Le site Geotribu et ses revues de presse sur l'actualité géomatique


Le site Geotribu est composé d'une équipe de cartographes géomaticiens soucieux de diffuser l'information concernant les SIG, le webmapping et l'open source.




Géotribu est connu pour ses revues de presse proposées à ses lecteurs entre 2010 et 2017. Après quelques années d'interruption, celles-ci ont été relancées en 2020. Elles permettent de se tenir au courant de l'actualité technologique en géomatique.

Geotribu peut également être suivi sur Twitter :
http://twitter.com/geotribu


Articles connexes

Faire de la veille cartographique sur Internet et sur les réseaux sociaux

Map Porn, un réseau social pour partager et commenter des cartes sur Internet




L'histoire par les cartes : la guerre de 1870-1871 (à partir du site LaContempo.fr)


Les cartes et infographies du blog LaContempo.fr


Jérémie Halais, docteur en histoire contemporaine, archiviste de formation et de métier, valorise depuis de nombreuses années le patrimoine et l’histoire à travers des publications et des expositions. Son blog LaContempo.fr lui permet de concilier plusieurs passions, l’histoire, sa valorisation et l’infographie. 

L’objectif est de proposer des visualisations de données sur des grands événements de l’histoire de France contemporaine, du XIXe au XXe siècle :
  • La Révolution française, 1789-1799 ;
  • Le Consulat et l’Empire, 1799-1815 ;
  • Les monarchies constitutionnelles, 1815-1848 ;
  • La IIe République, 1848-1852 ;
  • Le Second Empire, 1852-1870 ;
  • Les débuts de la IIIe République, 1870-1914 ;
  • La Grande Guerre, 1914-1918 ;
  • L’entre-deux-guerres, 1919-1938 ;
  • La seconde guerre mondiale, 1939-1945.
Les infographies, les cartes et les illustrations présentées par Jérémie Halais sur le site LaContempo.fr sont des créations originales. Ces contenus sont issus, pour la plupart, de cours donnés à l’université de Caen en 2018 et 2019, mais aussi de recherches menées depuis une quinzaine d’années, dans la bibliographie, aux Archives nationales, au Service historique de la Défense et dans diverses archives départementales. Toutes les infographies et les cartes du blog peuvent être librement utilisées à condition d’en citer la source.

Un exemple : la guerre de 1870-1871


La France commémore en 2020 le 150e anniversaire de la guerre de 1870, « l’année terrible » selon les mots de Victor Hugo. 

Une carte sur les principales batailles et le déroulé de la guerre de 1870-1871
(source : LaContempo.fr)



Une infographie sur les grandes phases du conflit
(source : LaContempo.fr)




Articles connexes




« Mapping the classroom » ou comment on apprenait l'histoire et la géographie au XIXe siècle en Nouvelle-Angleterre


Mapping the Classroom est une exposition virtuelle proposée par la Osher Map Library et le Smith Centre for Cartographic Education, dont l'objectif est de promouvoir l'éducation à travers la géographie, l'histoire et l'art.

L'exposition propose de découvrir comment les élèves de la Nouvelle-Angleterre apprenaient l'histoire et la géographie au XIXe et jusqu'au début du XXe siècle. Le visiteur est invité à plonger dans les salles de classe de l'époque à travers des photographies, des manuels scolaires, des cartes, des globes, des jeux géographiques et des travaux d'élèves.

Medfield Grammar School, 1886. Courtesy of Historic New England (crédit : Osher Map Library)


Les colonies et plus tard les États de la Nouvelle-Angleterre ont toujours accordé beaucoup d'attention à l'éducation des jeunes élèves. Dès 1647, une loi obligeait les villages de plus de cinquante foyers à recruter un maître d'école pour enseigner aux enfants à lire et à écrire. Au début du XIXe siècle, on compte une grande variété d'institutions éducatives, publiques ou privées. Il faut attendre 1870 pour que chaque État subventionne des écoles élémentaires publiques. C'est seulement en 1913 que l'enseignement élémentaire devient obligatoire à l'échelle de l'ensemble des États-Unis.

L'essor de l'enseignement de la géographie au XIXe siècle aux Etats-Unis

Au départ l'enseignement était essentiellement destiné aux garçons. L'enseignement pour les filles se développait aussi, mais le plus souvent dans des écoles ou des académies séparées. Une place importante était réservée à l'enseignement de l'histoire et de la géographie qui avaient pour vocation de former des citoyens américains. Comme l'explique l'historienne Susan Schulten (Map Drawing, Graphic Literacy, and Pedagogy in the Early Republic), des années 1790 aux années 1830, les élèves âgés de douze à seize ans - principalement mais pas exclusivement des filles - dessinaient, peignaient et cousaient des cartes très élaborées, certaines recopiées à partir de modèles, d'autres réalisées à main levée en s'aidant de la grille des latitudes et longitudes. A partir des années 1830-1840, les cartes à la main déclinent au profit des manuels de géographie imprimés (voir cette vidéo).

