La carte, objet éminemment politique : les manifestations à Hong Kong


Hong Kong connaît depuis le 9 juin 2019 de gigantesques manifestations qui font la "une" des médias (voir la chronologie des événements). Les manifestants s'opposent à un projet de loi visant à autoriser les extraditions vers la Chine continentale. Ce qui tenait au départ de l'opposition à un projet s'est transformé en un grand mouvement de révolte qui refuse la domination exercée par Pékin. 

Hong Kong est rattaché à la Chine depuis 1997 avec un statut de région semi-autonome (voir cette vidéo résumant les principales étapes historiques). Le gouvernement chinois a promis en principe d'assurer pendant 50 ans (jusqu'en  2047) un "haut degré d'autonomie" avec des garanties de liberté d'expression et de sécurité. Mais depuis plusieurs années, le mécontentement monte face à la restriction des libertés publiques. L'ampleur de la contestation s'est accentuée avec la révolution des parapluies en 2014. 




La reprise des manifestations en juin 2019 coïncide avec la libération d'un des leaders étudiants, Joshua Wong (voir son interview) qui avait lancé une campagne de désobéissance civile et avait été mis en détention. À peine remis en liberté, il demande la démission de la cheffe de l'exécutif Carrie Lam et dénonce les violences policières lors de la manifestation du 12 juin 2019. Le responsable du Bureau chinois à Hong Kong et Macao réplique en parlant de "menaces graves" et de "terrorisme". Des responsables chinois et des médias d'Etat accusent les manifestants d'obéir à une ingérence étrangère, pointant les États-Unis comme soutien au mouvement. On craint de plus en plus un recours à l'armée chinoise pour rétablir l'ordre (cf vidéos montrant des troupes stationnées à Shenzhen tout prêt de Hong Kong). D'aucuns redoutent une répression semblable à celle qui s'était abattue sur les étudiants de la place Tiananmen en 1989.

Pour bien comprendre ce qui se joue autour de cette loi d'extradition, il peut être utile de se reporter à la carte ci-dessous qui montre les différences qui peuvent exister selon les pays. Parmi les pays qui ont signé des accords d'extradition, la plupart les ont passés soit avec Hong Kong, soit avec la Chine. Seuls 9 pays au monde ont des accords avec les deux. De plus la loi s’appliquerait aux citoyens de Hong Kong, aux résidents étrangers et même aux voyageurs d’affaires et aux touristes. Si, pour l'instant, le Conseil législatif peut bloquer une extradition, c'est d'après le projet de loi le directeur général de la ville (proche de la Chine) à qui pourrait revenir la décision. Ce qui explique l'occupation du Parlement par les manifestants le 1er juillet 2019.




Qu'il s'agisse des images et des cartes produites par les manifestants pour lancer des appels à l'ordre et sensibiliser à leur cause, ou bien des cartes d'analyse élaborées par des médias ou des observateurs, les manifestations à Hong Kong donnent lieu à une importante production cartographique. Nous donnons ci-dessous quelques liens vers ces ressources. 

Le site hongkong.liveuamap.com permet de suivre en direct les événements à partir d'une carte qui géolocalise les informations. Liveuamap (Live Universal Awareness Map) s'est spécialisé depuis 2014 dans le suivi en direct des conflits, troubles et manifestations à partir de cartes servant d'agrégateurs de contenus (on peut suivre aussi les conflits en Syrie, au Cachemire, en  Ukraine...). Les liens renvoient à des articles, des fils de discussion et des images sur Twitter (voir la présentation du site sur Veille Carto 2.0). En utilisant l'outil "Time", on peut revenir sur la chronologie des événements.

Suivre les événements à Hong Kong (ou d'autres conflits) en utilisant liveuamap.com



Le site HKmap.live livre également des informations en direct à partir d'une carte régulièrement mise à jour et accessible à partir des téléphones portables pour les manifestants. Lancée officiellement au début du mois d'août 2019 et gérée par des bénévoles, HKmap est une carte dynamique de Hong Kong sur laquelle les utilisateurs peuvent effectuer des zooms avant et arrière, un peu comme dans Google Maps. En plus des noms détaillés des rues et des bâtiments, celle-ci contient divers émoticons (ou smileys) pour communiquer des informations en un coup d’œil : un chien pour la police, un travailleur revêtant un casque jaune pour les manifestants, un dinosaure pour l’escouade tactique spéciale en habit noir de la police, un bulle pour les gaz lacrymogènes, deux points d'exclamation pour un danger.

