Cartographie de la guerre hybride et des tentatives de déstabilisation de l'Europe


Source« Au-delà de la guerre hybride : acteurs et territoires de la stratégie russe de déstabilisation de l'Europe » (Cassini Maps).

Alors que l’on parle plus que jamais des actions « hybrides » conduites par la Russie dans l’Union Européenne, nous avons souvent du mal à connecter entre eux des événements qui, pris séparément, paraissent souvent anodins. Pourtant, si l’on commence à les relier entre eux en utilisant les sources ouvertes disponibles, on entrevoit rapidement une stratégie territoriale d’ensemble, dont l’objectif est la déstabilisation du continent européen.

L’objectif de cette cartographie interactive est de mettre en lumière une partie de cette toile invisible, en utilisant les outils méthodologiques de la géopolitique. L’interface est une expérimentation scientifique menée conjointement par CASSINI, le laboratoire GEODE, l’Institut Français de Géopolitique et le collectif CORUSCANT. Le tableau de bord proposé croise un graphe de relations montrant les réseaux invisibles entre acteurs russes et une carte de l'Europe montrant les lieux de leurs actions.  Le tableau de bord combine cartographie dynamique, schémas d’acteurs et statistiques interconnectées dans un outil d’OSINT remarquable.

Tableau de bord mettant en relation acteurs et territoires de la stratégie russe de déstabilisation de l'Europe
(source : Cassini Maps)

Une autre plateforme cartographique a été développée par les équipes du centre de recherche cyber de l’Université Paris 8, GEODE et la société CASSINI, spécialisée en cartographie. Son objectif est de cartographier et hiérarchiser toutes les actions menées par Prigozhin ou ses réseaux dans le monde, à partir des données collectées en source ouverte depuis plusieurs années par les chercheurs du centre GEODE et les analystes de CASSINI.

Actions menées par la galaxie Prigozhin (source  : Cassini Maps)

Pour compléter

« La Russie de Poutine est déjà en train d’attaquer l’Europe : cartographier les 60 opérations de guerre hybride menées depuis 2022 » (Le Grand Continent).

« Les guerres hybrides de la Russie contre l’Europe, avec Kévin Limonier » (Geopolitique.net).

« A partir de quand la guerre hybride devient-elle la guerre tout court ? » (Le Monde).

« La guerre hybride à l'épreuve du feu » (IFRI).

« L'ingérence informationnelle est devenue un business à Moscou" : derrière la stratégie de déstabilisation russe, une constellation d'acteurs » (France-Info).

« J'ai été piraté parce que je travaille sur la Russie. Mais la même nouvelle attaque intelligente pourrait être utilisée contre presque n’importe qui » (Foreign Policy).

« Penser le renseignement. Le retour du terrorisme d’État ? » (Magazine DSI)

« L’Europe en première ligne des ingérences informationnelles russes » (Alternatives économiques).

« La cyberguerre Russie-Ukraine, caractère de la guerre hybride » (Carto-Lycée).

Lien ajouté le 19 octobre 2025

« La Russie dispose désormais d’une stratégie pour un état de guerre hybride permanent » par Stefan Wolff (The Conversation).

Stefan Wolff (University of Birmingham) analyse la "guerre hybride" menée par Moscou. Entre drones, cyberattaques et désinformation, la Russie utilise une stratégie globale visant moins la victoire militaire que l’affaiblissement durable de l’Occident. Un nouveau rapport suggère que la stratégie de politique étrangère de la Russie consiste à « cesser de s’inquiéter et à aimer le désordre ». Cette stratégie, inspirée de la doctrine Gerasimov, repose sur la "weaponisation of everything" : militariser l’économie, l’information, la société. En combinant guerre psychologique, politique et numérique, Moscou cherche à remodeler l’ordre international à son avantage. L’Europe est le principal champ de bataille de cette guerre sans front. Des drones survolent la Pologne, des soldats "verts" apparaissent en Estonie, et des interférences électorales sont signalées en Roumanie et Moldavie. Autant d’actes visant à semer la confusion. Pour Moscou, le conflit en Ukraine est aussi un message géopolitique : prouver sa puissance et exposer l’impuissance occidentale. La guerre hybride contre l’Europe est donc un levier central pour isoler Kyiv et diviser ses alliés au sein de l’UE et de l’OTAN. Cette stratégie s’explique aussi par la faiblesse structurelle de la Russie. Son PIB ne représente qu’un dixième de celui de l’UE et sa population 3 fois moindre. Son budget militaire de 145 milliards de dollars, soit 6,8% du PIB, reste difficilement soutenable. Pour compenser, Moscou mobilise la désinformation, soutient les partis populistes pro-russes et exploite les divisions européennes. L’objectif est d’éroder la cohésion politique du continent et de rendre impopulaire le soutien militaire et économique à l’Ukraine. Cette "guerre permanente" permet à la Russie de maintenir une pression constante tout en évitant l’affrontement direct avec l’Otan. Elle vise à imposer un nouvel ordre de sécurité fondé sur la notion d’"indivisible security" où les intérêts russes primeraient en Europe.


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