On voit apparaître les premières cartes muettes destinées à localiser et nommer des lieux. Samuel Augustus Mitchell (1792-1868) a commencé sa carrière comme enseignant dans le Connecticut. Confronté au manque de cartes et d'atlas à disposition des enseignants, il décida de fonder une entreprise d'édition dans les années 1830 pour fournir le matériel de classe qui faisait tant défaut dans les écoles. La série de cartes muettes de Mitchell à l'usage des académies et des écoles a été créée en 1841 pour servir de matériel pédagogique. La série complète se compose de trente grandes feuilles (avec vingt-quatre cartes distinctes). Mitchell estimait que ces cartes avec leurs contours « deviendraient à l'étude de la géographie ce qu'est l'exercice sur le tableau noir pour la science des nombres » et que « les connaissances communiquées à l'esprit par la vision produiraient l'impression la plus vive et la plus durable ».

Dans un rapport annuel de 1920 rédigé par le superintendant des Écoles publiques de Boston, le programme de sixième année invitait à s'éloigner des pratiques courantes du XIXe siècle telles que la mémorisation par cœur et la récitation de « longues listes de villes, de caps, de baies, etc...». Le nouveau programme d'études insistait sur ce point  : « Il y a une place pour la géographie des faits, mais nous devons nous rappeler que la leçon de géographie a pour but d'apprendre à l'enfant à raisonner aussi bien qu'à connaître des faits. Aucun enseignant ne peut faire correctement un cours de géographie (et d'histoire) de 6e année sans avoir accès à un nombre raisonnable de cartes murales, de fonds de cartes pour le tableau noir et de cartes individuelles pour la classe ».

«... en histoire, j'ai inventé la carte » (Emma Willard, 1848)

Aux États-Unis comme en France, le XIXe siècle marque un essor des manuels scolaires sous la forme d'abord de "petites géographies" (voir par exemple My little Geography de Louisa Caroline Tuthill publiée en 1847). Comme les bréviaires, celles-ci procèdent par questions-réponses et reposent principalement sur l'étude du relief, du climat, et éventuellement de la faune et de la flore. Puis progressivement apparaissent de véritables manuels de géographie assortis de cartes. L'époque est à la célébration du territoire national et à la glorification de la patrie. Ainsi par exemple l'ouvrage National Geography for schools (1850) de Samuel Goodrich qui montre comment l'école a participé au développement du sentiment national américain (plus de la moitié de ce manuel est consacré à l'étude géographique de chacun des États des Etats-Unis). Certains manuels s'attachaient à classer les "races humaines", contribuant à véhiculer une vision ethnographique du monde, telle qu'elle a pu perdurer jusqu'à la moitié du XXe siècle (voir par exemple la carte de Woodbridge classant les peuples selon leur degré de civilisation en 1821). 

Emma Willard, qui a été une pionnière en matière d'enseignement de la géographie et de l'histoire, contribua à cette exaltation du sentiment patriotique. Née et élevée dans le Connecticut, Emma Hart Willard (1787-1870) fut pionnière en matière d'éducation, en particulier pour l'éducation des filles. Elle fonda en 1821 à New York le Troy Female Seminary (plus de 300 élèves). Contrairement à ce que l'on observait dans les autres académies féminines de l'époque, Emma Willard souhaitait fournir à ses élèves un enseignement dans tous les domaines, y compris en mathématiques et en sciences. Outre son engagement au service de l'éducation des femmes, elle fit paraître plusieurs ouvrages à grand succès. En 1828, elle publia une Histoire des États-Unis assortie d'une série de cartes (A series of maps to Willard's History of the United States or republic of America), qui sera réimprimée 53 fois et vendue à près d'un million d'exemplaires. Elle collabora également à l'Atlas de Woodbridge dont elle rédigea la partie historique (lire ce billet).


