Le site Medieval Murder Maps offre un aperçu unique de la violence et de la justice à la fin du Moyen Âge en Angleterre. Son fondateur, Manuel Eisner a repéré des centaines de meurtres à cette époque. En utilisant des registres du XIVe siècle et d'autres sources d'archives, l'historien directeur de l'Institut de criminologie de l'Université de Cambridge, a passé 15 ans à travailler sur des outils interactifs qu'il appelle « cartes de meurtres » avec l'aide d'une équipe. Réunis et analysés dans un article à comité de lecture, leurs résultats offrent un aperçu des dessous sombres de la vie médiévale à Londres, Oxford et York. Ils révèlent également des tendances qui pourraient surprendre les lecteurs d'aujourd'hui : certains des foyers les plus meurtriers se trouvaient dans les quartiers les plus aisés, et les étudiants universitaires figuraient parmi les tueurs les plus fréquents. Les auteurs ont également constaté que les meurtres avaient tendance à se concentrer dans les zones extérieures très fréquentées et que la majorité des tueurs bénéficiaient de l'impunité.
Référence scientifique
Eisner, M., Brown, S.E., Eisner, N. et al. (2025). Spatial dynamics of homicide in medieval English cities: the Medieval Murder Map project [Dynamique spatiale des homicides dans les villes médiévales anglaises : le projet Medieval Murder Map], Criminal Law Forum, https://doi.org/10.1007/s10609-025-09512-7 (article en accès libre).
Cette étude examine les schémas spatiaux des homicides dans trois villes anglaises du XIVe siècle – Londres, York et Oxford – à travers le projet Medieval Murder Map, qui visualise 355 cas d'homicides issus d'enquêtes judiciaires. En intégrant la criminologie historique aux théories contemporaines de la criminalité spatiale, les auteurs esquissent une nouvelle criminologie historique de l'espace, montrant la manière dont les environnements urbains ont façonné les schémas de violence meurtrière du passé. Les résultats révèlent des similitudes entre les trois villes. Les homicides étaient fortement concentrés dans des lieux clés de la vie urbaine tels que les marchés, les places et les voies publiques. Les schémas temporels indiquent que la plupart des homicides se produisaient le soir et le week-end, ce qui concorde avec la théorie des activités routinières. Oxford présentait des taux d'homicides bien plus élevés que Londres et York, ainsi qu'une proportion plus élevée de violences collectives organisées, suggérant des niveaux élevés de désorganisation sociale et d'impunité. Les analyses spatiales révèlent des zones distinctes liées aux conflits entre la ville et l'université et à la violence alimentée par les factions étudiantes. À Londres, les résultats suggèrent des groupes distincts d'homicides reflétant des différences de fonctions économiques et sociales. Dans les trois villes, certains homicides ont été commis dans des espaces à forte visibilité et à forte signification symbolique. Ces résultats mettent en évidence l'influence historique de l'espace public sur la violence urbaine. L'étude soulève également des questions plus larges sur le déclin à long terme des homicides, suggérant que les changements dans la gouvernance urbaine et l'organisation spatiale pourraient avoir joué un rôle crucial dans la réduction de la violence meurtrière.
Le site Medieval Murder Map
Les cartes montrent les lieux d'homicides recensés au XIVe siècle. Le bleu indique les meurtres impliquant des hommes ; le rouge indique une victime ou un agresseur de sexe féminin. Les symboles indiquent les armes utilisées. Il est possible de sélectionner les données en fonction du genre de l'agresseur ou de la victime (homme ou femme), du jour et de l'heure de la semaine, du type d'arme utilisé, du lieu de l'événement.
Interface du site Medieval Murder Maps
L'auteur Manuel Eisner et son équipe
Manuel Eisner a étudié l'histoire à l'Université de Zurich et est titulaire d'un doctorat en sociologie. Il aa publié plusieurs ouvrages, comme auteur ou directeur de publication, ainsi que plus d'une 100e d'articles et chapitres de livres en anglais, allemand, espagnol et français. Ses travaux universitaires portent sur l'explication des causes, des conséquences et de la prévention de la violence interpersonnelle dans les sociétés humaines. ses recherches visent à répondre aux questions suivantes : comment décrire et expliquer les variations des niveaux de violence entre les sociétés et au cours de l'histoire humaine ? Quels mécanismes psychologiques et sociaux expliquent l'évolution et la stabilité des comportements violents au cours de la vie ? Quelle combinaison de prévention, d'intervention et de contrôle est la plus adaptée pour réduire la violence interpersonnelle dans différentes sociétés du monde ?
L'équipe de Murder Maps : Manuel Eisner, Sam Barnes, Dr Stéphanie Emma Brown, Birgitte Bruun, Simone Castello, Dr Nora Eisner, Charlie Inman, Jeremy Ries, Michael Rice, Ruth Schmid, Liam Kelly, Steve Hankey.
Pour aller plus loin
- « Just how bloody was medieval England ? A ‘murder map’ holds some surprises » (The Washington Post)
- « Who Killed the Innkeeper With a Sword in 1315 ? » (The New York Times)
- « Noblewoman may have ordered brazen murder of priest outside St Paul’s in 1337 » (The Guardian)
La carte médiévale d'Ebstorf en version interactive et en téléchargement
Mapping Narrations, un ouvrage sur la cartographie au Moyen Âge et à l’époque moderne
Cartes et données sur les conflits et violences dans le monde