Source : Bailey M., Johnston D., Kuchler T., Kumar A. & Stroebel J. (2025). "Cross-Gender Social Ties around the World," AEA Papers and Proceedings, vol 115, pages 132-138.
Résumé
Les économistes, sociologues et autres spécialistes des sciences sociales s’intéressent depuis longtemps aux déterminants et aux effets des liens sociaux entre les sexes (par exemple, McPherson, Smith-Lovin et Cook, 2001 ; Currarini, Jackson et Pin, 2009). Cependant, en raison d’un manque de données représentatives et à grande échelle, les travaux empiriques ont généralement étudié les liens sociaux dans un seul contexte ou une seule zone géographique, empêchant une analyse systématique des variations spatiales ou autres, entre les sexes. Ici, est présenté et analysé un nouvel ensemble de données mondiales sur les "liens d’amitié" (followers) entre les sexes au niveau infranational pour près de 200 pays et territoires. Les mesures sont basées sur plus de 1,38 milliard de liens sociaux observés entre plus de 1,8 milliard d’utilisateurs sur Facebook, un service mondial de réseautage social en ligne. Les données agrégées sont disponibles en téléchargement sur le site HDX. Le but est de faciliter de nouvelles recherches visant à comprendre la dynamique qui façonne la formation des liens sociaux entre les sexes, ainsi que les effets de ces liens.
Cartes du ratio d'amitié entre les sexes parmi les 200 "meilleurs amis" (source : Bailey, Johnston & al, 2025)
Méthode et accès aux données
Pour comprendre la variation entre les pays en matière d'amitiés entre les sexes, Bailey et ses collègues se sont concentrés sur les utilisateurs de Facebook âgés de 18 à 65 ans qui étaient actifs pendant 30 jours avant le 9 janvier 2025. Pour s'assurer qu'ils capturaient des liens sociaux significatifs plutôt que des connaissances occasionnelles, ils ont filtré les 25 % utilisateurs inférieurs dans la répartition du nombre d'amis de chaque pays. Au cœur de leur analyse se trouve le Cross-Gender Friending Ratio (CGFR), qui calcule d'abord le nombre de femmes parmi les n premiers amis de chaque utilisateur du même pays (FSⁿᵢ), puis calcule la part de femmes dans les réseaux masculins divisée par la part de femmes dans les réseaux féminins. Cela permet de contrôler efficacement les variations spatiales des réseaux typiques des hommes et des femmes, ainsi que les ratios de genre. De manière ingénieuse, ils ont calculé également les variations en force de ces amitiés, classant les amitiés de chaque personne du plus faible au plus fort. Les liens sociaux étroits (comme ceux entre membres de la famille) tendent à être les moins sexistes, tandis que les liens moyennement forts présentent une division marquée entre les sexes.
Les hommes ont presque toujours une proportion plus faible d’amies féminines que les femmes, mais avec des degrés variés selon les pays. Dans tous les pays, le CGFR est un indicateur très prédictif des différences entre les sexes en termes de participation au marché du travail. Au sein des pays, on observe également une forte corrélation avec les attitudes liées au genre dans l'enquête World Values Survey, notamment les croyances sur l'aptitude des femmes à faire de la politique. Au delà des biais d'interprétation inhérents à ce type d'information, l'intérêt est de pouvoir les confronter avec d'autres jeux de données.
Pour Alice Evans ("Les hommes et les femmes peuvent-ils être amis ? Preuves tirées de 1,3 milliard de connexions Facebook"), ces cartes témoignent de très fortes variations culturelles en fonction des pays et régions. Dans les pays où les hommes et les femmes ont beaucoup d'amis du sexe opposé, les femmes travaillent en général à des taux élevés. Là où les amitiés entre les sexes sont rares, l'emploi des femmes est faible et le patriarcat largement soutenu. Il convient cependant de noter que 49 % des variations interrégionales mondiales se situent à l'intérieur d'un même pays. Comparés aux Allemands de l'Est, les hommes ouest-allemands ont moins d'amies. De même, dans les régions à majorité musulmane du nord du golfe de Guinée et du Mozambique, les gens ont généralement moins d'amis du sexe opposé.
Accès aux données sur Humanitarian Data Exchange.
Accès à l'article en PDF sur le site de Drew Johnston.
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