Extrait de l’essai de Virtue Howard sur les meilleures méthodes d’enseignement de la  géographie, du démocrate d’Oxford [Maine], 8 avril 1870 (source : Osher Map Library - traduction libre)

« La géographie et l'histoire doivent être des compagnons inséparables. Après avoir fait réciter la leçon, j'invite souvent un élève de la classe à montrer la carte et à sélectionner différents lieux, que je relie à des fragments d'histoire : par exemple, l'île de Sainte-Hélène avec Napoléon Bonaparte, Juan Fernandes avec Alexandre Selkirk, etc... Un mélange de roman et de merveilleux de manière à frapper les esprits. Une autre méthode que je pratique consiste à demander aux élèves de dessiner, sur leur ardoise ou au tableau noir, les contours principaux de la Terre ; faire une carte de sa propre ville, puis y ajouter les villes voisines, est une très bonne idée. Récemment, je l'ai même fait avec ma classe d'alphabet. Après leur avoir enseigné la ville, le comté et l'État, je les ai invités dans un petit cours de géographie, à désigner et à nommer les montagnes, les rivières, les îles, les vallées, les péninsules, etc., le tout selon leurs propres vues. Si possible, faites une petite promenade avec eux et rendez vos cours aussi agréables que possible en discutant d'une manière très simple. Cela a merveilleusement rempli mes petites charges et m'a bien payé mon labeur ; j'ai toujours essayé de rendre cela plaisant. Comme je constate souvent avec regret que la plupart de mes élèves plus âgés arrêtent leurs études de géographie plus tôt qu'ils ou elles ne le devraient, l'histoire n'étant guère enseignée dans la plupart des écoles, j'ai conçu une méthode qui consiste à donner pour chaque classe d'âge une ou deux questions à retenir pour le lendemain. J'ai commencé par la Création ; et de période en période, les amenant à notre époque, avec de temps en temps de la géographie ; cela aboutit donc à faire ce que j'appelle une classe générale, des plus anciens aux plus jeunes élèves. »

Plan de l’exposition (à découvrir en anglais)

Cartographie de la salle de classe : enseignement de la géographie et de l'histoire au XIXe et au XXe siècle en Nouvelle-Angleterre

1. La culture visuelle proposée dans les salles de classe de la Nouvelle-Angleterre
2. Cartes, broderies et calligraphies façonnées par des écolières
3. Les académies féminines du Maine
4. L'académie féminine de Cony
5. Cartes d'écolières
6. Cartes d'écoliers
7. Livres et cahiers de géographie
8. Cartes murales pour les salles de classe
9. L'évolution des manuels de géographie du primaire et du secondaire
10. Chapitres sur les « races humaines » dans les manuels de géographie du primaire et secondaire
11. Matériel pédagogique créé par des enseignants
12. L'évolution du dessin cartographique
13. Globes utilisés en classe
14. Jeux géographiques pour la classe ou la maison 


La Osher Map Library et le Smith Centre for Cartographic Education proposent par ailleurs d'autres parcours pédagogiques sur l'histoire des chemins de fer, la Grande Guerre, les cartes décoratives, les cartes et globes rares, les femmes et la cartographie, l'essor du tourisme (1600-1900)...

On peut découvrir d'autres expositions et consulter sa très riche cartothèque. Des fiches pédagogiques (par thèmes ou par niveau de classe) sont également à disposition.

Susan Schulten, Map Drawing and Female Education in the Early Republic, Barry Lawrence Ruderman Conference on Cartography Exhibits, 2019 (vidéo).


Lien ajouté le 17 février 2021

Lien ajouté le 9 août 2021

Lien ajouté le 24 août 2021

Lien ajouté le 7 octobre 2021
Lien ajouté le 12 janvier 2022

Lien ajouté le 25 avril 2022

Lien ajouté le 31 août 2022

Lien ajouté le 2 juin 2024


Teaching Geography Through Map Samplers (Geography RealmGeography Realm)
La géographie fut la première science enseignée aux filles. Le révérend Jedidiah Morse a dédié son ouvrage de 1784, « Geography Made Easy » « Aux jeunes maîtres et aux demoiselles à travers les États-Unis ». Au XVIIIe siècle, en Grande-Bretagne, l’enseignement des travaux d’aiguille constituait un moyen populaire pour intégrer et apprendre des thèmes pédagogiques.


Articles connexes



Le « redlining » : retour sur une pratique cartographique discriminatoire qui a laissé des traces aux Etats-Unis



Outre la mémoire de la colonisation et de l'esclavage, le mouvement « Black Lives Matter » a mis en évidence et réinterrogé une pratique cartographique discriminatoire qui a laissé des traces aux Etats-Unis : le « redlining ». Celle-ci consistait à délimiter par une ligne rouge les quartiers jugés trop risqués pour fournir des prêts immobiliers ou pour assurer des biens. Cette pratique s'est développée à la suite de la crise de 1929 et a touché tout particulièrement les populations noires défavorisées. Elle s'est poursuivie bien au delà et a eu pour effet d'accentuer la ségrégation urbaine.

