Franciliens, ORS Île-de-France)



L'accessibilité potentielle aux médecins généralistes en Île-de-France diminue globalement du centre vers la périphérie et ces disparités ont tendance à augmenter enter 2015 et 2021 (à pondérer cependant en fonction de l'âge et du niveau de vie) :

Niveaux d'accessibilité potentielle aux médecins généralistes en 2015 et en 2021 (source : La santé des Franciliens, ORS Île-de-France)





Festival Printemps des cartes (4e édition, 11-14 mai 2023) « Dépassons les frontières »


Le Festival Printemps des cartes se tiendra du 11 au 14 mai 2023 à Montmorillon. Le programme de cette 4e édition est en ligne :

DÉPASSONS LES FRONTIÈRES 

Les cartes se rencontrent en 2023 

« Cette édition 2023 installe durablement le Printemps des Cartes dans le paysage ! Ce festival, c’est une invitation à la rencontre d’ailleurs et parfois d’ici, avec un regard neuf, celui que peut porter la carte sur notre situation, les phénomènes qui nous entourent et les espaces dans lesquels nous vivons. Il s’agit de sortir, rencontrer, voir et refaire le monde autour d’une carte. La frontière dans tous ses états est à l’honneur. Bien malgré nous, le thème a surgi à l’improviste, sans même vouloir évoquer la guerre aux confins de l’Europe. Il n’y a pas qu’une frontière. Les frontières de tous bords, qu’elles soient naturelles, culturelles, mesurées ou sans commune mesure se dessinent sur les cartes. La question demeure : où placer la limite, que définit la limite ? Une topologie de l’espace qui nous correspond (peut-être), et qui entoure ce « nous » qui reste parfois à définir. Mythes devenus réalités, s’incarnant parfois en murs, clôtures, fossés infranchissables, cette nouvelle édition 2023 nous invite à s’en affranchir, prendre la liberté, le temps d’une pause autour d’une carte. L’art s’empare des cartes, il fait spectacle, les cartes s’habillent de son et lumière pour notre plus grand plaisir. De conférences en ateliers d’expérimentations cartographiques, nous en apprendrons long sur la lecture ou la fabrique des cartes ; comment cet objet de science peut nous aider à nous prémunir des risques naturels, à mieux aménager l’espace ? Comment cet objet d’art peut s’associer à d’autres médias pour stimuler nos sens, et inspirer notre imaginaire, voire parler d’amour ? De tables rondes en journée scientifique (participons à la science en action), nous partagerons notre avis, nous écouterons et seront entendus. Voilà l’ambition du programme du Printemps des Cartes 2023 au cœur de Montmorillon : s’ouvrir au monde pour dépasser nos frontières ».

Lien ajouté le 21 avril 2023


Lien ajouté le 22 mai 2023

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Le bonheur des familles rurales en Inde passerait-il par les drones ? Svamitva, un vaste programme d'arpentage par images aériennes

 

L'Union indienne a mis en place depuis 2020 le programme Svamitva, une vaste opération de cartographie des zones rurales à partir de drones et d'images aériennes. L'objectif de cet ambitieux projet est de délivrer des titres fonciers légaux aux propriétaires et de faire rentrer des recettes fiscales pour le gouvernement indien tout en engageant une politique de développement et de modernisation des campagnes.

Programme officiel Survey of Villages Abadi and Mapping with Improvised Technology 
(source : programme Svamitva sur le site du Ministry of Panchayati Raj)


Le programme Svamitva a pris du retard avec la crise sanitaire de Covid-19, mais il bat à nouveau son plein. Il devrait couvrir tous les états de l'Union indienne d'ici 2025.


Environ 1,5 million d'images de drones sont traitées chaque jour en Inde pour créer des cartes 3D de toute l'Inde rurale à une échelle inédite (résolution inférieure à 1 mètre). La collecte, le traitement et la numérisation sont effectués dans le pays, car les nouvelles directives en matière de géospatial interdisent le traitement ou le stockage d'images ayant une résolution inférieure à 1 m sur des serveurs en dehors de l'Inde. Ce sont des 10e de milliers de villages que le département officiel de cartographie, le Survey of India doit numériser avec des opérations de mesures au sol. Cette cartographie a déjà donné lieu à la création de plus d'un million de cartes de propriétés pour 65000 villages, mais il reste beaucoup à faire. Seulement 60 % des villages indiens ont été cartographiés numériquement depuis 2020.

Le gouvernement indien a lancé de grandes campagnes d'information pour célébrer les bienfaits de ce projet destiné à faciliter les démarches des habitants des campagnes, notamment pour assurer leurs biens ou contracter des prêts.