 Suivre les événements à Hong Kong en utilisant HKmap.live



Vue aérienne d'une des premières grandes manifestations le 17 juin 2019 ( source : Reddit)
A voir en vidéo sur Youtube



De nombreux journaux ont produit des infographies reproduisant la succession des événements. Le New York Times a dressé une carte interactive des lieux d'affrontements entre la police et la foule à Hong Kong en juillet 2019. Voici également une infographie du journal Le Monde  :

Depuis le début du mouvement en juin 2019, les manifestants utilisent massivement les réseaux sociaux, comme les Gilets Jaunes ont pu le faire en France. A la différence que les manifestations sont le plus souvent non-violentes, en dépit d'une certaine escalade des affrontements au cours des mois de juillet et août 2019.


De leur côté, les autorités chinoises ont utilisé près d’un millier de comptes Twitter et des pages Facebook pour discréditer et diviser les manifestants pro-démocratie à Hongkong (lire cet article).


Pour échapper au contrôle de la police, les manifestants n'hésitent pas à détourner des outils en ligne en utilisant par exemple les services d'Uber ou de Pokemon Go, de manière à diffuser de manière discrète de l'information sur les lieux de rassemblement choisis (lire cet article).



Autre forme de détournement intéressant : les manifestants utilisent des cartes de métro pour mettre en évidence les lieux de répression ou d'exaction de la police anti-émeute qui n'hésite pas à lancer des gaz lacrymogènes ou à molester les manifestants en chemises noires. Le détournement de ces transit maps fait allusion à la décision du MTR, la société gérant le métro hongkongais, de fermer des lignes suite à ces affrontements (voir les plans de métro du MTR). Fermer des stations de métro est devenu une pratique commune permettant d'instaurer de facto une forme de couvre-feu, le système de métro ultra efficace de Hong Kong étant le moyen de transport le plus utilisé par les manifestants.

 Carte des tirs de gaz lacrymogènes par la police anti-émeute de Hong Kong



Images chocs de la répression policière avec le titre "Arrêtez de tuer des citoyens - Résistez à l'état terroriste"
(source : Reddit/Kong Kong)



Utilisées dès le départ pour se donner rendez-vous et constituer des chaînes humaines (voir cette carte montrant la convergence des cortèges), les stations de métro constituent des hauts-lieux de manifestation. Il n'est pas rare que les manifestants envoient des QR codes permettant de se retrouver directement à telle ou telle station. Des affiches et des messages sont diffusés régulièrement auprès du public de manière à assurer un suivi attentif des stations ouvertes ou fermées par le MTR. 



En occupant l'aéroport de Hong Kong, qui constitue le principal hub de connexion avec l'extérieur, les manifestants savent qu'ils ont une carte à jouer en internationalisant et en médiatisant leur action.





Le drapeau adopté par Hong Kong au moment du rattachement  à la Chine en 1997 est censé refléter les droits et libertés reconnus par le principe "un pays, deux systèmes". Son arrangement circulaire de pétales de fleurs blanches sur fond rouge vif représente un symbole d'unité.


Les manifestants ont détourné ce drapeau officiel pour en faire un symbole de rébellion. Le Black Bauhinia constitue une variante du drapeau de Hong Kong, dans laquelle la fleur apparaît sur fond noir et, dans certaines versions, avec des pétales fanés et tachés de sang.


Les pays qui sont favorables au respect du principe "un pays, deux systèmes" sont appelés à soutenir le mouvement de protestation. La carte sur fond noir de manifestants ci-dessous témoigne de la recherche d'un soutien auprès de la communauté internationale (consulter les hashtags #FreedomHK, #StandWithHK ou #antiELAB sur Twitter).



Selon Reporters sans frontières qui établit chaque année un indice de la liberté de la presse, Hong Kong a perdu 25 places depuis 2009. La ville se situe maintenant au-dessous de la Mongolie, de la Côte d'Ivoire et de la Tunisie. Le groupe de surveillance des médias basé à Paris a déclaré que l'influence de Pékin sur l'indépendance des médias dans la ville avait une influence déterminante dans cette décision de rétrograder Hong Kong dans le classement des villes respectant la liberté de la presse.

Hong Kong est loin d'être la seule région du monde où les manifestations se développent. Qu'il s'agisse de mouvements d'opposition politique, de revendications sociales ou de manifestations concernant le dérèglement climatique, l’ACLED (Armed Conflict Location & Event Data) qui collecte et analyse les conflits dans le monde, note un développement des mobilisations dans de nombreuses régions. Le GDLET project a réalisé une carte animée qui permet de résumer plus de 30 ans de protestations dans le monde (1979-2015).