1) Le « redlining » : origine et définition

Le terme de redlining date des années 1960, mais les discriminations à l’encontre de certaines zones urbaines, en particulier celles abritant des Afro-Américains, remonte au début du XXe siècle. Amy Hillier en retrace l'origine et les caractéristiques dans un chapitre de l'ouvrage The History of cartography (vol 6) dirigé par Mark Monmonier. Pour Hillier (2015), cette focalisation sur le lieu d'habitat plutôt que la solvabilité de l'emprunteur potentiel distingue le redlining de la plupart des autres types de discriminations fondées sur la race, la religion, l’origine ethnique ou nationale, la situation familiale ou le handicap. 

Après les émeutes raciales de l'été 1919 (Red Summer), la Commission sur les relations raciales de Chicago notait dans son rapport des difficultés pour les Afro-Américains à obtenir des prêts, ce qui constituait déjà à l'époque un obstacle majeur pour leur accession à la propriété. Les banques et assurances mettaient à part les secteurs qu'elles jugeaient trop risqués en raison de l'origine sociale et raciale des emprunteurs. Mais c'est la crise de 1929 qui a développé la pratique du redlining. Face à la pénurie et au coût du logement, l'administration américaine décida de créer la Federal Housing Administration (FHA) et la Home Owners’s Loan Corporation (HOLC), deux agences fédérales destinées à redynamiser l'immobilier, les prêts et la construction immobilière.

La FHA avait pour mission d'évaluer les possibilités de réassurer les hypothèques. Pour déterminer les quartiers les plus favorables étaient pris en compte leur accès aux transports, leur accès aux services publics et privés, leurs niveaux de revenus fiscaux, leur topographie, leur attrait général ainsi que leur protection face aux « influences néfastes » : autant de critères qui servaient à établir la cote du quartier. Les données de la FHA constituent aujourd'hui une source d'information majeure pour étudier les cotes de risque immobilier par quartiers dans les années 1930-40. L'un de ses principaux artisans n'était autre que Homer Hoyt, qui appartenait à l'Ecole de Chicago et théorisa dans son modèle par secteurs la transformation continue des villes en lien avec le dépérissement de certains quartiers pauvres en proie au déclin immobilier (un des moteurs du white flight vers les banlieues pavillonnaires). Alors que la FHA a été créée comme une agence permanente afin d'assurer les hypothèques, la HOLC devait servir en cas d'urgence pour fournir une assistance aux propriétaires menacés d’expulsion. La FHA et la HOLC ont travaillé en étroite collaboration de manière à partager leurs données d'enquête et leurs cartes qui étaient largement diffusées auprès du secteur privé. De fait, en voulant cibler l'aide à attribuer, elles ont contribué au désinvestissement du secteur privé et à la stigmatisation des quartiers les plus déshérités.


Les cartes étaient codées selon 4 couleurs ou catégories :
  • Catégorie A : en vert ( « Best ») : les quartiers jugés pleins d'avenir, explicitement homogènes, « sans un seul étranger ou nègre » ;
  • Catégorie B : en bleu, ( « Still Desirable » ) : les  quartiers considérés comme stables en raison de leur faible risque d' « infiltration » par des groupes non blancs ;
  • Catégorie C : en jaune ( « Definitively Declining » ) : les zones bordant les quartiers noirs considérées comme risquées en raison de la « menace d’infiltration d’origine étrangère, nègre, ou de population de moindre condition » ;
  • Catégorie D : en rouge ( « Hazardous » ) : les quartiers jugés « dangereux », presque tous peuplés par des populations noires, décrits par la HOLC comme  « population indésirable » et non éligible à une aide de la FHA.
De même qu'une seule goutte de sang afro-américain suffisait à considérer une personne comme « noire » quels que soient ses autres ascendants, de même une seule famille noire pouvait rendre l'ensemble du quartier "risqué" pour les prêts hypothécaires aux yeux du gouvernement fédéral. Pour Richard Rothstein (The Color of Law, 2018) les programmes de logement lancés dans le cadre du New Deal ont représenté en quelque sorte un "système de ségrégation parrainé par l'État". Comme l'a montré Gotham (2000), au cours du XXe siècle, l'identification du comportement et de la culture noirs à des quartiers dégradés a stimulé et justifié des pratiques immobilières d'exclusion visant à créer et à préserver la séparation géographique des races, tout en contrôlant l'aménagement métropolitain.


