Après un an de travail, le jeune designer slovaque Martin Vargic présente sa nouvelle carte de l'Internet en 2021. Cette carte est à découvrir en très haute résolution sur le site Halcyon Maps. Plus de 10 000 noms sur ce planisphère à l'ancienne qui cartographie les sites web comme des pays et des continents. Une diversité et un foisonnement à l'image du Net d'aujourd'hui (dominé malgré tout par quelques géants).
Aperçu du monde de l'Internet en 2021 par Martin Vargic (source : © Halcyon Maps)
Ce planisphère qui figure la diversité de l'Internet mondial est d'une richesse incroyable, on pourrait passer des heures à l'observer. Il représente les sites web en fonction de leur popularité sur la période 2020-21 à partir des données fournies par le site Alexa qui fournit des statistiques sur le trafic web mondial. L'auteur Martin Vargic n'en est pas à son premier coup d'essai puisqu'il avait déjà réalisé une carte du Web mondial en 2014 (inspirée elle-même de la carte des communautés en ligne de Randall Munroe). Mais cette mise à jour est d'un niveau de détails beaucoup plus élevé. Elle comprend des milliers de sites web représentés comme des « pays » formant des régions et des continents regroupés entre eux par thématiques (« nouveaux sites », « moteurs de recherche », « réseaux sociaux », « commerces en ligne », « divertissement pour adultes », « partage de fichiers », « sociétés de logiciels »...).
Martin Vargic, qui aime à croiser cartographie et graphisme d’information, s'est inspiré de vieux planisphères. Les couleurs reproduisent celles de chaque site en fonction de leur interface ou de leur logo. L'auteur y a ajouté des milliers de noms correspondant à des fondateurs et des personnalités du Web qui apparaissent comme des capitales, des villes ou des villages. Les montagnes, les collines, les mers et les vallées représentent différents aspects de la culture Internet et de l'informatique en général. Près d'une centaine de pionniers de l'Internet et de l'informatique figurent également sur la carte à travers les noms donnés aux rifts sous-marins.
Au centre de la carte, on retrouve bien sûr les grands fournisseurs d'accès (FAI), les moteurs de recherche et les réseaux sociaux, qui constituent l'épine dorsale de la Toile. Google détient le titre de site web le plus populaire d'Internet depuis 2010. Il arrive en première position. Son poids est écrasant, surtout si on y ajoute toutes les plateformes qui dépendent de l'entreprise (notamment YouTube qui arrive en 2e position). Mais la Chine n'est pas loin désormais. Le 3e site web en haut du classement est Tmall, une plateforme chinoise de commerce électronique détenue par le groupe Alibaba. Elle est suivie par trois autres sites chinois : Baidu (4e), QQ.com (5e) et Sohu (6e). Facebbok arrive en 7e position suivi par Taobao (8e) et Amazon (9e). De fait le classement des 10 premiers sites web témoigne des rivalités entre les Etats-Unis et la Chine. Loin de constituer un territoire virtuel et à part, Internet reflète la hiérarchie des puissances dans le monde. Que serait par ailleurs Internet sans son continent mystérieux le « Dark web » qui figure à l'extrême sud de la carte (vers l'Antarctique) ? On notera que Wikipedia est localisé dans le grand Nord (vers l'Arctique) : le symbole d'une emprise encore forte des pays du Nord dans la production et la circulation des savoirs ?
Le « Dark web » à l'extrémité sud de la carte comme un continent inaccessible (source : © Halcyon Maps)
Les six cartes thématiques qui figurent en cartons au bas du planisphère viennent donner du sens à l'ensemble. Les deux cartes représentant le pourcentage d'internautes par pays témoignent des fortes inégalités dans l'accès à Internet, malgré des progrès évidents entre 2006 et 2020. La carte concernant le coût de revient et celle portant sur les vitesses moyennes de connexion permettent d'aborder la fracture numérique au delà de la simple question de l'accès, tandis que les deux cartes sur les réseaux sociaux et sur la surveillance sur Internet renvoient à la question des libertés (de navigation ou d'opinion). Le cadre entourant la carte principale est également agrémenté de statistiques concernant les principales langues utilisés sur Internet, les sites web bloqués par la Chine ou encore les jeux vidéo les plus vendus.
Si vous avez un peu de temps, n'hésitez pas à aller observer les détails incroyables de cette carte et à chercher à interpréter les distances et les proximités (symboliques) entre ces sites comme le faisait déjà la carte des réseaux sociaux de Munroe (2010) qui mettait en évidence l'emprise et la concurrence territoriales de ces géants du Web. Dans les années à venir, la carte d'Internet risque de changer encore. Certains sites risquent de disparaître tandis que de nouveaux prendront leur place, de sorte que cette visualisation constituera une photo historique pour les générations futures qui regarderont à travers cette carte le visage de l'Internet d'autrefois.
Références
- Carte à télécharger en très haute résolution sur le site Halcyon Maps
- Interview de Martin Vargic sur le site Mymodernmet.com
- Classement des sites web réalisé par Alexa (50 premiers sites). Voir ce site pour disposer des 500 premiers sites.
- Autres réalisations cartographiques de Martin Varjic à découvrir sur le site Halcyon Maps. L'auteur aime les cartes couvertes de noms (voir notamment sa carte de la littérature qui contient plus de 7000 noms d'écrivains).
Lien ajouté le 30 décembre 2021
Plus modestement et artisanalement, un détail de l'Inlandnet, alimenté par ses centaines de Data Center, sans lesquels nous serions en pénurie de photos de chatons pic.twitter.com/XKpuhjEQph
— Julien Dupont Kobri (@Kartokobri) December 30, 2021
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La carte mondiale de l'Internet selon Telegeography