A l’époque coloniale, seules les terres agricoles étaient inscrites aux registres pour les impôts fonciers en fonction des revenus qu'elles étaient censées procurer. Les zones d’habitations n’étaient pas concernées par ces registres. Le projet Svamitva vise désormais à étendre le régime foncier dans la zone abadi (habitée). La zone abadi fait référence aux terres villageoises qui étaient exemptées de revenus fonciers. Ces terres n'étaient d'ailleurs pas arpentées dans la plupart des États. La terre abadi est connue sous différentes terminologies telles que Lal Dora dans certaines parties du nord de l'Inde ou Gaothan dans le Maharashtra. Les terres de Lal Dora ont été initialement délimitées à Delhi par le règlement foncier de 1908-09 pour attribuer aux villages cette zone abadi et ont ensuite été étendues aux États de l'Haryana et du Pendjab et à certaines parties du nord de l'Inde.

Pour le président Modi, le projet devrait permettre de "résoudre les conflits fonciers" qui sont nombreux en Inde du fait des forts enjeux autour du foncier agricole. En formalisant le régime foncier et en délivrant des titres de propriété, le programme SVAMITVA vise à monétiser les terres qui permettront selon le gouvernement d'obtenir plus facilement des crédits auprès des banques et d'autres services financiers. Cependant, la terre continue d'être perçue comme un bien social. L'importance accordée à la terre ne peut être jugée uniquement en termes de valeur économique ou comme moyen de générer des revenus et de la croissance. Les communautés partagent une relation profonde avec la terre et y restent attachées moralement et émotionnellement. 

L'enjeu pour les autorités est de pouvoir établir une taxe foncière qui reviendra directement aux gouvernement locaux et qui permettra aussi de faire entrer des recettes fiscales dans les caisses du Trésor public. A terme, il s'agit aussi de créer une infrastructure de cartographie SIG pouvant être exploitée par n'importe quel service de l'Etat indien. 

Le bonheur des familles rurales en Inde passerait-il par les drones qui permettent d'arpenter les parcelles et d'acquérir des titres de propriété ? Au delà du discours promotionnel, il semble qu'une partie des conflits fonciers viennent de la difficulté à attribuer les terres selon qu'elles relèvent de propriétés individuelles, de terres gouvernementales ou appartenant aux communautés rurales. Des réalités sociales gommées par le discours des autorités officielles...

Campagne publicitaire conduite au niveau des panchayats ou gouvernements locaux en Inde



Quand on voit les milliers de drones nécessaires pour réaliser une entreprise d'arpentage et de numérisation de cette envergure à l'échelle de l'Union indienne, c'est assez impressionnant. Pour autant, seule une partie des Etats ont été pour l'instant cartographiés (voir la base de données à télécharger).




Le programme Svamitva s'inscrit dans le cadre d'une nouvelle politique géospatiale du gouvernement qui souhaite moderniser l'économie indienne. L'objectif derrière les nouvelles directives politiques de l'Inde pour le secteur géospatial, publiées en 2021 par le ministère de la Science et de la Technologie de l'Union, est de « remplacer les lois archaïques dans un monde technologiquement avancé » et de « libéraliser les données et les services géospatiaux en se débarrassant des politiques archaïques qui ont leurs racines dans le passé colonial ». La politique géospatiale de l'époque coloniale exigeait qu'une personne ou une entité obtienne une autorisation préalable pour mener des enquêtes, ainsi que pour collecter, stocker, utiliser, vendre et diffuser des données géospatiales. 

Si les nouvelles directives suppriment la nécessité d'une autorisation préalable et donnent plus de droits aux entreprises indiennes vis-à-vis des entreprises étrangères, elles réservent la cartographie et l'arpentage terrestres aux seules entités indiennes, qu'elles soient publiques ou privées. Les données générées doivent être détenues et stockées en Inde. Les cartes et données géospatiales d'une précision/valeur spatiale plus fine que la valeur seuil ne peuvent être créées et/ou détenues que par des entités indiennes et doivent être stockées et traitées en Inde. Les levés cartographiques mobiles terrestres, les levés de type Street View et les levés dans les eaux territoriales de l'Union indienne ne sont eux autorisés que pour les entités indiennes, quelle que soit leur échelle de précision. En ce qui concerne les cartes politiques, les directives stipulent la nécessité d'adhérer aux cartes fournies par le Survey of India (SOI) et aux données numériques des limites SOI en tant que normes à utiliser et à consulter. Parallèlement à cette affirmation de l'Inde en matière de souveraineté numérique, le gouvernement incite les acteurs privés à entrer dans le domaine du géospatial, vu comme une source d'opportunités. 