2) Mapping inequality : un site pour étudier l'héritage des discriminations raciales aux Etats-Unis

En voulant évaluer le risque des prêts à hypothèques, le gouvernement américain a laissé un portrait saisissant du racisme et de la discrimination qui ont façonné la politique du logement aux Etats-Unis au lendemain de la Grande Dépression.

Le projet Mapping Inequality Redlining in New Deal America a été créé par quatre équipes issues de trois universités. Le site comprend plus de 150 villes des Etats-Unis concernées par la pratique du redlining. Les données proviennent de la HOLC, elles ont été géoréférencées et intégrées dans un SIG consultable en ligne sur le site de l'Université de Richmond.

Mapping Inequality Redlining in New Deal America :
http://dsl.richmond.edu/panorama/redlining/#loc=5/39.1/-94.58


Les cartes sont disponibles en téléchargement au format vecteur ou raster :
https://dsl.richmond.edu/panorama/redlining/#loc=5/39.1/-94.58&text=downloads

Le redlining concerne aussi bien les grandes que les petites villes des Etats-Unis, avec des différences importantes entre le Vieux Sud et le Nord-Est des Etats-Unis ayant accueilli la Grande Migration des Noirs entre 1916 et 1970. Le site Mapping Inequality donne la répartition des quartiers ainsi que le pourcentage pour chacune des catégories A-B-C-D, ce qui permet des comparaisons entre les villes à l'échelle locale et à l'échelle globale des Etats-Unis.

« C'est incroyable ce que l'on peut trouver dans ces documents », explique Robert Nelson, directeur de centre de partage numérique de l'université de Richmond qui a numérisé et assemblé les cartes du projet Mapping Inequality. « Ces cartes sont à l'origine de prophéties auto-réalisatrices. Les chercheurs ont ainsi découvert que les cartes provoquaient une ségrégation et un désinvestissement accrus dans les quartiers minoritaires. Les cartes témoignent des politiques qui, pendant des décennies, ont empêché des millions de familles noires de devenir propriétaires ». De fait ces cartes de la HOLC codifient les inégalités qui existaient déjà dans les espaces urbains et créent de nombreux problèmes pour l'avenir.






3) Le « redlining » d'hier à aujourd'hui

La pratique du redlining a été abolie officiellement en 1968 par le Fair Housing Act qui interdit explicitement la discrimination raciale. Elle a cependant continué à exister sous différentes formes jusqu'à nos jours. Le professeur de sociologie Pete Saunders en dresse une chronologie assez détaillée qui permet d'en comprendre les transformations jusqu'à la crise des subprimes en 2008.

Cette pratique a largement contribué au racisme systémique qui a pu s'installer et perdurer à travers les conditions de logement. Jeremy Crampton (Maps and the Social Construction of Race, 2015) classe le redlining comme un des facteurs majeurs de ségrégation ethnique (d'autres minorités pouvant être également touchées). Les cartes témoignant de ces pratiques discriminatoires sont reprises aujourd'hui par les minorités qui entendent non seulement en garder la mémoire, mais s'en servir comme instrument de lutte pour dénoncer le racisme et la ségrégation.


Les quartiers de Philadelphie qui étaient autrefois entourés en rouge, continuent d'accumuler des difficultés encore aujourd'hui : importante pauvreté, moindre accès à la santé, niveau de scolarité plus bas, taux de chomage élevé, délits plus nombreux.


Il convient cependant de ne pas verser dans le déterminisme. Il peut arriver que certains quartiers délimités en rouge à l'époque soient devenus des quartiers attractifs dans le cadre de processus de réaménagement, de reconquête ou de gentrification. C'est le cas par exemple de certains quartiers de Los Angeles (Palisades, Sawtelle, West LA, Palms jusqu'à Westchester) classés jaune ou rouge et devenus aujourd'hui extrêmement chers avec des biens immobiliers haut de gamme. L'intérêt des données mises à disposition par le site Mapping Inequality Redlining in New Deal America est de permettre des comparaisons avec la situation socio-ethnique d'aujourd'hui. La pratique du redlining montre en tous les cas à quel point la ségrégation raciale est enracinée dans la structure du marché immobilier aux Etats-Unis avec des effets à très long terme.



