L’Observatoire des inégalités publie la première carte de France qui affiche à la fois le taux de pauvreté mais aussi le nombre de ménages pauvres, représentés en trois dimensions. Cette carte permet d’explorer la France à une échelle très fine. Elle a été réalisée par le géographe Romain Thomas à partir des données carroyées à 200 mètres fournies par l'Insee.
La pauvreté en France en trois dimensions
La carte a été réalisée à partir de données qui portent sur des carreaux de 200 mètres de côté, elle présente deux indicateurs. Le premier (en couleur) est la proportion de ménages pauvres. Plus les carreaux sont foncés, plus le taux est élevé. Le second indicateur (en relief) est le nombre de ménages pauvres : plus la colonne est haute, plus les ménages pauvres sont nombreux. Cette représentation en relief constitue une nouveauté. La carte permet de survoler l’ensemble du territoire et d’observer où vivent les ménages pauvres en visualisant leur nombre.
Les carreaux ont le grand intérêt de permettre une visualisation à un niveau très fin, qui ne dépend pas des limites administratives des territoires. Certaines zones très marquées par la pauvreté peuvent devenir invisibles quand on observe uniquement la moyenne d’une commune, c’est le cas par exemple des quartiers nord-est de la ville de Paris. D’autres zones s’étendent de part et d’autre des limites communales.
L’immense majorité des travaux sur la pauvreté à l’échelle locale portent sur les taux. On mesure alors, dans une zone donnée, la concentration de personnes démunies. Ce faisant, on masque l’effet de la densité de population et donc le nombre de personnes pauvres. Ce qui conduit à une mauvaise compréhension : en fonction de sa population, la même surface d’une carte peut représenter quelques ménages pauvres comme des milliers.
Concrètement, quand on observe notre carte d’en haut, en supprimant le relief, des taches foncées ressortent fortement en milieu rural, mais ne représente qu’un très petit nombre de ménages contre des milliers en ville. Quand on incline la carte, le nombre de ménages apparaît en trois dimensions. On voit très nettement où vivent ces derniers : massivement dans les villes et leurs banlieues proches. Là où se trouvent les emplois et les logements sociaux.
On a beaucoup insisté sur la pauvreté en milieu rural ou en milieu périurbain en raisonnant à partir de taux de pauvreté en oubliant la densité et le nombre de personnes pauvres. Notre outil permet une nouvelle lecture, complémentaire. Même si on est peu nombreux, vivre dans un environnement qui concentre la pauvreté n’est pas la même chose que dans un territoire plus mixte.
Les limites de l’outil
Cette carte, expérimentale, a une vocation pédagogique. L'objectif est de la perfectionner en améliorant sa rapidité d’affichage et la possibilité de dézoomer plus largement sur des régions plus vastes. Pour l’instant, elle ne comprend pas les départements d’outre-mer. Les données utilisées sont celles de 2019 (les dernières disponibles) de l’Insee.
Toute la population n’est pas représentée : pour garantir le secret statistique (pour éviter que l’on puisse savoir dans les territoires peu peuplés si tel ou tel ménage est pauvre), chaque carreau de 200 m de côté comprend au moins 11 ménages. Dans le cas contraire, l’Insee donne au carreau une valeur moyenne qui dépend des carreaux voisins. Quand la population est vraiment trop faible, rien ne s’affiche. Par ailleurs, l’Insee ne prend pas en compte les sans-abri, ni les personnes qui vivent en collectivité (une maison de retraite par exemple).
Le seuil de pauvreté utilisé par l’Insee est celui fixé à 60 % du niveau de vie médian, le seul disponible à ce niveau. Ce n’est pas celui que l’Observatoire des inégalités utilise habituellement car il constitue une conception extensive de la pauvreté. Nous représentons des ménages, et non des personnes, car nous ne disposons pas de données individuelles. Un ménage = un logement individuel, pour l’Insee. Celui-ci peut comprendre une ou plusieurs personnes. La taille des ménages est en moyenne de deux individus. En représentant de la même manière les personnes seules et les familles, nous minimisons le poids de la pauvreté dans les logements sociaux car ils comprennent plus souvent des familles.
