L'histoire par les cartes : une carte exceptionnelle d'Amsterdam en 1625 acquise par le musée Allard Pierson


Source
Allard Pierson acquires unique 17th century wall map of Amsterdam (Allardpierson.nl)

Le musée Allard Pierson, qui met à disposition les collections de l'Université d'Amsterdam auprès du grand public, a acquis un exemplaire unique de la première édition de la grande carte murale d'Amsterdam, réalisée en 1625 par Balthasar Florisz van Berkenrode, gravée et imprimée par Philips Molenvliet. Cette carte mondialement connue et au dessin remarquable a pu, grâce à cette acquisition, revenir dans sa ville d'origine. La carte monumentale mesure plus de deux mètres carrés. Il s'agit de la représentation la plus détaillée et la plus fiable d'Amsterdam au XVIIe siècle. La carte de van Berkenrode témoigne de la croissance spectaculaire de la ville commerciale par rapport à la carte de Cornelis Anthonisz de 1544. Les bâtiments, les canaux, les jardins, les ponts, les quais, les navires, les moulins à vent et les murs défensifs sont reproduits avec beaucoup de soin. La ville est présentée de manière nouvelle : c'est la première fois qu'Amsterdam est représentée avec un plan orthogonal aussi détaillé "vu du dessus", offrant en même temps une vue en perspective qui permet une véritable plongée dans la ville. Les bâtiments sont dessinés en trois dimensions, ce qui donne une image vivante et réaliste de la ville commerçante en pleine croissance au XVIIe siècle. 

Carte d'Amsterdam réalisée en 1625 par Balthasar Florisz. van Berkenrode (source : © Allardpierson.nl)

La carte est disponible en version couleurs en haute résolution. Elle peut être téléchargée également en version noir & blanc.

Pour accéder aux cartes de Balthasar Florisz van Berkenrode, voir les archives en ligne de la Bibliothèque municipale d'Amsterdam.

Cette copie de la carte d'Amsterdam de Van Berckenrode a été colorée à la main au moment de sa création. La carte murale est complète, elle se compose de neuf feuilles imprimées et comprend une gravure sur bois avec un titre en bandeau, dont le texte est le suivant : "Amstelredamum Emporium Hollandiæ Primarium Totiusque Europæ Celeberrimum" [traduction : Amsterdam, la place commerciale la plus importante de Hollande et la plus célèbre de toute l'Europe].

La carte existe en trois versions : la première date de 1625 ; la deuxième de 1648 a été complétée et mise à jour ; la troisième version de 1657 correspond à une nouvelle mise à jour. Il n'y a que cinq autres institutions dans le monde qui possèdent des copies de la première version. La carte achetée par le musée Allard Pierson est la seule copie connue qui a été colorée et qui porte le bandeau de titre mentionne. 

Balthasar Florensz van Berckenrode (1591-1644) est issu d'une famille d'arpenteurs-géomètres. Il exerça lui-même comme cartographe et graveur à Amsterdam entre 1619 et 1634. Dès le début des années 1620, il attire l'attention des bourgeois d'Amsterdam avec la publication de sa carte murale de la province de Hollande, qui deviendra mondialement connue par son inclusion dans trois tableaux de Vermeer. Il collabore à l'élaboration de l'atlas d'Hondius en 1629 dans lequel il produit quelques planches. Afin de payer sa carte murale de la Hollande de 1621, il cartographia divers fiefs des Pays-Bas. Sa carte d'Amsterdam publiée en 1625 figure parmi ses plus grandes réalisations. La carte est exceptionnellement détaillée, elle témoigne du savoir-faire de la famille de cartographes-géomètres à laquelle appartient van Berckenrode. La date de 1625 est symbolique car c'est également la date de fondation de la Nouvelle-Amsterdam (New York) par les Hollandais.