Références

Crampton, J. (2015). Maps and the Social Construction of Race. In Mark Monmonier. The History of Cartography, Chicago Press, vol. 6.
http://press.uchicago.edu/books/HOC/HOC_V6/HOC_VOLUME6_R.pdf

Gotham, K. F. (2000). Urban Space, Restrictive Covenants and the Origins of Racial Segregation in a US city, 1900-50. International Journal of Urban and Regional Research, vol.24, nº3, pp. 616-633. http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/1468-2427.00268/abstract

Hillier, A. (2015). Redlining, In Mark Monmonier. The History of Cartography, Chicago Press, vol. 6.
http://press.uchicago.edu/books/HOC/HOC_V6/HOC_VOLUME6_R.pdf

Le Goix, R. (2016). « Du manteau d’Arlequin au Rubik’s cube : analyser les multiples dimensions de trente années d’évolutions socio-économiques des quartiers en Californie du Sud », Géoconfluences, http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/etats-unis-espaces-de-la-puissance-espaces-en-crises/articles-scientifiques/du-manteau-d-arlequin-au-rubik-s-cube

, The Color of Law : A Forgotten History of How Our Government Segregated America. Liveright Publishing

Recoquillon, C. (2015). Ce que "Ferguson" révèle du racisme systémique aux États-Unis, Géoconfluences. http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/etats-unis-espaces-de-la-puissance-espaces-en-crises/articles-scientifiques/Ferguson


Dans les médias

Redlining was banned 50 years ago. It’s still hurting minorities today. Washington Post (28 juin 2020).

How Redlining Communities Affects Health (Geography Realm).

Los Angeles Land Covenants, Redlining ; Creation and Effects

A History of Redlining in Omaha
http://northomahahistory.com/2015/08/02/a-history-of-red-lining-in-north-omaha/

Louisville Confronts Its Redlining Past and Present
http://www.bloomberg.com/news/articles/2017-02-21/mapping-louisville-s-redlining-history

Detroit then and now (Bridge Michigan

Redlining and Gentrification (Urban Displacement Project)

Carte des minorités aux États-Unis réalisée pour l'Atlas des droits de l'homme (sous la direction de Catherine Withol de Wenden) @LeCartographe
 

Liens ajouté le 25 août 2020

Îlots de chaleur urbains et redlining
Dans How Decades of Racist Housing Policy Left Neighbourhoods Sweltering, le New York Times propose une storymap qui montre comment les quartiers des États-Unis marqués par le redlining correspondent généralement aujourd'hui aux parties les plus chaudes des villes. La raison en est que ces quartiers sont restés pour la plupart des zones défavorisées et ont tendance à avoir peu d'arbres et  un environnement bâti dense.

Le site Wenfei Xu propose un outil de cartographie en ligne permettant de comparer les cartes historiques de redlining avec les données de recensement actuelles. Une manière de vérifier si les cartes de la HOLC ont encore un impact sur la ségrégation urbaine aujourd'hui. Les données et les graphiques associés à la carte sont très efficaces pour visualiser les différents niveaux de ségrégation en fonction des villes et pour établir des comparaisons (on peut choisir différentes dates entre 1930 et 2016).

La HOLC Map de la National Community Reinvestment Coalition permet également d'explorer les héritages du redlining jusqu'à aujourd'hui. Le site permet de comparer les données actuelles avec les conditions de revenu et la composition raciale telle que relevées à l'époque par la HOLC. On peut ainsi étudier si les quartiers avec de "bonnes notes" sont restés en majorité blancs et riches et s'il y a eu des zones de gentrification.

Lien ajouté le 15 décembre 2020

La crise pandémique a mis en évidence des disparités assez fortes en matière de santé dans la plupart des villes américaines. Les Noirs américains ont été davantage infectés par la Covid-19 et ont été proportionnellement plus nombreux à être décédés des suites du virus. Le site web développé par le Digital Scholarship Lab de l'Université de Richmond suggère que les disparités sanitaires et sociales que nous constatons aujourd'hui peuvent être attribuées à la ségrégation raciale présente depuis longtemps dans les villes américaines. Le site Not Even Past : Social Vulnerability and the Legacy of Redlining permet ainsi de comparer les cartes de redlining des années 1930 avec des cartes d'aujourd'hui qui visualisent les disparités en matière de santé dans les villes américaines. Pour cela, il suffit de sélectionner une ville et on voit s'afficher la carte à l'époque de la HOLC comparée à la carte d'aujourd'hui montrant les indices de vulnérabilité sociale du CDC par quartiers. Entre les deux cartes, un graphique alluviale permet de voir les tendances (cliquer sur le plan pour mettre en évidence l'évolution à l'échelle de chaque quartier). Si les lignes du graphique sont horizontales, peu de choses ont changé. Des lignes descendantes suggèrent une baisse, alors que des lignes montantes indiquent une amélioration socio-économique pour ces quartiers (en raison  éventuellement d'un processus de gentrification).
 