L'Observatoire des inégalités
L’Observatoire des inégalités est un organisme indépendant de toute institution, entreprise privée ou autre organisation. Fondé en 2003, il dresse un état des lieux le plus fidèle possible des inégalités en France, en Europe et dans le monde. "Nous défendons l’expression d’une pluralité d’opinions pour définir les inégalités qui doivent être considérées comme justes ou injustes. Au-delà des droits, le problème n’est pas celui de l’inégalité en soi mais de la justice sociale. Nous revendiquons que s’expriment des positions morales différentes, mais celles-ci doivent être fondées sur des éléments factuels. Les prises de position sont clairement signalées comme telles."
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Le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) a publié en octobre 2025, la première édition de son Atlas de la pauvreté et des inégalités sociales. Voici les constats clés issus de l'analyse territoriale :
- Une pauvreté fortement concentrée dans les départements urbains et ultra-marins, avec des taux particulièrement élevés à Mayotte, en Guyane et en Seine-Saint-Denis.
- Des écarts territoriaux marqués, opposant des zones très touchées (Nord, Bouches-du-Rhône, métropoles de Paris, Lille, Marseille) à des territoires plus préservés (Ouest atlantique, Alpes du Nord).
- Une dissociation croissante entre hashtag#pauvreté et hashtag#inégalités : certains territoires apparaissent pauvres mais relativement égalitaires, tandis que d’autres, plus riches, présentent de fortes inégalités internes.
- Une analyse croisée avec le chômage révèle des dynamiques locales parfois contre-intuitives, invitant à dépasser les lectures simplistes. Cette édition met en lumière 4 territoires - la Creuse, l’Hérault, la métropole lilloise et la métropole du Grand Paris - illustrant la diversité des réalités locales.
Lien ajouté le 21 novembre 2025
Errance et marginalités dans le Grand Paris. Approche socio-historique et urbaine (Rapport de l'APUR, novembre 2025).
La présence des populations en errance se retrouve dans la plupart des grandes métropoles. Si la Métropole du Grand Paris concentre une part importante de la richesse nationale, elle est aussi l’un des territoires où les publics sans domicile sont les plus nombreux et les plus visibles. Ils forment un groupe hétérogène, réunissant des personnes vivant à la rue, des familles logées à l’hôtel, des jeunes et des plus âgés en errance, des femmes victimes de violence, des travailleurs pauvres habitant chez des tiers… Cette étude se propose d’analyser qui sont ces « publics en errance » dans le Grand Paris, leur nombre, la géographie de leur présence et les politiques publiques déployées en réponse à leurs besoins. Elle s’inscrit dans le prolongement de différents travaux menés par l’Apur sur les questions en lien avec la précarité et la grande exclusion. L’étude adopte un regard d’ensemble, territorialisé, complémentaire des travaux existants pour interroger la façon dont les publics en errance et marginalisés ont été intégrés à la fabrique de la ville, le sont aujourd’hui et la façon de mieux les intégrer à l’avenir. Elle prend appui sur les données disponibles et sur une synthèse des études et recherches spécialisées.
Lien ajouté le 4 décembre 2025
Paul Gourdon, Matthieu Delage, Julie Fromentin & al. (2025). « Analyse multidimensionnelle de la précarité dans le système urbain français », Cybergeo : European Journal of Geography http://journals.openedition.org/cybergeo/42415
La précarité est une notion multidimensionnelle, associant instabilité économique, pauvreté monétaire et éloignement du salariat. Si ses manifestations sont déjà étudiées, notamment en sociologie, la géographie s’est davantage intéressée aux dynamiques urbaines de ségrégation et aux logiques de décroissance. Faisant état de ce manque, cet article propose une entrée dans la géographie de la précarité pour emploi au sein des villes françaises. Trois dimensions sont abordées à travers une série de huit indicateurs à l’échelle des aires urbaines : les marges de la société salariale, la pauvreté monétaire et les emplois éloignés du CDI. Les grandes villes présentent une forte proportion de bénéficiaires du RSA, tandis que la pauvreté chez les retraités et les emplois précaires sont plus répandus dans les petites villes et les zones rurales. Certaines petites villes et les DROM sont particulièrement affectés par la précarité dans toutes ses dimensions. Les effets de voisinage montrent l’existence de poches de précarité au Nord, dans les DROM et l’arc méditerranéen. Les données de cet article sont librement accessibles dans la commmunauté Cybergeo de Zenodo.
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