La gratuité des transports collectifs urbains : une carte et un débat


La Cour des comptes a publié en septembre 2025 un rapport sur « La contribution des usagers au financement des transports collectifs urbains ». Elle indique qu’en 2019, le coût moyen d’un déplacement en transport collectif urbain (TCU) est de 3,55 €, avec 0,76 € (22% seulement) couverts par l’usager, 1,82 € (51%) par les employeurs et 0,97 € (27% par les subventions publiques). Sur les seuls coûts de fonctionnement, la part des usagers est de 41 % des financements, avec de forts contrastes selon les villes, de 0 % (gratuité) à 61 % (Lyon) comme l’indique la carte. La part des usagers a baissé ces dernières années, au vu des moindres tarifs appliqués, et de réseaux de plus en plus étendus en lien avec la périurbanisation. Ce qui pose la question de la gratuité des transports en commun, très appréciée par les usagers mais encore peu mise en oeuvre en raison du coût pour les entreprises et les collectivités.

La carte

Ratio  « R/D » de couverture des dépenses de fonctionnement par les recettes tarifaires, par réseau en 2019
(source : Cour des comptes)

La carte fournit un aperçu des ratios recettes-dépenses (R/D) pour 88 Autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Il convient de préciser que plusieurs organismes publient des statistiques relatives au ratio R/D et des écarts de plusieurs points sont couramment constatés. Ces différences proviennent des variations dans les définitions et les périmètres utilisés. Le réseau de Lyon présente un ratio  « R/D » (Recettes/Dépenses) qui se détache largement de celui des autres réseaux, avec 61 % en 2019. Avec l’Île-de-France, seuls quelques autres réseaux avaient une couverture supérieure à 30 %, comme Nantes, Montpellier, Tours, Bordeaux, Toulouse, Lille, Strasbourg. 

Le débat

Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique, avance plusieurs éléments de débat en ce qui concerne la pertinence de la gratuité des Transports collectifs urbains (TCU) : 

  • Ses effets sur l’usage du bus ou le report modal : s’il y a de nouveaux usagers, quelle part provient de la gratuité, ou de l’éventuel renforcement concomitant de l’offre ? quelles parts viennent de la voiture, de la marche, du vélo ?
  • Le prix n’est que rarement la première raison de non usage des TCU (6 % seulement)…
  • C’est bien plus souvent le manque d’offre, de fréquence, la qualité de service… la priorité pour augmenter l’usage devient alors d’augmenter l’offre.
  • Dans ce contexte, par rapport à une tarification solidaire, faut-il se priver des recettes des usagers qui ont les moyens de financer les TCU ?
Alors que la mesure est généralement bien perçue par la population et notamment les usagers, ne souffre-t-elle donc que de défauts ? On peut citer comme avantages :
  • Le côté pratique pour les usagers
  • Les tarifications sociales présentent un risque de non recours aux aides
  • Des économies sur la gestion de la billettique
  • Enfin, dans certaines petites villes, la contribution des usagers est tellement faible que la gratuité n’y est pas forcément très coûteuse
Aurélien Bigo en retient les éléments de synthèse suivants :
  • La pertinence de la gratuité dépend du contexte local, en particulier de la taille des villes et de la part de financement qui vient des usagers
  • Mais à un moment où la priorité doit être de financer un choc d’offre, et alors que les finances publiques sont particulièrement sous contraintes, ce n’est pas la priorité pour la plupart des réseaux
  • La tarification doit viser un subtil équilibre entre augmentation du financement de l’offre et accessibilité du réseau, en particulier pour les plus vulnérables. D'aucuns proposent une tarification sociale basée sur le revenu...
Pour compléter 

Rapport de la Cour des comptes sur "La contribution des usagers au financement des transports collectifs urbains"

Gratuité des transports en commun : une option qui fait débat (Vie publique)
https://www.vie-publique.fr/eclairage/286538-transports-publics-gratuits-un-choix-qui-fait-debat

Liste des villes ayant mis en place la gratuité des transports en commun (Wikipédia)

L’Observatoire des villes du transport gratuit fournit une carte des 46 villes ayant mis en place un transport gratuit pour la majorité des usagers (en France métropolitaine)

Les transports gratuits : une fausse bonne idée ? (Bon Pote)

Transports publics gratuits, une mesure inefficace contre la pollution en ville (The Conversation)

Avis de la Fnaut - La voix des usagers sur la gratuité des TC
Avis du Gart (Groupement des autorités organisatrices des mobilités)
https://www.gart.org/actualite/les-enseignements-du-gart-sur-la-gratuite-des-transports-publics/

La gratuité des transports fait-elle ses preuves ? Débat entre Philippe Duron et Arnaud Passalacqua (Forum Vies Mobiles)
https://forumviesmobiles.org/regards-croises/15548/la-gratuite-des-transports-fait-elle-ses-preuves

Yves Crozet, Bruno Faivre d’Arcier, Aurélie Mercier, Guillaume Monchambert, Pierre-Yves Péguy. Réflexions sur les enjeux de la gratuité pour le réseau TCL. [Rapport de recherche] SYTRAL et LAET, Lyon, 2019, pp.116

Lien ajouté le 27 octobre 2025


"Les bus plus rapides peuvent-ils vraiment être gratuits ?" (New York Times)
Le débat sur la gratuité des transports concerne d'autres pays que la France. Zohran Mamdani a construit sa campagne électorale à New York en exploitant la frustration suscitée par le système des bus. « Des bus rapides et gratuits », a-t-il promis, les deux objectifs étant liés. « Aujourd'hui, dans la ville la plus riche du pays le plus riche de l'histoire du monde, un New-Yorkais sur cinq n'a pas les moyens de payer le bus », a déclaré M. Mamdani, défendant son projet lors du dernier débat de campagne la semaine dernière. Si l'on rendait cet argent aux gens, et plus de leur temps, suggère-t-il, les retombées économiques pour la ville dépasseraient même le coût d'un programme de gratuité qui, selon lui, pourrait coûter 700 millions de dollars par an. Les critiques, et même certains défenseurs des transports en commun, mettent en garde contre l'incompatibilité de ses deux objectifs : dépenser des sommes aussi importantes pour subventionner les bus, et il ne restera pas grand-chose pour les améliorer, surtout à un moment où le gouvernement fédéral sape le soutien aux transports en commun et où l'économie est fragile.
 
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