Comparaison entre la carte de redlining et la vulnérabilité sanitaire et sociale de Détroit aujourd'hui



Lien ajouté le 20 décembre 2020

"Les lignes qui façonnent nos villes. Relier les inégalités environnementales actuelles aux politiques de redlining des années 1930". Cette storymap a été créée en collaboration avec le Digital Scholarship Lab de l'Université de Richmond, le Science Museum of Virginia et la société Esri. Après avoir rappelé les origines du redlining et les enjeux environnementaux qui concernent les villes étatsuniennes aujourd'hui, la storymap propose de nombreux exemples d'études à partir de cartes, de graphiques, d'images et de vidéos.

The lines that shape our cities. Connecting present-day environmental inequalities to redlining policies of the 1930s (source : ESRI)



Liens ajoutés le 10 février 2021



Lien ajouté le 15 mars 2021


"Discriminés, maintenant inondés" : une story map proposée par Bloomberg City Lab. Les cartes de  discrimination en matière de logement montrent comment les quartiers qui ont souffert du redlining dans les années 1930 font face à un risque d'inondation beaucoup plus élevé aujourd'hui.



Lien ajouté le 18 juin 2021


Lien ajouté le 2 août 2021

Lien ajouté le 11 novembre 2021

Lien ajouté le 24 janvier 2022

Liens ajoutés le 11 février 2022

Dans The Lasting Legacy of Redlining, FiveThirtyEight propose un outil de visualisation de données qui permet de voir les effets durables du redlining dans les villes américaines (voir les données sur Github). Il s'agit de montrer la ségrégation raciale sur la base des données du recensement décennal américain de 2020. Pour chaque ville, on peut choisir d'afficher les cartes des zones HOLC ("meilleures", "souhaitables", "en déclin" ou "dangereuses") ainsi que le pourcentage de chaque groupe racial vivant aujourd'hui dans chacune de ces zones.

Les quartiers délimités ne sont pas seulement confrontés à un plus grand risque d'inondation comme le montre cet article de Bloomberg. Depuis les évaluations des prêts hypothécaires du New Deal racialement discriminatoires, ces quartiers ont continué de faire face à un sous-investissement dans les infrastructures par rapport à leurs quartiers plus riches. Dans How Decades of Racist Housing Policy Left Neighbourhoods Sweltering, le New York Times montre comment, à travers les États-Unis, les quartiers qui ont été délimités sont désormais plus susceptibles de souffrir de l'effet d'îlot de chaleur urbain que les quartiers qui n'ont pas été délimités.


Lien ajouté le 5 avril 2022

Lien ajouté le 23 juillet 2022


Lien ajouté le 12 octobre 2022

HiVizFigs montre à travers une data visualisation comment les quartiers de Pittsburgh touchés par le redlining en portent encore l'héritage aujourd'hui. 


Lien ajouté le 3 mai 2023

Lien ajouté le 23 octobre 2024


Aux États-Unis, certains acheteurs sont encore contraints de signer des clauses restrictives à caractère racial. Une étude a fait appel à l'intelligence artificielle pour déterminer les endroits où ces clauses subsistent dans les dossiers de logement. Bien que jugées inapplicables par la Cour suprême des États-Unis en 1948, les clauses restrictives raciales (clauses juridiques interdisant aux individus de certaines origines raciales d'acheter ou d'occuper des logements) persistent encore dans les registres fonciers du comté de Santa Clara. Une nouvelle carte interactive permet désormais de prédire où, dans le comté de Santa Clara, ces clauses restrictives raciales sont les plus susceptibles d'exister encore dans les registres fonciers.

Une étude récente (PDF) menée par des chercheurs de l'Université de Stanford et de l'Université de Princeton, en partenariat avec le comté de Santa Clara, a révélé qu'en 1950, environ une propriété sur quatre dans le comté était soumise à ces clauses discriminatoires. Bien que ces clauses ne soient plus juridiquement applicables, elles restent inscrites dans des millions d'actes de propriété.

Les acheteurs potentiels de maisons dans le comté de Santa Clara sont encore souvent confrontés à ces documents historiques lors du processus d'achat, où ils doivent signer des papiers reconnaissant l'existence de restrictions raciales obsolètes, même si elles sont constitutionnellement nulles. Cela peut être une expérience bouleversante pour les acheteurs, un rappel brutal de l'histoire profondément enracinée de la discrimination raciale dans le logement.

