Sous le calque, la carte : vers une épistémologie critique de la carte (Denis Retaillé)


Denis Retaillé (2020). « Sous le calque, la carte. », EspacesTemps.net, Métrologies critiques de l'espace. http://www.espacestemps.net/articles/sous-le-calque-la-carte/

Cet article très nourri vient interroger la carte dans ses rapports avec l'échelle, la métrique, l'image, notamment à travers ces "petites cartes du web" qui conduisent souvent à une "dictature de l'oeil". 

A partir de ses propres travaux sur l'espace mobile et en référence à de nombreux auteurs venant de champs très divers, Denis Retaillé esquisse une véritable épistémologie critique de la carte. Les pistes de réflexion ouvertes par cet article font écho à de nombreuses questions que se posent aujourd'hui géographes et cartographes. Ce rapprochement, récent et parfois difficile, est d'ailleurs source de questionnements croisés entre les deux mondes. 

Nul doute que cet article fondamental de Denis Retaillé vienne susciter des questionnements et alimenter des débats. Nous extrayons quelques citations qui nous ont paru très stimulantes et de nature à ouvrir un espace de débats :
« Le débordement cartographique submerge aujourd’hui l’autorité scientifique et technique en proposant une information alternative qui échappe aux contours de la cartographie dite critique ou radicale, y compris les contre-cartographies. »
« L’inverse de l’aphorisme admis depuis Korzybski (une carte n’est pas le territoire) et de ses principes de sémantique générale. Oui, une carte devient le territoire lorsque, plus qu’une information compilée en image, elle est brandie comme une icône, c’est-à-dire une preuve de la présence. Ce que Baudrillard (1981) avait déjà affirmé. »
« Il y a bien une esthétique dans la carte géographique tout comme dans ses "détournements" artistiques, et la performativité y est pour quelque chose. »
« L’expérience de la "cartographie participative", au sens large, qu’elle dérive de la contre-cartographie et de la négociation ou de la contribution, ne me semble pas aussi libérée qu’on voudrait le penser. »
« Aucune contre-cartographie n’est allée au bout de la critique qui devait porter sur le premier principe qui est celui de la vision zénithale objectivante. »
« Comment les cartes fabriquent-elles du lien social désormais ? Ne serait-ce pas qu’elles sont encore des calques en partie ? »
« La carte se dessine en même temps que le récit se dit, éventuellement s’écrit ; le calque épluche et trie, niant que le chemin (le récit) soit en lui-même un lieu (Zumthor 1993, p. 173), pour remplacer la diachronie de la distance par la synchronie de l’espace surplombé. »
« Comment faire coïncider une épistémologie et une esthétique en s’appuyant sur une éthique scientifique, non surplombante par définition ? En réhabilitant le sujet écrivant ou dessinant une carte pour y trouver un bénéfice épistémologique ? »

Dans le prolongement de l'approche critique de Denis Retaillé, il peut être intéressant de lire deux autres articles :
  • Françoise Bahoken, Laurent Jégou, David Lagarde et Nicolas Lambert (2020). « La séduction des cartes du geoweb. Le cas des flux de migrants internationaux », Cybergeo : European Journal of Geography
    http://journals.openedition.org/cybergeo/33792
    Extrait : « Les cartes ont un double pouvoir, celui de l’apparente synthèse d’une complexité visuelle et la force de paraître neutres : elles imposent un point de vue sans que le destinataire de l’image produite soit pleinement conscient du biais qu’on lui présente" (Amilhat Szary, 2018) ».

Lien ajouté le 16 mars 2021



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