Références

Le site du programme officiel SVAMITVA (Survey of Villages Abadi and Mapping with Improvised Technology in Village Areas) :
https://svamitva.nic.in/svamitva/

Voir notamment le SVAMITVA Scheme qui permet de suivre l'avancée des opérations de collecte, de  numérisation et d'attribution des parcelles :
https://svamitva.nic.in/svamitva/getGTMap.html?OWASP_CSRFTOKEN=VGI8-864A-TF6T-BTVN-J0L3-YFIQ-QMQI-WCZB

La cartographie des zones agricoles en Inde (VeilleCarto2-0)
https://veillecarto2-0.fr/2021/05/28/la-cartographie-des-zones-agricoles-en-inde/

Drone mapping of one lakh villages to solve land disputes : PM Modi
https://theshillongtimes.com/2023/04/14/drone-mapping-of-one-lakh-villages-to-solve-land-disputes-pm-modi/

SVAMITVA Scheme : Only 60% Of Villages In India Digitally Mapped Since 2020
https://www.medianama.com/2023/02/223-svamitva-scheme-60-percent-villages-digitally-mapped/

Addressing gaps and challenges in SVAMITVA
https://landportal.org/pt/blog-post/2022/07/addressing-gaps-and-challenges-svamitva

This scheme mapping ‘abadi’ village areas is a win-win situation for Gram Panchayats
https://theprint.in/opinion/this-scheme-mapping-abadi-village-areas-is-a-win-win-situation-for-gram-panchayats/892766/

Guidelines for acquiring and producing Geospatial Data and  Geospatial Data Services including Maps. Department Of Science & Technology, 15th February, 2021
https://dst.gov.in/news/guidelines-acquiring-and-producing-geospatial-data-and-geo-spatial-data-services-including-maps

Pour compléter

Survey of India. L'histoire du Survey of India (SOI) remonte au 18e siècle, au moment où les arpenteurs de la Compagnie des Indes orientales puis de l'armée britannique effectuaient les premiers levés cartographiques. Modernisée dans les années 1950 après l'indépendance de l'Inde, elle est devenue l'agence nationale chargée d'établir la cartographie officielle de l'Union indienne et de fournir des ressources cartographiques pour assurer « le progrès, la prospérité et la sécurité du pays ». On y trouve des cartes de base en téléchargement, mais la plupart des données SIG y sont payantes. Certaines cartes reflètent la vision de l'Inde à l'instar de cette carte du monde qui comporte en filigrane le profil de l'Inde. Un tampon de certificat conforme que l'on retrouve sur la carte politique de l'Inde avec le Cachemire complètement intégré au territoire indien alors qu'il fait l'objet de contestations internationales (une forme de nationalisme cartographique ?).

Census de l'Union indienne. A l'image du Census.gov aux Etats-Unis, le Census indien constitue le grand service de recensement à l'échelle nationale et fournit beaucoup de statistiques sur la population de l'Union indienne. L'Inde, qui est devenue en 2023 le pays le plus peuplé du monde, n'a pas compté sa population depuis 2011. Un recensement devait avoir lieu en 2021, mais il a été repoussé en raison de la pandémie de Covid-19.

Bhuvan, portail d'information géographique. Bhuvan constitue un portail statistique et cartographique de première importance pour étudier l'Union indienne. Ce portail d'information géographique a été lancé en août 2009 par l'agence spatiale indienne ISRO (Indian Space Research Organisation). À l'instar de Google Earth, de NASA World Wind ou du Géoportail de l'IGN, Bhuvan est un service qui propose un globe virtuel en 2D/3D du monde indien et tout un éventail d'information géographique. Il est disponible en anglais, hindi, tamoul et telugu.

L'Atlas Shrug permet l'accès direct à une interface cartographique avec des données sur l'Inde depuis 2011. Le portail est construit sur une collection de plus de 600 000 unités géographiques appelées « shrids ». Ces unités géographiques permettent d'agréger les données satellitaires et dérivées du recensement dans des zones géographiques cohérentes et de les représenter via un portail Web interactif. Les données téléchargeables sont présentées à la fois au niveau du district et du village/ville ; zoomer (dézoomer) pour plus (moins) de détails.

Datameet (Github)
Des jeux de données SIG sur l'Inde : des données issues du Survey of India, mais aussi des données sur les limites de villages et municipes, sur les élections, sur le Covid, etc.