Avec plus de 24 millions de documents d’actes de propriété dans le seul comté de Santa Clara, l’ampleur du problème est immense. Identifier et supprimer manuellement ces clauses restrictives est une tâche énorme, c’est pourquoi les chercheurs ont développé un outil d’intelligence artificielle innovant pour détecter et signaler les clauses restrictives raciales. Le système d’IA, qui a déjà permis d’économiser des milliers d’heures de travail manuel, offre une nouvelle voie pour identifier et finalement supprimer ces clauses discriminatoires des registres de propriété.

Une carte interactive a été publiée à la suite de l'étude pour illustrer les endroits où des groupes de clauses restrictives raciales persistent dans les registres du logement. L'étude a permis « d'identifier les promoteurs et les individus qui ont contribué à la prolifération » des clauses restrictives raciales. La carte montre l'emplacement de ces développements à l'aide de cercles à l'échelle, la taille des cercles indiquant le nombre de clauses restrictives raciales.

Les résultats de l'étude ont mis en évidence non seulement la maintien de ces conventions, mais aussi leur concentration géographique dans le comté. De nombreux quartiers ont été délibérément conçus pour exclure les résidents non blancs, en particulier pendant le boom immobilier du début du XXe siècle. Aujourd'hui, cet héritage continue d'influencer la manière dont les documents historiques sont traités, et le processus d'identification et de rédaction de ces conventions est à la fois urgent et complexe.


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Utiliser les données de l'UN Biodiversity Lab sur la biodiversité et le développement durable


L'UN Biodiversity Lab est une plateforme en ligne proposée par l'ONU dans le cadre du PNUD. Elle  permet d'accéder à des couches d'information géographique à l'échelle mondiale, de télécharger et de manipuler des jeux de données concernant les objectifs d'Aichi fixés dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique et les Objectifs de développement durable (ODD).


La mission de l'UN Biodiversity Lab est triple :
  • améliorer la compréhension des données spatiales afin d’œuvrer pour une meilleure prise de décision
  • faire des données spatiales un vecteur de transparence et de contrôle des mesures de conservation de la biodiversité
  • réunir les observations réalisées à partir des données géospatiales pour mieux les partager dans tous les secteurs concernés par mise en œuvre de la Convention sur la Diversité Biologique et du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Le site de l'ARSET (Applied Remote Sensing Training) de la NASA a organisé en mars 2020 un webinaire pour utiliser l'UN Biodiversity Lab. On peut y trouver une plaquette de présentation ainsi que des ressources. Voir également le guide d'utilisation des données (en anglais).




Les jeux de données mis à disposition sont riches et nombreux avec un accès par objectif, par thème  ou par mots-clés en utilisant le moteur de recherche. Pour télécharger les données, il faut s'inscrire auparavant sur le site.

Il est possible d'intégrer les cartes directement sur son site Internet (en iframe) ou de les exporter via un composer d'images qui permet d'ajuster titre, légende et habillage.  Un regret tout de même : le choix de la projection Mercator qui n'est pas vraiment adaptée pour visualiser des données à l'échelle mondiale !

La répartition des éco-régions (biomes) en 2017 - UN Biodiversity Lab



A compléter par l'Atlas des Objectifs de développement durable ainsi que les tableaux de bord de la Banque mondiale. 

Lien ajouté le 25 septembre 2020
 
La perte de biodiversité est une urgence sociale et écologique. Des appels ont été lancés afin d'étendre les aires protégées terrestres et maritimes pour faire face à cette crise. Cependant, on ne sait pas où trouver de nouvelles aires pour protéger la biodiversité de manière rentable. Pour répondre à cette question, des chercheurs ont mené une méta-analyse spatiale en superposant sept modèles de biodiversité mondiale pour identifier les zones prioritaires de conservation (cartes à télécharger) :
https://advances.sciencemag.org/content/6/37/eabc3436/tab-figures-data
 
Lien ajouté le 11 octobre 2024

L'indice planète vivante, publié par le Fonds mondial pour la nature (WWF), reflète le déclin continu de la biodiversité à quelques jours de l’ouverture de la COP16, en Colombie. Cette mise à jour annuelle de l’« indice planète vivante » (IPV) évalue l’abondance des populations de vertébrés sauvages. Il indique qu’entre 1970 et 2020 la taille des populations d’oiseaux, de mammifères, d’amphibiens, de poissons et de reptiles suivies a diminué, en moyenne, de 73 % à l’échelle mondiale. La précédente édition, en 2022, faisait état d’une chute de 69 %. Les vertébrés représentent moins de 5 % des espèces animales connues, mais sont les plus étudiés.

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