Un détail intrigue encore aujourd'hui les spécialistes : des cercles en pointillés sur la place du Dam (source : © Allardpierson.nl)

Un détail a particulièrement intrigué et continue d'interroger les spécialistes. Il s'agit de cercles dessinés sur la place du Dam. La question est de savoir à quoi pouvaient bien servir ces cercles : s'agit-il de traces d'opérations d'arpentage, de symboles évoquant un centre du monde ou une forme de rayonnement ou encore de limites internes à la ville-elle même ? En l'absence de preuves tangibles, plusieurs explications ont été avancées (Hamelers, 2013). D'Ailly (1932) rapporte qu'Oldewelt a suggéré qu'il s'agissait d'une allusion à la procession annuelle des miracles, au cours de laquelle les fidèles devaient déambuler autour d'un autel sur la place. Une théorie dont D'Ailly lui-même n'était pas vraiment sûr. Une autre explication serait la suivante. Le cercle intérieur pourrait symboliser la ville elle-même. Le deuxième cercle représenterait une ligne de cent mètres et le troisième cercle une limite d'interdiction en cas d'expulsion de certains habitants (un élément historique qui entre en résonance avec un événement bien postérieur qui est la déportation des Juifs d'Amsterdam en 1941). On voit apparaître sur le dessin des postes frontières disposés en cercles tout autour de la ville pour en assurer la surveillance. Selon Jacqueline Abrahamse, toutes ces explications sont peut-être tirées par les cheveux et les cercles qui n'apparaissent que sur la première édition de la carte ont pu simplement être ajoutés au moment de la gravure et de l'impression (Abrahamse, 2021).

Cette nouvelle acquisition constitue le clou de la grande exposition cartographique Open map – from atlas to street map, qui se déroule au musée Allard Pierson à l'occasion de l'anniversaire des 150 ans de la Société royale de géographie des Pays-Bas. L'exposition commence avec cette grande carte d'Amsterdam de 1625 pleine de détails, et s'étend à l'ensemble du monde. Une attention particulière est accordée aux cartes des anciennes Indes néerlandaises, du Surinam et des Antilles. La collection de cartes et d'atlas du musée Allard Pierson est l'une des plus importantes des Pays-Bas et du monde. Ce qui n'est guère étonnant si l'on considère qu'Amsterdam était l'un des plus importants centres de production cartographique en Europe et dans le monde au XVIIe siècle. Le dépôt contient environ 135 000 cartes individuelles, 4 500 atlas et un certain nombre de globes. Une partie importante de la collection est issue de la bibliothèque et de la collection de cartes de la Royal Dutch Geographical Society (KNAG) fondée en 1873. La collection reflète largement l'histoire de la cartographie occidentale, en particulier néerlandaise. Plusieurs centaines de cartes sont décrites comme uniques ou très rares. Les deux groupes principaux, les collections de la KNAG et les collections acquises plus tard par la bibliothèque universitaire, témoignent d'une grande interdépendance matérielle et physique ; elles ont grandi ensemble pendant 125 ans.

Références

Abrahamse, Jacqueline  (2021). Twee kaarten van Amsterdam. Een analyse door middel van Digitale Thematische Deconstructie. Dans cette étude disponible en téléchargement, l'auteure conduit une analyse très détaillée de la carte d'Amsterdam par Balthasar Florisz van Berkenrode (1625) en la comparant à la carte de Cornelis Anthonisz (1544). L'étude procède à une déconstruction thématique numérique à l'aide du logiciel QGIS, qui permet de décomposer les différents types d'objets (bâtiments d'habitation, monuments publics, arbres...) en fonction de leurs caractéristiques. Elle aborde la question des cercles énigmatiques de la place de Dam. L'étude s'inscrit dans une réflexion plus large sur le contexte et les significations multiples que l'on peut accorder à ces deux cartes.

Ailly, A.E. d' (1932), Balthasar Florisz.' plattegrond van Amsterdam. In: Jaarboek Amstehdamum 29, 1932, p. 103-130.

Hameleers, Marc (1993). Vier eeuwen Amsterdamse buurten in kaart Grootschalige kartografie bewaard in het Gemeentearchief Amsterdam, CAERT-THRESOOR n°1 [Cartographier quatre siècles de l'histoire d'Amsterdam]. A télécharger

Hameleers, Marc (2013). Kaarten van Amsterdam 1538-1865,Uitgeverij Thoth.

Articles connexes

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