Liens ajoutés le 1er septembre 2019

Le 31 août 2019, la Chine a mené une cyber-attaque à Hong Kong pour tenter de désactiver les communications des manifestants.





Liens ajoutés le 15 septembre 2019

Carrie Lam a annoncé le 4 septembre 2019 le retrait du texte sur les extraditions vers la Chine, qui était à l'origine de la contestation  (Source : Le Monde). Les manifestants continuent malgré tout à protester et à porter leurs revendications. Outre le retrait du texte, ils réclament :
  • la mise en place d’une commission d’enquête indépendante sur les violences policières
  • l’amnistie de tous les manifestants susceptibles d’être poursuivis en justice
  • le retrait de la qualification d’« émeutiers »
  • la désignation des dirigeants de la région au suffrage universel.
"La bataille à Hong Kong n’est pas dans la rue, mais dans les applications."
Les activistes utilisent Airdrop (une appli de partage instantané de photos, vidéos et documents entre les téléphones Apple situés à proximité), des flux de données et des cartes innovantes pour organiser leurs manifestations. Mais les autorités disposent également de leurs propres technologies. (Source : Technology Review)

Le magazine pour la jeunesse News4Youth propose des activités pédagogiques sur les manifestations à Hong Kong à partir d'images, de cartes et de textes (en anglais). En version PDF (avec fond de carte vierge) ou en version DOC (modifiable).

Outre l'application de cartographie en temps réel HKmap.live, les manifestants utilisent 103.hk. Bien que moins dynamique et interactive que HKMap, 103.hk est tenue par des bénévoles qui recoupent l'information. Lors des manifestations, une nouvelle carte est publiée sur le site et distribuée aux différentes chaînes de Telegram plusieurs fois par heure. La couleur de la carte permet de distinguer les manifestants, les voyous et les policiers, avec des nuances plus sombres reflétant la densité de la foule. 103.hk utilise également des flèches pour indiquer la vitesse de la foule et des icônes pour des éléments tels que les barricades de manifestants et les postes de secours. La carte est facile à comprendre avec son système d'icones codifiées. Les manifestants n'ont qu'à télécharger la carte puis à utiliser AirDrop pour se faufiler dans la foule.  (Source : Quartz)


Parmi les revendications avancées par les manifestants, l'une d'elle concerne les problèmes de prix des logements à Hong Kong beaucoup trop élevés notamment pour des étudiants. Ceux-ci dénoncent la concentration de la propriété immobilière entre les mains de quelques grands propriétaires fonciers soutenus par Pékin. Pour rappel, Hong Kong est construite  sur 26% des terres disponibles, Singapour sur 72%. Ce qui donne une densité de 26 100 habitants au km2 contre 10 900 habitants au km2 pour Singapour (Source : Bloomberg)


La querelle sur les droits fonciers à Hong Kong. Pourquoi le Parti communiste est aux côtés des propriétaires fonciers (Source : The Economist)


Sur la frontière dissymétrique et la disparité rural-urbain entre Hong Kong (à gauche sur la photo) et Shenzhen (à droite). Source : Cityporn




Sur l'effet de pile-up (agglomération de la population à la frontière), voici une comparaison intéressante entre Hong Kong et Singapour :
http://sashat.me/2016/12/14/mexicos-urban-pileups/



Lien ajouté le 10 octobre 2019


Liens ajoutés le 21 octobre 2019

Cette carte partagée sur le site MapPorn met en évidence les conflits territoriaux auxquels la Chine est confrontée à sa périphérie. Une des raisons pour lesquelles elle ne peut se montrer faible vis-à-vis d'Hong Kong ?




Hong Kong, ce que Pékin ne comprend pas (Le Courrier international, 18 octobre 2019).
Les mois passent et la protestation à Hong Kong ne faiblit pas. Dans une conférence donnée à Hong Kong le 25 septembre dernier, le chercheur en politique publique Ray Yep Kin-Man est remonté aux origines coloniales de la ville pour analyser l’impasse dans laquelle se trouve Pékin.


Liens ajoutés le 17 novembre 2019


Liens ajoutés le 25 novembre 2019



Liens ajoutés le 11 septembre 2020




Lien ajouté le 11 octobre 2020

Lien ajouté le 1er octobre 2022

Lien ajouté le 23 avril 2023
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